| Chapitre 6 |

(Média : Cendres des Neiges by Kazuki51) 

        Petite Olive observait la forêt en contrebas, s'imaginant toutes les aventures qu'elle pourrait vivre là-bas. Chasser, courir, grimper dans les arbres... Malheureusement, elle était trop petite pour dévaler toute cette pente. Déçue de constater cela, elle fit demi-tour, direction la pouponnière. À l'intérieur, elle pouvait voir les infernales batailles entre Petit Désespoir et Petit Vautour, déjà âgés de quatre lunes et demi, et pourtant toujours de grands ennemis, les inséparables Petit Acajou et Petite Libellule, toujours à rire, quant aux autres, Petite Ancolie, Petit Cyprès et Petit Chinchilla, ils étaient chacun dans leur coin, dans leurs bulles.

  Comme elle n'y trouvait pas ses frère et sœurs, elle en ressortit. On avait à peine remarqué sa présence. Elle aperçu Petit Lys, allongée dans l'herbe, perdue dans ses pensées. Faut la laisser tranquille, songea t-elle. Elle aimer être seule. 

  Elle glissa sa tête dans l'antre du chef. Petit Houx et Petit Trèfle se battaient incessamment, comme à leur habitude. Son frère, assez frêle, reçu un petit coup de patte sur le front et trébucha en arrière. La chatonne blanche et noire cilla et accourut vers eux, espérant qu'il ne se soit pas fait mal. 

 « 'A va ? s'enquit-elle, le visage pâle. 
 —  Oui, ronchonna t-il, encore sonné. 
 —  Je t'ai fais mal ? » hoqueta Petit Houx. 

   Le petit mâle marmonna des paroles incompréhensibles et secoua la tête. Ses deux sœurs le regardèrent se relever, chanceler puis se remettre sur ses pattes. Il fit volte-face, les sourcils froncés, et les toisa hautainement. Alors qu'une certaine chatonne double-face dû se retenir de rire, amusée par ses yeux qui louchaient, Petite Olive, elle, se demandait pourquoi ils se disputaient tout le temps. Elle pouvait les comparer à Petit Désespoir et Petit Vautour.

  Elle était une petite en peine des conflits familiaux, elle n'aimait pas ça. Tout risquait de mal finir. C'était une grande fataliste pour son jeune âge. En même temps, elle avait finit par ne faire qu'un avec son Clan. Elle était devenue comme tous les autres, comme si le pessimisme était contagieux. Il y a encore quelques heures, elle souriait avec insouciance. Le temps passait tellement vite, ici. C'est comme si les chatons vieillissaient de trente lunes dès leurs premiers jours où ils voyaient le monde.
  Il y avait une ambiance... particulière.
  Le matin, à part les chants d'oiseaux, on entendait les guerriers se plaindre qu'ils n'avaient pas dormit de la nuit, le midi, dire qu'ils n'avaient pas faim, et le soir, ils pleuraient ensemble, même s'ils avaient beau répéter « ça va aller ». Espoir Cendré lui avait raconté que chaque Clan avait son mode de vie et le leur, il l'avait toujours connu ainsi. Il lui a dit aussi que ça devait être destiné à le rester pour toujours. 
  De ses aînés, elle entendait que c'était de la faute de la chef. Ça l'avait blessé, mais c'était la vérité, apparemment. Elle avait ouï-dire que sa mère était maudite et que, depuis qu'elle règne sur le Clan de la Plaine, plus rien n'est comme avant. Le Clan se mourait et se reconstruisait, puis se mourait à nouveau. C'était destiné à ne jamais en finir. 

  Elle entendit un fracas qui la sortit de ses pensées. Petit Trèfle et Petit Houx se battaient. Mais la violence de ce qu'elle avait entendu n'était pas égale aux jeux niais de son frère et de sa sœur. Le bruit venait de la pouponnière. Prise de curiosité, elle alla voir ce qu'il se passait. 

   Dans la petite tanière, les chatons étaient toujours dans les mêmes occupations qu'il y a cinq minutes. Ceux-là, ils étaient à part. Ils étaient dans leurs bulles, coupés du monde et ne se souciant pas même de la plus grosse bataille. Ils verront du sang, ils l'ignoreront. Tiens, la preuve. Le gîte où ils passaient le plus clair de leur temps était sale, délabré, et même un peu empourpré. Ils s'en fichaient. Peu importe ce qu'ils s'était passé, ils se la fermaient et jouaient.
  C'était déconcertant de se dire ça. Même les reines qui étaient censées les surveiller les délaissaient. Ils étaient loin de tout ça, loin des adultes et de la dépression. Elle aurait aimé être comme eux, mais c'était déjà trop tard ; on aurait dit qu'elle s'était prit un arbre dans la tête. Elle était fatiguée, son visage était maussade et ne s'étirait presque jamais.
  Pourtant, on lui disait toujours qu'elle était belle. Même la plus vantarde des chatonnes le lui disait ; de Petit Désespoir à Petite Ancolie, en passant par sa fratrie et les plus âgés de la pouponnière, c'était une affirmation qu'elle avait toujours entendue. C'était comme ça, un point c'est tout. On lui avait dit aussi qu'elle tenait de sa mère. Ça être bien probable, avait-elle répondue. Telle mère telle fille, vous dire. 

   Elle traversa le gîte. Elle était persuadée que ça venait du fond, tout au fond. Là-bas, il y avait une sorte de petit souterrain. Elle y descendit. Plus on s'y engouffrait, plus il faisait sombre. Mais ses aptitudes de félin lui donnaient la possibilité de voir quand même. Le silence était de plus en plus oppressant. Elle eut un frisson. Elle avait un peu peur. Pour se rassurer, elle se disait qu'elle était toujours dans son Clan. Au bout du court couloir, elle reconnaissait un pelage roux. Spirale. C'était donc là où elle vivait. C'était son blâme, sa punition d'avoir manipulé tout le monde.
  Petite Olive n'était pas encore née à ce moment-là, mais on lui avait dit que le Clan du Ciel était là grâce à elle. D'un côté, Spirale avait voulu la guerre, d'un autre, elle avait établi la paix chez les anciens Clans. Elle se souvenait avoir vu un guerrier lui apporter à manger, ce matin. Il était vrai qu'elle ne l'avait encore jamais vue autrement que par les descriptions des adultes, elle avait la trouille.
  Au final, elle s'était détendue.
  Spirale était imposante, certes. Après tout, elle était une guerrière. Elle possédait toujours, bien qu'abîmés, ses fameux bracelets de bronze. Elle avait refusé qu'on les lui enlève, tout comme son collier. Ces objets faisaient partie d'elle. 

   La chatonne l'observait de ses grands yeux bleus sombres. Spirale la considéra de ses prunelles bleus-verts, vides d'émotions. La petite baissa le regard, et remarqua quelques proies un peu mâchouillées au sol mais pas même pas finies, y comprit la souris qu'on lui avait apportée ce matin. Il lui semblait qu'elle était maigre, voire étique. 
  Les parois étaient plus carminées que n'importe quelle autre nuance de rouge et le sol était poussiéreux, humide et un peu boueux. 
  Ce n'était plus la belle Spirale que lui avaient décrite Tornade Spiralée et Baie d'Érable, au beau pelage et aux muscles saillants, mais une féline méconnaissable avec une fourrure flamme négligée, ébouriffée, souillée de saletés et de cicatrices encore sanguinolentes, aux joues trempées et fripées de larmes amères et dégoûtantes, au haut du crâne ensanglanté où étaient éparpillées des débris de plantes. Ses oreilles étaient basses et immobiles, comme glacées, et les traits de sa figure étaient à peine visibles. Elle avait littéralement la peau sur les os. En quelques lunes, il ne restait d'elle qu'une prisonnière à moitié-défunte. 
  Du haut de sa petite demi-lune d'existence, elle trouvait ça choquant, bien évidement. 

 « Spirale... ? bredouilla t-elle de sa voix fluette, pas très sûre de ce qu'elle faisait. Comment toi aller ? » 

   Celle-ci avait toujours le même regard froid. Elle ne répondit que par un vague hochement de la tête et marmonna : 

 « Il vaut mieux que tu t'en ailles d'ici. 
 —  Pourquoi ? 
 —  Parce que tu n'as pas le droit de voir. 
 —  Voir quoi ? Étoile Sanglante a autant de blessures que toi, » fit remarquer la jeune chatte. 

   Petite Olive crut voir un petit sourire apparaître mais il disparut si vite qu'elle se dit qu'elle avait rêvé. Les yeux de Spirale étaient sombres et ne brillaient plus d'aucun éclat. 

 « Je préfère que tu t'en ailles. Je ne suis pas belle à voir, n'est-ce pas ? C'est une charogne que tu vois en face de toi. Dis-toi que cette charogne existe. Elle vit. Elle te parle. Elle est en vie mais on l'a tuée. Détruite. Elle vit encore. Elle est là, ici. On dit son nom comme si on parlait du pire des traîtres. Mais elle est là. Elle n'est ni aveugle, ni sourde, ni muette. Elle ressemble à une charogne, mais c'est bien elle. Je suis morte, petite. Il ne reste plus rien de moi. C'est pas moi qui te parle. Si ce serait moi, elle aurait un sourire dont elle a le secret, un sourire que personne ne sait ce qu'il signifie. Pas ce sourire tombant et laid. Si c'est moi que tu voulais trouver, tu es mal tombée. Je suis déjà morte et plus de ce monde. A ma place, y'a une charogne. Tu parles à une charogne. » 

   Sa voix faiblissait au fur et à mesure qu'elle parlait. La chatonne était perplexe, elle fixait son interlocutrice sans intervenir. Cette dernière sombrait peu à peu dans le délire, des larmes coulaient sur ses joues sans qu'elle s'en rende compte. 

 « ...Tu parles à une charogne ? continuait-elle. Une charogne. Je suis une charogne. Une charogne qui existe... Ça recommence... J'aurais aimé qu'on me laisse vivre. Je veux vivre. Je veux juste qu'on me sorte de là... Je sais pas qui je suis... Je veux juste me retrouver... Je me retrouverais... Et je vivrais cette fois... Un jour je... reviendrais et... je me retrouverais... tu veux m'aider ? » 

   L'intéressée recula, elle n'y comprenait rien. Elle tremblait, elle était confuse et incapable de répondre. Comment pouvait-elle l'aider ? C'était impossible. Elle était toute petite... 

 « Je sais que tu vas refuser... Tu veux pas de moi, hein ? Tu as peur... Je suis un monstre, hein... C'en est fini de moi... je suis un monstre... je suis folle... et tu as peur... » 

   La guerrière était secouée de violentes convulsions alors qu'elle gémissait et sanglotait, tête basse. Petite Olive ne savait plus si elle riait ou si elle pleurait. C'était effrayant. Le piteux état de Spirale lui avait fait perdre encore plus la raison. Rien n'était arrangé. 

 « Fuis ! » cria la pitoyable femelle, la voix rauque. 

   Le sang de la petite chatte ne fit qu'un tour. Elle courut vers la sortie sans demander son reste. 

NDA 

1789 mots ! Pour me rattraper de mon tout pitit chapitre d'avant lel 

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