Chapitre 23 : Raphaël

Lorsque je m'éveille enfin, ma tête me semble lourde et mon odeur fort désagréable. Je suis accroché comme un fauve à ma peluche Simba et je peine à me souvenir comment elle est arrivée dans mes bras, alors que Kristen ne la supporte pas. En me retournant vers l'armoire, je constate une pile de draps éparpillée et comprends vite que j'ai dû retourner la moitié du contenu pour retrouver Simba. Ma conjointe ne le supportant pas, je le range habituellement au fond, derrière le linge de maison. Un lot de repassage m'attend donc.

Les cauchemars me reviennent brusquement, lorsque je sens l'odeur de la bile remonter dans mon œsophage. Nathan. Je ne parviens toujours pas à comprendre pourquoi je n'ai pas réussi à surmonter cette épreuve. Peut-être devrais-je en parler ? Mais les différents psychologues et psychiatres que j'ai vus ne m'ont pas aidé. Je n'ai jamais accepté de me livrer à eux. Je ne peux pas. Reparler de tout ce qu'il s'est passé est beaucoup trop douloureux.

J'hésite un instant à appeler Vic, puis me résigne à ne pas le faire. Je ne souhaite pas devenir un boulet pour lui. Alors, je me lève et me dirige vers la douche. Je sais exactement qui pourra m'écouter.


- Fiston ! Mais... comment es-tu arrivé ?

Je détaille pendant quelques instants mon père. Son nez droit, ses yeux marron, ses cheveux épais et gris, son visage creusé par les âges et les rides qui mangent son front. A presque soixante-cinq ans, le temps l'a certes marqué, mais ses yeux révèlent une jeunesse que moi-même je ne possède plus.

- J'ai pris le train et puis, tu sais, j'ai des jambes, il faut bien qu'elles me soient utiles...

Après m'avoir dévisagé durant quelques secondes, il m'ouvre ses bras et je m'y place avec soulagement.

- Allez rentre, mon grand ! Ta mère a préparé un gâteau, une nouvelle recette, tu m'en diras des nouvelles !

- Raphaël ! Mon poupon !

La voix de ma mère s'accompagne aussitôt de son étreinte et je ressens une sérénité que je n'ai qu'en leur présence ou celle de Vic. Seuls eux savent qui je suis et ce que représente Nathan à mes yeux.

- Tu aurais dû nous prévenir que tu venais ! J'aurais préparé un bon repas !

- Ecoute un peu ta mère... On dirait qu'on ne mange que quand toi ou ta sœur êtes là...

- Eh bien, tu nous feras un bon plat, alors !

Leurs piques et leurs éclats de rire me mettent du baume au cœur. Les voir ainsi, après une quarantaine d'années de vie commune, fait plaisir à voir. Si seulement mon propre couple pouvait leur ressembler...

- Kristen n'a pas souhaité venir ?

Je reconnais bien ce reproche déguisé de la part de celle qui m'a donné la vie. Il faut dire que ma conjointe fait son possible pour éviter mes parents et que je ne la pousse pas non plus à s'y rendre à mes côtés. Ils ont tous les trois des visions très différentes de la vie et proviennent de milieux sociaux bien distincts. Là où mon beau-père possède sa propre entreprise, ma belle-mère des rentes, mes parents étaient fonctionnaires et sont, depuis peu, retraités. Toute discussion tourne au règlement de compte : politique, social, immigration ou valeur du travail. La dernière fois, même une simple couleur de papier peint a été propice aux heurts.

- Elle est dans sa famille, je suppose...

- Que t'a-t-elle reproché, cette fois ? demande mon père.

Tellement de choses que je ne sais pas par quoi commencer pour éviter qu'ils ne la fusillent verbalement.

- Nous nous sommes brouillés à propos de Vic et de mon nouveau boulot...

- Quand comprendra-t-elle enfin que tu n'es pas son jouet ou son esclave ?

- Maman... s'il-te-plaît...

- Non ! Je suis ta mère et je n'accepte pas qu'elle joue avec toi ! Tu as déjà fait trop d'efforts pour elle ! Et elle, qu'a-t-elle fait pour toi ?

- Elle était là... A l'époque de Nathan...

- Et parce qu'elle t'a remonté le moral il y a huit ans, tu devrais lui servir de toutou toute ta vie ? Non, je ne suis pas d'accord !

- Mimine... Je vais parler à Raphaël seul à seul...

- Si tu veux, Cochonnet ! Mais ramène-le-moi tel qu'il est réellement !

Les surnoms que se donnent mes géniteurs me font sourire intérieurement. Ils se sont rencontrés grâce à cette passion commune de la bande dessinée, et je suis toujours épaté d'entendre ces petits noms tout droit sortis d'Astérix.

Avec mon père, nous nous posons dans le salon, cette pièce relativement petite, dominée par deux vieux canapés en cuir et une télévision. Des bibelots, souvenirs de voyage, trônent un peu partout sur les étagères, contrastant avec les murs couleur beige. Même si cela fait à présent six années que je suis parti, je me sens toujours chez moi ici, peut-être en partie parce qu'ils ont conservé ma chambre intacte et que je sais que je suis le bienvenu lorsque je le souhaite.

- Ta mère n'a pas entièrement tort, fiston ! Alors, que s'est-il passé ?

- J'ai une binôme à mon travail. Une nana originale, décalée et surtout... c'est une nana quoi ! Alors Kristen s'est mis en tête que j'allais la tromper avec elle... Pour ne rien arranger, j'ai mangé avec Vic dans la semaine et il a envoyé un SMS à Kristen pour lui dire qu'il partait en guerre contre elle... Elle a... disjoncté...

- Et elle t'a fait un ultimatum, c'est ça ?

Décidemment, mes parents connaissent aussi bien Kristen que moi. Il faut dire que ce n'est pas la première fois que cela arrive et que, depuis que j'ai commencé à travailler, les choses se sont corsées. Tant que nous étions dans les études, je mangeais chaque midi avec elle et elle connaissait tous ceux de ma promo. Depuis deux ans, ce n'est plus le cas, et l'ambiance a drastiquement évolué au fur et à mesure que sa jalousie empirait...

- C'est ça...

- Je suppose qu'elle ne se fait toujours pas soigner ?

Mon paternel sait qu'il touche un point sensible. Il y a quatre mois, une altercation a eu lieu entre Kristen et ma mère, qui lui reprochait de ne pas me laisser respirer. Lorsque le sujet de la psychothérapie a été mis sur le tapis, celle avec laquelle je partage ma vie a claqué la porte pour ne jamais revenir.

- Non...

- Ecoute, fiston. Je sais que tu te sens responsable pour Nathan. Lorsque tu débarques ici à l'improviste, c'est parce qu'il revient te hanter. Mais on ne peut pas aider quelqu'un qui ne veut pas l'être. Tu n'as pas à rester avec Kristen parce qu'elle est malade. Tu ne peux rien pour elle vu qu'elle refuse toute aide. Et elle, elle finira par t'entrainer dans sa chute.

Les paroles qu'il prononce résonnent dans ma tête. Une chute. Comment pourrais-je chuter à nouveau ? Je ne me suis jamais relevé... 




Hello !!!!

J'ai encore un petit chapitre d'avance ! Et j'espère pouvoir avancer un peu avec les ponts (et un peu de chance ^^) ! 

Alors, que pensez-vous des discussions entre Raphaël et ses parents ? Les avis du père et de la mère de Raph concernant Kristen ? Des idées concernant Nathan ? 

A très vite pour un point de vue... différent ^^

Sanguinement-vôtre, 

Gothycka

PS : Je profite pour informer les lecteurs du tome 3 du Messager de la Vie et de la Mort que celui-ci sera updaté tous les jours (sauf une semaine en juin) comme prévu ! :)

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