Chapitre 4 : Raphaël
- Chaton ! On va être en retard si tu ne te dépêches pas !
- En même temps, si tu ne passais pas une heure dans la salle de bain, je pourrais me raser avant, tu sais !
- Mais tu aimes quand je me fais belle pour toi !
Je me dépêche de changer la lame de mon rasoir et de le passer sur mes joues, afin de tailler un bouc impeccable. Il est hors de question que j'aille dans la famille de Kristen en ne ressemblant à rien. Comme un dimanche toutes les trois semaines, le repas avec ses parents, son frère, sa sœur et toutes les autres pièces rapportées, comme moi, se fera bien habillé. Son paternel aura certainement sur lui un de ses costumes trois pièces à quatre chiffres, le frère et le beau-frère leurs costumes à trois chiffres et moi... moi je me contenterai de ce que j'ai.
- Chaton ! Tu sais bien que mes parents n'aiment pas attendre !
Un coup de peigne rapide sur mes cheveux noirs, un spray de parfum et c'est bon, je sors de la salle de bain, enfile mes chaussures de ville, mets ma veste sur mon dos et suis Kristen hors de notre appartement. Alors qu'elle me devance dans les escaliers, je pose mon regard sur ses longs cheveux ondulés, attachés en une queue de cheval haute, d'un châtain proche du blond, qui bougent au rythme de ses pas, en pensant que j'ai tout de même énormément de chance d'être avec une femme comme elle. Elle a tout pour plaire à un homme ou une femme. Une taille de guêpe toujours mise en avant par des vêtements classes et non vulgaires, une poitrine de taille correcte, des yeux gris dans lesquels je pourrais me plonger durant des heures, une classe naturelle qui va très bien à son métier d'assistante de direction, une culture générale inculquée par sa famille et ses études. Un beau parti que bien des personnes m'envient à chaque fois que j'entre dans son milieu social. C'est certain, qu'un simple fils de fonctionnaires se retrouve en couple depuis près de huit ans avec la plus jeune fille d'une grande famille de rentiers, cela fait grincer des dents. Et pas qu'aux proches de la famille, d'ailleurs. Sa mère a mis quelques années à m'accepter et, si son père me tolère désormais, le regard qu'il me jette à chaque fois tient plus du « Encore là ? » que du « Bienvenue, jeune homme ! ». Alors, par amour pour Kristen, j'ai su me faire discret et adopter les codes sociaux de sa famille. Fini depuis bien longtemps l'adolescent geek avec ses lunettes et ses T-shirts de Linkin Park, qui regardait des blockbusters en VF avec ses copains. Aujourd'hui, je mets des lentilles de contact, des chemises blanches et je me réjouis devant des films d'auteurs en VOST qu'à l'époque j'aurais trouvé trop mous.
Nous arrivons à midi pile devant la porte de l'appartement des Martin, et Louise, l'épouse vient nous ouvrir la porte.
- Ma chérie, Raphaël ! Vous êtes à l'heure, c'est agréable ! La route n'a pas été trop longue depuis votre... banlieue ?
- En même temps, quelle idée de travailler dans la gestion de l'information, grogne Edouard. Tout un chacun sait que ce n'est pas le style de travail qui permet de bien gagner sa vie et de louer un appartement à l'intérieur de Paris !
- Edouard, je t'en prie, ne commence pas, souffle Louise.
Sur cette désagréable sortie, monsieur Martin se renfrogne et continue sa discussion avec son deuxième beau-fils, énarque comme lui. Les trois petits-enfants de la famille sont tous penchés sur leurs écrans, les trois membres féminins se regroupent dans la cuisine et je me retrouve donc seul, dans le salon, ne sachant quoi faire pour faire passer le temps. Alors, soucieux de ne pas provoquer le courroux de mon beau-père, je me pose dans un fauteuil et écoute leur conversation d'une oreille. Comme une vingtaine de dimanches dans l'année.
- Tu n'as pas pu t'en empêcher, c'est ça ?
Et voilà, à peine la porte de notre appartement est-elle fermée que Kristen laisse éclater la colère qu'elle retient en elle depuis que nous sommes partis de chez ses parents.
- Enfin... Tu as entendu les propos que tenaient Paul ! C'est inadmissible !
- Et donc, forcément, il fallait que tu t'en prennes à mon père !
- Ton père le soutenait ! Sérieusement, tu y crois, toi ! Remettre en cause le mariage homosexuel ! Merde, alors !
- Ce n'est pas parce que tu n'es plus dehors que tu peux te permettre des grossièretés ! Alors, certes, ils sont un peu vieux jeu, mais...
- Ce n'est pas vieux jeu, ça ! C'est facho ! Et que fais-tu de nos amis homos ? Toi aussi, tu étais pour qu'ils puissent se marier ! Tu ne les considérais pas comme... je ne peux même pas dire ça !
- Ce n'était pas une raison pour t'en prendre ainsi à mon père ! Quand tu es chez eux, tu dois accepter qu'ils aient les rênes !
- Quitte à renier ce que nous pensons ? Tu te rends compte de ce que tu me demandes ?
- Si tu m'aimais vraiment, tu le ferais naturellement.
Le ton de sa voix s'est radouci au moment de me faire ce reproche et je pose mes yeux sur elle, si fragile et si délicate. A cet instant précis, une fois de plus, je m'en veux de ne pas avoir su fermer ma bouche ou réfléchi davantage avant de contrer son paternel. Je sais combien Kristen est attachée à sa famille et, même si je ne partage pas leurs points de vue et leur façon de penser, ce n'est pas eux que j'aime mais elle. Elle et ses sourires si magnifiques, elle et sa voix douce, elle et ses yeux pétillants. Elle qui a su voler mon cœur adolescent alors que je n'avais que dix-sept ans et que j'étais parvenu à entrer dans ce lycée huppé uniquement à la sueur de mes parents, qui avaient dû économiser et injecter l'argent qu'ils mettaient dans les études supérieures de ma sœur, qui venait d'obtenir son Master, pour moi. Trois années sans vacances pour eux juste pour me permettre d'avoir un bel avenir. A présent, à vingt-cinq ans, je venais de changer de boite de consulting pour commencer un travail chez un nouveau client, et empocher au passage une augmentation. Ma plus belle façon de leur montrer qu'ils ne se sont pas privés pour rien est de mener une belle vie. J'ai déjà un nouveau travail bien rémunéré, un appartement que, personnellement, je trouve plutôt agréable, et la compagne parfaite avec Kristen. Sauf que je doute, bien souvent, d'être à la hauteur de sa perfection.
- Pardonne-moi, ma chérie, je ne voulais pas te causer de la peine. Je n'aime pas lorsque tu es triste... murmuré-je en la prenant dans mes bras.
- Je sais que je t'en demande beaucoup mais, fais encore un effort...
- C'est promis, ma chérie. Avec ce travail qui paiera mieux, nous pourrons envisager de nous installer dans Paris intra-muros...
- Et d'avoir un mariage de rêve, dans un château, avec de nombreux invités. Des enfants, peut-être même une résidence secondaire...
Tout ce qu'elle voudra. Tout, du moment qu'elle est heureuse. Et ce travail que je commence mardi sera la clef de ce bonheur, je le sens.
Nouveau point de vue !!!
Alors, que pensez-vous de Raphaël ? Et de Kristen ?
Le chapitre suivant est déjà écrit (j'avais de l'inspiration hier soir ^^) ! Alors, à très vite :)
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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