Consciente qu'elle était sur le point de céder Nessa hésita une seconde avant de s'engager dans l'immense gratte-ciel. C'était une véritable cohue. Les gens se bousculaient dans le hall pour entrer dans les ascenseurs. La secrétaire du hall équipé d'une oreillette relié à un micro l'ignora une bonne dizaine de minutes avant de la considérer d'un oeil suspicieux.

- Puis-je vous aider ?

- Je cherche monsieur Wolfkov, où puis-je le trouver ?

- Vous avez rendez-vous ? S'enquit celle-ci en jouant avec son stylo.

- Non, mais je...

- Alors je suis navrée mais vous ne pouvez pas le voir, la coupa-t-elle sèchement : Monsieur Wolfkov est en réunion et ne reçoit que sur rendez-vous.

Sans qu'elle puisse insister, la secrétaire répondit à un autre appel, lui faisant clairement comprendre qu'il était inutile d'insister.

Bouche bée, Nessa se recula sans trop savoir quoi faire. Au comble de l'embarras, elle heurta de plein fouet un homme qui poursuivit son chemin sans s'excuser. Le contenu de son sac à mains s'était reversé, l'obligeant à se baisser pour récupérer ses biens.

- Quelle agréable surprise !

Étourdie, Nessa releva les yeux sur Paul Darwing. Ce dernier l'aida à ramasser ses affaires.

- Merci beaucoup, bafouilla-t-elle embarrassée.

Il lui tendit sa main pour l'aider à se relever.

- Puis-je savoir ce que vous faites ici ?

Nessa lissa les plis sur sa robe d'une main nerveuse. Son arrivée avait été désastreuse. Peut-être le signe évident qu'elle faisait une erreur.

- Je voulais voir Monsieur Wolfkov mais la secrétaire m'a dit qu'il était en réunion. Je ferais mieux de partir.

Joignant le geste à la parole Nessa visa la sortie le souffle coupé.

- Attendez mademoiselle Blake.

Il la retint par le bras.

- Venez avec moi.

Nessa se pinça les lèvres nerveusement, avisant les ascenseurs avec angoisse. Malgré ses réticences elle le suivit. Paul Darwing échangea quelques mots avec la secrétaire en Russe et celle-ci s'enfonça dans son siège le teint pâle.

- Vous êtes sûr que je ne vais pas le déranger ? Insista-t-elle en serrant la lanière de son sac à main.

- Ne vous en faites surtout pas mademoiselle Blake, répondit Paul avec un sourire en coin.

Nessa inspira profondément lorsque les portes s'ouvrirent.

Nessa remarqua un étrange contraste entre la folie qui régnait dans le hall et l'ambiance silencieuse du dernier étage. Choquée par l'immensité des lieux Nessa demeura silencieuse. Epuré, les immenses baies vitrées donnaient un éclairage stupéfiant. C'était moderne mais neutre. Une femme sophistiquée de la tête aux pieds se redressa presque aussitôt, accueillant Paul avec un large sourire.

- Veuillez installer mademoiselle Blake dans la salle d'attente, je vais informer moi-même monsieur Wolfkov qu'elle est ici.

La blonde acquiesça et lui jeta un regard neutre. C'est avec un sourire presque forcé qu'elle l'accompagna dans une pièce adjacente. Nessa souffla en se laissant tomber sur une chaise au hasard. Pour tromper le stress qui l'envahissait elle se leva pour arpenter la salle d'attente. Le silence était si lourd qu'elle se rapprocha de l'aquarium pour admirer les poissons exotiques. Une petite voix s'insinua à son oreille, lui criant de quitter cette haute et majestueuse tour.

Avait-elle bien fait d'écouter Ivy ?

Après tout il s'agissait d'un travail rien de plus.

Peu importe qui lui offrait, Nessa était prête à relever le défi. Cependant aurait-elle assez d'énergie alors que le mystérieux homme d'affaires semblait s'être donné pour mission de l'intimider ?

De plus en plus incertaine quant à la décision qu'elle avait prise Nessa rassembla ses esprits pour mieux reconsidérer cette offre mais il était trop tard.

Nessa aperçut une ombre se projeter sur le sol.

- J'avais parié deux jours, vous me surprenez mademoiselle Blake.

Elle prit le temps de se retourner pour lui faire face.

Un sentiment presque détestable lui noua le ventre. Chaque fois qu'elle plongeait son regard dans le sien, une sensation étrange prenait possession de tout son être.

Pour couronner le tout, le milliardaire adossé contre l'embrasure de la porte, dardait sur elle un regard intense et profond.

- Je vous demande pardon ?

Il se redressa lentement.

- J'étais persuadé qu'il vous faudrait deux jours pour reconsidérer mon offre.

Ignorant l'arrogance de ses propos Nessa redressa le menton.

- Eh bien vous vous êtes trompé, dit-elle en se passant la langue sur les lèvres sèches.

- Vous auriez dû m'appeler, dit-il sur un ton mécontent.

Nessa fronça des sourcils.

- Venez, allons dans mon bureau.

Nessa le suivit non sans rougir.

Lorsqu'il referma la porte derrière elle, Nessa prit quelque instant pour admirer le bureau. Ce qui lui sauta aux yeux fut les grandes baies vitrées. La lumière du soleil inondait la pièce et celle-ci était composé d'un bureau en bois sombre et verni, de canapés en cuir de lumières tamisées et surtout d'un cube en verre qui renfermait une longue table de réunion.

- C'est très lumineux, commenta-t-elle.

- Merci.

Le pression monta soudain. Malgré l'espace de la pièce, Nessa avait l'impression que les murs se rapprochaient d'elle.

- Pourquoi avoir fait tout ce chemin au lieux de téléphoner ?

Nessa plissa à nouveau les yeux.

- Vous avez un souci avec ma venue ? Je peux partir si...

- Ne soyez pas sur la défensive mademoiselle Blake, la coupa-t-il d'une voix ferme ; Je suis seulement mécontent que vous ayez fait tout ce chemin alors qu'un coup de fil aurait suffi.

- Dites ça à la personne qui m'a raccroché au nez une bonne dizaine de fois.

- Je vous demande pardon ?

Le visage fermé, le regard noir il fit le tour de son bureau tout en attendant sa réponse.

- J'ai appelé mais la femme au téléphone n'a eu de cesse de me dire que vous n'étiez pas disponible. J'ai insisté à plusieurs reprises.

Il jura en Russe puis lui indiqua le fauteuil qui se trouvait en face du sien.

- Je suppose que vous avez changé d'avis mademoiselle Blake et je serais curieux de savoir pour quelle raison.

Mal à l'aise elle se pinça les lèvres avant de répondre :

- J'ai réfléchi, voilà tout, abrégea-t-elle en se raclant la gorge.

- Donc, vous êtes disposée à travailler pour moi ?

Nessa frémit et le considéra avec méfiance.

- Oui, je dois juste savoir quelques détails, par-exemple le nombre de convives.

En bonne professionnelle Nessa sortit son cahier pour noter les informations.

Elijah Wolfkov demeura silencieux, l'obligeant à redresser la tête.

Ce dernier avait les yeux braqués sur elle. Une lueur indéchiffrable illuminait ses yeux perçants.

- Trente invités, dit-il d'une voix de gorge.

- Très bien, murmura-t-elle en le notant d'une main nerveuse.

Le poids de son regard était là, capable de lui faire ressentir jusqu'au tréfonds de son être.

- La réception aura lieu le soir ?

- Je crois mademoiselle Blake que vous devriez reposer votre cahier.

- Et pour quelle raison ? S'enquit Nessa peu sûre de comprendre.

Il se carra dans son fauteuil en cuir, le regard rivé sur elle.

- Parce que ma réception se tiendra sur deux jours.

Nessa ouvrit la bouche puis la referma.

- Vous disposerez d'une chambre au domaine et les informations dont vous avez besoin seront dictées sur l'instant.

Nessa cilla devant une telle détermination, une telle fermeté. Avait-elle au moins son mot à dire ?

- C'est-à-dire que je n'avais pas prévu de m'absenter deux jours, je croyais que...

- Je suis certain que votre absence ne posera aucun problème, la coupa-t-il à nouveau implacable et déterminé ; Vous gagnerez plus en deux jours en acceptant mon offre que si vous laissiez votre entreprise ouverte.

L'homme d'affaires arborait un sourire en coin, le regard profondément déterminé. Les joues en feu Nessa préféra baisser les yeux sur son cahier. Ce dieu grec au profil aristocratique et sévère mettait tout en œuvre pour la pousser hors de sa zone de confort.

Serait-elle capable de partir seule dans son domaine ?

- Très bien, dit-elle d'une voix posée ; Quand dois-je me tenir prête ?

- Vendredi, un chauffeur passera vous chercher.

- Je préfère y aller avec mes propres moyens, refusa-t-elle d'une voix ferme ; J'ai besoin de ramener du matériel et...

- Vous disposerez de tout le matériel nécessaire, mademoiselle Blake. Tout ce dont j'ai besoin c'est de vous...le reste sera place.

Nessa enfonça ses ongles dans ses paumes de mains pour endiguer sa frustration.

- Est-ce une habitude chez-vous de décider pour les autres ? Lâcha Nessa d'une voix teintée de reproche.

L'homme d'affaires se contenta de promener son regard sur elle.

- Vous allez devoir vous y faire mademoiselle Blake...