| Chapitre 23 |
Etoile Sanglante rentra au camp à contrecœur, les yeux brûlants. Elle grimpa sur la Corniche, s'essuya les yeux rapidement et miaula d'une voix nouée de larmes :
« Que tous ceux qui sont en âge de chasser s'approchent... de la Corniche... pour une Assemblée du Clan. »
En silence, à part quelques murmures à peine audibles, la foule de félins s'assembla autour du boisage.
« Le mentor de Nuage de Bourgeons étant... décédé... il faut que j'en nomme un autre... Plume de Fouine ! Tu es une guerrière très expérimentée et saura reprendre son flambeau. »
La guerrière rayée serra les dents en entendant son nom. Je ne mérite pas ! songea t-elle sans bouger de sa place. Cœur de la Vengeance était un bien meilleur mentor que moi ! Je suis nulle ! Voyant que la femelle ne venait pas, Etoile Sanglante la regarda, intriguée.
« Ne te rabaisse pas, tu feras un super mentor, Plume de Fouine, j'en suis sûre... affirma la meneuse.
— La ferme toi, tu es une chef de Clan si pitoyable qu'il te faut un mâle pour te protéger ! » la railla t-elle violemment.
Elle a raison mais... Je suis née faible et frêle, qu'est ce que j'y peux ?! songea Etoile Sanglante en baissant la tête. Elle resta un moment silencieuse, remettant sa vie en question. Elle a qu'à faire la chef si elle se croit si maline !
« Je fais ce que je peux ! riposta t-elle.
— Oh là là je vais pleurer ! Ecoute-moi plutôt : je ne veux pas être mentor. Peu importe de qui, je ne serai le mentor de personne. J'estime que je ne le mérite pas, un point c'est tout. »
Etoile Sanglante griffa la Corniche et y descendit, tout en bifurquant vers la sortie du camp. Puisque personne ne voulait d'elle, alors elle s'en allait !
« Si tu veux choisir par toi même, vas-y remplace-moi, Etoile de Fouine ! » cria t-elle en s'éloignant.
Plume de Fouine ne comprit pas tout de suite, mais en voyant une partie du Clan s'élancer à sa poursuite en criant le nom de la chef, elle comprit que pour la énième fois de sa vie, Etoile Sanglante voulait littéralement se jeter dans la rivière. Elle ne voulait pas connaître quelqu'un qui mette fin à ses jours sans avoir essayer quelque chose pour l'aider, car elle en avait mauvais souvenir... Elle suivit son groupe pour la rattraper. Elle fut la première à l'attraper, malgré ses pattes courtes.
« Hé Etoile Sanglante ! Fais pas l'idiote ! T'a quand même un compagnon et vu comment il pleure je crois pas que ta mort arrangerait les choses... Si je suis mauvaise mentor, mauvaise lieutenante, alors je serai une mauvaise chef. J'en suis certaine. Allez reviens.
— Tu es bien plus utile que moi Plume de Fouine... marmonna la chef. Si je n'aurais pas de Clan à gérer, je serai morte depuis un moment déjà... »
Elle la remercia d'un bref hochement de tête et retourna au camp, tête baissée. Si y'a tant de personnes qui tiennent à moi... j'y crois pas trop mais bon... Soulagés, les guerriers revinrent dans la plaine à leur tour. Quel cas, celle-là... pensa Plume de Fouine. Elle revint à la cérémonie du nouveau mentor où elle accepta à contrecœur de frôler le museau de Nuage de Bourgeons. Qu'est ce qu'il faut pas faire...
~°~
Rayure de Bronze souillait ses joues de larmes, roulé en boule dans son nid. La mort de Cœur de la Vengeance était trop douloureuse. Les joues brûlées, il espérait que personne ne s'inquiéterait pour lui, il n'en valait pas la peine. Il avait su venger sa compagne, mais pas la protéger. Il s'en voulait beaucoup. A tel point qu'il pourrait rejeter toute l'eau qui composait son corps rien qu'en pleurant.
« Rayure de Bronze ? »
Il se crispa en entendant la voix de son père. Pourquoi fallait-il qu'il vienne au mauvais moment ?
« Va t'en, je t'ai dit que je ne voulais plus te voir, grogna t-il d'une voix brisée.
— Je voulais simplement m'excuser...
— Les excuses, ça soigne pas les cicatrices. »
Il frappa le sol furieusement de sa queue, toujours sans se retourner. De toute façon, il avait les yeux voilés par les larmes, et n'avait envie de parler à personne. Rayure de Zèbre se mordit la lèvre, et baissa les yeux.
« Je sais que la mort de Cœur de la Vengeance te fait beaucoup de mal, et je sais que je ne suis pas de meilleure compagnie pour te réconforter... J'espère que tu t'en remettras, je sais ce que ça fait...
— Je sais que tu as changé, par le passé, tu as fait une erreur... Je n'arrive pourtant pas à te pardonner. Je ne veux pas salir la mémoire de Feuille Brisée, étouffa t-il entre quelques sanglots.
— Je comprends... je sais que je dois te laisser seul alors... »
Il ne finit pas sa phrase et s'adossa contre un chêne en bas de la plaine. Il s'en voulait d'avoir fait tant de mal, cependant, il savait que ça ne changeait rien... Il essuya ses larmes, se disant que c'était inutile, et se roula en boule pour dormir.
~°~
Vent Mauvais bailla ouvertement. Il vérifia sous son nid que le trèfle à quatre feuilles qu'il y avait caché était toujours là. Depuis, il dormait bien avec ce trèfle. Il était bien là. Il sourit et s'allongea dans sa litière au fond de la tanière. Alors qu'il s'apprêtait à dormir, un grognement haineux. Scelio le foudroyait du regard, Etoile Sanglante à ses côtés. En fait, vu que Cœur Noir avait piqué son nid dans la tanière des guerriers depuis qu'ils étaient bannis de la Forêt Sombre, il se retrouvait obligé de dormir dans l'antre d'Etoile Sanglante, qui avait amèrement accepté.
Mais bon, il ne la dérangeait pas, de toute façon, et dormait au fond. Il comprenait quand même la réaction de Scelio, bien qu'il ne comptait en aucun cas lui voler sa compagne, c'était sûr. Le guerrier brun lui lança un dernier éclair du regard et se roula en boule près d'Etoile Sanglante, qui s'endormit si rapidement qu'on aurait cru qu'elle n'avait pas dormi depuis des lunes.
Le guerrier gris haussa les épaules et joua avec les fougères de son nid qui dépassaient. Il était si bien garni qu'il y en avait parfois trop ! Il faut dire que Nuage Malchanceux prenait le temps de tout bien faire. Il repensa à Scelio et se dit : je crois qu'il me rappelle vraiment quelqu'un lui... Sa robe brune et tigrée, sa longue fourrure un peu frisée, ses moustaches droites, ses crocs aiguisés et ses oreilles plus grandes suffisaient à le rendre assez méconnaissable pour ne pas être reconnu, sous l'apparence d'un matou de salon.
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