Chapitre 15
Je m'appelle Charly, j'ai grandi dans un petit village perdu au milieu des vignes avec ma mère Lisa. Ma vie était banale, entre la maison, le lycée et mes amis, Tim, Cloé et Jules. Je n'avais jamais eu de père et en même temps je le vivais bien, je crois que c'est vers mes huit ans que je m'étais résolue à ne rien attendre venant de ce fantôme.
Un jour, on est venu me chercher de force pour m'emmener loin de tous mes repères, loin de ma mère, loin de mes amis. On m'a droguée, frappée, embrassée, aimée aussi enfin je crois. J'ai rencontré ma moitié sans l'avoir compris, un sentiment plus fort que l'amour à fait battre mon cœur, je me suis crue un instant chez moi et puis tout a basculé.
Je m'appelle Charly, j'ai dix sept ans et en cette fin du mois de septembre, je suis morte.
Mais non ! Je déconne ! Enfin je crois ! Attendez, je vérifie !
J'essaye d'ouvrir les yeux mais une lumière m'éblouie, je fais un peu le point de la situation. J'ai l'air entière en tout cas, deux bras, deux jambes et tout l'équipement qui va avec, c'est déjà ça.
J'entends la porte s'ouvrir et je décide de faire la morte, on sait jamais. D'après les voix, ce sont trois hommes et j'en reconnais au moins deux, mon père et Alexïe.
Voix inconnue : Elle a eu de la chance, vous avez réagit assez vite.
Alexïe : Il va falloir remercier Adam Monsieur, heureusement qu'il était avec elle, sinon je ne sais pas quand on l'aurait retrouvé.
Voix inconnue : Monsieur Aberline votre fille fait-elle un métier à haut risque ? Parce que la semaine dernière, je l'ai admise pour un malaise. Hier, c'est un collègue qui la suivie suite à un coup à la tête, et je la récupère aujourd'hui avec une piqûre de scorpion. Entre ça et les molécules de sédatif que j'ai trouvé dans ses analyses, je finis par me poser des questions.
M. Aberline : Ne vous inquiétez pas pour ma fille et sa vie ne vous regarde pas, je vous paye assez cher pour que vous ne portiez aucun jugement !
Ah bah rien a changé pendant ma sieste, mon père est toujours un gros con ! Enfin je finis par m'habituer !
Médecin : Très bien, je vais vous laisser. Elle va bientôt se réveiller, vous allez pouvoir la ramener, il ne devrait y avoir aucun effet secondaire, l'espèce de scorpion qui l'a piquée est très commune et leur venin s'élimine rapidement.
M. Aberline : Merci docteur.
J'entends une porte s'ouvrir et se fermer.
M. Aberline : Tu es sur que ça vient de lui ?
Alexïe : Oui, entre aujourd'hui et l'enveloppe qu'on lui a donné à la plage, il n'y a pas de doute, il l'a retrouvée.
M. Aberline : Et sa mère ?
Alexïe : Non c'est bon, elle est bien caché, il ne la trouvera pas.
M. Aberline : D'accord, envoie une équipe surveiller ses amis en France, on ne sait jamais.
Alexïe : Bien Monsieur.
M. Aberline : Fais également préparer nos bagages, nous ne rentrons pas à la villa. Ils ont déjà essayé une fois de la récupérer là-bas, je ne veux pas prendre une nouvelle fois le risque.
Alexïe : Je fais préparer le jet, vous voulez aller où ?
M. Aberline : Je pensais à la propriété en Angleterre, qu'en penses-tu ?
Alexïe : Ca me semble très bien Monsieur, je vais informer l'équipe.
M. Aberline : Merci.
Et de nouveau des bruits de porte, je pense que je vais devoir avoir une conversation avec mon cher papa moi !
Oh et si vous l'aviez pas compris, c'est bon je suis pas morte ! (ça va, cachez votre joie !)
J'ouvre les yeux et je trouve mon père en partie tourné vers la fenêtre, il semble soucieux et fatigué, je me demande bien pourquoi, pas pour moi en tout cas. Je me décide à lui faire signe.
- Tu comptes m'expliquer ?
- Charly ! Comment tu te sens ? Me questionne t-il.
- En vie je pense que c'est déjà bien ! Alors ? Tu m'expliques comment des scorpions sont arrivés dans mon casier ?
- Une blague de lycéen qui a mal tournée. Je reviens, je vais voir si le médecin veut bien que tu sortes et après on ira quelques jours en vacances. Je suis certain que ça va te plaire.
Je n'ai pas le temps de répondre, il est déjà sorti. Il me prend vraiment pour une buse ! Une blague de lycéen et il croit que je vais gober ça !
Je décide de n'attendre personne et je me lève. Après un léger tournis, je met le cap sur la salle de bain, dans un sac sont rangés mes vêtements. J'échange donc ma magnifique robe signée « Clinique de la mort » et je remets mes affaires quelque peu froissées. Je trouve également mon sac sur un fauteuil près de la porte, mon portable est dedans.
Et je sors dans le couloir, personne en vue, au moins j'aurai pas besoin de jouer la comédie. Je rejoins les ascenseurs et appuie sur le bouton du rez de chaussée. On ne m'arrête pas donc je continue !
De peur que l'on m'arrête, je cache le pansement sur ma main droite dans ma manche de pull. C'est dérisoire je sais !
J'arrive enfin sur le parking de la clinique et là, contre tout attente Adam apparaît devant moi.
- Qu'est-ce que tu fais là Adam ?
- C'est plutôt à moi de te demander ça, tu devrais être dans ta chambre d'hôpital là.
- Et bien comme tu peux le voir non !
Il fixe un point derrière moi, je me retourne pour voir Alexïe une seringue à la main encore une foie. Mais c'est quoi son problème à lui, il a un fantasme avec la belle au bois dormant ?
- Alexïe non ! Ne m'endors pas à nouveau, je déteste ça. S'il te plait.
- Si tu ne m'obliges pas, je ne le ferai pas, mais tu dois me suivre Charly.
Il range la seringue et me tend la main, je l'accepte et je le suis jusqu'à une berline. Nous prenons place dedans et Adam fait de même, mais pourquoi il vient avec nous lui ?
Je ne dis rien pendant le restant du trajet jusqu'à l'aéroport, la sanction de la seringue étant trop présente. Mais personne ne casse le silence pour autant.
Arrivés sur le tarmac, je décide de ne pas provoquer mon ruskov préféré et je le suis docilement dans l'avion.
Mon géniteur est déjà installé dedans, et encore une fois, il est plongé sur son portable. Il lève quand même les yeux à notre approche et nous invite à nous asseoir d'un signe de la main. Je me mets en face de lui, Adam et Alexïe s'installent de l'autre côté de l'allée.
- Tu as encore tentée de partir à ce qu'il parait ?
Je fusille Alexïe du regard, sale traître !
- Ce n'est pas Alexïe qui m'a prévenu mais le personnel de l'hôpital. Tu pensais aller où ?
- Loin de toi.
- Ca a le mérite d'être clair.
- Parce que tu n'avais pas encore compris ? Je ne souhaite pas vivre avec toi, tu as oublier ta propre fille pendant plus de dix sept ans ! Et tu arrives comme une fleur en jouant le gars plein d'autorité. Mais franchement tu as cru quoi ? Que j'allais me prosterner devant toi comme si tu étais le messie ? Et maintenant tu me mens alors que ma vie est en danger. Tu pensais vraiment que j'allais croire ton histoire de blague de lycéen ? T'es sérieux ?
- Très bien, je pense que nous devons parler tous les deux. Les garçons s'il vous plait, laissez nous.
Alexïe et Adam rejoignent le salon dans le fond de l'avion et je reste avec mon père. Le pilote annonce le décollage et nous bouclons nos ceintures Puis mon géniteur se tourne vers moi.
- Oui j'ai été absent pendant dix sept ans de ta vie, mais ça ne m'a empêché d'avoir des nouvelles de toi. Ta mère m'envoyait régulièrement des photos ou même des vidéos ainsi que des dessins venant de toi. Et je lui ai plusieurs fois envoyé de l'argent, pour tes études, tes voyages scolaires ou même tes vêtements.
- Quoi ?
- Et oui, je me souciais de toi ! Il y a un mois environ, j'ai reçu une lettre de menace, d'un gros bonnet russe avec qui il y a plusieurs années, j'avais refusé de faire affaire. Dans cette lettre il y avait plusieurs photos de toi, à divers moments et surtout une de toi en train de dormir avec une mèche de cheveux collée dessus.
Instinctivement je touche mes cheveux, il est sérieux un malade m'a photographiée en train de dormir et surtout il m'a piqué des cheveux ? Ok c'est bon , je veux me réveiller, on a fini de jouer, maintenant stop ! Mais mon père reprend.
- J'ai donc fait le choix de récupérer ta garde et d'envoyer ta mère dans un autre pays avec une garde rapprochée.
- Où est elle ?
- Je ne peux pas te le dire Charly, moins de gens sont au courant, mieux c'est.
- Mais c'est ma mère !
- Oui je sais. Après tu connais le reste de l'histoire, tu es venue habiter à la maison et Alexïe est devenu ton garde du corps personnel. Je ne voulais pas te laisser seule même dans le lycée, c'est pour ça que j'ai arrangé avec la directrice l'arrivée d'Adam, il vient d'une famille de professeur il pouvait donc s'adapter parfaitement. D'ailleurs il continuera à te donner des cours arrivés en Angleterre.
- Attends, reviens un peu en arrière, Adam est un de tes hommes ? Et tout le monde était au courant ?
- Et bien oui, c'était la seule façon que tu sois accompagnée partout. Là où il y a eu un raté, c'est quand tu as fait ton escapade à la plage...
Je ne l'écoute déjà plus, je déboucle ma ceinture et me lève pour me diriger vers le fond de l'appareil. Alors comme ça Adam était pas mon prof mais mon garde du corps, et Alexïe le savait parfaitement. Je me sens trahie et honteuse de m'être laissé piégée comme ça, plus jamais ça n'arrivera !
Lorsque j'arrive dans le salon, il y a une dizaine de garde, je reconnais Dimitri, Youri et Marco. Au fond de la pièce sur un canapé sont assis Adam et Alexïe, ils me regardent approcher tous les deux avec un regard interrogateur. Je me tourne vers Adam et lui met une violente gifle qu'il n'a pas vu venir.
- Plus jamais tu ne m'approches, oublies tout de moi, mon nom, mon prénom, oublies même mon existence.
- Charly laisse moi...
- Non tu n'as plus le droit de parole avec moi.
Je me retourne ensuite vers Alexïe qui me regarde, ça se voit qu'il ne comprend pas pourquoi j'ai giflé Adam. Et je le gifle à son tour de toutes mes forces, il reste un instant choqué en se tenant la joue.
- Je t'ai fait confiance Alex, j'ai cru que tu étais une bonne personne, là pour moi, que tu étais mon ami, mais en fait, je n'étais que ton job. J'ai bien compris maintenant, le message est clair. Tu avais promis de ne jamais me laisser mais tu as menti.
Sans un dernier regard en arrière, je vais rejoindre mon père, les règlements de compte ne sont pas finis.
Alexïe et Dimitri me suivent, ils sentent que quelque chose ne va pas aller.
Je m'approche de mon père et déballe tout ce que j'ai dans le cœur.
- Au fait, je parle parfaitement anglais et ça depuis l'âge de douze ans, je parle même couramment quatre langues et j'ai des notions dans environ six de plus. Tu peux essayer de te déculpabiliser en cherchant à me protéger mais clairement vu comment tu y arrives, je ferai mieux d'aller voir directement ton mafieux ! Oh j'oubliais, tu es et resteras le donneur de sperme qui a aidé à ma conception rien de plus et ton argent n'arrangera rien, tu seras toujours un sale con ! J'aurai dix huit ans dans un mois et à partir de là je reprendrai ma vie en main.
J'avoue, j'y suis allée un peu fort ! Mais parfois, il faut ce qu'il faut !
Mon père se lève et m'assène une gifle monumentale, si bien que je tombe par terre. Je peux voir du coin de l'œil Alexïe faire un pas en avant les points serrés mais Dimitri se met devant lui pour le retenir. Et il lui parle en Russe pour l'apaiser.
- Charly autant que tu le saches, lorsque tu es arrivée aux Etat Unis, j'ai fait une demande de nationalité américaine en ton nom. Elle est en cours de validation. Et aux Etats Unis, la majorité n'est pas à dix huit ans mais à vingt et un. Tu vas donc rester encore un petit moment avec moi !
Et il se rassoit, vingt et un ans, je dois attendre trois ans supplémentaires avant de pouvoir partir ? Non ce n'est pas possible, ils ne peuvent pas m'accorder cette nationalité.
Je me relève sans un regard pour chacun et je vais m'asseoir sur un siège libre seule, loin de tous.
Je suis fatiguée et je veux que tout ce cirque s'arrête. Dès que je peux, je pars et cette fois rien ne m'arrêtera.
En m'asseyant, je me rends compte que j'ai mal derrière la cuisse gauche j'ai du me cogner quelque part et me faire un bleu. C'est rien vu ce que j'ai vécu jusqu'à maintenant.
Je finis par m'assoupir, et je rêve de scorpion, des lèvres d'Adam et des bras d'Alexïe. Décidément même dans mon sommeil, ils ne vont pas me lâcher !
Je dors pendant le restant du vol et me réveille seulement lorsque nous atterrissons. Mon père passe devant moi mais je refuse de le regarder, Alexïe vient vers moi et me tend la main. Je refuse de la prendre et je me dirige seule vers la sortie.
Le soleil est déjà haut, et il fait un temps magnifique mais un peu plus frais que L.A.
Mon père rejoint une des deux berlines garée à coté de l'avion, je décide d'aller dans la deuxième. J'y suis rejointe par Dimitri, Alexïe et Adam. Ce dernier baisse les yeux et ne cherche pas à croiser mon regard.
Nous prenons la route dans un silence de plomb. A plusieurs reprises Alexïe cherche à me parler et je choisis de l'ignorer. Je ferme les yeux même si je n'ai pas sommeil et je fais semblant de dormir.
Au bout de deux heures de route, nous arrivons dans une immense propriété entourée par la verdure, des valons et la campagne à perte de vue. Bon, tout plan d'escape risque de tomber à l'eau je crois.
Ce n'est pas une maison mais un château devant lequel nous nous garons, mon père ne m'attend pas et rentre directement à l'intérieur. En même temps je m'en fous, je ne veux pas voir sa gueule.
A partir de cet instant, je décide de me murer dans le silence et de ne plus prononcer un mot. Je préfère continuer à me parler à moi-même plutôt que de faire confiance aux autres.
Alexïe m'accompagne jusqu'à ma chambre, et dépose mes valises dedans. Je ne sais même pas ce qu'elles contiennent, enfin c'est pas grave je vais pas avoir besoin de sortir de toute façon , je peux bien passer mon temps en pyjama.
- Charly, j'aimerai que nous parlions.
Aucune réponse ne sort de ma bouche il semble perplexe face à mon mutisme.
- Charly, c'était pour ton bien, je ne...
Je décide de le laisser là et de partir en exploration dans le château. Beaucoup de chambres, de salons, je vais pas vous faire le tour du propriétaire, en gros c'est grand, et meublé dans un style très...très...bah très anglais en fait ! Vous voyez Jane Austen ? Bah c'est ça, je me retrouve coincée dans un roman de Jane Austen avec la campagne à perte de vue. La grosse éclate !
Je trouve un petit coin de paradis en tombant sur une immense bibliothèque.
Je me perds dans les rayonnages et je tombe sur une version originale en italien du « Guépard » de Lampedusa. Je m'installe à même le sol, le dos contre une étagère et je commence à lire.
Le silence finit par me plaire, je suis à la moitié de mon livre lorsque mon estomac gargouille, je pars donc à la recherche de la cuisine.
Je finis par la trouver au bout de vingt minutes, dedans plusieurs personnes s'activent pour préparer le repas du soir. Je ne veux rien demander à personne, je me dirige donc vers ce qui ressemble au garde manger, je trouve là bas du fromage, de la charcuterie et même du pain. Je sors ce que j'ai besoin, trouve une assiette, me prépare un peu de tout, range le reste et je repars sous les yeux ahuris des cuisiniers. Je retourne à la bibliothèque et me replonge dans mon livre.
Il est assez tard lorsque je décide de retourner à ma chambre. Personne n'est venu me voir et c'est tant mieux, je suis même prête à vivre seule si il le faut.
Je prends une longue douche chaude avant d'enfiler un short et un débardeur et de me glisser sous les draps.
Alors que je pense m'endormir, je lâche prise et je fonds en larmes. J'ai mal, mal au point de vouloir hurler, je mords dans ma couette pour retenir mes cris et je me laisse aller à mon chagrin.
***
Les jours suivant se ressemblent tous. Le lendemain de mon arrivée, j'ai appris que mon père était déjà reparti.
Je croisais peu de gens et je refusais de parler à ceux se trouvant sur ma route. Je passais mon temps entre ma chambre, la bibliothèque et le jardin.
Pour mes repas, j'allais me servir aux cuisines, maintenant les cuisiniers ne faisaient même plus attention à moi. Je n'avais pas faim mais je continuait à manger parce que moi, j'avais promis et que moi, je tenais parole.
Au rythme d'un livre par jour, je me demandais au bout de combien de temps je serai à cours d'ouvrages, cinq ans, sept ans ? Est-ce qu'il me garderait aussi longtemps ? Est-ce que je vais finir ma vie ici ? En tout cas je suis au moins coincée trois ans de plus, peut être qu'après je serai libre, l'espoir fait vivre.
Alexïe tente tous les jours de me parler et moi je l'ignore royalement, il m'a trahie, il m'a brisée le cœur, j'aurai donné tout pour lui, pour celui que je considérais comme ma moitié, comme mon frère, mon double. Aujourd'hui, je ne suis plus sure de rien et c'est dans les livres que j'oublis ma douleur.
Mais chaque soir dans mon lit, je pleurs, je pleurs à en avoir mal, parce que la douleur me rappelle que je suis vivante et surtout que je ne suis pas entière, pas entièrement moi. Je veux me souvenir de cette douleur pour savoir que je n'ai pas rêvé et qu'il était vraiment là avec moi. Je n'ai pas pu imaginer ses sentiments, je les ai vus ! Enfin je crois...
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top