Chapitre 10 : Raphaël
- Alors, Chaton, ta première journée ?
Je n'ai absolument pas envie d'en parler et, pourtant, je comprends à son regard que Kristen veut tout savoir de ce que j'ai fait. Dans les transports, je n'ai pas arrêté un seul instant de ruminer sur le déroulement de cette journée catastrophique. Elle n'avait pourtant pas si mal commencé, mais il a fallu que je dise quelque chose de déplacé, apparemment, pour que ma collègue me prenne en grippe. Non contente de m'avoir laissé en plan dans le restaurant et forcé à retrouver seul le chemin de l'entreprise, j'ai dû attendre durant cinq bonnes minutes que la standardiste parvienne à la joindre pour qu'elle vienne me chercher, puisque mon badge visiteur ne me permet pas d'aller où je veux. La formation était intense, les projets et leur personnel sont sur les nerfs, la solution GED est une véritable usine à gaz. Toutes mes tentatives de communication ont été vaines durant l'après-midi et je m'en veux terriblement.
Posant mes yeux sur celle qui partage ma vie, je sais pertinemment que je vais avoir le droit à un véritable interrogatoire lorsqu'elle va apprendre que mon binôme est féminin. Ce que je ne souhaite nullement. Je voudrais juste pouvoir me coucher et dormir jusqu'à demain matin.
- Chaton, tu ne me réponds pas ?
- Si si, excuse-moi, mon cœur. Je suis juste un peu fatigué de cette première journée.
- Alors, ton collègue est comment ?
Voilà la question que je redoutais le plus. Je suis pieds au mur. Je n'ai plus qu'à lancer la bombe et attendre l'explosion...
- Douée dans son domaine...
- J'espère qu'il t'a fait un bon accueil.
« Ah ça... excellent... », pensé-je, amer.
- Disons qu'elle est origi...
- Elle ?
Le timbre de voix montant dans les aigus, la lèvre inférieure qui tremble, sa main passée dans ses cheveux châtains trahissent immédiatement la tension qui parcourt le corps de Kristen. Elle commence à faire les cent pas dans le salon et, au moment où je souhaite m'approcher d'elle, me repousse violemment.
- Tu fais équipe avec une femme et tu ne me l'as pas dit ? hurle-t-elle. Si tu ne l'as pas avoué, je suis sûre que c'est parce qu'elle a notre âge ! Alors quoi ? Tu es sous son charme, c'est ça ? Vous avez fait vos porcs ?
- Calme-toi, Kristen. Comment peux-tu imaginer que je couche...
- Alors tu y as pensé ! Avoue ! Tu le dis toi-même ! Si tu n'as pas trouvé d'endroit pour vos porcheries, c'est que tu as cherché !
Là, j'avoue que je ne comprends pas comment elle peut penser cela et a réussi à retourner ainsi ma phrase. Je réfléchis quelques instants à ce que j'ai bien pu dire d'ambigu, ne trouvant aucune réponse à cette question. Il est vrai que j'aurais dû lui dire avant que mon binôme était une jeune femme mais, avec tout ce qu'il s'est passé aujourd'hui, je n'avais pas envie d'angoisser pour rien celle qui fait battre mon cœur. Elle est jalouse, je le sais. Mais je sais également que c'est parce qu'elle tient à moi plus que tout.
- Ecoute, mon cœur. Tu veux vraiment que je te la décrive ? C'est une paumée. Le genre de femme qui, à vingt-cinq ans, se promène encore avec des T-shirts Star Wars, qui a des cheveux inhumains et des tatouages. Elle est à mille lieux de ta classe et ton charisme naturels.
- Tu me le promets ?
- Bien sûr, mon cœur.
Elle vient se nicher dans mes bras et je soupire de soulagement en sentant son odeur fruité qui vient titiller mes narines. Kristen représente tout pour moi. Mon passé, mon présent, mon avenir. Tout ce que je fais dans ma vie est là pour lui faire plaisir. Parce que je l'aime. Je l'aime plus que tout au monde. Et, pour elle, je suis prêt à tous les sacrifices. Car elle a toujours été là pour moi. Car, sans elle, je ne serais plus là depuis bien longtemps. Elle m'a sauvé la vie, et je lui serai à tout jamais redevable.
Lorsqu'elle relève ses grands yeux clairs vers les miens, je ne peux m'empêcher de la dévorer du regard. Elle est tellement belle, si sensuelle et femme en même temps. Classe et sexy sans jamais tomber dans la vulgarité. Elle fait tourner tant de têtes que je ne peux être que fier de savoir que, malgré tous les prétendants qu'elle possède, c'est moi qu'elle a choisi. Malgré les critiques de sa famille, cela fait huit ans qu'elle tient tête et se bat pour me faire accepter. Alors, certes il m'a fallu faire des efforts mais, pour elle, il a fallu devenir un roc et me protéger contre vents et marées, m'imposant à chaque repas de famille où les beaux-enfants sont conviés. Ceux qui ne la connaissent pas la voient parfois comme hautaine ou dédaigneuse, mais je sais qu'il n'en est rien. Sous cette apparence de femme forte et intouchable se cache un cœur d'or qu'elle a su me dévoiler.
- Je viendrai tout de même manger avec toi vendredi midi, puisque je ne travaille pas. Cela me donnera l'occasion de voir cette... comment s'appelle-t-elle ?
- Gwendolyne, soupiré-je.
- Hum... Je n'aime pas.
Sur cette dernière pique à l'encontre de ma nouvelle collègue, Kristen se détache de moi pour appeler, comme chaque soir, sa mère. Je profite de l'instant pour préparer les légumes, épluchant avec soin les carottes et équeutant les haricots verts avant de les placer dans notre cuiseur vapeur. Alors que j'essuie mes mains pour saisir les assiettes, mon téléphone vibre et je consulte mes messages. « Salut poto ! Toujours dispo demain soir ? ». Le SMS de Victorien, mon meilleur ami, me fait sourire. Il est la personne que je connais depuis le plus longtemps, si on ne prend pas en compte mes parents et ma sœur. Mon meilleur ami depuis mes quinze ans, toujours fidèle au poste, même si je sais pertinemment qu'il n'apprécie pas Kristen et que c'est réciproque.
- Tu seras là quand je rentrerai demain ? me demande celle que j'aime, sa tête posée contre mon torse.
- A quelle heure rentres-tu ?
- Pourquoi ça ? Tu as prévu de sortir ?
Elle se relève brusquement, me sortant de la torpeur dans laquelle la journée épuisante m'avait menée.
- Je mange avec Victorien.
- Encore ? Tu sais bien que je ne l'aime pas. Et qu'il me déteste.
- Tu sors bien au cinéma avec tes copines...
- Ce n'est pas pareil. Elles sont très bien. Pas comme... Enfin ! Tu sais bien que ce n'est pas un ami pour toi ! Tu as su changer, évoluer ! Lui est encore l'adolescent étrange aux idées bizarres !
- Peut-être, mais c'est mon ami. Je t'aime, mais j'ai beaucoup d'amitié pour lui...
Là-dessus, elle se dégage et se tourne dans le lit, dos face à moi. A chaque fois que je tente de l'approcher, elle s'éloigne un peu plus. Alors, je me couche sur le dos, espérant trouver rapidement le sommeil.
Fatigué de ne pas parvenir à m'endormir, je me surprends à être davantage stressé par ma journée de travail que par la crise de jalousie de Kristen, ce que je ne comprends pas. D'habitude, mon amour pour elle est toujours le plus fort et, lorsqu'elle ne va pas bien, je ne vois qu'elle. Et là, ses yeux gris sont remplacés par un bleu ciel qui m'était jusqu'à ce matin inconnu. Ce nouveau binôme va décidément hanter mes jours et mes nuits.
Et un de plus, un !!! Merci à tous, on vient de passer le cap des 100 votes !!! :)
Alors, que pensez-vous des réflexions de Raphaël ? Vous aviez imaginé ça ?
La jalousie de Kristen ?
Le nouveau, qui semble faire son apparition, Victorien, vous l'imaginez comment ?
Et pour la suite, vous pensez à quoi ?
A bientôt, peut-être ;p
Sanguinement-vôtre,
Gothycka
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