Chapitre 4
Percy avait passé une drôle de journée.
Il faisait nuit noire. Tout le monde dormait déjà au Manoir. Et pourtant, Percy se glissait seulement maintenant sous ses couvertures, exténué : il devait être quatre heures du matin.
Il regardait les quelques tâches de moisissures au plafond. En fait, le Manoir était, malgré sa vieillesse et ces tâches discrètes, un endroit assez propre. Pas une once de poussière, rien !
Le Manoir lui-même était étonnant par endroits. Il n'y avait pas d'électricité, les lumières, c'était de simples bougies. Et tout de bois, de papier peint, de tomettes... La mode à l'ancienne, de la cave au grenier.
Il avait passé la journée à étudier les lieux. La journée, et aussi la nuit ! S'il se glissait à peine dans son lit, c'était parce qu'il traînait dans les couloirs du Manoir. Il n'avait sûrement pas le droit, mais l'escapade qu'il venait de faire en valait la peine.
Enfin allongé dans son lit, il réfléchissait à tout ce qui avait pu arriver dans cette première journée au Manoir. Tout avait été comme dans un rêve, il avait l'impression de pénétrer dans un autre monde.
La première chose : il détestait l'école, ça avait toujours été le cas, et encore plus les mathématiques. Pourtant, le cours de l'après-midi avait été très intéressant, il fallait l'avouer.
S'il avait accepté d'y aller, c'était pour avoir une chance de s'intégrer : il ne voulait pas rester seul, et même si c'était au départ à contrecœur, il ne l'avait finalement pas regretté. En plus, il devait terminer ses études, et nul à l'école comme il pouvait l'être, il en avait bien besoin.
Le prof, Christophe, était un homme sympathique, les mains au fond des poches, la quarantaine. S'il avait pu aider Percy en cette heure de cours, il ne savait pas faire que ça : entre aider Hoël à faire des soustraction et apprendre à Cléa les nombres relatifs, on voyait qu'il avait plusieurs cordes à son arc.
La plupart du temps, il avait à faire cours à tous en même temps. Heureusement, beaucoup avaient un niveau approchant : Liam avait donc pu lui présenter tous les jeunes du Manoir.
Le niveau le plus jeune se composait d'Hoël, un petit blond de cinq ans absolument fan des animaux. Plein de vie, le gamin était amoureux d'Ariane.
Ariane, c'était une fille du même âge qu'Hoël, qui avait Évan pour frère jumeau. Avec Richard, ils formaient un groupe d'amis soudés, avec toujours la joie au cœur.
Richard avait pour grand frère Édouard, et tous deux étaient assez singuliers. Plutôt froids au premier abord, ils avaient un vocabulaire un peu étrange et venaient d'Angleterre. Ils n'avaient pourtant pas l'accent typique des Britanniques !
Édouard avait douze ans, tout comme son amoureuse, Lou. Gentille, mais contrairement à Édouard, avec un manque total de manières : elle avait de quoi être franche. Métissée, elle venait de la réunion, et savait ce que c'était qu'une famille nombreuse.
Alec, le grand frère des jumeaux, avait le même âge lui aussi, et avec Momo, ils formaient une véritable équipe de choc. Momo, ou plutôt Mokhtar. La peau sombre et les dents claires, cet expert en citation savait réagir quand il le fallait.
Restait deux personnes, visiblement les leaders de cette troupe. Cléa venait de Brest, en France. Grande, une petite tache de naissance en creux sur le bout du nez et un fort caractère. Cette jeune fille de quatorze ans était la petite amie de Liam, il y avait un lien entre eux difficile à comprendre.
Liam venait de Tours, une ville française elle aussi. Plutôt calme et conciliant, on voyait bien que c'était le chef, et qu'il était beaucoup plus mature que le serait un ados de quinze ans.
Rien que l'origine de tous ces personnages donnait à réfléchir. Percy venait de New York, et pourtant il parlait la même langue qu'eux ! Même entre eux, ils ne venaient pas du même endroit et pourtant, ils se comprenaient tous parfaitement.
N'empêche, tous étaient très sympas. Même le prof n'avait pas eu de mal à comprendre les difficultés de Percy, alors que celui-ci avait d'habitude un don pour se mettre ce genre de personnes à dos.
Les cours étaient sympas, même si Percy aurait sûrement dû refuser celui de Grec qui suivit. Il ne voulait pas trop se faire remarquer, et si déjà le combat à l'épée grecque n'est pas anodin, parler grec couramment non plus.
Or, il ne voulait pas montrer trop de choses étranges sur lui et attirer l'attention. Malheureusement, Percy n'avait pas refusé et ce sont des regards impressionnés qui se tournèrent vers lui lorsqu'il annonça avoir terminé ses exercices bien trop vite. Cela dit, rien d'étonnant quand on pratique la langue depuis huit ans.
Encore un autre mystère, leur cours d'E.P.S.. Y figuraient du combat à l'épée, du tir, de la course... Étrange pour un banal cours, surtout qu'Hoël lui avait expliqué que même Christine, la vieille institutrice qui leur enseignait le français et l'histoire, maniait le fusil.
De même, Hoël n'avait que cinq ans et devait aussi apprendre à se défendre. Se défendre ? Contre quoi, ça, c'était une bonne question. Parce que les gens d'ici ne semblaient pas connaître l'enfer des demis-dieux.
Et justement, ces détails l'amenaient à se poser la question : est-ce que cet endroit serait un camp de sang-mêles ? Est-ce que, comme lui, les habitants de ce Manoir étaient des descendants des dieux grecs ou romains ?
Cela expliquerait sa présence ici dans ce cas, une mission qui viserait à dénicher un nouveau refuge de demi-dieux... Sauf que des gens comme ça ne se voyaient quasiment pas atteindre jusqu'à 94 ans comme Christine.
Ça ne marchait pas, à moins que seuls les plus jeunes ne descendent de divinités. Et dans ce cas cet endroit serait vraiment particulier.
Quoi qu'il en soit, tous lui cachaient un gros, très gros secret. Rien que cette mise en scène à son arrivée était un indice.
Oh, que de mensonges, de mystères... Il ne croyait pas réussir à s'endormir de sitôt, mais malgré la tonne de questions et de sentiments qui faisaient rage dans sa tête, il ne tarda pas à sombrer dans un profond sommeil sans rêves - pour une fois.
*
Le lendemain matin, au petit-déjeuner, Percy trouva une assiette de pancake bleus - détail qui lui fit chaud au cœur - à la table des autres jeunes. Ils étaient déjà à table, et les rires se faisaient chaleureux.
- J'en conclus que je dois manger avec vous ? leur demanda Percy avec une pointe d'espérance dans la voix.
Il n'avait pas envie de manger seul : même lorsqu'il était à la colonie, il détestait quand il était seul à sa table, ce qui pourtant était la règle. Un repas est fait pour être convivial, pas pour regarder les autres l'être dans un coin.
- C'est toi qui vois, répondit Momo en avalant son chocolat chaud.
Percy ne se le fit pas dire deux fois, et s'assit entre lui et Liam.
- Bien dormi ? lui demanda ce dernier.
- Pour une fois ça va, acquiesça Percy.
Hoël, visiblement étonné par Percy tout entier, sauta les pieds dans le plat.
- Pourquoi tu manges des trucs bleus ?
- Et c'est quoi le truc gluant dessus ? asséna Lou en regardant le sirop d'érable qui dégoulinait de tous les côtés.
- Ne me brusquez pas commissaire, je vais tout avouer, plaisanta Percy. J'aime manger bleu, car ma mère me faisait toujours manger des trucs bleus. Et le "truc gluant dessus", c'est du sirop d'érable.
- Te "faisait" ? releva Liam en haussant les sourcils.
- Me "fait" quand je lui rends visite, rectifia Percy.
- Et tu habites où ? rajouta Hoël.
- Dis-donc tu en pose des questions ! Tu habites où toi ?
- Ici.
- Et avant ?
- En France, mais ça dépend où.
- Et comment ça se fait que vous parlez tous ma langue, alors que vous êtes tous Européens ? fit Percy à l'intention des autres.
- Ça dépend, tu viens d'où ? demanda Liam d'un air parfaitement innocent.
Ça faisait deux fois qu'il posait cette question, Percy remarqua bien que l'ados cherchait à le percer à jour. Méfiant, il veilla à ne pas en dire trop.
- Je suis Américain, affirma Percy.
- Mon père était Américain, dit Liam d'un ton rêveur.
- "Était" ? le taquina Percy.
- Et sinon, dit Cléa, tu sais pourquoi tu es ici ?
- À vrai dire, je n'en ai aucune idée, avoua Percy alors que son regard s'assombrissait un peu.
Liam et Cléa échangèrent un regard. Qu'y avait-il donc ?
- En fait, tenta d'expliquer Liam, ici, c'est une maison de convalescence avec une section de psychiatrie. C'est pourquoi Léonidas se prend pour le roi de Sparte, le Capitaine pour le célèbre La Buse, un pirate de la Réunion, et l'amérindien pour Mangas Coloradas, un grand chef Apache. Ça, c'est pour les cas les plus importants.
Enfin une explication complète ! Mais Percy sentait bien que Liam ne lui disait pas l'entière vérité, il avait omis la partie la plus importante de son explication, toutefois, il ne releva pas.
- Voilà, tu sais tout, fit Alec. Et toi, tu penses être là pour quoi du coup ?
- Je ne pense pas avoir de problèmes d'identité, ou alors on ne m'a pas prévenu. Donc je ne sais pas du tout. Mes amis disent que je suis un estomac sur pattes, peut-être que je viens faire une cure ?
Édouard le regarda avec une expression si déconcertée que Percy ne put se retenir de rire :
- Je rigole ! assura Percy au jeune brun qui visiblement ne l'avait pas compris.
- Tes amis, releva à nouveau Liam, ceux sur le cadre au-dessus de ton lit ?
- Ceux-là même, acquiesça Percy en retenant une grimace : celui-là n'avait pas les yeux dans sa poche.
- Même la fille qui te tiens par la main ? ajouta Liam avec un sourire en coin.
- Hey ! Percy rougit légèrement. T'es un fouineur toi !
- Un peu oui, se moqua gentiment Momo.
- Mais tu as raison, avoua Percy, cette fille n'est pas mon amie. Plutôt, ma fiancée, ajouta-t-il dans un sourire.
- Oh trop mignon ! s'exclama Cléa.
Percy se mit à ressembler à une tomate.
- On peut changer de sujet de conversation s'il vous plaît ? supplia un Percy de plus en plus rouge.
Alec le sauva en les ramenant sur terre :
- De toute façon on a cours !
Les cours se déroulaient donc tous les jours, au Manoir ! Percy suivit le mouvement, il comptait cette fois aussi y aller avec les autres - même si à vingt ans, il n'en avait plus forcément besoin, il aimait bien ceux-là. Difficile d'y croire, quand on savait qu'il s'était fait renvoyer de sept écoles en sept années consécutives, lui et sa malchance.
Il suivit les autres en silence, mais dans sa tête, il subissait un véritable ouragan de questions sur la conversation qu'il venait d'avoir. Elle avait paru anodine, mais il se disait qu'elle ressemblait beaucoup trop à un interrogatoire.
Ces questions incessantes, ces échanges de regards à la fois inquiets, rassurés, méfiants. Ils n'avaient pas répondu à ses questions d'ailleurs - en tout cas pas sans mensonge.
En résumé, autant se fier à soi-même pour glaner des infos. Plan qu'il mettait en marche avec application : la nuit dernière, par exemple, il avait profité de l'absence d'une vie éveillée dans le Manoir pour faire un repérage.
C'était à cause de cette escapade nocturne qu'il s'était couché aussi tard. Ça en avait pourtant valu la peine !
Entrer par effraction dans le bureau du docteur n'avait pas été chose facile, comme lui et Raoul dormaient à côté. Mais il avait réussi à entrer dans cette pièce qui l'avait tant intrigué lorsqu'il y avait aperçu un rai de lumière qui filtrait sous la porte deux jours plus tôt.
Ce qu'il y avait découvert était surprenant. Cette étrange carte du monde qui recouvrait l'intégralité du mur de la pièce ronde était magique. Placée dans une annexe du bureau du docteur, dans une des tour, elle donnait l'impression d'être entouré par le monde plutôt que d'en faire partie.
Mais la chose vraiment impressionnante était son fonctionnement. Quand Percy s'approchait de cette carte en fixant un endroit, elle zoomait et montrait cet endroit. En temps réel !
Ce n'était pas un vulgaire Google Maps ou les photos ne datent pas d'hier : les passants bougeaient dans les rues, la lave coulait des volcans en continu et en direct !
Dommage, il n'avait pu s'y intéresser longtemps. Cette carte magique aurait pu l'intéresser des heures durant, mais il n'était pas resté longtemps. Pourtant même comme ça, il avait réussi à se coucher au beau milieu de la nuit.
C'est qu'il n'avait pas voulu se faire prendre...
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Hey !
Je sais que venant de moi, ça le fait pas, mais bon : quelqu'un a-t-il une idée de comment Percy aurait pu... se retrouver au Manoir ? (Certains me comprendrons)
Quelque chose de calme, s'il vous plaît... (Encore une fois si je dis non c'est car je respecte certains critères)
Voilà ! À dimanche prochain pour le chapitre 5 !
( Note à moi même : ce chapitre compte 1891 mots)
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