Chapitre 2 × La rencontre
Le jeune matou sombre plaqua au sol la femelle qu'il avait repérée, prêt à la blesser gravement si elle se défendait. Cette dernière se remua en miaulant :
- Eh ! Lâche moi s'il...s'il te plaît ! Je ne vais rien faire ! Je pars !
Le solitaire s'écarta doucement, passant sa patte par-dessus la chatte apeurée, et s'assit en enroulant sa queue autour de ses pattes, curieux. Elle gémit pitoyablement avant de se recroqueviller sous le poids de la peur. Le mâle posa sa patte sur son poitrail et la fit relever la tête.
Elle le fixa de ses grands yeux ambrés et le matou se sentit troublé. Il lança :
- Qui es-tu, chatte domestique ?
- Je..je m'appelle Noisette. J'habite chez mes maîtres, là-bas...
Elle pointa son jardin et sa maison du bout de la queue, et il put apercevoir trois petites silhouettes ressemblant à celle de chats.
- C'est ta famille qu'on voit ? Demanda-t-il.
- Euh...oui..et toi ? Elle est où ta famille ? Répliqua-t-elle, confuse.
Le mâle se tendit subitement et fuya son regard sans répondre. Noisette remua les moustaches, gênée. Il n'a pas de famille...Elle posa, par réflexe, sa queue sur son épaule par signe de compassion et le matou sombre se sentit fondre sous son geste. Il avait envie de mettre son museau dans son pelage mais il se retint, se demandant pourquoi il se disait ça. Elle retira sa queue tandis qu'il reculait. Il continua, sa voix teintée de rancoeur :
- Et tu l'aimes, ta famille ?
- Oui, bien sûr ! Mais j'ai envie d'explorer le monde ! S'exclama Noisette.
Les oreilles du solitaire se levèrent tandis qu'il la regardait maintenant avec intérêt.
- Ah oui ? Pour aller où ? Tu ne dois même pas avoir sept lunes...
- Si, je viens de les avoir ! Et toi, pff ! Tu es à peine plus vieux que moi !
- J'ai neuf lunes, sourit-il.
La chatte domestique lui rendit son sourire puis termina :
- Et je veux aller là où il y a un immense lac avec des forêts ! C'est un chat bizarre fait d'étoiles qui me l'a montré. Je suis sûre qu'il y a quelqu'un là bas !
Le matou ne répondit pas, perdu dans ses pensées. Il leva la tête vers le ciel, laissant passer quelques secondes puis il s'écria :
- J'ai rêvé de groupes de chats et c'est aussi un chat bizarre fait d'étoiles qui m'en a parlé ! Il m'a dit...Va et vois. Et je voulais absolument les voir !
- Il m'a dit la même chose ! Tu penses que ces chats habitent là-bas ? S'enthousiasma la femelle tigrée.
Les deux félins se mirent à marcher à travers la forêt, confirmant leurs doutes et s'apprêtant à se lancer dans une chose folle. En coeur, ils hochèrent la tête.
- On y va ! J'espère qu'on n'aura pas de problèmes...mais je suis sûre que ce chat étoilé nous a demandé d'y aller pour une raison bien précise. Mais je ne sais pas quoi, murmura Noisette.
Le solitaire lui demanda de le retrouver au même endroit le lendemain matin et elle accepta avec bonheur. Tant pis pour sa famille. Sa mère était trop protectrice et ses frères et soeurs insupportables ! Elle aurait dû partir depuis longtemps ! Elle salua le matou et avant de s'en aller elle lui lança :
- Au fait, comment tu t'appelles ?
Le mâle se tourna vers elle et la fixa gravement de ses yeux bleus. Il inspira, pour éviter que sa voix tremble, puis il miaula :
- Je n'ai pas de nom.
Et il pivota et se mit à marcher jusqu'à chez lui. Il aperçut la silhouette de celle qu'il appelait Maman mais se détourna sans la saluer et rentra dans sa tanière. Le soleil était haut dans le ciel mais il ferma les yeux et se laissa sombrer dans le sommeil.
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Le solitaire au pelage cendré bâilla avant de se lever. Le soleil était levé depuis quelques temps. Soudainement bien réveillé, il bondit sur ses pattes. Mais son ventre gargouilla subitement. Je n'ai rien mangé hier ! Se rappela-t-il.
Il pressa son museau contre celui de sa mère adoptive puis lui chuchota :
- Merci Lierre ! Vraiment, merci de t'être occupée de moi. Mais il faut que je voyage, tu comprends ?
La reine solitaire écarquilla les yeux sans comprendre mais elle n'eut pas le temps de réagir qu'il était déjà parti.
Le jeune matou se rappelait parfaitement de l'endroit où il avait trouvé Noisette. Son coeur fit un bond quand il pensa à leur voyage et il accéléra le pas. La femelle domestique était déjà là. Elle dressa les oreilles à son approche et se retourna. Elle lui donna un coup de langue sur l'oreille et s'écria :
- Te voilà enfin ! Tu sais, j'ai bien réfléchi et je me suis dit qu'on pourrait te donner un nom. J'avais pensé à...Tempête. Tu en penses quoi ?
- J'adore ! Ça me correspond bien, fier, fort et beau...Se vanta-t-il en riant.
Noisette rit à son tour en lui souriant, et marmonna :
- J'ai pas d'idée pour moi...je déteste mon nom ! Vraiment.
- Ah bon ? Il n'est pas si mal...mais...que dirais-tu d'Automne ? C'est comme ça que les humains appellent cette saison.
La chatte domestique balaya du regard les arbres aux feuilles jaunies par le temps avant d'hocher la tête rapidement, complètement enjouée par ce nom. Elle n'avait qu'une hâte : admirer les montagnes se dressant fièrement dans l'aube, les prairies éclairées par la lueur du soleil et les forêts d'arbres centenaires.
Elle était cependant soucieuse. Des regrets faisaient surface dans son esprit : elle était partie vite, trop vite. Et sa famille ? Son ami Maïs ? Elle les avait abandonnés !
- C'est pour la bonne cause ! Le chat étoilé nous a dit d'y aller, la rassura le matou aux yeux bleus.
- J'ai parlé à voix haute ? Minauda-t-elle.
- Non, mais on voyait sur ta tête que tu avais des remords ! La taquina-t-il.
Il lui sourit chaleureusement, une lueur indescriptible dans les yeux. Espoir, hâte de partir, excitation..Elle fit la moue avant de se tourner, en lançant un dernier regard embué à sa famille qu'elle quittait lâchement. Tempête de son nouveau nom, la regarda d'un air plein de compassion. Puis il bondit en avant, chassant toutes ses questions et partant vers un lieu qu'il ne connaissait même pas.
Automne soupira, tête et queues basses, avant de relever les yeux en observant le soleil éclairant les feuillages alentour et illuminant la clairière où ils se trouvaient comme pour promettre des jours meilleurs. Au loin, son compagnon de route la héla sans contenir son impatience et elle trottina à sa suite, un peu rassurée. Il tapa gentiment son oreille de la patte en se moquant :
- Bah alors ? On se transforme en limace ? Allez, viens ! J'ai tellement hâte !
- C'est toi la limace, d'abord ! Rétorqua-t-elle en souriant.
Il secoua la tête et lui murmura :
- On va voir ça. Le premier arrivé à l'arbre là bas a gagné !
Automne acquiesça et s'élança à la poursuite du matou qui riait aux éclats devant elle. Ses petites pattes n'aidaient pas et elle s'effondra au sol en haletant.
- C'est bon, tu as gagné, tu es le meilleur.
Le mâle gris cendré bomba faussement le poitrail puis elle se releva. Elle plongea son museau dans son flanc et Automne ne se rendit pas compte que la matou avait frémi. Un tout petit peu. Il se crispa et pivota, sentant son visage devenir en feu.
La jolie chatte ne comprit pas cet écart et haussa les épaules.
Tempête secoua la tête. Oui, Automne était gentille. Oui, elle était belle. Comme la plupart. Il vient à peine de la rencontrer. Elle est naïve. Elle ne s'intéressera sûrement pas à lui.
Mais son coeur se serra pourtant tandis qu'il se disait ça.
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