V/ Raz-de-Marée

Étoile Hurlante patientait dans sa tanière que la patrouille d'Héron Cendré revienne lui faire son rapport.
Mâchonnant du bout des dents un lapin bien juteux, elle réfléchissait aux tensions qui rythmaient la vie des clans depuis maintenant bien des lunes. Voilà longtemps que les chats du lac n'avaient pas savouré une période paisible.

La femelle brun tigré espérait de tout cœur que le Clan de la Rivière ne tenterait rien pour le moment. Dans le fond, la meneuse savait pertinemment que leur conflit se résoudrait dans le sang. Elle espérait simplement pouvoir gagner du temps, un temps précieux pour limiter le coût de cet affrontement stérile.
En effet les novices étaient tous très jeunes, beaucoup de ses guerriers étaient encore inexpérimentés et Aile de Condor avait rejoint les anciens.
Tout cela sans compter le bannissement d'Oreille de Mustang...

Étoile Hurlante essaya de respirer et décida de mettre un peu d'ordre dans son esprit nerveux. Quand elle estimait avoir trop de sujets à traiter, elle organisait précisément sa journée pour être sûre de ne rien oublier.

Aujourd'hui Étoile Hurlante agirait ainsi :

Elle attendrait que la patrouille revienne puis elle partirait chasser en compagnie de Mistral Hivernal qui serait, si tout va bien, revenu de sa patrouille sur la frontière du Tonnerre. Ensemble, ils réfléchiraient à ce qu'elle dirait à Étoile-des-Marées lors de l'assemblée de demain soir.
En fin de journée il lui faudrait évaluer les progrès martiaux de Nuage du Jour, Nuage de Ciel et de Nuage de Rosée.

Le vent gémit au-dehors, on aurait dit une longue plainte angoissée. Depuis quelques jours l'air s'était nettement rafraîchi et la pluie -souveraine de la saison des feuilles mortes- régnait dans le ciel gris.

La meneuse rabattit ses oreilles sur sa tête quand les cris stridents et espiègles de Petite Sauterelle retentirent non loin de son antre.
Ce boucan lui rappela brusquement que son baptême et celui du reste de la portée de Torsade de Bruyère était imminent...

Il lui fallait trouver trois mentors compétents avant l'aube. Elle ne se plaignait pas de voir la tanière des novices remplie, au contraire, mais c'était encore du temps à consacrer. Ces jeunes félins, dont le corps et l'esprit n'étaient encore que fougue et jeunesse, allaient commencer leur entraînement dans une ambiance crispée et menaçante.
Il fallait donc trouver des mentors efficaces et adaptés aux personnalités très variées des trois petits.

Petite Sauterelle était une minette adorable mais surexcitée qui demanderait à être solidement encadrée.
En temps normal elle l'aurait confiée sans réfléchir à Aile de Condor mais ce dernier avait pris une retraite bien méritée...
Aigle Lointain ? Non, c'était peut-être un excellent guerrier, qui avait fait un bon travail avec Tornade-des-Alizés, mais il ne supportait pas l'impertinence et perdrait trop vite patience face à cette petite puce insolente.

La chef soupira longuement, prit une bouchée de sa proie, s'étonna du retard de la patrouille d'Héron Cendré et reprit le cours de ses pensées :

« J'étais moi-même infatigable étant jeune, et Mistral Hivernal a su s'y prendre avec moi. Il n'est plus tout jeune mais je suis certaine qu'il fera des miracles avec cette jeune furie ! »

C'était décidé, Mistral Hivernal s'occuperait de Petite Sauterelle.

Pour Petit Grillon il faudrait un mentor compréhensif qui lui laisserait le temps d'apprendre et d'apprivoiser le monde; ce jeune était nerveux de nature.
Belle-des-Plaines ferait certainement un travail honorable mais un autre nom lui vint : Tornade-des-Alizés.

« Son désir de vengeance envers Oreille de Mustang est-il éteint ? Est-elle suffisamment en paix pour guider un jeune chat ? »

C'était une excellente chasseresse et une féline réfléchie mais elle manquait encore d'assurance.
Le vent cria douloureusement dans les plaines immobiles.
Étoile Hurlante décida de prendre le risque car au fond-elle, elle sentait que ce binôme fonctionnerait.

Il lui restait Petite Cigale, cette petite suffisamment maligne pour faire trimer les autres à sa place !
Si Petite Sauterelle était la forte tête du groupe, sa sœur elle, ne faisait pas de vague et trouvait toujours une solution pour ne rien faire !
Un mentor exigeant et insensible au charmant verbiage de cette dernière était primordial.

« Si je ne venais pas de terminer l'entraînement d'Azur Brumeux je l'aurais formée moi-même... »

Étoile Hurlante songea à son ancien élève : ils s'étaient quittés en froid. Tout partait pourtant si bien entre eux ! Bien qu'elle refusa de l'admettre, Étoile Hurlante l'avait aimé comme un fils, ce fils qu'elle aurait pu avoir avec Plume de Cygne.
Elle avait l'impression de l'avoir abandonné en le nommant guerrier. Dans son regard ce jour là elle avait vu défiler mille doutes, c'était beaucoup trop. Pourtant elle était convaincue qu'il était prêt, convaincue que c'était à lui d'avancer seul, de faire des efforts pour chasser les ombres de son caractère.
Enfin, elle n'était pas assez convaincue pour ne pas culpabiliser dès qu'elle le croisait !

Le rôle du mentor est celui d'un éclaireur, il se doit de poser le bout de sa queue sur l'épaule de son disciple pour le guider dans l'obscurité. Quand ce dernier peut trouver son chemin seul il est temps de le lâcher pour le laisser briller.

Avait-elle lâché son élève trop tôt ?
Non.
La brume de son esprit il devait la dissiper seul. Azur Brumeux devait devenir par lui-même qui il était destiné à être.
Il y parviendrait, du moins elle l'espérait !

Étoile Hurlante chassa ses idées noires d'un tressaillement d'oreille et s'obligea à se concentrer en listant ses guerriers :

Kyrielle de Guêpe aurait été parfaite pour Petit Cigale mais elle s'occupait déjà de ses propres petits.
Cri de l'Épervier était le père des futurs novices, il ne pouvait donc pas s'occuper de leur formation.
Horizon Vermillon, trop dur et trop revêche, ne conviendrait pas à une gamine comme Petit Cigale.

Et Œil d'Engoulevent ne voulait plus former d'apprenti avant quelques temps. Ce dernier souhaitait, selon lui, savourer le travail accompli avec Héron Cendré.
Elle soupçonnait son frère de vouloir passer plus de temps avec ses propres petits.
C'était un père exemplaire qui avait tout fait pour que la mort de Tempête de Grêle n'affecte pas trop sa progéniture. Lui-même n'avait pas encore fait le deuil de sa compagne; Étoile Hurlante doutait qu'il y arrive un jour.

Foudre de Choucas aurait pu convenir mais le lait lui sortait encore de la truffe, il avait l'âge d'Azur Brumeux. Selon elle, un gamin ne pouvait pas en former un autre.
Le vent hurla à en fendre l'âme dans les cieux cerclés de nuages noirs.
Belle-des-Plaines était trop douce, Éclosion de l'Ajonc était ... était parfaite !

Au moment où Étoile Hurlante allait soupirer d'aise un cri terrifié lui glaçant le sang :

« A l'aide ! »

La chef du Vent se précipita à l'extérieur et posa ses yeux émeraude sur Nuage de Rosée qui déboulait dans le camp, le souffle court et l'échine hérissée d'horreur.
La nouvelle qu'elle apportait la submergea avec la violence d'un raz-de-marée :

« Nous sommes attaqués par le Clan de la Rivière, la patrouille d'Héron Cendré est en danger ! »

Comme pour ponctuer ses dires, le ciel laissa couler mille et mille larmes.

~~~O~~~

   Nuage de Puma esquiva Nuage de Balbuzard de justesse et ponctua sobrement son enchaînement d'un croche-patte qui valut à ce dernier une lourde chute sur le tapis de mousse.
Le perdant se jeta pourtant dans un nouvel assaut et les deux félins se livrèrent un combat acharné sous l'œil critique d'Étoile de Vipère.

C'était aujourd'hui qu'elle décidait si les deux premiers fils de Griffe d'Ours étaient dignes de recevoir leur nom de guerrier.

À son côté, Rayon de Sève paraissait encore plus nerveux que son apprenti :

« Détends-toi ! se moqua Patte d'Argent.

- Facile à dire pour toi, Nuage de Puma est ton apprenti depuis le début, murmura Rayon de Sève. Moi je ne suis que le remplaçant, le mentor de substitution.

- Tu délires ? Tu as formé Nuage de Balbuzard pendant quatre lunes ! Étoile Ténébreuse n'a assuré son entraînement que pendant « deux malheureuses petites lunes » ! Sans oublier que c'est ton premier élève et, crois-en mon expérience, tu as fait un travail plus qu'honorable au vue des circonstances.

- Silence », les tança Étoile de Vipère, concentrée par les enchaînements des deux jeunes chats.

Autour d'eux, il pleuvait de plus en plus et la mousse gorgée d'eau devenait baveuse et glissante.
Le vent s'était levé en cette fin de matinée, si bien que les branches des épineux dansaient au-dessus d'eux dans une valse tempétueuse. Le grincement des troncs et les bourrasques gémissantes donnaient l'impression qu'une mélodie discordante résonnait dans la pinède.

Étoile de Vipère trouvait la technique des deux félins correcte mais elle avait la sensation que tous deux plaçaient leurs mouvements dans le but de l'impressionner. Cela rendait l'ensemble incohérent de part ce manque de fluidité.
Objectivement ils n'étaient pas mauvais, mais il n'y avait là rien d'extraordinaire.

« Ça ira, je vous remercie. »

L'ordre d'Étoile de Vipère tomba et aussitôt les novices obéirent.
Ils se tenaient bien droits, attendant le verdict.

« Inutile de faire durer le suspense : je ne vous baptiserai pas aujourd'hui. »

La déception immense qu'elle lue dans les yeux incrédules des deux frères ne l'affecta pas; Étoile de Vipère n'était pas vraiment sensible aux émotions qu'elle jugeait superflues.
En vérité « les grands sentiments » ce n'étaient pas à proprement parler son domaine de prédilection.

« Je repasserai vous voir dans une demi-lune, leur annonça-t-elle. Je verrai si vous avez acquis davantage de fluidité. Maintenant allez chasser mais ne rentrez pas trop tard, les tiques des anciens doivent être enlevés avant qu'il fasse trop sombre.

- Oui », souffla Nuage de Puma, la tête basse.

Nuage de Balbuzard ne répondit rien, ne laissa rien paraître et s'en alla sans un regard en arrière, aussitôt suivi par son frère.

Étoile de Vipère se tourna ensuite vers les deux mentors qui la dévisageaient sans comprendre.
Tous deux semblaient mortifiés, comme si un outrage venait d'être commis.

« Que leur reproche-tu ? l'interrogea froidement Patte d'Argent.

- Ils ne sont pas mauvais au combat, commença-t-elle. Mais ils ne comprennent pas ce qu'ils font, ils se contentent de mettre en pratique des connaissances comprises en surface. J'aimerais que vous les fassiez travailler en profondeur sur l'aisance et l'instinct.

- Deux qualités qui ne s'acquièrent qu'avec l'expérience du champ de bataille pas en s'entraînant, gronda le vétéran.

- Alors c'est à vous de les mettre en condition.

- La méthode d'enseignement dont tu parles est brutale.

- Je n'ai pas dit que ce serait un moment agréable mais la guerre l'est rarement ! » les railla la meneuse.

Sans leur laisser le temps de répliquer, la grande femelle gris tigré s'éclipsa dans les ombres des grands cèdres qui s'étendaient à perte de vue.
Elle s'arrêta néanmoins pour ajouter d'une voix douce des paroles inflexibles :

« Vous avez fait du bon travail avec eux, je ne remets rien en question. Ils chassent tous deux parfaitement et sont de bons camarades de clan. Mais j'ai décidé de durcir l'entraînement martial, de durcir l'entraînement en général. Les novices doivent être davantage éprouvés pour ne pas tomber de haut. Vous êtes les premiers à subir ces changements mais je vous assure que tous les mentors seront concernés. »

Étoile de Vipère s'éloigna, laissant derrière elle deux mâles dépités.
Elle allait rentrer au camp quand une petite silhouette se glissa à ses côtés, l'air renfrogné :

« Un problème, Fleur de Lierre ? »

La guérisseuse prit un temps infini avant de parler, comme pour peser chacun de ses mots :

« Savais-tu que Perle d'Obsidienne formait Nuage de Gui au combat ? »

Étoile de Vipère roula des yeux puis ricana :

« Quelle arrogance de croire qu'on peut entraîner quelqu'un alors qu'il y a trois lunes on enlevait encore les tiques des anciens !

- Rappelle-moi à quel âge on t'a confié Perle d'Obsidienne ? » répliqua vertement son aînée.

La meneuse de l'Ombre se rembrunit aussitôt et c'est presque vexée qu'elle grommela :

« Et alors, où est le problème ? Je ne vois pas pourquoi Perle d'Obsidienne ne pourrait pas donner des conseils à Nuage de Gui.

- Il est mon élève et l'influence de cette guerrière est néfaste pour son bon développement. »

Le dégoût que Fleur de Lierre associa au mot « guerrière » en disait long sur l'estime qu'elle lui portait...

Langue de Vipère enverrait balader n'importe qui aurait traité sa disciple de la sorte.
Étoile de Vipère elle, devait respecter sa guérisseuse quoi qu'il advienne. Toutes deux devaient travailler en bonne intelligence.

Elle se contenta donc de répliquer :

« Perle d'Obsidienne est un bon élément. »

Sa guérisseuse s'arrêta brusquement pour mieux la toiser avec une fureur si glaciale qu'elle aurait pu geler le lac.
Sa queue battait furieusement l'air, sa fourrure lui collait aux côtes tant elle était détrempée par la pluie mais ses prunelles mousseuses elles, luisaient de hargne.
Et quand elle fulmina, Étoile de Vipère se sentit en péril :

« Tu es aveugle, cela te mènera à ta perte. »

La violence instillée dans chacun de ses mots lui hérissa la fourrure.
Comment osait-elle lui parler sur ce ton ?

Autour des deux femelles ce n'était plus de la pluie qui s'abattait mais d'indomptables rafales de grésil.
Le vent enrageait, explosait et déchirait la pinède comme un fauve libéré de ses chaînes.

Comment osait-elle lui parler sur ce ton ?!

Étoile de Vipère s'approcha de sa guérisseuse d'une démarche souple et menaçante. Une fois arrivée à une longueur de moustache de cette dernière elle rugit par dessus le vacarme des éléments :

« Ne me parle plus jamais sur ce ton Fleur de Lierre ! Jamais ! »

Son aînée soutint son regard avec défi avant d'hocher la tête et de tourner les talons.
La meneuse la regarda s'éloigner et resta sous les intempéries un moment, trop éreintée pour avancer.
Elle n'avait pas l'habitude de crier.

Quand elle reprit sa route, l'averse était passée et une certitude s'était imposée dans son esprit : travailler en « bonne intelligence » avec Fleur de Lierre s'annonçait difficile.

Quand elle scruta les cieux, Étoile de Vipère ne vit pas d'arc-en-ciel derrière les nuages.

~~~O~~~

Azur Brumeux et Averse de Grêle se jaugeaient du regard, se tournaient autour comme deux lions fiers. Ils s'esquivèrent une fois, deux fois, trois fois, à la quatrième tous deux se heurtèrent si violemment qu'il dévalèrent la pente dans un roulé-boulé de crocs et de cris.

Le combat faisait rage sur la berge de la tumultueuse rivière :

Les deux patrouilles ennemies s'étaient écharpées sans raisons, se sautant à la gorge à la première provocation.
Encore un combat stérile pour une cause futile...
Il était certain que la mort d'Étoile du Fleuve planait au-dessus d'eux depuis trop longtemps et, tant que ce mystère ne serait pas résolu, les deux clans feraient couler le sang.

La patrouille du Vent était en infériorité numérique face à l'adversaire.
Leur seule chance était que Nuage de Rosée revienne rapidement avec des renforts, autrement Héron Cendré devrait ordonner le repli.

Azur Brumeux enfonça ses griffes dans le dos d'Averse de Grêle et le mordit à la nuque. Son emprise était féroce et le puissant matou ne parvenait pas à se débarrasser de lui malgré tous les efforts du monde.

Puis tout sembla se suspendre, c'était le calme avant la tempête.
Une tempête qui fut fatale à Azur Brumeux :
Averse de Grêle se cabra de toute sa hauteur et tomba à la renverse pour mieux l'écraser avec sa large carrure.
Rusé, le guerrier blanc anticipa l'action et sauta pour se réceptionner un peu plus loin, seulement voilà, un peu plus loin bouillonnait la folle rivière aux flots noirs.

Azur Brumeux glissa, tenta de crocheter la rive d'une griffe désespérée mais tout était suintant d'humidité et il finit par lâcher prise.
L'eau l'absorba tout entier : sa blanche toison, sa gueule ensanglanté et ses poumons affolés furent submergés.
Il s'acharnait à atteindre la surface mais le courant l'entraînait inlassablement vers les nébuleuses profondeurs.

Il s'agitait en vain. Il respirait en vain.

L'eau malicieuse jouait avec lui, le laissant remonter vers l'air libre pour mieux l'enfoncer dans les abysses l'instant d'après.

C'est atroce ce moment où l'on peut encore s'en sortir mais où l'on arrive à rien.
Quoi qu'il fasse il s'enfonçait inexorablement vers les ténèbres glacées.

Ses mouvements se faisaient faibles, sa vision floue s'assombrissait, il était en train de se noyer.

« Je vais mourir. »

Le noir aqueux envahit ses os brisés, son âme brumeuse et bientôt, la vie laissa place au trépas.

« Je suis mort. »

~~~O~~~

Entre mort et vie
Un instant fugace,
Tout y est permis.
Jamais ne se lasse,
La belle euphorie.
Pas de volte-face,
Triste frénésie.
Un baiser vorace,
Dernière Accalmie.

~~~O~~~

Bonsoir à tous !

Voici le nouveau chapitre.
Vous a t'il plu ?

J'avais tellement d'idées pour ce chapitre que je ne parvenais pas à l'organiser de façon intelligente.

J'espère que ce résultat est à la hauteur de vos attentes !
N'hésitez pas à me donner votre avis.

Bonne soirée à tous et portez-vous bien.

~ Bise ~

PS : Pour ceux qui n'ont pas vu, dans mon livre « Bric à Brac », je vais publier de temps à autre des petites anecdotes sur Une Dangereuse Sérénade.
Vous pouvez me faire part de interrogations et j'essaierai d'y répondre au mieux !

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