23/ Cruel Dilemme

Langue de Vipère n'était pas à proprement parlé quelqu'un de loquace ou de solaire. Bien au contraire, ce qui la caractérisait avant toute chose c'était le talent.
Elle était douée pour beaucoup de choses et réussissait tout ce qu'elle entreprenait.
Mais là où elle excellait c'était quand elle devait analyser un chat : trouver ses atouts et ses faiblesse, lever le voile sur un élément trouble, définir une personnalité, comprendre sa manière de penser ou tout simplement mettre la griffe là où cela était douloureux.

Tous les félins souffraient de quelque chose et Petite Vipère savait cela dès la pouponnière. Tous les félins avaient des failles. Cela variait de la fêlure à l'abîme, mais on trouvait toujours un secret pesant ou un souvenir douloureux chez chacun.
Trouver cette "imperfection", cette "aspérité", c'était avoir le contrôle.

Contrôle. C'est un drôle de mot non ? C'est franc et clair. Les syllabes glissent sur la langue pour sortir sobrement et s'imposer naturellement. Mais on ne se sert que très peu de ce mot. On ne dit que très rarement "je te contrôle" mais on l'exerce plus ou moins facilement sur autrui.

Langue de Vipère n'était pas tout à fait comme les autres, elle était... précoce ?
Oui, c'est ce que Croc de Couleuvre, sa mère, lui avait dit dans son enfance.

Les sentiments, les émotions, ce n'était pas comme qui dirait son fort. Elle était prodigieuse dans des domaines incongrus que peu de chats comprenaient. Elle était douée pour calculer le nombre de grenouilles mangées en une lune par le clan, pour démontrer par A plus B que pour comprendre ce que pense l'autre il faut étudier le déplacement de son regard et l'inclinaison de ses oreilles tout en écoutant les battements de son cœur, que le rythme et l'équilibre animaient la vie de chaque félin mais que tout pouvait basculer.

Mais pour dire clairement un « je t'aime » ou un « je te méprise » c'était déjà plus pénible comme épreuve. Pour la plupart des chats elle ne ressentait strictement rien.
Même pour ceux de son propre clan.

C'est étrange non ? Comment peut-on analyser un félin en détaillant ses émotions si on est incapable de les ressentir soi-même ? Comment exercer le contrôle sur des données abstraites ? Comment naviguer parfaitement dans un brouillard insaisissable.

C'était pour le moins paradoxal.

Mais certains l'avaient marquée au plus profond d'elle même, certains l'avaient réveillée, certains l'avaient faite vibrer. Ils étaient si peu... Ils n'étaient plus que deux.
Quand il était encore vivant Fumée du Ciel avait été pour elle un véritable confident, un frère de confiance qui la comprenait mieux que quiconque.
Mais il était mort et Langue de Vipère devait à nouveau faire un choix.
Pourquoi devait-elle trancher ? Pourquoi ce dilemme s'imposait-il aussi cruellement ?

Griffe d'Ours avait été son mentor et son père de substitution. Il était exubérant dans tout et plein de sympathie pour tout le monde. Il aimait rire, il aimait les choses simples, il aimait vivre au jour le jour.
Il avait été le premier pour lequel elle s'était dit « je l'aime » puis « je l'aime beaucoup » et enfin « je ne peux pas vivre sans lui ».

En face il y avait Nuage d'Obsidienne. Son élève. Fumée du Ciel était mort pour protéger cette petite plaie. Nuage d'Obsidienne était une chatte trouble aux multiples subtilités que Langue de Vipère peinait à saisir.
Si elle devait décrire ce qu'elle ressentait précisément pour sa disciple ce serait un échec. Tout simplement parce que l'ensemble était bien trop complexe.

Pourtant elle devait choisir. La bataille faisait encore rage même si sa fin ne laissait plus de doute sur le vainqueur. Les guerriers du Tonnerre bloquaient la retraite au peu des combattants des pinèdes restants.
Elle affrontait Museau de Genêt et Myriade Argentée de front, tandis qu'à son côté, Griffe d'Ours résistait contre Cœur de Prêle et Tache de Blaireau.

Elle pouvait soutenir son mentor et perdre son élève stupide. Ou sauver cette sombre idiote et laisser son ami de toujours entre les crocs de quatre adversaires.

Je lui avais dit de rentrer quand elle le pouvait encore ! Ce n'est pas possible de défier la mort à ce point !

Tandis qu'elle esquivait de justesse les coups véhéments de ses ennemis Langue de Vipère pouvait voir les crocs scintillants d'Étoile Ardente saisir la gorge de son élève.
Elle devait se décider maintenant. D'habitude faire un choix lui venait naturellement, elle qui était l'incarnation même du pragmatisme, mais là elle doutait.

Elle était à un tournant crucial de son existence et elle ne savait plus comment avancer.

Pourtant quand elle s'élança elle ne regretta pas sa décision.

Ce serait bien compliqué de décrire comment elle avait réussi à trancher car trop de facteurs rentraient en jeu. Langue de Vipère se sentait incapable de saisir parfaitement l'enchaînement de pensées qui l'avait traversée, mais une chose était sûre : elle ne pouvait pas laisser une novice mourir.

Sa novice.

Mais plus jamais elle n'arriverait à lui accorder son pardon.

Jamais.

~~~O~~~

Nuage d'Obsidienne avala une grande bouffée d'air et sa vue se clarifia doucement. Elle avait la gueule sèche et une douleur lancinante lui arrachait la gorge.
Elle n'arrivait pas à comprendre ce qui s'était passé. Une colère sourde la heurtait comme les vagues impétueuses s'écrasent sur une falaise escarpée. Mais pourquoi ?

Où était-elle ? Où était Étoile Ardente ?

Sous le choc la féline tenta de s'apaiser pour rassembler les pièces manquantes.
Une odeur musquée ainsi qu'une température vivable lui apprirent qu'elle se trouvait dans son camp et plus précisément dans la tanière de Fleur de Lierre.

La litière de fougère, de mousse et de lichen était confortable et son esprit commençait à vagabonder en dehors de son être.
Les images lui revenaient progressivement, comme des éclairs de lucidité :

L'embuscade

Brame du Cerf

Sort Funeste

La bataille

Étoile Ténébreuse

Étoile Ardente

Étoile Ardente !

La blessure

L'échec

La tanière de la guérisseuse

Il manquait forcément des éléments ! Des choses lui échappaient nécessairement !

« Tu es réveillée »

Une silhouette gracile, d'un jolie brun sombre moucheté de taches un peu plus claires et aux frêles pattes blanches venait de se frayer un chemin dans la tanière épineuse : Fleur de Lierre.

Les yeux verts de cette dernière se posèrent sur elle et la dévisagèrent longuement :

« Je vais te remettre un cataplasme et des toiles d'araignée, la blessure se remet bien en tout cas.

- Que s'est-il passé ? haleta Nuage d'Obsidienne sur un ton saccadé.

- Il s'est passé que tu as voulu jouer à la valeureuse guerrière pleine de haine et que tu en as payé les conséquences, répondit simplement Fleur de Lierre tout en poussant vers elle une mousse imbibée d'eau.

- Qui a gagné ? demanda-t-elle une fois désaltérée.

- À ton avis ?

- Qui est mort ?

- Sort Funeste et Griffe d'Ours. Étoile Ténébreuse a perdu une vie et Langue de Vipère est la nouvelle lieutenante. »

Silence.

Fleur de Lierre préparait sa mixture verdâtre.

Nuage d'Obsidienne secoua la tête d'incompréhension : comment tout avait pu basculer ?

« Ils m'en veulent tous n'est-ce pas ?

- Oui.

- Que puis-je faire ?

- Rien. Tu as été exclue du clan.

- Quoi ? demanda-t-elle sans comprendre.

- Étoile Ténébreuse a perdu l'esprit mais sa décision est prise.

- Mais... mais... ce n'est pas... ma faute ! gémit désespérément la novice de jais.

- Tu as ta part de responsabilité.

- Personne ne m'a défendu ?

- Si, Pleurs de Louve.

- Ma mère ? s'étonna tristement la jeune femelle ébène.

- Oui.

- Pas toi ?

- Ce n'est pas mon rôle.

- Regard Voilé ?

- Griffe d'Ours était son fils. Je ne pense pas qu'elle te reproche sa mort mais la douleur est encore trop vive.

- Sombre Énigme ?

- Il a disparu à la fin de la bataille.

- Langue de Vipère ?

- Griffe d'Ours était son mentor. Elle est encore plus glaciale qu'à son habitude.

- Nuage de Puma ?

- C'est un simple novice et il ne faut pas oublier que Griffe d'Ours était son père...

- Satané Griffe d'Ours... Je n'y suis pour rien si Brame du Cerf est mort !

- Tu as attaqué Étoile Ardente, c'est ça qui a forcé Langue de Vipère à te sauver. Elle a abandonné Griffe d'Ours pour toi.

- Étoile Ténébreuse était mort une fois déjà ! Je ne voulais pas qu'Étoile Ardente lui dérobe toutes ses vies ! s'écria Nuage d'Obsidienne.

- Arrête. Tout le monde sait que tu la haïssais. C'était pour ta propre vengeance. Tu es pleine de haine Nuage d'Obsidienne. Ce bannissement est peut-être une bénédiction pour toi.

- Pardon ?

- Tu n'était peut-être pas faite pour le vie de clan.

- Alors c'est tout ?

- Comment ça ?

- Ça va se finir comme ça ? Je ne suis pas une traîtresse moi ! Je n'ai rien fait ! C'était une erreur ! Vous ne pouvez pas me chasser ! C'est mon clan ! hurla-t-elle, son cœur criant sa souffrance.

- Je suis désolée mais ce n'est plus ton clan manifestement. Pour le traître Langue de Vipère pense qu'il vient du clan du Vent. Pour elle c'est le même félin.

- Je m'en fiche. Tu t'en fou royalement de mon sort, c'est ça ?

- Oui. Toutes ces choses ne sont que futilités. Je soigne et je transmets les messages importants de nos ancêtres. La vie du clan et les stupides querelles ne me concernent en rien.

- Je suis endormie depuis combien de temps ?

- Trois jours, tu vas pouvoir partir ce soir.

- Vous ne perdez pas de temps.

- Prends ça comme un nouveau départ.

- Je suis née dans ce clan.

- Tu n'as rien apporté de bon à ce clan. Fumée du Ciel, Sort Funeste, Griffe d'Ours... Pour une jeune chatte comme toi c'est déjà beaucoup.

- Mais les gens meurent dans une bataille ! s'écria Nuage d'Obsidienne, C'est ainsi !

- Étoile Ténébreuse voit les choses autrement. Le clan entier voit les choses différemment.

- Je vous déteste tous... vous m'avez condamnée dès le début. Je vous hais, je vous méprise et je reviendrais.

- Tu es née sous le signe de la mort. Tu n'es que haine. Tu ne sais que détruire autour de toi. Tu dois partir pour ton bien et le nôtre, répondit simplement la guérisseuse en appliquant sur son cou de la pulpe d'une plante dont Nuage d'Obsidienne avait oublié le nom.

- Vous ne pouvez pas me juger aussi cruellement.

- Cette défaite a ruiné le clan. Sa fierté, sa bravoure, sa détermination... il n'y a plus rien. Ton départ n'a pas choqué grand monde. Le clan de l'Ombre doit guérir de ses blessures.

- Je ne suis pas une plaie qu'on peut soigner en l'évinçant.

- Et pourtant c'est exactement ce qu'il se passe. Les membres du clan pensent que tu es maudite.

- Et toi ?

- Ça n'a pas d'importance.

- Ça en a pour moi.

- Je pense que tu dois courber l'échine et partir. Tu ne pourras jamais t'épanouir ici.

- Mais c'est chez moi... murmura désespérément Nuage d'Obsidienne le cœur en braille.

- Non, ce n'est plus chez toi. Plus vite tu accepteras cette vérité plus vite tu trouveras ta voie.

- Dois-je dire au revoir au clan ? ricana la chatte au pelage de suie en faisant mine de partir.

- Non et je te conseille de sortir par la petite entrée, mieux vaut éviter que tu croises le reste du clan. Tu devrais rester jusqu'à ce soir, ta plaie est encore fraîche.

- Je préfère me débrouiller seule. Retiens bien une chose Fleur de Lierre... Je vais revenir un jour.

- C'est une menace ?

- C'est une simple information, tu en fais ce que tu veux.

- Adieu Nuage d'Obsidienne.

- Ce n'est qu'un simple au revoir Fleur de Lierre. »

~~~O~~~

Ses longues pattes noires foulaient rageusement le sol de son territoire. C'était peut-être la dernière fois qu'elle pouvait sentir les douces aiguilles sous ses coussinets avant longtemps.

Elle était seule. Chassée comme une pestiférée.
Elle n'en revenait décidément pas.

Trois félins de son clan étaient morts à cause d'elle. Mais elle n'avait tué personne volontairement !

Ils pensent que je suis maudite...

Et si c'était le cas ? Ils avaient peur de d'elle en fait. La peur et la ruine font prendre des décisions idiotes.

Un jour, je serai de retour !

« Nuage d'Obsidienne. »

C'était la voix à la fois veloutée et saisissante de sa mère. Cette dernière l'avait suivie.
La fille salua froidement sa génitrice :

« Pleurs de Louve.

- Tu attires les problèmes.

- Merci de le confirmer.

- Les autres doivent avoir raison, tu es probablement maudite.

- Les autres sont des faibles d'esprit, laisse-moi maintenant !

- Je suis désolée.

- Vraiment ? Tu m'as pratiquement abandonnée et te voilà désolée. La vie est hilarante parfois !

- C'était au dessus de mes forces de te voir. Tu me rappelais sans cesse mon échec à protéger Petite Mémoire et Petit Songe.

- S'ils n'étaient pas morts... comment les aurais-tu appelés ?

- Petite Corneille et Petit Loup.

- D'une originalité transcendante ! ironisa-t-elle, Pourquoi Petite Obsidienne ? Personne ne sait clairement à quoi ça ressemble...

- Ton père et moi nous aimions nous promener dans la pinède le soir venu. Pendant l'une de ces excursions nocturnes nous sommes tombés sur un chat errant. Il s'appellait Outre-Tombe. C'était un simple vagabond qui aimait voyager. Il nous a raconté ses aventures chaque nuit pendant une courte période qui m'a parue interminable... C'étaient les mille et une nuits les plus belles de ma vie. Puis il a décidé qu'il devait reprendre son voyage et je ne l'ai jamais revu. C'est juste à la fin de cette fabuleuse parenthèse que j'attendais des chatons.

- Et c'est lui qui t'a parlé de l'obsidienne n'est-ce pas ?

- "Près d'un volcan cracheur de gerbes enflammées j'ai trouvé une pierre plus noire que la suie, plus résistante que la roche la plus dense et plus belle encore qu'un diamant noir frappé par les rayons du soleil. C'était l'obsidienne !" Voilà les mots d'Outre-Tombe. Ton père a tout de suite aimé la symbolique. Quand il t'a vu toi, la seule survivante de la portée, qui ne voulait pas tomber dans les flammes de l'oubli, il a su qu'il voulait t'appeler Petite Obsidienne.

- Tu l'aimais ?

- Le coup de foudre de la jeunesse ma fille... Notre couple était trop récent pour supporter la mort de deux chatons. Je m'en veux de ce que tu as subi par notre faute. Mais je ne peux pas revenir en arrière maintenant... Mais oui, je l'aimais. C'était le premier pour lequel j'ai vibré sincèrement.

- Je sais. Ne crois pas que je te pardonne mais je peux comprendre

- C'est déjà ça.

- Tu crois au Clan des Étoiles ?

- Oui je pense qu'ils existent.

- Moi je sais pas. Je ne sais plus.

- Que vas-tu faire désormais ? lui demanda-t-elle, pas franchement captivitée par les questions sur la religion.

- Je ne veux pas partir Pleurs de Louve, c'est chez moi ici.

- Le sort est jeté Nuage d'Obsidienne.

- Je vais essayé de revenir quand les choses se seront calmées.

- Pour faire quoi ? Le clan de l'Ombre ne sera plus jamais comme avant. Tu ne trouveras jamais la reconnaissance que tu cherches.

- Je ne veux pas devenir une chatte errante.

- Avec ta truffe déchirée, ta plaie à la gorge et ta fourrure de jais je te déconseille les bipèdes. pouffa Pleurs de Louve avec malice.

- C'est la première fois que je t'entends rire.

- Et moi je ne t'ai pas vue rire sincèrement depuis longtemps.

- Je ne sais même plus quand j'ai ri pour la dernière fois.

- Pourquoi ne pas rejoindre un autre clan ?

- Quel clan ?! Je méprise le Vent et je hais le Tonnerre...

- Le seul qui me paraît envisageable c'est le Clan de la Rivière.

- Je suis une chatte du Clan de l'Ombre ! J'aime sentir la fraîcheur des marais et des épineux ! J'aime le chant des chouettes et le ricanement des corbeaux ! J'aime les aiguilles qui tapissent la terre humide ! J'aime courir et me mouvoir dans la cape obscure de la sombre pinède ! Je suis chez moi ici maman ! »

Maman... Un mot dont j'avais presque oublié la sonorité.

« Fais comme bon te semble mais le clan que tu connaissais n'est plus. Ne reviens pas.

- Nous sommes arrivées à la frontière du clan de la Rivière, soupira la novice en s'arrêtant.

- Oui.

- Nos chemins se séparent alors.

- Oui.

- Je ne sais toujours pas quoi faire...

- Tu finiras par trouver.

- Oui.

- Au revoir ma fille. »

Les deux chattes se perdirent un instant dans les yeux de l'autre. Nuage d'Obsidienne détailla minutieusement chaque trait du visage de sa mère. Elle observa les petites taches blanches en forme de larmes sous ses yeux verts et se dit que le nom "Pleurs de Louve" lui allait à merveille.
Dans un moment de faiblesse et de crainte, Nuage d'Obsidienne se colla contre le poitrail de sa mère pendant une poignée de secondes avant de se décoller et de partir loin du clan de la Rivière.

« Où vas-tu ? s'étonna son aînée.

- Retrouver quelqu'un.

- Je te le déconseille vivement ! Si on te trouve sur notre territoire après la tombée de la nuit...

- Je serai partie avant. »

La cadette ne se retourna pas et s'efforça de prendre une grande respiration pour calmer ses angoisses.

Elle s'en sortirait comme elle l'avait toujours fait.

« Je suis une battante » souffla-t-elle dans un murmure qui n'était réservé qu'à elle seule.

~~~O~~~

Hey,
Un nouveau chapitre !
Bon Nuage d'Obsidienne continue à s'enfoncer dans la mouise.
Il vous a plu ?

À votre avis que va-t-elle faire ?
~ Bise ~

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