« - Quoi ?! Mais... co... comment ? s'écria Petit Bourgeon sur le coup de la surprise. 

- Sois fort, Petit Bourgeon. Toi seul peut faire quelque chose face à sa folie... » murmura Petit Sol. 

Le sang de Petit Bourgeon se glaça. Il n'avait qu'à peine quatre lunes ! Comment pouvait-il faire face à la folie de sa propre mère ? 

« - A bientôt, Petit Bourgeon, lança solennellement Petite Obscurité. 

- Mais... non ! Revenez ! Je peux pas... me laissez pas seul ! J'ai besoin de réponses ! » supplia désespérément le chaton écaille. 

Mais les quatre chatons avaient déjà disparus. Petit Bourgeon se réveilla sur sa mousse en laissant échapper une larme. Il tremblait de tous ses membres, effrayé parce qu'il venait d'entendre. Il sursauta en remarquant qu'il dormait contre Nuage de Folie. Sa mère, sa propre mère, qui avait mangé ses propres petits... Voilà qu'il se retrouvait seul face à ce monstre. Il se leva et quitta la pouponnière en douce et fit les cents pas. Il n'avait pas de solutions. Je pourrais la dénoncer au Clan... 

Il entendit un brouhaha s'installer. La patrouille revenait bredouille, sans Nuage d'If. Etoile Sanglante se dépêcha d'aller à leur rencontre. Curieux, Petit Bourgeon vint les écouter. 

« - A un moment, en plein milieu de la forêt, j'ai sentis son odeur. Je l'ai suivit, puis l'odeur fut interrompue par une touffe d'ail sauvage, sur laquelle se trouvait des traces de sang. Mais nous n'avons trouvé l'odeur de Nuage d'If nulle part ailleurs, » déclara Cœur de la Vengeance. 

Demi-Cœur laissa échapper un grondement depuis sa gorge. En voyant son air furieux, Petit Bourgeon préféra s'éloigner. Il passa devant la pouponnière, où sa mère dormait. Comment peut-elle dormir ? se demanda le chaton écaille. Elle a tué ses propres petits ! Nuage de Folie gigotait un peu, elle devait sûrement faire un mauvais rêve. D'un pas décidé, il entra dans la petite tanière. Même s'il était jeune, il se sentait capable de faire face à Nuage de Folie, bien qu'il tremblait de peur, en sachant que sa génitrice était une folle. Ce n'était donc pas qu'un surnom... Il ne savait pas vraiment comment l'aborder. Il courait un risque, il allait peut-être se faire manger lui aussi... Une fois à une queue de renard d'elle, il inspira un grand coup et lança d'une voix aussi assurée que possible : 

« - Maman, qu'as-tu fais à mes frères et sœurs ? » 

Nuage de Folie sursauta face à ce réveil. Elle observa son fils un moment puis essuya un coulis de salive sur sa langue pendante d'un revers de la patte. Petit Bourgeon se crispa de terreur. Il ne pensait pas avoir peur de sa mère un jour... 

« - Ils szont mzorts à ta naizance, Petit Bzourgeon, lui répondit-elle avec une pointe de tristesse dans la voix. 

- C'est pas ce qu'ils m'ont dit ! » protesta le chaton écaille en grognant. 

La reine écaille fronça les sourcils et se redressa de toute sa hauteur. Un rayon de lumière filtrait sur sa fourrure écaille à moitié arrachée et couverte de cicatrices. 

« - Qu'ezt-ce que tu raczontes ? 

- Tu sais très bien de quoi je parle ! Tu es horrible ! Tu as mangé mes frères et sœurs ! » 

Nuage de Folie soupira, quitta la pouponnière et commença à chercher quelqu'un des yeux. Elle ne veut rien entendre... C'est lâche, songea Petit Bourgeon. Le petit mâle préféra ne pas parler avec elle. Il n'allait pas se battre. Il la dénoncerait. 

~°~ 

Nuage d'échardes rangeait les derniers remèdes qui traînaient. Il s'appuya contre la paroi de la tanière et balaya du regard tout ce qui se trouvait dans son champ de vision. Sur un lit de mousse et de plumes, un chat gris cendre était couché. L'apprenti guérisseur s'approcha du guerrier. 

Flocon Cendré. 

Son pelage était couvert de sang séché et d'une odeur humide et salée, semblable à celui des larmes. Ce sang, ce n'était pas le sien, mais un tout autre... L'odeur de l'ancienne guérisseuse, Nuée de Bulles, en était imprégné. Le jeune mâle brun frissonna. Soudain, il vit Flocon Cendré bouger. Il crut d'abord avoir rêvé, mais il vit son flanc se soulever à vitesse normale. Le cœur battant, Nuage d'échardes le frôla du bout des coussinets. Le guerrier ardoise ouvrit lentement les yeux et cilla plusieurs fois. 

« - Je... où suis-je ? » 

L'apprenti brun sursauta et le regarda un moment, béa. 

« - Tu es dans la tanière de la guérisseuse, » lui répondit-il, les yeux brillants. 

Encore sonné, le matou gris ne posa pas plus de questions. Il se leva avec difficulté. Ses pattes semblaient ankylosées. Nuage d'échardes courut trouver Envol du Merle. Il fallait qu'il sache que son frère était bien en vie ! Il trouva rapidement le petit guerrier noir. 

« - Flocon Cendré s'est réveillé ! lui annonça t-il, plein d'enthousiasme. 

- C-c'est vrai ? » s'écria Envol du Merle. 

L'apprenti guérisseur l'invita à le suivre d'un signe de queue. Le chat noir le suivit, et déboula dans la tanière. Flocon Cendré avançait lentement et prudemment vers l'autre côté du gîte, tel un chaton apprenant à marcher. Envol du Merle observa avec dégoût le pelage couvert de l'odeur de Nuée de Bulles. L'ancienne guérisseuse était resté avec lui pendant tout son coma, puis avait perdu la foi. Pourtant, il était bien là. Nuée de Bulles aurait été tellement heureuse... songea le guerrier noir, les yeux emplis de chagrin. 

« - Tu vas bien Flocon Cendré ? » lança t-il. 

Le guerrier ardoise tourna lentement la tête comme s'il avait peur qu'elle se décroche. Il regarda son frère, incrédule. 

« - Envol du Merle ? Combien de temps ai-je dormi ? demanda t-il d'une voix basse. 

- Environ deux lunes et demi... 

- Que... qu'est ce qu'il s'est passé pendant tout ce temps ? Je me souviens avoir vu Feuille Brisée puis plus rien... » 

Alors qu'Envol du Merle voulut lui expliquer ce qu'il s'était passé, mais Flocon Cendré ne lui laissa pas le temps ; il courut dehors et attrapa une feuille. C'était une feuille un peu déchirée, rousse comme le sang et légèrement grise cendrée. Envol du Merle le rejoignit et haussa un sourcil. 

« - Qu'est ce que tu veux faire d'une feuille ?! 

- Cette feuille... » 

Feuille Craquelée.