Chapitre 2 : Gwendolyne
Le réveil sonne sur une musique de zumba endiablée, provoquant comme chaque jour un bond de Hippo et un miaulement de mécontentement de la part de Gazouille. Entre ces deux sonorités distinctes, j'ai comme l'impression d'avoir la tête dans un étau et me laisse tomber du lit pour ramper jusqu'à la table basse où se situe mon téléphone et éteindre ce bruit.
- Un jour, il faudrait que je pense à faire une sonnerie un peu moins trash pour le week-end, soupiré-je. Allez, tout le monde va faire un tour !
Encore vêtue de mon short de pyjama et mon débardeur, j'entrouvre la porte-fenêtre pour permettre aux minets, s'ils le souhaitent bien entendu, de sortir se dégourdir les pattes dans la minuscule cour qui se trouve devant chez nous. L'avantage de se situer au rez-de-chaussée d'une résidence sécurisée en proche banlieue parisienne, nous avons tous les trois un tout petit extérieur de quatre mètres carrés cinquante exactement, entouré d'une palissade de deux mètres qui nous permet de conserver notre intimité. Un atout phénoménal lorsque, comme moi, on a deux chats hyperactifs et que l'on aime fumer sa cigarette du matin dehors, assise avec un thé. Le balcon du premier étage cache certes le soleil, mais il nous protège également de la pluie, donc je reste ravie de l'achat de ce studio.
Après avoir préparé un bon thé russe et enfilé mon peignoir molletonné sans aucune forme depuis que je m'en sers pour jouer avec mes chats sans craindre leurs griffes sur mes habits, je sors me poser sur ma chaise, Hippo se frottant sur mes jambes nues en ronronnant. Un oiseau qui passe non loin fait caqueter mon jeune minet, ce qui me fait sourire. Le mois d'avril est là, et avec lui la promesse du printemps, du retour des beaux jours, des longues promenades, du soleil et de la chaleur. Quand on y réfléchit bien, il ne faut pas grand-chose pour être réellement heureux.
Remontant les escaliers qui mènent à la Canopée des Halles, mon casque sur les oreilles, je lève les yeux à temps pour apercevoir la silhouette colorée de Clélia. Ses gestes démesurés pour me faire comprendre qu'elle m'a vue, et auxquels je réponds amplement, attirent le regard curieux des passants. Il faut dire qu'une demoiselle aux longs cheveux ondulés châtain, qui se dandine dans une veste rouge superposée à une robe jaune abeille et des talons aiguilles, cela ne passe pas inaperçu. Clélia, quoi. Et c'est tant mieux. Pourquoi donc faudrait-il que nous devenions tous des clones sous prétexte qu'une couleur est à la mode cette année, qu'une coupe est devenue soudainement non mettable selon certains, ou que notre morphologie indiquerait tel dégradé dans les cheveux ?
- Gwen ! Je suis trop contente de te voir ! Je suis sure que tu vas pouvoir m'aider ! Tu vas voir, ça va être génial !
- J'espère bien que ça va être top ! J'ai dormi cinq heures juste pour t'accompagner. Mais là, je meurs de faim, donc on va chez Frog manger un bon burger et après, on entame la journée shopping.
- En même temps, tes vendredi soirs sont souvent bien agités ! me répond-elle avec un clin d'œil. C'était comment hier ?
- Laisse-moi réfléchir... Agité !
- D'accord, c'est ton jardin, je sais ! Même si parfois tu nous racontes un peu...
Je souris à la remarque de Clélia. Il est vrai qu'il m'arrive parfois de donner un prénom ou deux, ou encore de lui expliquer ce qu'est réellement mon mode de vie. Même si elle est totalement ouverte d'esprit, il faut tout de même avouer que je n'ai pas choisi l'expression la plus simple de la Liberté, puisque j'ai décidé de toutes les avoir.
Un raclement de gorge du serveur me sort de mes pensées et nous nous installons toutes deux à une table avant de commander. Peu de temps après, fidèles à leurs habitudes, le serveur pose devant nous nos burgers, et cela donne l'occasion à ma meilleure amie, qui mange toujours tiède, de commencer à me raconter sa vision du cadeau parfait pour Iseult. Tout en dégustant mon repas, je l'écoute sans l'arrêter, tentant de ne pas sourciller à ce qu'elle me dit.
- Attends, si je comprends bien, tu veux que je t'accompagne pour trouver un tatoueur qui accepterait de te faire tatouer un cœur avec un I à l'intérieur ? Ou alors je suis à la ramasse et je ne comprends rien ?
- Non, tu as tout compris ! Ce serait un cadeau magnifique, tu ne trouves pas ?
- Comment dire... sans que tu le prennes mal... Non, ce n'est pas un cadeau magnifique, Clélia. C'est juste... totalement irrationnel !
- C'est toujours pareil avec toi ! Ce n'est pas parce que tu ne crois pas en l'amour que tout le monde est comme ça !
Et sur cette claque bien sentie, Madame se lève et part payer son addition. Je prends sur moi un instant pour ne pas exploser, donne mes tickets déjeuner au serveur et la rejoins dans la rue. Cette fois-ci, elle est allée trop loin. Non, je n'ai aucun problème avec l'amour, mais ce qu'elle s'apprête à faire n'est pas une preuve qu'elle aime Iseult, mais une stupidité monumentale.
- Tu veux faire ton tatouage ? Très bien ! Va chez ma tatoueuse, elle est excellente ! Comme ça, si un jour ta magnifique histoire d'amour qui est censée durer éternellement avec Iseult et qui n'a commencé qu'il y a deux ans se termine, tu chercheras une autre nana dont le prénom commence par un I ! Quoique... Non, je suis mauvaise langue ! Un N, un T ou un J pourraient faire l'affaire également ! Tout dépendra de la forme du I qu'elle te fera ! Juste un conseil, si je peux encore ouvrir ma gueule : demande une majuscule simple, ça sera plus pratique pour modifier le tatouage en cas de besoin ! Et surtout, commence déjà à réfléchir à une excuse pour d'autres gonzesses que tu pourrais rencontrer !
- Attends, Gwen... Le prend pas comme ça, je m'excuse, d'accord ! Je n'aurais pas dû te dire ça... C'est juste que... je veux faire plaisir à Iseult...
- Alors, vas-y ! Puisque tu as toujours raison !
Je me dirige vers les Halles pour reprendre le RER et rentrer chez moi. Ma vision de l'amitié a toujours été ainsi. Un véritable ami n'est pas là uniquement pour approuver les idées qu'on lui soumet et accepter que quelqu'un commette des erreurs juste pour ne pas avoir de problème avec lui. La vraie amitié est là pour éviter les soucis à ceux qu'il aime, comme c'est le cas aujourd'hui avec Clélia. Cependant, je ne vais pas la forcer à quoi que ce soit. Elle veut faire son tatouage parce qu'elle croit, comme tous les jeunes couples, que celui-là sera le bon au bout de deux ans, qu'elle le fasse. Mais qu'elle ne vienne pas pleurer d'ici quelques années si Iseult se sépare d'elle et qu'elle n'arrive plus à trouver quelqu'un parce que son tatouage montre qu'elle est en couple.
Une main posée sur mon bras m'interpelle et j'hésite à répondre violemment, avant de constater qu'il s'agit de Clélia. Elle pose ses grands yeux noisette sur moi, embrumés de larmes qui ne demandent qu'à sortir et qui, à chaque fois, savent faire diminuer ma colère. Si elle est trop émotive, je suis trop bornée et agressive, curieux duo qui, au final, dure depuis près de sept années.
- Alors... tu veux bien m'aider ?
- Non, je vais te planter ici et tu vas te démerder ! Normal, quoi ! C'est tout à fait moi, ça me ressemble parfaitement !
- Ça, c'était la fausse réponse. Et la vraie, ça donne quoi ?
- Je t'accompagne, banane ! Et j'espère bien que tu vas changer d'avis. Je sais pas moi, fais-toi tatouer les nénuphars de Monet ou les tournesols de Van Gogh ! Un truc que vous aimez toutes les deux ! Un symbole de votre amour, mais qui a une logique pour toi aussi !
- Ah ouais, pas mal... Ou sinon, il y a aussi le dessin de cette artiste que je t'avais montré. Ou alors, le symbole d'Indo. Ou, encore mieux, la dernière phrase de notre poème préféré !
Je n'écoute plus que d'une oreille les idées toutes plus loufoques les unes que les autres que me balance Clélia. Une dispute en plus à mettre sur notre longue liste depuis que nous nous connaissons. Il en est souvent ainsi lorsque l'on essaye de mêler le feu et la glace, ou deux personnes aux caractères et modes de vie quasiment opposés. Entre la grande romantique qui ne rêve que de fonder une famille, d'avoir des enfants et de faire des gâteaux, et la célibataire endurcie qui mène une vie rock and roll et n'a pour attache que ses deux minets, un fossé nous sépare. Pourtant, je sais qu'elle ne me décevra jamais. Et elle me le prouve une fois de plus aujourd'hui. Avec sa fameuse « super idée » de cadeau, nous allons courir tout l'après-midi pour improviser. Comme d'habitude, quoi !
Et un nouveau chapitre ! J'étais inspirée hier soir (enfin, c'est surtout que je fais une pause dans l'écriture de CvA ^^) !
Alors, première rencontre avec Clélia ! Que pensez-vous d'elle et de leur amitié ?
A bientôt :)
Sanguinement-vôtre,
Gothycka.
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