Chapitre 14


Je suis dans mon lit et ça fait facile trois heures que je cherche le sommeil. Et mauvaise nouvelle, il ne se cache pas dans mon lit.

Je repense à Dean, à sa violence, et au regard perdu d'Alice. Il va falloir que je lui parle demain, elle n'a rien à voir avec ce que son taré de frère m'a fait.

En début de soirée, Adam m'a envoyé un message pour savoir comment ça c'était passé chez Alice, je n'ai pas osé lui répondre. Je ne veux pas qu'il se fasse du souci. En même temps, demain il va voir ma lèvre fendue, va bien falloir que je lui donne une raison !

Mais tout ça, c'est que de la poudre aux yeux face à mon vrai problème, je m'en veux terriblement de m'être fâchée avec Alexïe.

On s'engueule souvent, on n'est jamais d'accord, mais quand je lui ai dit que je n'étais pas Elle, j'ai vu quelque chose se briser dans ses yeux. Et puis d'abord, Elle, c'est qui ?

Mais qu'est-ce que je peux être conne franchement, mon seul véritable ami ici et j'arrive à le torturer avec un fantôme !

Je me lève et je me dirige sur la pointe des pieds vers la chambre d'Alexïe, je suis sur le pas de sa porte, la main levée pour frapper, mais je reste bloquée.

De quel droit je peux m'incruster comme ça dans sa vie, dans ses souvenirs, dans ses pensées ?

Je renonce et retourne vers ma chambre, j'attrape une couverture et je descends doucement dans le jardin.

Je trouve un coin dégagé sur l'herbe, le ciel est clair, on peut voir les étoiles. Je m'installe sur la couverture et je me perds dans la contemplation du ciel.

Quand j'étais enfant on me demandait souvent où était mon papa et j'avais fini par dire dans les étoiles. Les gens ne se demandaient pas s'il était cosmonaute, direct ils pensaient qu'il était mort et au final, ils me laissaient tranquille.

C'est un bambin de six ans qui un jour m'a dit « et tu crois qu'il te ramènera une étoile à son retour ? », ce bambin c'était Tim ! Et après ça j'avais décidé de ne plus le quitter et il était devenu mon meilleur ami.

Il me manque maintenant, Tim est quelqu'un à l'écoute des autres avec toujours le bon conseil et la bonne attitude et en ce moment j'avais besoin de lui.

Depuis notre dernière conversation sur Facebook qui était plutôt courte, je n'étais pas retournée leur parler. Je fais une bien piètre amie !

Plongée dans mes pensées, je ne sais pas combien de temps je reste là, mais je suis surprise lorsque Alexïe me rejoint. Il s'allonge à coté de moi et ne dit rien, je n'ose pas parler de peur d'aggraver la situation.

Au bout de quelques minutes, il prend une grande inspiration et commence.

- Elle avait tout juste deux ans de plus que toi, j'en avais 25 et j'étais dans l'armée en Russie.

Elle avait fini le lycée et voulait être journaliste. Un jour, pour un devoir à la fac, elle a cherché a rentré en contact avec certains membres de la mafia russe. Elle voulait faire une interview vérité.

Elle était vraiment débrouillarde mais aussi inconsciente. Un homme est venu la trouver un soir où elle était dans une boite de nuit de Moscou avec des copines.

Il l'a séduit , elle était encore jeune, avec peu d'expérience et lui il lui a fait voir monts et merveilles.

Cet homme avait à l'époque comme moi vingt cinq ans, grand séduisant et riche, il a tout de suite gagné son cœur.

Cet homme, c'était Andrei Pablov, fils d'un des plus gros parrain de la mafia

russe.

Il s'est amusé avec elle pendant presque un an, il l'a fait voyager, il lui offrait des tas de choses, la traitait comme une reine, enfin je croyais.

Elle a même arrêté ses études pour lui.

Un matin de Septembre j'ai reçu un coup de fil d'un hôpital de Moscou, elle avait été retrouvée inconsciente dans la rue. Elle avait simplement sur elle ses vêtements et son portefeuille, c'est dedans qu'ils ont trouvé mon numéro. J'y suis allé avec Dimitri.

Lorsque nous somme arrivés, on nous a annoncé qu'elle refusait tout traitement et toute nourriture. Je ne l'avais pas vue depuis presque un an et j'ai eu du mal à la reconnaître, elle avait perdu beaucoup de poids et puis elle était enceinte de six mois.

Je revois toujours son petit corps sur ce grand lit d'hôpital, sa peau blanche et ces bleus que lui avait infligé cette ordure de Pablov.

J'ai respecté son choix de ne pas vouloir de traitement, mais j'ai insisté pour qu'on la nourrisse d'une manière ou d'une autre. J'avais le maigre espoir qu'un déclic se produise en elle et qu'elle reprenne le contrôle de sa vie.

Au bout d'une semaine, ils ont du la plonger dans un coma artificiel pour aider son corps à récupérer.

Et puis deux semaines plus tard, elle avait tellement renoncé à vivre qu'elle est morte emportant avec elle son enfant. Selon les médecins, son cœur a lâché durant son coma, et elle était trop faible pour lutter.

Le jour de leurs enterrements, il y avait seulement Dimitri et moi, Pablov n'a jamais cherché à avoir des nouvelles d'elle ou bien de son bébé.

C'est là bas, dans ce petit village au sud ouest de Moscou, que je lui ai dit adieu.

J'ai dit adieu à Sasha, à ma petite sœur.

Je reste sans voix face à l'histoire de Sasha, je peux voir une larme couler sur le visage de mon ami, toute sa souffrance enfouie me brise le cœur. Je porte mes doigts à sa joue pour essuyer doucement cette larme. Je me sens impuissante face à son chagrin, je ne peux rien faire à part être là, l'écouter et tenter de le comprendre.

- Tu lui ressembles tellement Charly ! Impétueuse, insoumise, ton intelligence aussi.

C'était ma Printsessa et je n'ai pas su la protéger.

- On ne peut pas protéger les gens contre leur volonté Alexïe.

- Je sais. Après son enterrement, avec Dimitri nous avons quitté l'armée et nous avons cherché du travail en dehors du système classique, c'est là que ton père nous a embauché. En presque cinq ans, je ne suis jamais retourné sur sa tombe.

- Je suis désolée Alexïe, je ne voulais pas te dire ça et te faire de la peine.

- Charly, je veux que tu saches que je serai toujours là dans les bons comme les mauvais moments.

Je me rapproche de lui et je viens me caler dans ses bras. Je suis chez moi. Il me sert fort contre lui et je peux ressentir la violence de ses sentiments, il tient à moi je le sais.

Notre relation peut sembler étrange de l'extérieur, je m'en doute bien, mais entre nous il n'y a pas de faux semblant, pas de questions inutiles. Il est comme la moitié de moi-même et quand je suis avec lui, je suis moi, entière et vrai. Je reçois une gifle monumentale quand je prends conscience de la force des sentiments que j'ai pour lui. Mon ruskov !

- Ne me laisse plus Alexïe

- Jamais Printsessa, jamais.

Je finit par m'endormir contre lui, dans la chaleur de ses bras, en sécurité avec mon double.

***

Je me réveille dans mon lit, Alexïe a du encore une fois me porter jusqu'ici. Je me lève et vais dans la salle de bain. Quand je vois mon reflet dans le miroir, je me fais peur à moi même. Ma lèvre ne saigne plus mais un bleu trône désormais au coin de ma bouche. Moi qui déteste le maquillage, je vais pas pouvoir y échapper là.

Je fais donc un carnage avec le maquillage et franchement, autant ne rien mettre ! Je me débarbouille et vais m'habiller. Je choisis une robe années 60 avec des bottes hautes et un gilet long.

Je descends pour déjeuner et quand je vois Alexïe, je ne peux pas m'empêcher d'aller lui faire un câlin avant de m'asseoir. Il est surpris au début puis il me rend finalement mon étreinte.

Je vais m'asseoir et je me sers un verre de jus d'orange avec des gaufres aux myrtilles.

- Ton père va rentrer dans la journée.

Je suspends ma fourchette devant ma bouche dans l'attente de la suite mais rien.

- Et ?

- Il veut avoir une conversation avec toi.

- Pourquoi ? On n'a rien à se dire !

- Charly, c'est ton père...

- Non, rectification, c'est le donneur de sperme responsable de ma conception.

- Tu as très bien compris ce que je voulais dire !

- Tu sais de quoi il veut parler ?

- Non désolé.

Il se lève et va pour sortir de la pièce mais se retourne.

- Je dois aller voir Dimitri avant de partir, on se rejoint à la voiture à 8h00.

- D'accord !

Je prends tout mon temps pour finir de manger quitte à être en retard. J'ai envie de voir Adam mais j'ai aussi peur de croiser Dean.

Je me décide finalement à récupérer mes affaires et à rejoindre Alexïe à la voiture.

Arrivée au lycée je lui fait un signe en me dirigeant vers l'entrée, aucun signe de Dean ou même d'Alice. Peut-être sont ils en retard.

Je retrouve Adam devant ma salle de cours, mais nous ne sommes pas seuls, plusieurs élèves attendent aussi, il me sourit et je vois bien qu'il se retient de m'embrasser. La cloche sonne et nous entrons dans la salle de cours. Je lui dis de pas s'inquiéter pour mon bleu au visage, que je suis tombée avec ma maladresse légendaire, il ne relève pas.

Durant les deux heures qui suivent, Adam cherche à me provoquer par tous les moyens, petites caresses sous la table, sourire charmeur et il est doué, je suis presque entrain de craquer lorsque la cloche sonne la fin du cours. Je range mes affaires sous le regard tendre d'Adam, je remarque qu'il me manque un livre pour mon prochain cours.

- Euh Adam, je dois passer à mon casier, on se rejoint au prochain cours ?

- Non je vais t'accompagner, je ne voudrai pas que tu te perdes !

- Ahahaha.

Nous allons vers les casiers, le mien est au centre, pile devant mon bassin, je n'ai donc pas besoin de trop me baisser ni de me mettre sur la pointe des pieds pour regarder dedans !

J'ouvre mon casier, je découvre une boite blanche dedans de la taille d'une boite à chaussure. Mais qu'est-ce que ça fout là ça ? J'ouvre la boite pour voir ce qu'elle contient. A l'intérieur du couvercle, un message « TIC TAC », je pousse dans un premier temps un cri de peur puis un de souffrance. Au centre de la boite il y a une grenade non dégoupillée, avec tout autour des scorpions, de vrais scorpions et l'un d'eux vient de me piquer !

Je fixe ma main droite alors que Adam cherche à savoir ce qui ce passe, il regarde dans mon casier et devient tout blanc.

- Et merde ! Gueule-t-il dans le couloir vide.

Il attrape son téléphone et compose un numéro. Dieu merci il a la présence d'esprit d'appeler les secours. C'est mieux parce que j'en suis incapable, j'ai la tête qui tourne et le cœur qui s'accélère.

- Allo, Alexïe ? Ils l'ont retrouvée !

Hein ? Mais pourquoi il appelle Alexïe ? Depuis quand ils sont potes ? Je sens le sol se dérober sous mes pieds. Mais ça devient une manie de perdre connaissance ! Adam se rapproche et me prend dans ses bras.

- Alexïe viens vite, Charly va pas bien !

Je suis spectatrice de ce qui se passe après, je vois les évènements un peu comme des flashs. Le visage inquiet d'Alexïe, les cris d'Adam, mon prénom que l'on répète inlassablement.

Je me sens flotter, je suis loin et pourtant je sens une caresse sur ma joue, un baiser sur mon front.

Je perçois aussi une voix, elle semble déformée, elle me dit qu'elle reste avec moi, que jamais elle ne partira et que tout va s'arranger. Aurais-je rencontré Dieu ?

Et puis il me devient difficile de fixer mon attention et je sombre vers le noir. Moi qui croyais que le paradis c'était blanc !

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