Les heures s'égrenaient et Nessa n'avait toujours pas de nouvelle. L'attente était insupportable d'autant qu'il ne répondait pas à ses appels ni même à ses messages. Cette attente insupportable la conduisit à enfiler un gilet dans le but de partir à sa recherche. Cette idée était certes ridicule mais l'aidait à se convaincre qu'il était là, quelque part.

En sortant sur le porche Nessa dut d'abord faire face à deux colosses armés qui lui refusèrent le passage.

- Je dois sortir cherche du lait, c'est important.

L'un d'eux refusa d'un mouvement de tête.

- Je regrette mademoiselle Blake mais nos ordres sont clairs, nous ne pouvons pas vous laissez partir.

Nessa serra les poings, cherchant un moyen de les contourner. Rien à faire.

- J'ai le droit de sortir ! S'écria-t-elle à bout de nerfs ; Il n'a aucun droit de me dicter ainsi ! J'exige que vous me laissiez passer !

Nessa leva le menton, la respiration saccadée. Les deux blocs de marbre en face d'elle semblaient insensibles à son désarroi. Elle maudissait Elijah pour l'avoir laissé sans explication, sans un mot. Sa patience avait atteint sa limite. Des larmes de colère lui brouillèrent les yeux et enfin la folie s'empara d'elle.

- Sois vous me laissez passer soit je vais chercher le fusil de mon père, menaça-t-elle en croisant les bras contre ses poitrine.

Les deux gardes du corps se jetèrent un regard mais sans mot dire.

- Vous devriez la prendre au sérieux, je suis certain qu'elle serait capable de le faire, s'éleva une voix dans la pénombre qu'elle reconnut tout de suite.

Son cœur s'emballa. Elle laissa retomber ses bras le long de ses hanches ayant soudain l'impression de manquer d'air. Et lorsque les deux gardes s'écartèrent, Nessa aperçut son amant à quelques mètres du porche, les mains dans les poches de sa veste noire. Dans la noirceur de la nuit, son visage lui imposait quelque chose de différent. Il était dur, étrangement menaçant mais une lueur faiblement amusé recouvrait ses prunelles.

D'un ordre prononcé en Russe il remercia ses hommes qui quittèrent le porche sans un mot.

- Où...où étais-tu passé ?

- Je devais régler une affaire, dit-il simplement et sans d'autre explication.

Nessa descendit les marches, peinant à réaliser qu'il était toujours là, qu'il n'était pas parti.

- Quelle affaire ? J'étais morte d'inquiétude, j'ai cru que...

Elle se mordit la lèvre, incapable de poursuivre de peur que cette pensée se réalise.

- Que j'étais parti comme un lâche ?

Elle se mit à fuir son regard, la bouche sèche puis s'aperçut horrifiée que ses phalanges étaient abîmées. Nessa ne perdit pas un instant pour dévaler les marches du porche pour les examiner de plus près.

- Mon Dieu Elijah est-ce que tu t'es battu ? S'écria-t-elle en le dévisageant.

Il avisa ses phalanges avec indifférence.

- J'ai rendu visite à Peter, expliqua-t-il d'une voix grave, sombre et dénué de tout regret.

Elle écarquilla les yeux, craignant le pire.

- Je voulais qu'il sache à qui il avait affaire moya krasavitsa, je crois que le message est passé, cependant je veux rester sur mes gardes.

Nessa déglutit, le cœur serré.

- Il sera suivit à partir de maintenant, je mettrais tout en œuvre pour qu'il ne puisse plus jamais s'approcher de moi.

Bien que ses paroles lui étaient d'un grand soulagement Nessa n'aimait pas sa façon de lui dire. Sur ses gardes, elle recula, réprimant la larme qui menaçait de l'affaiblir.

- Tu parles comme si c'était un dernier acte avant de me quitter.

L'homme se rembrunit, les lèvres fermés puis s'approcha. Elle recula, craignant la suite.

- Non, tu te trompes Nessa, je dirais plutôt que c'est le premier d'une longue et interminable série.

Elle fronça des sourcils, interloquée, peu sûre de comprendre mais le voulait !

Il ôta sa veste qu'il passa autour de ses épaules et sur son visage dur, elle crut voir une émotion emplir ses traits.

- Je suis désolé d'être parti sans un mot ni même une explication, commença-t-il en se frottant l'arrière de la tête.

Ça y est, il parlait du bébé, songea-t-elle en retenant sa respiration.

- Elijah je...

- Non laisse-moi finir s'il te plaît c'est assez difficile pour moi, la coupa-t-il en la dévisagent l'air coupable.

Elle se tut, les lèvres pincées, le cœur redoublant d'intensité.

- Lorsque tu es sortie de la salle de bains j'ai enfin compris, reprit-il en venant lui prendre la main ; Et eu lieu de te le dire, j'ai préféré fuir.

- Me dire quoi Elijah ? demanda-t-elle dans un souffle inaudible.

Il porta sa main à ses lèvres et renversa sa paume de main pour y déposer un baiser.

- Que je t'aime Nessa Blake.

Nessa écarquilla les yeux alors qu'elle les sentait déjà s'embuer de larmes.

- J'ai cru que te garder auprès de moi dans mon appartement suffirait mais je me suis trompé, je me suis montré égoïste. Depuis la prison, tu es ce qu'il m'est arrivé de mieux dans la vie. J'ai réalisé que l'argent ne parviendrait jamais à te garder, parce que tu es différente.

Il marqua une pause pour jurer en russe.

- Je t'ai offert ma confiance et tu m'as donné la tienne, reprit-il en venant essuyer une larme qui roulait sur sa joue ; Tu m'as montré ce que l'amour pouvait offrir et je l'ai lamentablement refusé jusqu'à ce que tu sortes de cette salle de bains.

Nessa ne parvenait plus à contenir sa joie, elle dut faire preuve d'une grande patience pour ne pas tomber en sanglots.

- J'ai crû que tu ne voulais pas de cet enfant, murmura-t-elle d'une voix à peine audible.

Il émit un faible rire, jetant un regard au-dessus d'elle comme s'il pouvait déjà y traduire l'avenir.

- Et moi je l'ai désiré sans même comprendre pourquoi.

Les yeux brouillés de larmes Nessa plongea son regard dans le sien.

- Je ne te mérite pas, lâcha-t-il en venant poser sa paume de main sur sa joue ; Mais je suis certain d'une chose, je ne pourrais pas vivre sans toi.

Submergée d'un bonheur pur Nessa lui sourit, refusant de le laisser croire qu'il ne la méritait pas.

- Tu as le droit d'aimer Elijah.

- Non, j'ai le droit de t'aimer toi et uniquement toi, le reste n'a aucune importance pour moi, déclara-t-il en écartant sa veste pour poser sa paume de main sur son ventre.

- Je ne veux pas que tu te sentes coupable, je veux au contraire que tu prennes ceci pour une chance, un cadeau inestimable dont je prendrais soins.

Joignant sa main à la sienne, Nessa baissa la tête sur leur paumes de mains liées.

- Tu veux vraiment ce bébé Elijah ? Est-ce que...tu veux être père ?

Il soupira avec une lueur déterminée au fond des yeux.

- Une chose est sûre c'est que je ne serais pas comme mon père, je donnerais à cet enfant tout ce que je n'ai pas eu. C'est-à-dire un foyer aimant, une vie paisible et des valeurs auxquelles je tiens.

En vint encadrer son visage de ses larges mains et l'embrassa avec force.

- Et c'est avec toi que je veux le faire ma chérie et personne d'autre.

Comblée de joie elle vint se nicher au creux de son épaule, cédant à des larmes de bonheur.

De son côté Elijah ferma les yeux soulagé d'avoir pu enfin ouvrir son cœur sans craindre d'être repoussé. Et pourtant, il avait donné à Nessa de bonnes raisons de lui en vouloir.

Il avait fui, il l'avait laissée seule dans l'ignorance et la crainte. Il avait tout simplement fui ses sentiments.

Il la serra dans ses bras puis ferma les yeux. Peu à peu il eut l'impression que son passé n'était plus qu'un mauvais souvenir, à tel point qu'il sentait dans son esprit l'image de son père s'effacer. L'image de sa mère absente n'était plus qu'un grain de sable. Ses années de prison ? Une période qu'il ne s'autorisait pas à oublier car cela l'avait forgé, endurci. Et sans cette période, sans cette volonté de vouloir changer sa vie jamais il n'aurait pu connaître cette femme nichée au creux de son bras.

- Je vous aime mademoiselle Blake, murmura Elijah en l'obligeant à le regarder.

Ses belles prunelles luisaient d'une lueur d'espoir.

Oui d'espoir.

- Moi aussi je vous aime monsieur Wolfkov, murmura-t-elle en lui souriant.

Un sourire qui valait mille mots et promesse...