| Chapitre 1 | (2)

        Une demi-lune s'était écoulée, des miaulements enfantins couvraient le silence de deuil des guerriers. Petite Vengeance venait d'ouvrir les yeux. Les lumières autour d'elle l'étourdissaient, c'était la première fois qu'elle voyait le monde. Elle miaulait comme pour appeler à l'aide, sous les regards amusés de leur mère adoptive. D'ailleurs elle ne comprenait pas pourquoi il y avait deux autres chatonnes qui dormaient à côté d'elle. Elle les poussa brusquement en gémissant avec indignation. 

 « Eh... » marmonna la boule de poils grise en se retrouvant sur le dos, les quatre fers en l'air. 

   La petite pelote argentée qui n'était autre que Petite Terreur se remit sur ses pattes et vacilla de droite à gauche avant de reprendre son équilibre. Elle cilla et grimaça, découvrant ses minuscules crocs. Elle prit quelques instants de répit avant de voir Petite Vengeance dans son champ de vision. 

 « 'As-y t'es qui ? maugréa la chatonne toute grise. 
 —  Non, t'es qui 'ta déjà ? riposta sa sœur. 
 —  Non toi ! Apprend à pa'ler ! » 

   L'argentée devenait rouge de colère, cet énergumène face à elle devait avoir du cran pour oser lui parler à elle comme ça ! 

  « Toi-même ! 
 —  Ferme ta bouche ! s'énerva Petite Terreur. 
 —  T'es mosse ! 
 —  T'a pas de cerveau ! » 

   Alors qu'un sourire moqueur apparaissait sur le visage de sa sœur, Petite Vengeance sentait qu'elle allait exploser. De quel droit se permettait-elle de lui dire une telle chose ? Si elle n'avait pas été une misérable petite d'une demi-lune, elle lui aurait sans doute sauté à la gorge. 

  « Toi t'a même-euh pas d'tête-euh ! 
 —  Ben-euh si ! 
 —  Ben-euh non ! 
 —  T'a des trucs bizarre-euh sur la tête-euh ! 
 —  Toi aussi ! » 

   Ce qu'elles appelaient "des trucs bizarres" n'étaient autre que leurs oreilles, qui s'étaient aplaties en arrière. 

  « Et ton pelage-euh bah il est moche ! reprit la femelle tachetée. 
 —  J'te retourne-euh le compliment ! 
 —  Va te faire voir-euh ! 
 —  Toi-même-euh ! » 

   Les deux petites femelles se tirèrent la langue mutuellement et se tournèrent le dos. Face à cette chute assez désastreuse pour l'amour fraternelle des deux chatonnes, Poil de Soie fit la moue et s'en voulut de ne pas être intervenue. Elle tourna son regard vers la dernière-née. Petit Sang venait d'ouvrir les yeux et comme tout chaton, la grandeur du monde l'affolait autant qu'elle l'émerveillait. 

 « Il se-euh passe-euh quoi ? » demanda t-elle en faisant un tour sur elle-même, confuse. 

   En apercevant la grande femelle blanche, la petite féline noire mouchetée fit un bond en arrière, les oreilles couchées, miaulant de détresse. 

 « Un chat géant !!! s'exclama-t-elle, paniquée, avant de se calmer aussitôt. Un géant... trop génial ! J'ai trouvé un chat géant ! En vrai !!! » 

   Ses yeux s'emplirent d'étoiles. Poil de Soie ronronna, amusée et passa sa queue autour de sa fille adoptive. Cette dernière fit un pas maladroit et surpris en avant, titillée par la curiosité de voir un chat aussi grand. 

 « Je ne suis pas un chat géant, lui murmura la reine. Je suis ta mère adoptive. 
 —  Adoptive !!! Attend... Adoptive ? Ça veut dire quoi ? 
 —  Que je ne suis pas ta véritable mère mais que je l'élève comme elle. 
 —  Et elle est où ma mère ? 
 —  Tu ne pourras pas la voir.   
 —  Je veux la voir !!! protesta la jeune noiraude. 
 —  Tu ne peux pas... Elle... n'est plus là. » 

    L'expression de Petit Sang se figea. Ses prunelles ne scintillaient plus de la même lueur. Elle avait disparue. 

 « Pour... pourquoi ? » s'étrangla la chatonne ébène. 

   Poil de Soie baissa les oreilles et renifla, encore dans le deuil. Elle n'allait tout de même pas lui dire que sa mère était morte à leur naissance ! D'un autre côté, elle n'allait pas lui mentir toute sa vie... 

 « Je... désolée... Elle est... morte... déglutit la guerrière blanche. 
 —  M-morte ? ...Ça veut dire que... » 

    Le même chagrin que celui qui assombrissait les yeux de la reine apparut dans ses yeux. 

 « Je... la connaîtrais... jamais... » 

    Des larmes ruisselèrent le long des joues de la petite femelle mouchetée. Poil de Soie s'en voulut beaucoup. Elle pressa contre son ventre une petite boule de poils blanche. Petit Sang n'y fit même pas attention. 

 « Dur... murmura Petite Vengeance en se collant à sa sœur. 
 —  Dites... commença la chatonne noire et blanche d'un ton étouffée. On est sœurs, hein, c'est ça ? 
 —  Sœurs ? » s'étonnèrent les deux petites chattes de couleur grise. 

   Elles s'échangèrent un regard et se dévisagèrent un long moment. 

 « Pas possible, cracha Petite Terreur, les oreilles couchées en arrière. C'est une peste. 
 —  Elle aussi, renchérit la féline tachetée. C'est pas ma sœur. 
 —  Si, » intervint calmement leur génitrice adoptive. 

   Petit Sang regarda ses deux sœurs, la vision brouillée par ses sanglots incessants. Petite Vengeance finit par considérer sa semblable avec amusement. Elle vit un minuscule insecte ramper au sol et eut une idée. 

 « Face de chenille ! la taquina t-elle. 
 —  Petit cerveau ! » répliqua Petite Terreur avec un sourire. 

   Elles éclatèrent de rire. Petit Sang observa la scène, un peu en retrait. Ne préférant pas déranger les liens qui s'étaient renouées entre ses sœurs, elle se tourna vers Poil de Soie en ravalant ses larmes et tenta de passer à autre chose. 

 « C'est quoi ? demanda la chatonne jais en montrant la boule de poils du bout de la patte. 
 —  Elle est née ce matin, pendant que vous dormiez. C'est ma fille, répondit la guerrière en laissant échapper un léger ronron. Petite Boréale. 
 —  Boréale ? 
 —  C'est quelque chose qui se situe au nord, quelque part où il fait froid, en bref. Je viens de loin. De là-bas, mes Bipèdes m'ont apprit plein de mots. J'ai même réussie à me faire comprendre par eux, plus ou moins... » murmura la chatte blanche, ressassant mille et un souvenirs. 

   Les yeux de la jeune femelle s'arrondirent de curiosité. Elle renifla un peu et essuya ses joues trempées. Elle entendait des éclats de voix à l'extérieur et soupira. Elles n'avaient pas le droit de sortir, pour l'instant... C'était surtout les rires de ses sœurs qui comblaient le silence de la pouponnière. Elle hésita à les rejoindre. Elles avaient l'air de mieux s'entendre, jouant et criant à tue-tête. En inspectant la petite tanière, elle finit par voir un pelage dans la pénombre. Elle se leva et s'en approcha. C'était une chatonne roux sombre assez petite, comme elle. Elle ne l'avait jamais vu depuis ce matin. 

 « Euh... Salut ! » fit Petit Sang d'un ton assez hésitant. 

   La rouquine ne répondit pas toute suite. Elle agita les oreilles et jeta un regard en coin derrière elle pour vérifier que c'était bien à elle que l'on parlait, et c'est ce qu'elle constata. 

 « Mh... Salut... marmonna t-elle. 
 —  Tu es qui ? »

   La chatonne rousse prit une grande inspiration. 

 « Je m'appelle Petite Coquelicot, j'ai deux lunes et trois quarts, je suis la fille d'Éclat d'Argent et Aile Battant. Ils sont décédés lors d'une attaque de blaireau à mes trois quarts. Je n'ai pas de frères et sœurs, ils sont morts avant que je n'ouvre les yeux. J'ai été adoptée d'abord par le chef, Étoile Verte, ainsi que sa compagne, Plaine Fleurie, qui est ensuite morte à mes une lunes foudroyée par un éclair. J'ai été recueillie par Poil de Soie et son compagnon Tempête Adamantine mais peu après, à mes une lunes et un quart, il est mort noyé. Enchanté de faire ta connaissance, mais je ne crois pas que ce soit une bonne idée, tu vas mourir à cause de moi. » 

   Petit Sang se figea et cilla un moment, cette présentation était si sombre... Elle fit un pas en arrière, puis se reprit et s'assit en face de Petite Coquelicot — dont la mauvaise orthographe du nom devait probablement venir de son père, Aile Battant —, pas le moindre effrayée par elle. Après tout, c'était forcément des coïncidences... La pauvre, elle était rejetée simplement parce qu'on la croyait maudite après ce qu'il s'était passé avec ses autres parents adoptifs. 

 « Je ne veux pas que tu meures... chuchota la jeune chatte rousse en reculant. 
 —  T'inquiète, personne va mourir, affirma la chatonne bicolore. Enfin, j'espère, dans le pire des cas, si je meure... au moins, je serai avec ma mère. » 

   La chatonne noire et blanche s'avança davantage et se blottie contre elle, geste qui surprit Petite Coquelicot. 

 « Moi je m'appelle Petit Sang et j'ai une demi-lune, j'ai deux sœurs et toi tu es mon amie ! » lui murmura t-elle à l'oreille. 

   La mine attristée de la petite féline rousse disparut et fit place à un grand sourire de soulagement. Elle la plaqua au sol et son radieux sourire s'élargit. 

 « Attaque surprise ! ronronna t-elle en agitant les moustaches. Ça fait des lunes que je n'ai pas jouée comme ça ! 
 —  Hé ! T'es plus avantagée ça se fait pas ! » rigola la noiraude. 

   S'en suivit une partie de jeu inspirant la joie de vivre à tous ceux qui y assisteraient. Tu sais quoi maman ? J'aime la vie et tu as beau être absente, je sais que j'aurai toujours quelqu'un pour m'aider, songea Petit Sang en observant les nuages sillonner le ciel. 

NDA 

Bon on est d'accord, il est nettement mieux ! xD 

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