5 - L'ambition de Roger

Dans la taverne Landaise en pleine ville de Montnoirbouc, deux ans avant la jouissance du frère de Mario, une femme et un homme tout deux assis en tête-à-tête, accoudés à un tonneau jadis remplit à raz bord de pon, attendaient leurs boissons et leurs bamotos* pas trop épicés, comme à leur habitude.

La taverne, si petite soit elle, était une place tournante où se rassemblaient tout les meilleurs ragots du pays ! Tout informateur qui se respecte doit avoir sa place ici, tout comme les collectionneurs en tout genre. Plusieurs centaines de personne viennent faire en sorte de renouveler les stocks de pon le plus rapidement possible, chaque jour se vidant plus vite que le précédent.

L'action se passe le soir, dans l'arrière salle destinée aux locaux, ceux voulant simplement un lieu pour se retrouver éloigné du tumulte des passages des nouveaux-venus.

La pièce était petite, faiblement éclairée par le peu de braises incandescentes restantes, personne ne jugeant bon de remettre du bois, l'atmosphère semblait voilée d'un filtre cachant la véritable apparence des personnes, ne laissant ressortir que leurs traits les plus durs sur leurs visages.

- Et même que Mepab, hé bien lui il va dans la grande roue avec sa femme ! Tu sais, celle qui lui sert de compagne et qu'il aime ! murmura la femme

- Hinhin, c'est fameux ce que tu me raconte là, dis l'homme en comptant ses pièces

- Et aussi que Bernato, lui, il emmène sa femme à Megas ! Tu t'rends compte ? Megas ! La citée des milles bougies ! dit-elle des étoiles dans les yeux en jouant avec la bague d'union glissée à son index

- De mieux en mieux, l'homme continue de fixer ses pièces ; Oh ! Je ne l'avais jamais vue celle-ci ! un sourire enfantin apparait sur son visage

- C'est d'un ennui... râle la femme accoudée au tonneau, le poing appuyé sur sa joue déformant ses traits, en plus de la lumière qui joue sur les ombres.

- Si tu ne comprends toujours pas mon art après 25 ans de mariage, je me demande ce que dieu à cherché en nous liant ensemble... soupire l'homme

- Mon pauvre Roginou ! ironise la femme à son mari

- Je n'apprécie guère ce surnom, je préfère largement chef !

- Encore dans tes délires de commandant d'escouade ?

- Ce n'est pas qu'un délire, je veux former un groupe, accepter des missions, être respecté ! le dernier mot est appuyé par son poing tapant sur la table, assez respecté pour ne pas à avoir attendre une demi-lune pour avoir ma foutue pon !

- Ah, toi et ton désir de puissance... Quand l'avarice t'emmènera droit sur le feu bleu des enfers, je me demande ce que tu en feras, de ta toute puissance ! Ah !

- Dis ce que tu veux, ma pauvre Agnès, mais moi je te trouve bien indécente face à ton mari, qu'avez-vous tous contre moi pour vous montrer si odieux aujourd'hui ?

- Aurais-je vexé Monsieur ? un sourire narquois se forme sur son visage, dans une moue enfantine

Alors que Roger allait répondre à cette provocation, la serveuse apporte les tant attendues pon, le meilleur breuvage bas-de-gamme du pays Des éclaboussures de pon volèrent partout sur la table lorsque les chopes s'écrasent sur le tonneau.

- On a failli attendre ! s'empressa de commenter Roger

- Oh laisse la tranquille dit, ce n'est pas de sa faute si tu as passé une journée de fiente, mais ce sera de la tienne si elle finit comme toi !

- Tu sais quoi, bah je vais la monter mon escouade, j'ai assez d'argent ici pour embaucher un mercenaire pendant un certain temps, d'ici une mission je gagnerais bien plus d'argent, qui me permettra d'embaucher une personne de plus, et ainsi de suite ! De grandes missions nous seront commanditées et nous aurons le luxe de pouvoir choisir ! dit-il la chope levée vers le plafond, avant de la descendre cul-sec.

- Je peux dénigrer sur plein de chose chez toi, mais ce qu'il y a de meilleur, c'est ta descente !

- Je ne sirote pas, moi, madame !

- Humpf ! Agnès croise les bras violemment

- D'ailleurs, j'ai pensé à Mario pour la mission

En entendant le prénom de Mario, Agnès se redresse brusquement ; L'un ne va pas sans l'autre, si l'un s'en va, l'autre s'en ira aussi. Il en est hors de question, jamais elle n'acceptera chose pareil, Luigi est bien trop important à ses yeux pour qu'il parte dans les délires de son mari !

- Tu sais comment il est... Mario... aime bien trop les femmes ! Il sera une gêne plus qu'autre chose chez les autochtones, prend plutôt Milio, c'est un brave type !

Elle ne pense pas un traître mot de se qu'elle dit, mais si ça lui permet de se débarrasser de ce causeur de trouble de tête de brute, une pierre - deux coups !

- Miolo... Oui, c'n'est pas faux, il est fort, puis il sait monter à cheval... D'ailleurs il m'en faudrait un aussi... il se retourne et crie à Diasco, le garde cheval de la ville ; t'aurais pas un cheval pas trop cher à m'proposer ?

- Hum... J'ai bien un ponnaille pour toi... Je pense que c'est dans tes prix ! l'homme se frotte les mains en pensant au profit que lui ferait cette monture incapable et têtue face à cette bonne poire

- Trente Tagins ? commence Roger

- Trente-cinq !

- Trente deux cinq ?

- Trente trois cinq !

- Trente trois ?

- T'es vraiment dur en affaire ! Allez vas pour trente trois vingt cinq et on en parle plus !

Une goutte de sueur perle du front de Roger, le regard vif, il observe les mains tremblantes de Diasco, ne s'y trompant pas, ce n'est pas de la peur, mais bien de l'excitation.

- Vingt cinq. C'est une bonne offre. dit Roger sèchement

- Tss... Allez, comme je t'aime bien je te le fait à vingt deux cinq !

- Vingt trois.

- T'aime quand c'est rond hein !

- J'aime les choses rondes, c'est harmonieux, affirme Roger

- T'es vraiment perché, mais j'aime ça aha !

- Merci, marché conclu !

Les deux hommes se serrent les poignets, signe de confiance et pacte entre commerçant.

Roger se retourne vers Agnès, à moitié endormie sur le tonneau, la moitié de sa chope de pleine.

- C'est décidé maintenant, je fais mes bagages et reviens dans deux mois. Attends-moi d'ici là, ou pars faire tes affaires, ça m'est égal.

- Tu ne m'as jamais aimée, hein ?

- Ce n'est pas que je t'aime pas, mais nous n'avons plus grand-chose à faire ensemble, nos routes devront se séparer à un moment, et le voici, c'est comme ça que je le sens.

- Bon vent ! lance-t-elle en levant la main, pendant que Roger quitte sa chaise puis baisse sa tête sur la table

- Ca vous fera cinquante tagins monsieur ! s'empresse d'informer la jeune serveuse en se plaçant de manière à bloquer la route de Roger

Il donne une rune de cinquante cinq Tagins et lui laisse la monnaie.

Roger prit sa monture dès le lendemain, puis partit en mission seul, Milio refusant d'être mêlé à toute sorte de secte autre que la sienne.

La suite nous la connaissons, Agnès n'ayant pas pris la peine de signer les documents de divorce, trompa légalement son mari avec Luigi et sont été découverts dans les bois par des scouts accompagnés par le prêtre du village venu faire la prière en extérieur avec quelques fidèles, ainsi que la paroisse d'une ville étrangère venue en pèlerinage suivi des chevaliers des croisades venant se ressourcer avant de partir en combat vers les contrées du Sud.

Cet acte d'ordinaire jugé immorale, suivi d'une punition de flagellation publique, s'est retrouvé directement digne d'un acte criminel. Ils ont fini par être jugés comme pratiquant de magie noire et ont fini au bûcher, toujours sur la place publique.

Pendant ce temps, Roger était occupé à recruter des camarades pour sa nouvelle mission d'espionnage top secrète, lui qui prenait des nouvelles de sa femme après chaque mission, il n'aurait jamais à savoir se qui lui est arrivé.

* Bamotos : Sorte d'apéritif salé au gout de noisette

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