Chapitre 24
" Je lui ai donné moi-même ce nom "
Nessa n'avait de cesse de penser aux dernières paroles de l'homme d'affaires. Bien qu'elle se trouvait dans un endroit paradisiaque, les inquiétantes révélations d'Elijah Wolfkov n'étaient pas sans lui rappeler à qui elle avait affaire. Depuis près d'une heure elle arpentait la chambre qu'il lui avait attribué le coeur battant à la chamade. Pire encore !
Son téléphone portable n'émettait aucun signal. Elle avait l'impression d'être coupé du monde et le bruit des vagues lui confirmait cela.
Nessa prit une profonde inspiration en prenant la décision de quitter la chambre. À quoi bon rester enfermée ?
Elle n'était pas prisonnière et pouvait aller et venir comme bon lui semblait à un détail près...
Elle n'était pas seule.
Elijah Wolfkov pouvait surgir de nulle part. À cette simple pensée son cœur s'accéléra.
Elle atteignit le salon éclairé par les hautes baies vitrées et alla toucher les deux grands et hauts palmiers.
- Incroyable, murmura-t-elle en souriant.
Le silence l'accompagna pour le reste de sa visite qui la conduisit dans la cuisine. Une série d'émotions se succéda en elle lorsqu'elle vit l'homme à l'origine de ses tourments en train de s'affairer à faire la cuisine.
La cuisine ?
Nessa cilla devant cette image aux antipodes de ce qu'elle s'était imaginé de lui.
Son regard d'encre vint effleurer le sien. Nessa hésita un instants avant de s'avancer.
- Enfin, s'exclama-t-il d'une voix traînante ; J'ai cru ne jamais vous revoir.
Nessa ignora cette note relevée avec un léger sarcasme.
- Je ne savais pas quoi faire alors je suis resté dans la chambre.
- Vous êtes libre d'aller et venir à votre guise Nessa.
Ça y est, il recommençait à effleurer son prénom avec cette accent troublant. Elle fit au mieux pour ne pas se laisser troubler.
- Vous n'êtes pas ma prisonnière, ajouta-t-il avant de plisser des yeux comme s'il réfléchissait ; Bien que l'idée est tentante.
Nessa sentit un frisson grossir au creux de son échine. Elle avait l'impression de plus toucher le sol.
- Je..je vous pensais en train de travailler.
- C'était le cas il y a trois heures, confirma-t-il en la dévisageant longuement ; Vous avez faim, je suis persuadé que vous avez faim.
Ce n'était pas une question mais une affirmation. Elle avait faim certes mais elle était trop nerveuse pour avaler quoi que ce soit.
- Mon téléphone portable ne marche pas.
Il redressa la tête lentement comme si cette information lui était insignifiante.
- Vous voulez appeler quelqu'un en particulier ? S'enquit l'homme en levant un sourcil.
- Mes parents, ils ont l'habitude que je les appelle chaque fin de soirée depuis Peter.
L'expression du russe se ferma. Nessa s'était sentie obligée de relever ce petit détail.
- Les portables ont du mal à passer ici, prenez la ligne directe.
Nessa esquissa un sourire de remerciement puis s'empressa d'attraper le téléphone. La conversion fut brève mais remplie de tendresses et de mots d'amour. Elle en avait besoin. Ses parents étaient la seule branche à laquelle Nessa pouvait se raccrocher. Ils savaient trouver les bons mots mais savait au fond de son être qu'ils s'en voulaient énormément de l'avoir laissé seule à l'époque où sa vie avait perdu tout son sens. Elijah quant à lui n'avait pas perdu une miette de la conversation. L'amour de Nessa pour ses parents contrastait avec le dégoût qu'il ressentait pour les siens.
Mais il n'avait pas le droit de lui enlever ce sentiment rassurant qu'il avait pu lire dans ses yeux émeraudes.
La tentation de lui demander ce qu'elle avait vécu avec Peter Banks devenait forte. Les recherches qu'il avait effectué sur son passé lui avaient donné quelques bribes mais pas suffisamment pour comprendre ou appréhender la situation.
- Puis-je vous poser une question ? S'enquit Elijah en lui servant un verre de vin.
La jeune femme le serra convulsivement entre ses mains, le regard hésitant.
- Vous n'êtes pas obligée de me répondre, ajouta-t-il doucement.
Enfin, elle accepta.
- Que vous a-t-il fait ?
Sa question était brève, limpide et elle s'empressa de grimacer mal à l'aise.
- Que voulez-vous savoir ? Vous m'aviez dit que mon passé m'appartenait.
- Je sais, mais je commence à réaliser que j'en ai besoin pour vous comprendre.
Il marqua une distance pour la mettre en confiance. Ses yeux clairs parcoururent le marbre du plan de travail puis elle les releva.
- J'étais jeune et naïve.
- Vous êtes toujours jeune, nota-t-il réalisant que c'était bel et bien le cas.
Il avait beau dire que cette constatation lui était insignifiante, Elijah avait devant lui une jeune femme de vingt-quatre ans marquée par un passé violent.
- Je l'ai rencontré à ma dernière année de lycée. À cette époque il était populaire et moi je longeais les murs comme un fantôme jusqu'à ce qu'il s'intéresse à moi.
Elijah resta muet, par crainte de la stopper dans ses confidences.
- Au début il était gentil et je suis tombée immédiatement amoureuse. Issu d'une famille assez riche, son père n'a pas supporté que son fils fréquente une fille de basse condition. Mais Peter s'en moquait.
Elle marqua une pause le temps pour elle d'inspirer péniblement.
- Lorsque je suis tombée enceinte, cette grossesse est passé pour un désaveu auprès de sa famille. Peter était fou de rage contre moi mais il m'a tout de même demandé en mariage. Son père a décidé de lui couper ses revenus qu'il percevait de lui. Et c'est à cet instant précis qu'il a changé.
Elijah se redressa, crispant ses mains sur le marbre.
- Il s'est mis à boire et il me donnait des ordres, des tâches ménagères à exécuter. Lorsque ça ne lui convenait pas il me donnait des corrections. J'ai perdu mon bébé trois mois plus tard.
La jeune femme avait les larmes aux yeux.
- Ce bébé a été la meilleure chose qu'il me soit arrivé mais je pense que c'est mieux ainsi.
Elle secoua de la tête, en haussant des épaules.
- Dans quelle genre de vie cet enfant aurait-il pu vivre ? Reprit-elle en baissant les yeux. Peter s'en fichait. Il me disait même que cet enfant aurait pu nous séparer. Il me voulait tout à lui et a tenté de me façonner à son désir.
- Soyez plus précise.
- Je n'avais pas le droit de porter du maquillage prononcé ni de rouge à lèvres vif. Il voulait toujours que je porte un chignon serré il disait que ça me donnait un air sage et que je ne risquais pas d'attirer l'attention.
Elijah aurait voulu se dire que ce récit ne l'atteignait pas mais c'était tout le contraire.
- Les derniers coups m'ont sauvé car j'ai dû aller à l'hôpital. Puis mon père est intervenu. La suite a été difficile pour moi car Peter s'est montré menaçant jusqu'à ce que j'obtienne l'ordonnance du juge. Et vous savez qui l'a obtenu cette ordonnance ?
Elijah secoua furtivement de la tête.
- Le père de Peter en personne.
La jeune femme émit un rire sans joie, les yeux baissés.
Elijah s'empressa de lui faire relever la tête d'une simple pression sur le menton.
- Vous n'avez pas à vous sentir coupable Nessa, vous n'avez rien de fait de mal.
Luttant contre les larmes, Nessa sentit de la douceur dans la voix de l'homme. Elle s'était confié à lui sans craindre d'être jugé. Elle ne décela aucune pitié dans son regard...seulement de la peine.
Peter était toujours un fantôme trop présent dans sa vie. Elle ne parvenait toujours pas à se défaire de ses mauvaises habitudes. Elle voulait tant réapprendre à se connaître, à s'aimer, se sentir belle et désirable.
Et c'est ce que cet homme lui apportait. Et Nessa en avait peur. Peur que cet inconnu, cet homme au passé dangereux puisse briser la barrière qu'elle luttait à faire tenir debout. Peu à peu, et à son contact, cette barrière s'effritait.
- Merci de m'avoir confié ceci, ajouta l'homme en plongeant son regard dans le sien.
C'était une façon à lui de lui faire comprendre que la discussion était définitivement close. Mais que pensait-il ? Comment la voyait-il ?
Nessa chassa ses questions absurdes de son esprit.
- Mangez à présent.
L'ordre ne souffrait d'aucune réplique.
Mal à l'aise Nessa fit glisser l'assiette vers elle, fourchette à la main. Le poids de son regard était difficile à éviter. Son regard d'encre rivé au sien la troubla de nouveau.
- À quelle heure devez-vous partir demain ?
- " Nous " partiront tard dans la soirée pour un dîner d'affaires.
Nous ?
À cette rectification Nessa frissonna.
- Je n'ai rien à me mettre pour ce genre de soirée.
- Vous aurez tout ce dont vous aurez besoin, dit-il en se levant lentement du tabouret ; Finissez votre repas, je dois passer un coup de fil.
Elijah prit la direction de la baie vitrée qu'il fit coulisser. Une fois seul, gardant toujours un oeil sur la jeune femme, il appela Paul. Ce n'était pas tant la curiosité qui le poussait à l'appeler mais plutôt une question qui le tarodait.
Où était Peter Banks et avait-il oublié la jeune femme.
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