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— Pluton, comme le Dieu des Enfers ? Moi, c'est Vénus, murmura la jeune fille.

Pluton hocha la tête sans dire un mot, obnubilé par ses yeux ; le genre de yeux qui donnaient l'impression d'être écrasé par un troupeau de sentiments. C'était des yeux verts intenses, un peu vert forêt, cette forêt aux chênes immenses et où volaient des petits grains dorés semblables à des lucioles ou des feux follets.

Elle était parfaite pour incarner la Déesse de l'Amour.

Vénus claqua des doigts devant lui, le faisant sortir de sa contemplation pour la deuxième fois de la soirée, un sourire cloué sur le visage.

Pluton regarda autour de lui, comme si de rien n'était ; les autres avaient rejoint une clairière près de la plage où le garçon qui l'avait apostrophé tout à l'heure - un rouquin aux joues envahis par les tâches de rousseur - tentait d'allumer un feu de camp, ses mouvements rythmés par la mélodie de la musique jouée fortement.

— Saturne ! cria Vénus de sa voix douce mais assurée. Baisse le son !

La dénommée Saturne, qui était une petite blonde aux canines qui ressortaient comme des antennes, regarda Vénus d'un air de défi, visiblement peu décidée à baisser le volume de l'enceinte qui diffusait maintenant une musique de Nekfeu.

— Baisse le son, Saturne, ordonna le garçon près du feu.

La blonde ne se laissa pas prier plus longtemps et s'exécuta avec une mine de regret.

— Tu obéis à Mars, mais moi, tu ne m'écoutes même pas ! se plaignit Vénus, en lançant une poignée de pissenlits sur la blonde.

À côté, le garçon qui s'appelait Mars avait terminé d'allumer le feu. Il regarda les deux jeunes filles d'un air désabusé.

Pluton, lui, glissa son ombre jusqu'au rouquin et les autres, un peu embarrassé par le garçon qui ne devait être autre que le chef de la bande.

Quand il le vit, Mars lui sourit, le mettant plus à l'aise. Il jeta un coup d'œil vers Saturne qui remontait le volume discrètement. Dans l'enceinte, une chanson du même artiste se fit entendre.

— Elle est totalement amoureuse de ce mec, lui expliqua-t-il. La dernière fois que je suis allé chez elle, elle m'a montré sa collection de vinyles : que du Nekfeu, et en nonuple en plus. Tu parles d'une collection !

Le garçon au ciré jaune rit et la blonde lui lança un sourire, plutôt fière de son coup.

Mars continua à lui parler, lui présentant les autres membres du groupe : Mercure qui était connu pour avoir les idées les plus saugrenues, Jupiter le plus dragueur, Uranus qui semblait toujours perdu dans ses pensées, Neptune qui l'aimait un peu trop fort et Terre, sans doute la plus sensible et la moins joyeuse de tous.

Cette bande de bras cassés lui plaisait bien.

— Et toi, Pluton ? lui questionna Saturne. Tu te décrirais comment ?

Tous les regards se tournèrent vers le garçon.

— Je ne sais pas, vous le verrez bien, répondit-il un peu désemparé par la question et par les huit paires d'yeux qui l'observaient.

Tout le monde sembla satisfait par ces quelques mots et l'invita à s'asseoir sur l'herbe coupée.

Pluton ferma les yeux quelques instants, cherchant un endroit calme de son esprit à remuer, loin du vacarme environnant. Ses pensées se secouaient dans tous les sens. D'abord, vers la jolie fille de cet après-midi qui n'était plus qu'un étrange souvenir, puis vers Vénus et ses grands yeux trous-noirs, la musique qui résonnait, les tintements de verres remplis d'alcool qui se passaient de main en main et enfin, l'atelier. Toujours cet atelier où le carrelage arc-en-ciel était couvert des mêmes pots de peintures et des mêmes palettes pleines de couleurs, toujours ces mêmes murs, ces mêmes plafonds, recouverts d'étoiles et de toiles aux mêmes dessins.

Toujours cet atelier, où il n'était pourtant jamais allé.

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