Chapitre 1 - Leyah
Du café !
Dans ma poitrine, c'est la débandade.
Je m'apprête à ingurgiter du CAFÉ !
Cette boisson diabolique, représentant un des multiples interdits qui ont jalonné ma vie !
Entre mes paumes, la tasse fumante me nargue sur la table. Sa couleur sombre pourrait aspirer mon âme tant elle me captive. L'arôme du mal s'empare de mes sinus.
Nom d'un petit démon sournois ! Vais-je, comme ils le disent, devenir dépendante de ce breuvage douteux qui sent si bon ? Mon passage à l'âge adulte m'enchaînera-t-il à cette drogue dénommée caféine ?
Je n'en serais pas à ma première incartade au règlement que je suivais jadis, au sein de ma communauté mormone...
La tension est à son comble.
Dans ma famille, le café était spécifiquement diabolisé, car c'était l'interdit le moins menaçant, et par conséquent, le plus insidieux.
J'ai décidé que dorénavant, je balançais toute ligne de conduite que je ne m'étais pas moi-même dictée !
Une profonde inspiration... Je porte doucement le récipient à mes lèvres, lorsque la porte du studio s'ouvre d'un coup.
Mon sursaut me fait lâcher prise. Mince ! Le liquide chaud se déverse en flaque sur la table et éclabousse ma blouse blanche.
— Oh !
Ma détresse est vite balayée par la stupéfaction.
Une fille investit mon petit appartement de campus, un immense sac à dos à l'épaule qu'elle laisse tomber sur le parquet. Elle me dévisage avec autant de surprise que moi.
— Salut, lâche-t-elle en refermant derrière elle.
— Sa... lut. Tu... Tu es ma colocataire ?
Elle acquiesce, malgré la pointe d'horreur dans ma voix.
— Oui. Yuri, se présente-t-elle d'un signe du menton, avant de désigner le carnage de mon café. Désolée si je t'ai effrayée.
Hum... Si elle devinait que là tout de suite, c'est surtout son apparence qui me terrifie...
D'origine asiatique, elle arbore un maquillage gothique sur une peau blafarde, un carré noir plongeant parsemé de mèches violettes qui souligne la finesse de son visage, et porte une robe couleur charbon dénudant ses épaules et l'entièreté de ses jambes graciles.
Que de chair dévoilée.
J'ignore si ça me met mal à l'aise ou si ça suscite mon admiration, ma fascination. Les multiples chaînes et les cuissardes aux talons vertigineux – inadaptés au climat de Los Angeles – font penser à ces personnes qui prônent les ténèbres et la débauche.
J'en ai déjà vu, en Utah. De loin. Elles n'ont pas bonne réputation, là d'où je viens.
Sourcil arqué, elle reluque ma bouche bée. Que je m'empresse de fermer.
— Je m'appelle Leyah, précisé-je en me levant. La chambre est là-bas. J'ai pris le côté gauche, j'espère que ça ne te dérange pas ?
— Non, je m'en fous, répond-elle en hissant son sac sur l'épaule.
Elle balaie rondement des yeux la pièce de vie commune et opine avec satisfaction.
— C'est grand. Encore mieux que je l'imaginais. La vue sur le campus est canon, dit-elle en référence à la large baie vitrée.
Je vais chercher une serviette, éponge mon délit pendant qu'elle tracte son bagage dans sa chambre.
C'est vrai que les studios des Collines, le quartier-dortoir situé en amont de la structure universitaire, sont réputés pour être spacieux, en dépit de leur faible loyer. Nous avons la possibilité d'occuper une chambre à coucher à deux, et de bénéficier d'un espace de vie muni d'une kitchenette. Dès que j'ai été acceptée à High Hills University, je me suis empressée de réserver mon "deux-pièces". Je suis comme ça, prévoyante et organisée. Je n'ai jamais eu le choix, compte tenu du nombre d'activités pour l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours qui mangeaient mon quotidien.
Je m'en suis affranchie, j'étais toutefois loin d'imaginer qu'une gothique viendrait invoquer Satan et ses comparses dans ma chambre estudiantine !
Après avoir essuyé la table, je la suis pour lui indiquer où se trouve la salle de bains. Elle porte son attention sur mon coin de lit joliment décoré, parcourt les photos de ma famille, celles de mes amis et moi.
— Tu viens d'où ? demande-t-elle en observant les montagnes en arrière-plan.
— De l'Utah. Salt Lake City. Et toi ?
À cette mention, elle approfondit son examen, puis nous reluque sans gêne, ma blouse, ma longue jupe et mes cheveux blonds savamment coiffés en chignon.
— San Francisco. Tu es mormone ?
C'est si évident ?
J'exhale un soupir, tandis qu'elle se laisse tomber sur le matelas. Que doit en penser une fille dans son genre ?
— Disons que... j'ai pris mes distances, marmonné-je, m'asseyant en miroir.
Elle penche la tête sur le côté, la ligne de ses lèvres violines immobile et, dans les yeux, une lueur de curiosité plus que de jugement. Yuri est magnifique. L'aura qu'elle dégage n'a en réalité rien d'inquiétant, elle inspire plutôt le calme et la sécurité.
— Tu ne risques pas de t'attirer les foudres de ta sect... enfin, de ta communauté ?
Je déglutis sans bouger.
C'est peu dire...
Et puis, le terme qu'elle a failli prononcer ne m'a pas échappé. Il me blesse, mais peut-être qu'elle a raison. Je m'en suis rendu compte au fil de ces derniers mois, au prix de tourments qui me déchirent encore.
Je hausse les épaules.
— Ils le voient d'un mauvais œil, mais tant pis. J'ai décidé de m'affranchir et de vivre ma meilleure vie à l'université !
Son visage s'éclaire d'un sourire. (Oh ! Comme c'est joli !)
— Très bien. J'ai craint deux secondes de devoir passer l'année à me farcir le jugement d'une coloc' rabat-joie, vu la tête que t'as tirée quand je suis entrée. Donc pour mes rites sacrificiels, c'est OK ? J'utiliserai juste le salon, ça ne te dérange pas ?
NOM D'UNE CHÈVRE À TROIS CORNES ! J'avais raison !
J'ignore si je crois encore en Dieu, mais je n'éprouve pas la moindre affection pour le diable et ses copains.
Mâchoires verrouillées, je la fixe avec mes yeux de hibou, incapable de dire non. Les habitudes ont la dent dure.
On m'a appris à ne jamais froisser mon prochain. Sauf bien sûr s'il me proposait du café ou une autre drogue dévastatrice.
Un ricanement agite les épaules de la dévote obscure.
— Tu verrais ta tronche ! se moque-t-elle. T'es trop naïve, c'est mignon.
Mes oreilles chauffent d'embarras.
— Hum... Pardon.
— Mon apparence te gêne ?
Je secoue vivement la tête.
— Tant que tu laisses Lucifer en dehors de notre cohabitation. Désolée, c'est juste que je n'ai pas l'habitude, là d'où je viens. Ce n'est pas tant la ville, mais ma famille est conservatrice et je passais tout mon temps avec la communauté... ça pousse au préjugé. J'espère ne pas t'avoir vexée.
— T'inquiète, ponctue-t-elle d'un clin d'œil, avant de sortir un paquet de cigarettes de sa poche et de le secouer en l'air. Je ne fumerai même pas dans la chambre.
— Merci.
— Tu devrais te changer, avise-t-elle en pointant la tache de café sur mon vêtement.
Je soupire de dépit.
— Je commençais ma nouvelle vie... La caféine fait partie des interdits, chez les mormons. Le café, le thé, l'alcool, la nicotine... tout ce qui détruit le corps ou engendre une addiction. Mais puisque j'attaque mon job étudiant dans l'une des cafètes du campus, mieux vaut que je m'informe sur la marchandise.
Et puis, ça représente une véritable première transgression.
— Du café ? s'étonne Yuri. Ça rigolait pas, chez vous.
— Mon père est proche de l'évêque de notre église. Ma famille est à cheval sur les principes. On était interdits de télévision, si ce n'était la chaîne de l'Église, notre réseau Internet était d'une part rempli de pare-feu, mais aussi surveillé par papa.
Elle écarquille les yeux.
— Il ne pouvait pas totalement nous couper des autres membres de la communauté, donc j'ai pu ouvrir un compte Instagram, par exemple, mais dédié à ma foi et au partage. Je ne te raconte pas l'angoisse dans laquelle je les ai plongés en échappant à leur contrôle.
De plus, je tais que de nombreuses familles mormones sont plus souples.
Il m'arrivait parfois d'envier Sarah, ma meilleure amie, dont les parents étaient beaucoup plus ouverts, elle côtoyait beaucoup de non-croyants, mais la culpabilité persistante que ma foi m'infligeait me gardait sur le droit chemin.
— J'ai regardé ma première série dès que j'ai connecté mon ordinateur au Wifi des Collines ! avoué-je sur un air conspirateur, très très embarrassée. Élite est hyper addictif ! J'ai dévoré les trois premières saisons en une semaine !
D'abord abasourdie, Yuri se fend d'un rire franc. Un rire qui rend tout ce noir qui l'entoure lumineux.
— Pour une première, t'y es pas allée de main morte.
L'inconvenance de cette série a déclenché un brasier en moi. Un délicieux brasier.
— Haaan, j'ai tellement à apprendre sur le monde, me lamenté-je tout en trépignant d'impatience.
— Ouais, et je crois que t'es au bon endroit. T'as déjà choisi ta majeure ?
— Non, j'ai opté pour différents cours en attendant de me spécialiser. Et toi ?
— Le cinéma. Moi aussi, je suis ici contre l'avis de mes parents, crâne-t-elle. Ils sont opposés à l'idée que je partage le même rêve que mon petit ami, et sont furax parce que je l'ai rejoint sur le campus. Ils auraient préféré que je devienne avocate.
Avocate, comme papa...
— Au fond on est pareilles, m'extasié-je, des étoiles plein les mirettes.
Je bondis hors du lit, me précipite vers elle en lui tendant la main.
Sa façade tressaille. D'amusement, on dirait. Elle paraît un peu surprise, fixe ses jolis yeux dans les miens, et... je me sens tout excitée !
— Tout au fond, en creusant bien, peut-être. Je ne jacasse pas autant, sourit-elle.
Que j'aime cette expression. Elle la rend plus charismatique encore. Que je suis heureuse de partager ma chambre avec elle. Est-ce possible d'avoir le coup de foudre pour une inconnue sans éprouver la moindre attirance charnelle ?
— Désolée, je suis trop enthousiaste pour rester calme ! Je sais que je suis parfois une pile électrique.
Elle croise les bras sur la poitrine et me détaille comme si j'étais une extraterrestre. Sans répulsion, cependant.
— Tu te rends compte ? Nous sommes si différentes et pourtant, ça ne nous pose aucun problème ! Quelle chance d'être tombées l'une sur l'autre. Je trouve ça tellement génial !
Elle me contemple avec cet air doux derrière sa façade de bad girl et serre ma paume.
— Leyah Smith, enchantée de traverser cette année de découverte et de renaissance à tes côtés !
Ses lèvres sombres s'incurvent et elle me couvre d'un regard attendri, presque indulgent.
— Ouais. On va s'éclater, coloc.
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Hello you!
On se retrouve donc pour échanger ou juste prendre du bon temps à lire mon prochain bébé <3 Je vous avoue que cette héroïne a mon affection toute particulière, elle m'a éclatée à la lecture, je la trouve trop mimi. (Mais c'est peut-être ma perception seulement!)
J'espère que vous prendrez du plaisir à découvrir ses aventures à l'université, n'hésitez pas à partager vos ressentis (quels qu'ils soient), j'adore ça ^^
Je pense adopter le rythme de 1 à 2 chapitres par semaine. Donc, à la semaine prochaine, Wattpadfriends!
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