Chapitre 12




Nessa avait regagné sa chambre le cœur lourd. Fort heureusement l'homme d'affaires s'était montré respectueux jusqu'à la fin du dîner. Il n'avait pas insisté ni même posé de questions qui auraient pu la mettre mal à l'aise. Cependant même quand cet homme ne parlait pas, Nessa ne parvenait pas à réfléchir sans qu'une chaleur étrange ne vienne la bousculer. Elle se glissa dans ce lit majestueux avec l'inquiétude de ne pas réussir à surmonter la journée qui l'attendait demain. Elle savait pertinemment qu'elle ne pourrait pas le fuir. C'était son domaine, ses règles !

Autrement dit Nessa n'aurait d'autre choix d'être exemplaire peu importe les obstacles qui se dressaient sur son chemin.

Elle ferma les yeux avec un soupir tremblant et tomba très vite dans un profond sommeil.

~

De l'autre côté du domaine, Elijah s'était confortablement installé dans son bureau privé, cognac à la main quand Paul Darwing pénétra dans celui-ci sans s'annoncer.

Perturbé dans sa tranquillité Elijah grogna doucement.

- Je suis désolé de te déranger mais c'est important Elijah.

Il poussa un soupir et reposa son cognac sur la table avec agacement.

- Je t'écoute.

- C'est à propos de mademoiselle Blake, commença Paul en se grattant l'arrière de la tête ; L'autre jour je n'avais pas toutes les informations. Le voilà ton mystère.

Il lui tendit un dossier, le regard fermé.

- Je doute que tu ressentes une satisfaction à le connaître.

Elijah se redressa lentement tout en ouvrant le dossier. Dès les premières lignes, son regard se fissura.

~

- Peut-être que devrions commencer le glaçage, proposa Nessa en ouvrant son livre de recettes.

Nessa s'était réveillée tôt pour commencer les préparations du dîner de ce soir.

- Vous devriez commencer par déjeuner, lança une voix virile.

Elijah était resté à l'écart pendant une bonne dizaine de minutes pour l'observer. Quand ses yeux verts se relevèrent dans les siens il ressentit une pointe de compassion le saisir. D'après les informations que lui avait rapporté Paul, Nessa Blake n'avait pas seulement quitté Chicago pour ouvrir sa boutique mais pour fuir un petit-ami violent.

Âgé tout juste de dix-neuf ans la jeune femme était tombée sous la coupe d'un étudiant populaire. Si le début de cette histoire l'avait ennuyé, la suite lui avait glacé le sang.

Amoureusement naïve la jeune femme était tombée enceinte. Rapidement fiancée à ce Peter Banks, le jeune homme avait subitement changé de visage et avait fait preuve de cruauté envers elle...la conduisant à perdre l'enfant. Après des mois à subir la violence de ce jeune homme, elle s'était enfuie chez ses parents puis avait pris la fuite à New-York pour reprendre une vie normale.

Mais était-ce le cas ?

Une femme aussi fébrile aussi innocente était-elle parvenue à oublier la douleur d'une perte, la douleur des coups ? Qui plus est aussi jeune ?

Elijah serra les mâchoires pour atténuer l'envie de frapper le mur porteur. Il s'était montré trop cruel et trop méfiant. Paul avait raison.

Nessa Blake cherchait juste à faire valoir son travail. C'était simplement une jeune femme à la recherche d'un soupçon de bonheur qu'elle puisait dans son travail.

Cependant, malgré toutes ses sombres informations, Elijah ne parvenait pas à se défaire de cette furieuse tentation de faire attention à elle...

Une pulsion qui jusqu'à présent, ne s'était jamais manifestée avec d'autres femmes.

Et maintenant qu'il savait qu'elle était passé entre les mains d'un miséreux, la tentation devenait subitement plus dense...

- Venez avec moi mademoiselle Blake.

- J'ai du travail, lui fit-elle remarquer.

- Il peut attendre, vous devez manger un peu, dit-il fermement.

La jeune femme se mordit la lèvre nerveusement tout en jetant un coup d'œil en direction de Doria.

Elle céda, les mains nerveusement croisés contre son ventre.

- Avez-vous bien dormi ? Demanda-t-il d'une voix douce.

La jeune femme prit place autour de la table avec hésitation.

En l'observant avec plus de recul, Elijah se demandait comment avait-elle pu affronter tant de malheur et surtout...

Il se demandait si la peur qu'il pouvait lire dans ses yeux était la même qu'elle avait pu ressentir entre les mains de ce Peter Banks...

- Très bien merci, répondit-elle avec un sourire en coin qui s'effaça aussitôt.

- Je suis ravi de l'apprendre, murmura-t-il en s'installant en face d'elle.

Elle portait toujours le même chignon désordonné, comme si elle se l'imposait pour une raison qu'il espérait sans rapport avec son passé.

Elijah prit une profonde inspiration pour atténuer les tensions qu'il ressentait dans son dos.

- J'ai fait en sorte que vous ayez du personnel adapté d'ici la fin de la matinée.

Nessa leva son regard vers le sien et pour une raison qui restait encore méconnue l'homme semblait différent. Impassible certes, dénué de toutes émotions mais son regard machiavélique semblait avoir disparu. De plus, elle remarqua dans sa voix un changement de tonalité. Elle était plus douce, plus rassurante.

Elle n'allait tout de même pas s'en plaindre !

- Merci, mais vous n'étiez pas obligé, je suis capable de...

- Vous l'êtes, coupa-t-il en inclinant légèrement sa tête pour affirmer ses dires ; Cessez de douter mademoiselle Blake, vous m'avez prouvé que vous étiez talentueuse. Je tiens juste à vous donner les bras nécessaire pour travailler dans de bonnes conditions.

Ça y est, songea Nessa en le dévisageant. Son attitude est trop bonne pour être vraie. Ce revirement de situation la fit paniquer.

- Vous êtes tombé sur la tête ? Vous avez mal quelque part ? S'enquit Nessa.

Le milliardaire émit un rire grave et moqueur.

- Je ne me suis jamais aussi bien porté de toute ma vie.

- Vous êtes trop gentil, vous êtes étrange, nota-elle en lissant nerveusement les plis de la nappe blanche.

- Vous apportez de l'aide ne fait pas de moi un homme gentil mademoiselle Blake.

Nessa retrouva enfin le petit frisson d'angoisses qui n'avait de cesse de la couvrir lorsqu'elle se trouvait à son contact. Elle en fut presque soulagée.

- Je ne suis pas un homme bon mademoiselle Blake, répéta l'homme d'une voix indescriptible.

Il se pencha pour se saisir de la carafe et lui servit un verre de jus d'orange. Nessa ne put s'empêcher d'observer son profil viril, traçant du regard ses mâchoires ombrées d'une barbe naissante.

Elle s'empressa de dévier son regard sur la vue splendide du jardin mais sentit rapidement le poids de son regard posé sur elle.

- Le dîner débutera à vingt-et-une heures.

Nessa acquiesça impatiente de connaître enfin les détails de cette soirée.

- Un apéritif sera servit à l'extérieur, puis ensuite les convives seront conduit dans le salon principal.

- Avez-vous étudier le menu que je vous ai laissé hier soir ?

Nessa retint son souffle de peur qu'il ne le valide pas.

Impassible, le regard sondé au sien, il se contenta d'un furtif hochement de tête.

- Vous êtes certain ? Insista-t-elle en s'emparant de son verre pour le porter à ses lèvres.

Un vague sourire dessina le contour de ses lèvres.

- Il est à la hauteur de mes attentes, affirma-t-il enfin.

Nessa abaissa les épaules de soulagement.

- Je suis ravie de l'apprendre, monsieur Wolfkov.

Il but une gorgée de café puis reposa sa tasse avec une lenteur délibérée. Nessa rompit le souffle qui la gardait encore consciente lorsqu'il darda sur elle un regard mystérieux...un regard qui s'attarda un moment sur sa gorge puis sa bouche.

- Ai-je besoin de savoir autre chose monsieur Wolfkov ? Demanda-t-elle pour tromper le feu jaillissant qui couvrait déjà ses joues.

- Oui, mademoiselle Blake, j'ai en effet une derrière chose à vous dire.

Son accent irrésistible avait pris une note si mystérieuse qu'elle retint à nouveau son souffle.

- Après les efforts que vous allez fournir pour cette soirée, il est évident et presque inconcevable de ne pas vous avoir à ma table.

Nessa cilla, les joues écarlates. Ses mots semblaient perdus dans sa gorge. Il en profita pour se redresser, le regard braqué dans le sien, une lueur de détermination au fond des yeux.

- Ce qui signifie pour être plus précis, que vous n'avez pas le choix d'accepter cette invitation mademoiselle Blake, articula l'homme d'affaires, d'une voix profonde...

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