Malgré l'immense trouble qui l'avait assaillie une bonne partie de la nuit Nessa avait bien dormi dans ce grand lit spacieux. Seulement, lorsqu'elle s'était redressée, le regard rivé sur la mer presque transparente, elle posa instinctivement ses doigts sur ses lèvres. Elle avait l'impression qu'elles brûlaient toujours. Depuis ce baiser Nessa n'avait pas revu l'homme et le remercia pour ce geste qu'elle qualifiait presque d'offrande.

Il avait tout simple disparu laissant derrière lui son empreinte sur ses lèvres.

Le cœur battant à la chamade Nessa hésita avant de quitter sa chambre. Elle reste un moment sur son lit, profitant de l'air frais qui caressait sa peau.

Depuis Peter elle avait laissé aucun homme s'approcher d'elle. La peur, le dégoût, la crainte de ne pas pourvoir affronter ses peurs l'avaient poussé à rester à l'écart des hommes. Jusqu'à l'arrivé de cet homme.

Elle l'avait laissé faire et le pire c'est qu'elle avait apprécié chaque seconde de ce baiser.

Seulement, plusieurs questions taraudaient son esprit.

Allait-il recommencer ?

Est-ce qu'il regrettait ?

Ce baiser avait-il un sens pour lui ?

Nessa prit son courage à deux mains et décida de descendre. Elle n'était pas habillée, seulement vêtue d'un peignoir en soie bleu nuit. Plusieurs minutes s'effacèrent dans lesquelles Nessa fit le tour de la villa sans le trouver.

Ce fut seulement au bout d'une autre poignée de minutes qu'elle entendit sa voix virile à l'extérieur de la villa.

Sa bouche s'assécha presque aussitôt. C'est avec les mains moites qu'elle écarta les voilages pour quitter la terrasse. Son regard lourd de chaleur et de menace se vrilla dans le sien. La première réaction de Nessa fut de détailler avec précision la réaction de l'homme d'affaires. Un sourire se forma sur ses lèvres. Ce sourire chaleureux aurait dû la soulager mais ce fut tout le contraire.

- Bonjour Nessa.

Sa voix paraissait calme, presque trop calme.

- Bonjour, murmura-t-elle en jetant un coup d'œil rapide vers la table.

Celle-ci était composée d'un délicieux petit-déjeuner.

- Comment c'est passé votre première nuit ? Demanda-t-il d'une voix grave.

Nessa réprima de violentes rougeurs. Sa première nuit avait été la plus agréable mais la plus compliquée de toute sa vie.

Elijah serra sa tasse de café entre ses doigts pour endiguer ce nouveau flux de désir qui lui tordait les muscles. La belle jeune femme n'arrangeait pas son état ainsi vêtue d'un simple peignoir de soie qu'il mourait d'envie d'écarter.

La veille, Elijah lui avait offert un baiser inachevé. Pourquoi ?

Parce qu'il avait su sans même le commencer qu'il n'aurait pas été capable de s'arrêter sans l'aide d'un effort surhumain. Il se souvenait encore de la douceur de la pulpe de ses lèvres et du goût exquis qu'elles avaient. De la vulnérabilité...oui....il en avait senti aussi contre sa bouche si rose et délicate. Une explosion de désir l'avait alors foudroyé.

Il avait savouré la prise qu'il avait eu sur ses joues et son menton. De l'odeur enivrante de sa peau. Ce fut à cet instant précis qu'il avait compris ce qu'il devait faire. Rompre ce baiser et la quitter ainsi toute tremblante mais cette fois-ci de plaisir. Ce matin, sous le soleil éclatant qui régnait sur son île la jeune femme était encore plus magnifique avec ses cheveux au vent.

- J'ai très bien dormi et vous ?

Elijah serra machinalement ses mâchoires, rêvant secrètement de l'embrasser avec plus d'avidité, plus de possession. Jamais une femme ne l'avait mis dans un état aussi incontrôlable.

- Ma nuit s'est avéré difficile, avoua-t-il en l'invitant à s'asseoir à ses côtés.

Elle tira la chaise un peu maladroitement.

- C'est magnifique, commenta-t-elle le regard tourné sur la mer des Caraïbes.

Elijah lui, avait le regard fixé sur elle, soupçonnant la jeune femme de faire comme si rien ne s'était passé pour mieux tromper le malaise évident.

Hélas pour elle, Elijah n'était pas un homme qui aime tergiverser. Les choses devaient être dites.

Maintenant.

- Nous devons parler Nessa...

- Non, s'il vous plaît, murmura-t-il les joues en feu.

Ainsi donc elle se sentait terriblement honteuse ?

- Et pourquoi ça ? Demanda-t-il d'une voix faussement calme.

Elle baissa ses magnifiques yeux verts donc les reflets le captivait puis les releva.

- Parce que...je ne sais pas ce qu'il s'est passé et je...

- C'était plutôt limpide, la coupa-t-il en l'embrassant du regard ; Je vous ai embrassé Nessa.

- Vous êtes parti ensuite, lui fit-elle remarquer.

Elijah plissa des yeux tout en étudiant l'expression de la jeune femme. Avait-elle été déçu de le voir disparaître ?

- C'était la seule chose à faire, ce baiser devait s'arrêter.

Elle le dévisagea, les lèvres serrés.

- Il n'aurait jamais dû se produire, murmura-t-elle d'une voix faible qui la trahissait.

Elijah sentit une colère lui monter à la tête mais sut la réfréner. À quoi bon ? Elle se mentait à elle-même.

- Vous savez pertinemment qu'il allait se produire, rétorqua Elijah en reposant sa tasse de café d'une lenteur délibérée ; Vous en aviez envie Nessa.

Avec l'aisance d'un félin Elijah se leva pour venir planter ses mains sur les accoudoirs de sa chaise.

Un faible hoquet s'échappa de ses lèvres douces qu'il s'empressa de caresser avec son pouce.

Ses yeux verts s'éclairèrent soudain comme un faisceau lumineux.

- N'est-ce pas Nessa ?

Nessa referma ses mains sur son ventre, n'ayant pas le courage de lui dire que oui. Elle n'avait pas le courage de lui avouer qu'elle avait aimé cette pression sur son menton ou encore même la force qui avait inondé ses lèvres. Car au fond d'elle, Nessa ne voulait se faire aucune illusion. Il jouait.

- C'est un jeu pour vous, pas pour moi, finit-elle par dire en levant le menton pour le défier.

Il esquissa un froid et dangereux sourire puis vint caresser sa joue avec son index.

- Je ne joue jamais avec les femmes, dit-il d'une voix de gorge ; Seulement avec mes adversaire. En général les femmes savent à quoi s'en tenir.

Pendant un instant qui lui parut une éternité Nessa cilla, horrifiée qu'il puisse envisager que...

Le court de ses penses prirent violemment fin par l'homme à l'origine de ses tourments.

- Mais, pour une raison que je ne m'explique pas, vous n'êtes pas ses femmes.

Cette précision aurait dû faire valser son cœur de mille espoirs mais Nessa savait pertinemment que cet homme redoutable n'allait certainement pas s'ennuyer avec elle plus d'un mois. Ne voyait-il pas qu'ils faisaient partie de deux mondes totalement différent ?

Il voyageait, possédait un empire, usait de son autorité redoutable pour faire plier ses adversaires.

Quant à elle...Nessa tentait désespérément de se reconstruire dans un tas cendres. Elle tentait d'ouvrir sa confiance aux autres.

- Vous l'avez dit vous-même, dit-elle quand il fut assis ; J'ai simplement piqué votre curiosité à présent celle-ci n'a plus d'importance.

Il se rembrunit, le regard sombre.

- Vous avez raison, concéda l'homme en la fixant avec gravité ; Elle n'a plus d'importance car j'ai trouvé ce que je cherchais à savoir sur vous.

Nessa retint son souffle, avisant le regard mystérieux qu'il lui adressait.

- Maintenant je veux votre confiance, déclara-t-il d'une voix dure mais couverte d'une intonation fiévreuse.

Ayant l'impression de se liquéfier sur sa chaise Nessa se redressa lentement.

- Je vous l'ai déjà donné et je peine à comprendre pourquoi vous désirez tant l'avoir.

- Vous ne me l'avez pas donné Nessa, vous m'en avez seulement donné l'illusion.

Surprise Nessa fronça des sourcils pour tenter de comprendre. Réprimant un frisson elle se redressa davantage puis attrapa son verre de jus d'orange.

Non parce qu'elle avait soif mais pour s'humecter les lèvres.

- Je suis montée dans votre avion sans connaître la destination.

- L'adrénaline, déduit-il en plissant des yeux.

Nessa serra les poings pour réprimée une furieuse monté de colère.

- Croyez-moi monsieur Wolfkov, je suis loin d'être une aventurière, l'adrénaline n'est pas mon truc.

Il semblait amusé.

- Et quel est votre truc Nessa ?

- La cuisine ! S'exclama-t-elle un peu trop fort.

Ils s'affrontèrent du regard un long moment puis Nessa baissa les yeux sous la pression fiévreuse de son regard.

Puis sans crier gare il se pencha en avant. Il prit sa main sans difficulté l'obligeant à se lever. L'instant suivant il fut sur ses genoux, prisonnière d'un bras puissant.

- Qu'ai-je fait, murmura-t-il d'une voix rauque ; Je n'aurais jamais dû vous emmener ici. Je me suis leurré.

Nessa frémit de tout son être. La sensation qu'elle ressentit à cet instant la paralysa tant elle était agréable.

Ainsi lovée contre lui elle avait l'impression qu'aucune peur ne pourrait l'atteindre.

Il relâcha doucement sa prise, Nessa en profita pour se relever le coeur battant à tout rompre. Il en fit de même, les yeux ancrés dans les siens. Elle s'attendait à un mot, un geste, une parole de sa part mais il ne fit rien. Il se contenta de rejoindre la baie vitrée, la laissant sur une fin inachevée.

Volontairement inachevée.