" Il faut qu'on aille chasser!

- Quoi, maintenant? Mais c'est la pénombre et on rentre d'une Assemblée. On peut faire ça demain si tu veux.

- Non. On y va maintenant!"

Morsure du Zéphyr dévisagea Vif-Argent qui, à son air inquiet, semblait plutôt réticent face à sa proposition.

" Je ne veux pas que d'autres morts se reproduisent."

Vif-Argent réfléchit quelques temps avant de chuchoter à son intention:

" Il commence à faire tard. Les proies vont sûrement rentrer se coucher elles aussi.

- Et les chouettes alors?

- Étoile Dorée remarquera notre disparition.

- Il ne nous empêchera pas de travailler en plus des horaires qu'il a fixé.

- Peut-être mais il risque de dépêcher des patrouilles de recherches et si il s'avère que c'était parce que nous étions simplement partit chasser, cela ne va pas lui plaire.

- On peut toujours prévenir Flèche d'Azalée. Elle trouvera un moyen de les rassurer."

Le mâle argenté fit la moue à l'évocation de la soeur de Morsure du Zéphyr mais, face à la détermination de celle-ci, il céda finalement.

Morsure du Zéphyr expliqua rapidement à Flèche d'Azalée qu'ils partaient chasser et qu'elle aurai sûrement besoin de couvrir leurs arrières. Sa soeur accepta non sans les avoir rouspété sur leur imprudence et leur immaturité.

Les deux matous s'éloignèrent discrètement du groupe pour s'enfoncer dans la forêt. Ils gagnèrent rapidement la Forêt Blanche sans avoir soulevé l'once d'un maigre fumet.

" Je t'avais bien dit qu'on ne trouverai rien à cette heure-ci. Râla Vif-Argent.

- Chut, tais toi. J'entends quelque chose."

Les deux guerriers s'immobilisèrent afin de mieux capter les son environnants. En se concentrant suffisamment, Morsure du Zéphyr réussi à retrouver le bruit qui l'avait interpellé. Un bruit de mastication.

Elle colla son oreille au sol et fit parcourir ses vibrisses par terre afin d'intercepter les ondes et vibrations qui se produisaient autour d'eux. Au début, elle ne sentit rien mais, ses poils sensitifs ondulèrent finalement, signe que quelque chose se trouvait bien dans la forêt en ce moment même.

Au vue de la puissance de l'ondulation, Morsure du Zéphyr se douta qu'il s'agissait d'une chose grosse. Très grosse. Et puissante.

Elle fit signe à Vif-Argent de le suivre et ils glissèrent furtivement entre les herbes et les fougères craquants à leurs pas. Ils se firent discrets et les bruits ne tardèrent pas à s'intensifier. Lorqu'ils furent proches, les deux chats adoptèrent la position du chasseur et rampèrent jusqu'à un épais buisson.

Morsure du Zéphyr batailla pour dégager sa tête hors du branchage et pouvoir observer ce qui se trouvait derrière le taillis. Son souffle se coupa devant le spectacle qui s'offrit à elle.

Un immense troupeau de biches broutait paisiblement dans la Forêt Blanche. Ils étaient regroupés dans une petite clairière, trop étroite pour que le ciel soit dégagé au dessus de leurs têtes. Les bêtes magistrales ruminaient l'herbe orbée de teintes mordorées, près d'un petit étang aux couleurs d'or. L'air était lourd et étouffé malgré la froideur de l'hiver. Leurs pelages lustrés brillaient dans les derniers éclats du soleil couchant. Quelques faons trottinaient autour de leurs mères et essayaient de les imiter, écartants leurs grandes et fines pattes tremblantes.

Morsure du Zéphyr et Vif-Argent restèrent époustouflés devant cette scène si rare et inhabituelle. De mémoire, c'était bien la première fois que la jeune guerrière avait l'occasion de voir une biche de si près. Une harde entière lui était tout à coup bien plus intimidant.

Alors qu'elle pensait avoir vu la plus belle chose qui soit dans cette émerveillante peinture, ses yeux s'agrandirent une dernière fois lorsqu'un immense cerf leva la tête et brama, ses puissants bois semblant vouloir s'allonger et toucher le ciel.

" C'est... Commença Morsure du Zéphyr.

- ...Incroyable!" Termina Vif-Argent dans un souffle admiratif.

La femelle suivit des yeux le cerf qui allongea de nouveau la tête et se remit à brouter.

" Je dois aller voir ça de plus près! Souffla t-elle en se relevant.

- Non, attends. Cela peut être dangereux. On ne sait pas comment ils risquent de réagir.

- Ne t'en fait pas, je me ferai toute petite.

- Morsure du Zéphyr reviens."

La chatte n'écouta pas les conseils de son compagnon et sauta allègrement de l'autre côté du buisson. Elle était obnibulée par ces animaux si puissants et dégageant pourtant une aura si apaisant. Elle se tapit dans les hautes herbes et avança à pas feutrés.

La femelle glissa sans se faire repérer jusqu'au cœur même de la harde. Elle s'immobilisa et releva la tête. Sa proximité avec le cerf lui donna des frissons d'excitation.

Je pense que même avec tout le clan, nous n'arriverions pas à le tuer. Songea t-elle.

Elle jeta un coup d'œil à Vif-Argent, resté caché dans les fourrés. Il lui fit signe de revenir mais la jeune guerrière l'ignora. Elle voulait rester contempler encore et encore ce troupeau incroyable.

D'un geste maladroit, elle se redressa et fit craquer une branche sous elle. Morsure du Zéphyr suspendit son mouvement, soudain consciente de son erreur. Elle leva la tête avec appréhension et ce qu'elle redoutait se produisit.

Après avoir entendu que ce bruit ne venait pas de la horde, les biches avaient toutes redressées la tête, aux aguets. Tout se passa très vite. Un faon fut apeuré et prit la fuite. Dans la panique et de l'inconnu et du doute, ce sont des dizaines de biches qui réagirent et se mirent à fuir dans une même direction.

Le troupeau prenait peur et Morsure du Zéphyr était bloquée en son centre. Elle vit arriver vers elle à toute vitesse, une multitude de sabots. La chatte sû instinctivement que si par malheur, un seul d'entre eux venait à l'écraser, elle en mourerai sur le coup.

Afin de rester en vie, la jeune guerrière les accompagna dans leur fuite. Son coeur battait à l'unisson des cervidés apeurés. Elle regarda, affolée sur les côtés mais elle n'y vit aucun échappatoire. Elle était coincée entre tous ces gigantesques animaux et si elle ralentissait ou s'arrêtait, ce serait la mort qui viendrai la cueillir.

Elle galopa donc en suivant les biches à travers les bois. Le martellement des sabots faisait trembler le sol et diffusait une onde de chaos dans les pattes de Morsure du Zéphyr. Elle garda son regard fixé devant elle et accéléra en sentant un jeune faon derrière elle la talonner dangereusement.

Continuer de courir était sa seule option et elle ne voyait pas comment se sortir indemne de cette situation. Elle n'aurai jamais assez d'endurance pour suivre le rythme du troupeau bien longtemps.

Morsure du Zéphyr sentait qu'ils se rapprochaient du Lac d'Or. Malgré la nuée de bruits qui l'entourait, l'eau crépitante tombant du haut des roches se faisait tout de même entendre.

Je pourrai plonger dans l'eau.

Sa réfléxion fut vite démontée par le souvenir de la couche de glace recouvrant l'eau du large étang.

Comment se fait-il que je puisse entendre les chutes d'eaux?

Une biche près d'elle, dans sa course effréné, sauta dans une flaque et l'éclaboussa.

Le bruit de l'eau était celui venant des mares que le troupeau traversait ?

Sa remarque fut confirmer lorsque le cerf, à la tête du grand mouvement de fuite, plongea dans une large flaque et que les femelles le suivant y rentrèrent à leur tour.

Les espoirs de survie de Morsure du Zéphyr retombèrent d'un coup. Elle ne pourrai pas courir sur la glace, et, même si elle le faisait, les herbivores la suivrait et briserai la glace sous leur poids.

Le Lac d'Or se rapprochait mais, à la vue de l'eau glacée, le cerf bifurqua pour le contourner. Prise par surprise, Morsure du Zéphyr faillit se faire percuter par une biche qui changea soudainement de direction pour suivre son meneur. La chatte se retrouva sous les pattes de l'animal et elle cru que son coeur allait la lâcher.

Finalement, au prix d'une pique d'accélération et d'un écart vers sa droite, la jeune guerrière sortit de cette situation extrême. Elle se retrouva de nouveau au coeur de la mêlée, mais ses forces s'amenuisaient peu à peu et son souffle commençait à manquer.

Alors qu'ils se rapprochaient à grande vitesse de la frontière, elle aperçu un large tronc d'arbre avachit en plein milieu de leur route.

Le cerf sauta par dessus sans encombres, bientôt suivi par les quelques biches qui le talonnaient de près.

Je ne pourrai jamais franchir cette hauteur d'un seul saut! S'étrangla Morsure du Zéphyr.

Prise de désespoir, elle se jeta près du tronc et se colla à l'écorce en se recroquevillant sur elle-même et en se couvrant la tête. Elle attendit que les secousses passent en espérant qu'aucun animal ne la percute en loupant son saut.

Après un moment d'attente qui lui parut interminable, les tremblements s'amenuisèrent pour disparaître entièrement. Morsure du Zéphyr, le souffle court et la gorge sèche, se décida à se découvrir le visage. Elle constata alors avec soulagement que le troupeau était partit.

La femelle dû attendre quelques secondes pour se remettre de ses émotions avant de pouvoir se relever. Une fois cette première étape franchit, elle s'écarta du tronc d'arbre pour se repérer. Comme elle l'avait imaginé, elle se trouvait non loin du Lac d'Or et toute proche de la Grotte Lunaire.

Je l'ai échappé de belle.

Elle prit une profonde inspiration et voulut quitter l'endroit au plus vite, mais quelque chose retint son attention. Elle plissa les yeux en s'approchant. La femelle tandit la patte pour écarter des fougères barrant le chemin et elle se retrouva nez à nez avec un tunnel.

Une entrée souterraine? Ou bien la tanière d'un animal ?

Elle entrouvrit la gueule pour mieux percevoir les odeurs émanant du trou sombre. Aucune odeur animale n'en provenait. Seul une effluve de fumée s'y échappait.

Étrange. Se dit-elle. Il semble mener juste en dessous de la Grotte Lunaire.

L'entrée du boyau sous terre était assez grande pour laisser passer un chat de taille adulte sans qu'il n'ai à se baisser. Des roches l'entourait et la surplombait, faisant passer de loin l'ensemble pour une simple roche adossée à la Grotte Lunaire.

Morsure du Zéphyr se demanda si il était vraiment prudent pour elle de s'y engouffrer tout en sachant que son clan et maintenant Vif-Argent devaient être à sa recherche.

La curiosité l'emporta finalement sur ses doutes et, après avoir filé un dernier coup d'œil en arrière, elle plongea dans la pénombre. La pente était rude et descendait assez profondément.
Il y faisait si noir que Morsure du Zéphyr dû se fier à ses moustaches seules pour la guider. Heureusemen, le tunnel ne comportait qu'une seule entrée et ne se séparait pas en plusieurs chemins.

Elle déboucha finalement dans une grotte au haut plafond. L'endroit était vaste mais tout aussi circulaire que la Grotte Lunaire. Les parois faites de roche grise sombre semblaient rappeuses et coupantes. Le centre était légèrement éclairé mais Morsure du Zéphyr ne parvenait pas à discerner jusqu'où les murs de la grotte s'étendait, l'obscurité s'en emparant bien avant.

Au milieu de la clairière rocheuse trônait une fleur. Une fleur qui ressemblait fortement à l'Esprit Floral, la fleur blanche ayant trouvée refuge dans la Grotte Lunaire. Mais cette fleur là dégageait une tout autre énergie. Elle était d'un rouge sombre et sa tige était recouverte de longues épines pointues. Le bord des pétales de la fleur était noir et une odeur de cramé s'en émanait.

En y regardant bien, Morsure du Zéphyr réussi à voir quelques crépitements se détacher de ses pétales aux bords de cendres et s'élever délicatement dans l'air.

Une aura familière et bien connu de la chatte imprégnait la grotte. Encore debout, tout prêt du tunnel par lequel elle était entrée, la femelle sentit une présence.

Son instinct lui envoya un avertissement et la sensation qu'elle devait partir au plus vite la saisit.

Alors qu'elle s'apprêtait à faire demi-tour, elle reconnu qui était celui se cachant sous cette présence qu'elle venait de ressentir.

" Flamme Incan-?"

Une immense patte s'abattit brusquement sur l'arrière de sa tête et la fit tomber au sol. Elle s'évanouit et les ténèbres s'emparèrent d'elle.

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