| Chapitre 46 |
(média : Pluie d'Étincelles)
Enfin parti.e. Enfin... Un frisson parcourut la fourrure délavée de Spirale, et des crépitements secouaient ses entrailles. La vue du reste de son repas lui saisit à la gorge, elle le poussa et se roula dans un coin. En tentant de faire une sieste, elle s'étouffa dans un sanglot, pressa sa truffe contre ses bijoux de bronze, mordilla la ficelle de son collier, la chair dans la vieille plaie de sa patte, et toussant sur l'arrière goût de métal, elle se releva et se dépêtra de son collier. Le pendentif tinta.
« Sparky... tout est de ta faute... Ça t'a apporté quoi, de faire ça, à ta propre sœur ? Je... j'aurais pu ne jamais rencontrer Demi-Cœur, et Étoile de Frayeur, et... je ne me serais pas retrouvée là ! J'allais bien ! Je pouvais aller bien, et juste, juste parce que tu n'étais pas d'accord avec moi, parce que ça t'aurait pas suffi de me blesser, je ne sais pas, de tout ce que tu pouvais faire, quoi, oui, ah oui tu étais gentille, tu étais guérisseuse, la cheffe t'aimait bien, et moi quoi, c'est moi qu'on déteste ? Je ne suis plus rien qu'un monstre et c'est de ta faute, de ta faute ! »
Elle griffa la paroi de ses graviers. Cela ne détruisait pas sa prison, ni ne faisait partir le poison dans ses veines.
« C'est de ta faute ! » Elle balaya le joyau. « Tu es le monstre, Sparky ! »
Elle lacéra la carcasse de lièvre, en vain de vouloir lui donner ce qu'elle méritait, s'agrippa le front puis plongea ses griffes dans l'animal mort, ce n'était pas elle le monstre, et pourtant elle voulait s'arracher les poils de sa figure. « Je te déteste, Pluie d'Étincelles. Je te hais, je te hais plus que tu ne m'as jamais haït toi, je ne t'ai rien fait, jamais ! »
Elle étendit ses pattes poisseuses pour les serrer sur une touffe, qui ne pouvait éclater. Ce n'était pas elle. Pourquoi je frappe, sur quoi est-ce que je m'acharne, même...? Ces murs montagneux l'enfermaient là où elle avait été usée. Elle y était de retour, à jamais.
« Tu voulais juste que je me rappelle de toi... et tu as réussi et tu es morte en paix... sans jamais voir ce que tu m'as fait devenir... »
Un strident silence, indifférent, lui revint.
« Pourquoi ce n'est pas toi qui est enfermée ? Tu n'étais pas seule à ta mort, toi. Tu avais ta chose avec toi. Tu aurais dû vivre à ma place... Tu n'as jamais rien regretté, tu ne sais pas ce que c'est ! "Spirale, c'est mal de se venger des autres", "Spirale, tu ne devrais pas faire du mal à des innocents", "Spirale, tu es trop agressive avec les autres, pourquoi tu leur en veux autant ?" Qu'est-ce que tu as fait, toi ? Tu n'as jamais rien avoué, Leaf n'en sait rien, personne ne sait rien, tu as tout eu ! Et c'est moi la perverse, la folle !
— Bon... bonjour... Spirale... »
Nuage d'Ancolie était là. C'était elle qui avait entendu tout ça. Pluie d'Étincelles n'était pas là pour être accusée. Elle parlait seule.
« Permettez-moi de venir à vous... Plume Sauvage a rapporté que vous ne—
— Je m'en fiche ! »
Spirale hurla d'un souffle rauque et projeta la carcasse, la faisant se craquer contre la paroi. Je ne lu laisserais pas ruiner ma vie aussi ! Je n'aurais personne d'autre pour m'utiliser !
« J'ai apporté des baies de genièvre, si cela peut vous aider à—
— M'aider ? M'aider ?! Qu'est-ce que vous allez faire de moi, Spirale, l'horrible manipulatrice des Clans ?! Pourquoi me gardez-vous ?! »
Un sifflement aigu s'échappait de son corps pourrissant quand elle s'arrêtait.
« Je... Pardonnez-moi, je ne suis pas au courant des raisons des décisions de mes aînés...
— Comment ?! Pourquoi est-ce un secret ? Il y a t-il quelque chose que je dois savoir ? Faites moi sortir, faites-moi sortir, je veux sortir de ces montagnes ! »
Elle écrabouilla les baies de genièvres qu'avait déposé la jeune chatte, et elle se mit à les frapper dans la pierre, du jus rouge éclaboussèrent le bout de leurs poils, son tapage n'était qu'un bruit dans la salle, un rythme qui donnait le tournis, ses bracelets cliquaient, sa camarade y calait sa respiration, jusqu'à ce qu'il ralentit, et que Spirale abandonne sa patte engourdi pour s'appuyer sur l'autre ; l'apprentie avait eu un recul. C'est bien toi qui l'a dit, Pluie d'Étincelles, je ne fais qu'être violente !
« Je comptais détruire tous les Clans, parce qu'ils avaient malmenés à la mort quelqu'un que j'aimais, je n'allais pas juste être triste et ne rien faire pour ma mère ! Ma mère, est-ce que ça veut dire quelque chose pour vous ? Je ne pouvais pas vivre en sachant que... je pourrais la venger, mais que je n'ai même pas essayé... et au final, personne n'a compris, personne ! Alors oui, peut-être que oh, Pluie d'Étincelles avait raison, et que oui, je l'ai tuée, mais je n'ai jamais voulu faire du mal à personne, moi, c'était pour l'honneur de ma famille ! »
La petite analyste tendit une patte prudente, cherchant le meilleur moyen d'intervenir. Spirale voulut prendre une bouffée d'air, là où celui-ci s'était accumulé et se renfermait sur elle ; ses poumons pinçaient.
« Vous n'êtes que comme elle... c'est pour ça qu'elle vous aimait... que vous l'aimiez... que vous me détestez... que vous voulez juste que je subis pareil que ma mère, au final, ça ne vous a rien appris. A qui je parle, peut-être que Pluie d'Étincelles peut m'entendre, peut-être qu'elle me regarde depuis là où elle est, qu'elle me regarde, ah ! Qu'ai-je fais, j'ai juste créé d'autres Clans de chats cruels qui vont s'en prendre au reste de ma famille, à d'autres familles, et c'est normal pour vous, c'est normal ! Ça ne devrait pas l'être, vous ne vous rendez jamais compte ! Entend-moi, Pluie d'Étincelles ! »
Sa respiration bloquant sa gorge, la prisonnière déglutissait pour reprendre contrôle sur les battements de son cœur, ses tremblements, les couleurs de sa vision, se brouillant, s'emmêlant, elle rétractait et rentrait ses griffes sur le vide, parce qu'elle ne trouvait pas ce qui résisterait assez tout en se démolissant sous sa pression, pour qu'en le cassant, faire que sa sœur et tous ces chats regrettent. Que ça soit la dernière chose qui existe pour eux.
« Spirale, asseyez-vous droite, cela devrait... disait-elle et ses mots se muaient en syllabes insistantes.
— Non... »
Sa réponse faisait un couinement, et elle ne pouvait plus mettre hors d'elle ce qui congestionnait le sang dans ses tempes, elle s'agrippa à un mur, ils veulent me détruire maintenant, une de ses griffes se retourna, tu as tout eu, à son propre visage, je t'avais protégé, à ses épaules, je t'ai donné la mort Pluie d'Étincelles, la petite avait dû fuir, tu ne la méritais pas, à ses flancs, je t'ai juste tout donné, à sa nuque serrée, tu as fait tout ce que tu voulais de moi, et directement s'accrocha dans son bas-ventre, tu m'as recréé. En ton monstre. En toi-même. L'ombre de toi-même.
~°~
« Spirale... pourquoi tu as fait ça...? »
Pluie d'Étincelles. Dans un hoquet, Spirale se hérissa droite sur un nid de feuilles et de plumes, le vent bouffant à sa figure des larmes et la pâleur clignotant au fond de son crâne, et des éclats de voix, proches, si clairs, et Nuage d'Acajou, elle avait dit ça, mais ce n'était pas Sparky ; Clair-Obscur, avait son doux sourire de miel, elle approchait avec un cataplasme, et Plume Sauvage se trouvait à son chevet, avec sa fourrure si soyeuse, et Nuage de Lys venait avec du pavot et son pelage blanc tacheté d'un argent comme son or, Nuage d'Ancolie murmurait le froid dans ses muscles ; Spirale donna un coup à la guérisseuse, s'égosilla à la douleur tranchant le creux de son ventre, et s'approchaient Dévouement de la Colombe avec ses précieux yeux de noisette, et Esprit de l'Écureuil la toisant de son indifférence, ils vont me garder ici, je serai faible, faible comme elle l'était, je dois être forte comme avant, je dois... Elle poussa un chat, un apprenti, ou une féline qui était son aînée, ou quelqu'un d'autre, quelque chose qui la suffoquait, la brûlait au profond, elle agrippa la queue de la guérisseuse, et par-dessus les voix qui s'élevaient, et les souffles qui s'assemblaient, elle lâcha :
« Laissez-moi parler... à votre Clan des Étoiles ! »
Ils peuvent me redonner ma force, je dois l'avoir, je suis malade sans ces pouvoirs, trop faible, plus faible qu'elle... Sa confusion se reflétait dans les pupilles de la guérisseuse, et des étincelles baignaient leurs corps.
« Je... j'ai eu des visions du Clan des Étoiles... mais... hésitait Étincelle-Obscur, sa chère guérisseuse et son sourire timide.
— Nous ne nous sommes pas penchés sur les réunions de demi-lune... dit Étincelle de l'Écureuil en jouant les sœurs sérieuses.
— C'est un sujet pour la prochaine Assemblée ! annonça Étoile d'Étincelle dans son ton satisfait d'elle-même.
— Il faudrait te soigner, pour le moment, tenta d'intervenir Étincelle de Lys.
— Pourquoi est-ce important ? » demanda une novice, avec son pelage étincelant, Étincelle Immortelle.
Pluie d'Étincelles mentait, elle mentait toujours, les faisait mentir, puisqu'ils la détestaient aussi, voulaient la garder dans cet état.
Elle bondit, arracha le cataplasme de celle qui l'avait faite, et retourna dans ses tunnels, dans la pièce au fond, elle se fracassa le dos au mur et pressa les plantes piquantes sur son bas-ventre. Sa queue frôlait le haut de son crâne. Ces rochers ne la protégeaient pas, ils ne l'avaient jamais fait. La pénombre la tarissait, la moisissure rongeait sur elle, la fermeture coupait son souffle, le sol attirait son faible corps. Tant que Spirale ne pouvait récupérer ses pouvoirs, ce qui lui rendait ce qu'elle était, la faisait plus puissante que Pluie d'Étincelles, son absence immortelle pleuvra sur elle.
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