Chapitre 27
En dépit des tourments qui habitaient son esprit Nessa savait qu'il lui était impossible de fuir plus longtemps le milliardaire russe. L'heure du déjeuner approchait. Bien qu'il fut enfermé dans son bureau depuis le petit matin Nessa savait qu'il ne tarderait pas à arriver. Pour calmer la chape d'angoisses qui lui nouait le ventre elle s'occupa du poulet et des pommes de terre qu'elle faisait revenir dans une poêle depuis bientôt dix minutes.
Le milliardaire russe pénétra dans la cuisine, le regard assombri par une lueur mystérieuse.
- Que faite-vous ? Demanda-t-il d'une voix grave.
Nessa coupa le feu avec un haussement d'épaules.
- Ce que je sais faire le mieux.
Il s'approcha du plan de travail, l'air mécontent.
- Ce n'est pas à vous de faire ça.
- À qui d'autre ? Il n'y a personne ici et vous semblez occupé.
Il serra les mâchoires.
- Je ne le suis plus, fit-il remarquer les yeux percés d'un éclat de colère.
- Je ne veux pas vous vexer mais je n'ai pas l'intention de me nourrir de sandwich pendant cinq jours même s'il était délicieux.
Oups...Nessa songea aussitôt à fermer les lèvres.
- Je sais faire autre chose que des sandwichs, dit-il avec humeur ; La prison m'a appris à me contenter de rien. Un sandwich m'aurait suffi.
Nessa frémit mais ne cilla pas.
- Pourquoi êtes-vous furieux ? S'enquit Nessa en croisant les bras ; J'aime faire la cuisine, de toute façon je n'ai rien d'autre à faire ! Vous ne voulez pas que je parcours la plage seule.
- Je vous l'interdit !
- Vous voyez ! Vous...
Les joues cramoisies Nessa décroisa les bras et recula prudemment alors qu'il faisait le tour du plan de travail. Ses yeux n'étaient plus qu'une encre noire. Elle déglutit péniblement.
- Je peine à comprendre pourquoi vous semblez si irrité.
- Vous n'êtes pas ici pour jouer la servante, grogna doucement l'homme d'affaires.
- Je vous le répète, j'aime faire la cuisine.
Nessa lui tenait tête et il ne semblait pas apprécier sa bravade.
- L'image que vous me renvoyez n'est pas celle à quoi je m'attendais, regardez-vous bon sang !
Sans crier gare il attrapa ses poignets pour qu'elle écarte ses mains. Confusément elle jeta un coup d'oeil à la légère coupure qu'elle s'était faite à la découpe des pommes de terre. Elle avait l'habitude de se couper, pour elle, c'était insignifiant.
- J'ai l'habitude, ce n'est rien.
Il ne répondit pas, il se contenta de lui prendre la main pour l'entraîner à l'étage supérieur. Il prit la direction de sa chambre, et Nessa sentit un trouble l'envahir. Elle évita soigneusement de regarder son lit, et le suivit dans sa salle de bains. L'air lui manqua. Elle constituait un endroit exotique fait de bois massif et marbre.
- Asseyez-vous, ordonna-t-il en désignant le banc.
Elle obtempéra, grimaçante lorsqu'il lui retira le torchon qu'elle avait mis à la hâte.
- Je vous assure que j'ai l'habitude, insista-t-elle lorsqu'il posa sa main sur sa cuisse musclée.
Sans mot dire il imbiba une compresse de désinfectant qu'il posa délicatement sur sa paume blessée.
- Après réflexions, je dois admettre que j'ai été trop loin, finit-il par dire comme si cela lui coûtait de l'admettre.
Nessa se mordit la lèvre, cherchant à réduire le flux de chaleur qu'elle ressentait au simple effleurement de leurs mains.
- Je me suis emporté, reprit-il en poursuivant les soins ; Cependant vous ne pouvez m'en vouloir.
Il prit son menton afin qu'elle vrille son regard vers le grand miroir.
Étouffant un hoquet, Nessa écarquilla les yeux cherchant désespérément à effacer la farine sur ses joues. Ses cheveux étaient en désordre.
- Je...effet, bafouilla Nessa en grimaçant.
- Vous auriez dû me prévenir afin que je ne sois pas surpris de vous voir dans un tel état.
Nessa décela une voix plus amène. Il se leva pour ranger la trousse de secours. Dos tournée à elle, Nessa en profita pour se lever à son tour.
- Merci pour le bandage.
- C'était un plaisir, dit-il sans s'y attarder ; Allons goûter à votre délicieuse cuisine.
Ils descendirent en bas. Nessa avait dressé la table extérieure sur une vue imprenable sur la mer. Elle en avait peut-être fait un peu de trop, songea-t-elle en s'éloignant pour rapporter la salade et la corbeille de pain.
Elijah s'était réfugié dans la cave à vin le temps pour lui de calmer son rythme cardiaque. Ses mâchoires n'avaient de cesse de se contracter. La voir ainsi dans la cuisine en train de s'affairer ne l'avait pas mis en colère pour les raisons qu'il lui avait évoqué mais pour une autre en particulier.
De sa vie entière aucune femme avait pris une telle initiative. Il s'était figé en apercevant le sourire délicat qui bordait ses lèvres. Comme si une joie, une exaltation particulière avait pris possession de son être.
Lui, homme implacable et dénué de toutes émotions s'était senti troublé par cette image. En réalité, depuis qu'il était ici avec elle dans ce coin paradisiaque, sans le savoir la jeune femme l'apaisait plus que le silence.
Chassant le trouble qu'elle avait fait naître en lui, Elijah prit une bouteille au hasard et remonta, toujours possédé par ce désir vorace.
Il la trouva déjà assise, le regard rivé sur la mer. Une délicieuse odeur de poulet rôti vint aiguiser son appétit. Il remarqua une bouquet de fleurs posé au centre de la table mais décida de ne rien dire. En d'autre terme plus violents si cette initiative avait été faite par l'une de ses maîtresses Elijah lui aurait ordonné de l'enlever immédiatement.
Mais la jeune femme assise timidement à l'extrémité de la table n'était pas comme les autres.
- Ça sent délicieusement bon, déclara-t-il en débouchant la bouteille.
- J'ai fait ce qui m'a passé par la tête, dit-elle avec modestie.
- Rester assise, je suis capable de me servir, ordonna-t-il quand il la vit se lever.
- Est-ce qu'il y a une personne à ce jour qui a survécu à vos ordres ? Demanda-t-elle d'une voix sarcastique pour tromper les sons hésitants de sa voix.
- Personne jusqu'ici, déclara Elijah avec un sourire en coin ; Vous jugerez par vous-même ce soir lors du dîner.
La jeune femme blêmit soudain comme si elle avait oublié.
- Vous êtes sûr que ma présence est nécessaire ? Insista-t-elle.
Non, songea-t-il au fond de lui. Il avait pour habitude d'aller à ce genre de dîner sans la compagnie d'une femme. Mais l'idée qu'elle se retrouve seule ne lui convenait pas. Mais ce n'était pas tout. Il avait envie de lui faire plaisir. Encore une chose qui lui fit serrer les dents violemment.
- Indispensable, répondit-il catégorique.
- Je ne suis pas très...civilisé.
- N'essayez pas de vous trouver des défauts pour que je change d'avis ma douce.
L'air abattue elle affaissa ses épaules.
- Vous n'avez rien à craindre Nessa, vous allez apprécier ce dîner.
- Puis-je en connaître les raisons ?
Elijah leva un sourcil surpris.
- Vous voulez vraiment que l'on parle de mon travail ? Demanda-t-il tout en la servant généreusement.
Il s'installa en face d'elle, remerciant l'espace qui les séparait.
- Comment vais-je faire pour suivre la conversation si j'ignore le sujet ?
Elle mangeait avec entrain à sa plus grande satisfaction.
- Aucune de vos relations se sont intéressées à votre travail ? Ajouta la jeune femme sans prendre la peine d'avaler sa bouchée.
- Non, elles se contentent de glousser à chaque fin de phrases. Mon travail ne les intéresse pas, ce qui les intéressent c'est mon compte en banque.
Contre toute attente elle lui jeta un regard presque désolé. Ce regard s'ajouta au trouble qu'il ressentait.
- J'ai un nouveau projet aux Caraïbes, un hôtel pour être plus précis. Cependant mon associé m'a envoyé des esquisses qui ne me plaisent pas.
Elle fronça des sourcils, vivement intéressée.
- Pour quelle raison ?
- Ces esquisses exposaient un immense immeuble de cinq étage, c'est hors de question. Je suis peut-être impitoyable mais j'ai mes limites. La faune et la flore sauvages doivent être protégées ainsi que les habitants.
Nessa reposa sa fourchette alors que la surprise s'emparait d'elle.
- Vous semblez surprise.
- Pour être honnête oui, je ne vous voyais pas comme un défenseur de la nature.
- Ravi de vous l'annoncer alors, dit-il en buvant une gorgée de vin...sans la quitter des yeux.
Nessa avait beau lutter contre les petits fourmillement qui couvraient son corps, la lutte était impossible.
- Bâtir un immeuble au milieu de l'île détruira de nombreux commerces, des maisons et mettrons des hommes et des femmes au chômage. Ce n'est pas ma politique. L'île sera détruite et arraché à son âme.
- Vous semblez tenir à cette île, osa-t-elle lui faire remarquer.
Son regard se ferma. Il tapota son index sur son verre tout en la dévisageant.
- C'est là-bas que je me suis réfugié à ma sortie de prison.
Cette confidence ne manqua pas de lui serrer le cœur. Pourquoi ? Parce qu'il semblait le révéler pour la première fois.
- J'ai pris la mince et dernière fortune qu'il me restait et je suis parti aux Caraïbes sans un regard derrière moi. À l'instant même où mon travail m'a rapporté mes premiers vingt millions de dollars j'ai d'abord investi dans les fonds d'investissement après le terrible ouragan qui a ravagés les Antilles. Puis ensuite, cette île.
- C'est très généreux de votre part.
- Je ne vais pas emporter cette fortune avec moi. Autant qu'elle me serve à quelque chose.
Nessa ressentit le besoin de baisser le regard parce qu'elle l'avait mal jugé. Son projet était honorable. Nessa eut envie d'en savoir plus.
- Avez-vous imaginé l'hôtel de votre côté ?
Il tiqua, visiblement irrité de ne pas avoir réussi à l'imaginer.
- Non, je veux quelques choses de précis et qui corresponde à l'environnement. Assez ! Je ne veux plus en discuter ma douce. Je veux goûter à votre cuisine.
Malgré les rougeurs qui remplissait ses joues, Nessa lui tint tête. Le déjeuner se termina agréablement bien. Contre toute attente Nessa avait ri comme une enfant, s'était laissée bercer par le soleil vivifiant.
- Soyez prête à vingt heures précise, lui avait-il murmuré en effleurant sa main d'un furtive baiser avant de s'effacer...
Nessa était d'abord restée là, à songer aux révélations de l'homme.
Si bien qu'elle monta dans sa chambre et s'y enferma. Cette affaire ne la concernait pas et pourtant elle ne put s'empêcher de saisir une feuille et un crayon à papier...laissant son imagination parler pour elle...
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