Chapitre 19 - Léxandre

J'enfile la veste noire, sous le regard brillant de ma mère. Elle me contemple de la tête aux pieds, en me complimentant. Mes mouvements fébriles trahissent ma nervosité. Je peine à foutre ce maudit nœud.

— Léxandre, tu es très beau. Ne t'en fais pas du regard des autres.

Ma mère brise la distance entre nous. Elle lève sa main et saisit le nœud papillon. Je l'aide instinctivement et ensemble, nous le faisons.

— Je m'en branle des autres, grogné-je entre mes dents.

À peine ma phrase terminée, ma mère me décoche un coup dans le bras. Elle me reprend en faisant les gros yeux. Il y a bien longtemps que ces réprimandes ne fonctionnent plus sur moi. Je suis grand, adulte et libre de dire des gros mots. Que ça lui plaise ou non.

— Tu sais que je n'aime pas ces mots, Lex. Fais un effort, au moins devant moi.

Je me contente de hocher le menton. Ma mère soupire, dépitée par mon comportement. Sa main se lève à nouveau et atteint ma joue. Elle la passe avec douceur sur ma peau. À son regard, je sais qu'elle ressasse le passé. Qu'elle voit mon père à travers moi. Que m'observer est douloureux.

J'exécute un pas en arrière en tournant le visage.

— Qu'est-ce qui te chagrine ? me questionne-t-elle en attrapant sa tasse de café sur la table basse.

— J'aime pas les mariages. Si Louis se pointe et me voit accompagnant Jules...

Je ne termine pas ma phrase. Nous savons tous deux ce que je veux signifier.

— Vous en êtes toujours à ce point-là, soupire-t-elle entre deux gorgées. J'ai loupé des passages, mais si la cousine de Jules ne l'a pas invité, ton ami ne se pointera pas.

Elle a raison. Jules n'a rien dit et Louise ne converse pas avec son cousin. Il n'y a donc aucune raison pour que Louis se pointe et foute la merde entre Jules et moi. À moins que Stéphane nous suive encore.

Concernant Stéphane, je doute toujours qu'il bosse seul. Mon instinct me dit que Louis est derrière ça. Il me faut des preuves, les prendre en pleine discussion ou trouver des SMS compromettants. Ainsi, je pourrais devancer leurs futures actions.

Mettre en sécurité ma mère et Jules est mon but ultime. J'aimerais même garder Jules chez moi. Non, trop risqué. Si Louis débarque à l'improviste et découvre sa petite sœur, je serais mort.

Par contre, si j'ai tort, Louis m'en voudra pour de bon. Il se vengera pour ma trahison, pour avoir douté de lui. Exactement ce dont j'évite depuis des années !

— Ça va être l'heure, je dois récupérer Jules.

La pression remonte en voyant l'heure sur mon téléphone. Un message de Jules est affiché sur mon écran verrouillé.

Trésor : Lex, je t'attends sur le parking du magasin. Tu es prêt ?

Léxandre : Je pars de chez ma mère. Je suis là dans quinze minutes. Ne bouge pas de ta voiture, trésor.

Je range mon cellulaire dans ma poche et récupère mes clés. Ma voilà fin prêt à assister à un mariage dont j'en ai rien à foutre. Un mariage. Un moment normalement intime et magique entre mariés et leurs familles. J'ai rien à faire là-bas. Si les gens parlent et que mon prénom atteint les oreilles de Louis, je peux faire une croix sur l'argent du cambriolage ! Et vu la somme, je préférais récupérer mon dû, le donner à ma mère avant de me faire zigouiller.

— Pas de bêtise avec ta petite-amie.

Mes lèvres s'étirent largement. À mon air fripon, elle éclate de rire.

— Ne t'inquiète pas. Je suis sage comme une image avec elle. Je passe après le mariage. Tu veux que je prenne le repas ?

Ma mère apporte sa tasse blanche à ses lèvres. Elle boit en réfléchissant à ma question. Je passe mes yeux sur son visage, doux. J'aimerais tellement lui ressembler plus. Au-delà de la mentalité, nos physiques se ressemblent, bien sûr. Mais plus le temps passe, plus je vois des traits de mon père sur ma gueule.

— Je suis désolée, mon chéri. Ce soir, j'ai un rendez-vous...

Mes paupières s'écarquillent. Le sourire en coin de ma mère montre sa joie. Elle a un rencard ! Je suis à la fois très heureux pour elle et déçu. C'est comme si on m'arrachait ma mère. Elle a toujours été là pour moi. Elle m'a soutenu, écouté pendant des heures. Jusqu'à présent, ma mère était célibataire. En gros, elle était à moi.

Là, elle vit sa vie. Ce qui est tout à fait normal. Je fais de même. Mais j'ai bizarrement du mal. J'ai encore besoin d'elle. Et pour toujours.

— Ah ! m'exclamé-je gêné. Bah on se verra plus tard. Merci pour ton aide. J'étais perdu avec la tenue.

Comment m'habiller pour le mariage a été mon problème numéro un ces derniers jours. Je n'ai pas osé le demander à Jules, de peur qu'elle me trouve idiot. Alors m'a mère a encore une fois tenu son rôle de maman.

Mes lèvres déposent un baiser sur sa joue, tandis que mes bras s'enroulent autour de ses épaules. Ma mère glousse en me rendant mon câlin.

— Allez, file. Jules va t'attendre.

C'est vrai. Je fonce donc jusqu'à ma voiture, après un au revoir rapide. Je conduis jusqu'au parking où Jules m'attend. Lorsque je la retrouve, je retrouve ainsi le sourire. Ma tension a disparu. De même pour la peur de croiser Louis à ce fichu mariage.

Jules m'attend, les bras croisés, contre sa voiture. Elle porte une très belle robe rose pâle longue. Le tissu fluide tombe à ses chevilles. Les bretelles sont fines, le col un peu échancré à mon goût. La naissance de ses seins m'obnubile.

— Ne me regarde pas ainsi, se moque-t-elle en se décollant de la portière. On ne peut pas se permettre d'être en retard.

Je ne réponds pas un grognement. Dommage, la beauté de Jules me donne très envie d'elle.

Son visage est très peu maquillé. Je remarque du mascara noir sur ses cils, qui les rend plus intenses. Ses lèvres sont, elles aussi, plus rougies. Quant à ses paupières, je découvre au soleil, une multitude de paillettes briller de mille feux.

— Impossible de t'embrasser, exact ?

Jules acquiesce, tout sourire.

— Tu auras tout le temps après la soirée.

Voilà un super programme !

Son bras s'enroule au mien et elle m'entraîne à sa suite. Nous gagnons mon véhicule. Sans perdre plus de temps, nous nous rendons au mariage. Durant le court trajet jusqu'à la mairie, nous discutons de tout et de rien. Omettant bien sûr les sujets les plus graves. Louis, les trafics illégaux et les violences.

Je profite de notre tête-à-tête pour caresser son bras, sa cuisse ou sa joue, à chaque feu rouge. Je suis content d'être encore avec elle. Encore plus quand Jules rend mes caresses.

C'est à contrecœur que nous gagnons la mairie. Je nous promets de rattraper le temps perdu ce soir ! Elle ne rentrera pas chez elle, avant que mes lèvres aient goûté aux siennes.

Finalement, je suis content que ma mère se soit trouvé un prétendant. Tous les deux, nous profiterons d'une soirée magique avec nos amoureux.

Les invités sont déjà présents. Tous bien élégants, discutent entre eux, attendent que la cérémonie commence. Je me mets en retrait, tandis que Jules parle avec des inconnus. Elle est souriante, répond aux questions avec amabilité. Un peu mon contraire. Je suis celui qui tire un peu la gueule. Non pas pour ruiner le moment, mais entendre des questions sur son frère me gênent. La famille Becker, sa tante à ce que j'ai compris, pose trop de questions. Elle passe un véritable interrogatoire à Jules, sur l'absence de Louis.

Lorsque la femme, qui ressemble follement à Louise en plus âgée me porte attention, on nous prévient que la cérémonie commence. Je suis soulagé. Même si je sais qu'elle me posera des questions sur ma présence.

Pour la première fois, j'assiste à un mariage. Le couple respire le bonheur. Ils s'aiment. Cela se voit dans leur regard. L'émotion gagne la salle quand ils échangent les vœux et s'embrassent amoureusement. Jules, assise à mes côtés, resserre sa main entrelacée à la mienne. Elle suit avec attention le mariage de sa cousine.

Je me pose une question. Attend-elle cela ? Une vie de couple, mariée avec des enfants ? Si oui, sera-t-elle déçue de moi et me larguera-t-elle ?

Ces points me sont impossibles. Pas le temps que je sois au chômage. Pas le temps que la vie de ma mère soit meilleure. Elle est d'ailleurs mon objectif de vie. Lui offrir une meilleure vie, quitte à me sacrifier.

Après la cérémonie, la fête commence. Nous roulons jusqu'à la salle des fêtes de la ville, qu'a louée Louise. La salle est simple. De taille moyenne. Elle accueille les cinquante invités. L'intérieur de la salle est joli. Décorée avec des touches dorées et rouges. Les cousines et la mère de Louise ont parfaitement décoré cette pièce. Elle respire l'amour et la féminité.

Le marié, Dante Luccie, ne cesse d'embrasser sa femme. Ils s'enlacent, se chuchotent – bien trop fort – des mots d'amours. Leur bonheur est contagieux. Je veux ça, moi aussi. Je découvre une part de jalousie qui ne me plaît guère.

D'un autre côté, cette foutue jalousie me prouve un truc très important. Que Jules est la femme de ma vie. Qu'en bravant les interdits, je contente enfin une partie restée longtemps de côté.

— Tu penses à quoi ?

Je baisse mon visage sur Jules. Elle est devant moi et dépose ses mains sur mes poignets.

— À nous.

Son visage se ferme, trahissant ses pensées.

— Non, je ne pensais pas à Louis. Mais bien à nous deux.

— Tu me racontes tout en dansant ?

Danser. Tous les deux au beau milieu d'une salle remplie d'inconnu. Comme la fois à la soirée d'Halloween. Si je me souviens bien, notre nuit s'est très bien terminée !

J'accepte et la suis. Nous remontons les gens, main dans la main. Les mariés ont déjà ouvert le bal. Plusieurs couples dansent au beau milieu de la piste. Nous trouvons une place où nous pouvons tourner ensemble, sans risquer de bousculer une personne.

La musique change pour une plus lente, romantique. Nos corps se lient. Je tiens Jules contre moi. Elle dépose sa tête au creux de mon cou. Instinctivement, je frissonne lorsque ses lèvres déposent un baiser sur ma chair. Je lui rends en embrassant sa tempe droite.

Ainsi, l'un contre l'autre, nous tournons au rythme de la musique. Je surprends plusieurs regards inquisiteurs. La mariée m'envoie un petit clin d'œil.

Je me demande ce qu'elles ont dit sur moi. Ma curiosité sera un jour comblée. Je le sais. Si je nous en donne l'opportunité.

Ma main glisse le long du dos de Jules. Sa robe est douce. Le tissu fin. Je sens sa colonne vertébrale sous mon touché. Ma paume de main presse la chute de ses reins. Jules est de plus belle collée contre moi.

La musique change. Je ne lâche pas Jules et attrape son menton. À cette action, elle sourit et m'invite à l'embrasser. Devant sa famille et des inconnus. Je cède. Malgré l'alerte rouge donnée par mon cerveau. Nos lèvres s'entrechoquent. Ce baiser est délicat, exquis. Il me donne un aperçu de ce qui m'attend dans une poignée d'heure.

— Nous vous invitons à prendre place, annonce Louise. Vous trouverez vos prénoms sur une petite carte.

Nous nous exécutons en silence. La mariée relève sa robe longue robe blanche pour marcher à sa table. Le tissu blanc brille. La robe est une robe de princesse, si je ne me trompe pas. Le buste est bien travaillé. Il est orné de motif qui brille.

Louise Becker est très belle. Sa coiffure a aussi des paillettes avec une broche en forme de cœur en argent. Comme pour sa cousine, son maquillage est simple.

Son mari, Dante Luccie est élégant. Grand, le visage long. Ses cheveux noirs sont très bien coiffés. Ses iris marron témoignent tout l'amour qu'il a pour sa femme. Le costume noir qu'il porte est sobre et met en avant sa carrure.

Si j'ai bien tout compris, cet homme est le patron de Louise. Il a obtenu le poste suite à la retraite de leur patron. Enfin, c'est ce qu'on m'a dit, avant que je comprenne la vérité.

La vérité est que leur patron était un véritable enculé. Qu'il abusait ses employées en utilisant son statut. Désormais, il est en prison. Tout ça serait grâce à ce type, Dante. Il a protégé Louise le soir de Noël.

Il l'a protégé. Il n'a pas eu peur pour son poste. Il n'a pas eu peur des représailles. Bien au contraire. Il a foncé tête baissée pour protéger la femme qu'il aime.

Mon contraire, putain ! Quand Rachel était en danger, je n'ai rien fait. Strictement rien ! Je vais prendre exemple sur Dante. Peu importe si je dois me foutre à dos Louis. Un jour, je suis convaincu qu'il comprendra. Qu'il réalisera ce qu'il commet. Peut-être s'il tombe lui aussi amoureux ?

Je suis convaincu qu'il n'aimait pas Rachel. Tout comme il n'aime pas son amante, dont le prénom m'échappe. Mais ça viendra, un jour. Il tombera raid dingue d'une personne et arrêtera ses conneries.

Enfin, je prie pour cela.

Jules file la première à sa place. Je la suis, la déshabillant du regard.

— Tu es à côté de moi.

— Merde. J'espérais me trouver à côté d'une charmante femme... Dommage, je trouverai une maîtresse plus tard.

Jules claque sa langue contre son palais en signe de mécontentement. Elle s'assied, après un regard assassin et me présente les personnes en face de nous. Je m'installe en les saluant.

Mon regard balaye la pièce. Il tombe sur une personne immobile à la porte d'entrée. Je reconnais sa silhouette élancée. Son regard bleuté lance des éclairs. Mon sang se glace dans mes veines. Mon cœur s'arrête un instant, avant de reprendre comme un fou.

— Je reviens, indiqué-je à Jules qui discute avec un ami de Dante.

Je me lève, attirant le regard des invités et de Louise et me dirige en trombe vers Louis. J'agrippe à la volée son bras et l'entraîne hors de l'établissement. J'espère que Jules ne l'a pas vu, que j'ai été assez vite.

Dehors, Louis est calme. Beaucoup trop calme. Aucune idée de ce qu'il a vu. Mais s'il était présent quand je mâtais ouvertement sa sœur, je suis mort.

— Qu'est-ce que tu fous là ?

Je pourrais lui poser la question. Sa présence n'était pas souhaitée.

J'éclaircis ma voix, le cœur battant à tout rompre. Mon cerveau cherche un mensonge. Je veux bien être franc avec mon ami, je ne suis pas suicidaire.

— Ta sœur m'a demandé de l'accompagner, mens-je. Il y a une voiture qu'il la suivit. Elle a même crevé ses pneus.

Louis rit jaune. Il me pose sur moi un regard à la fois moqueur et noir. Il ne me croit pas.

— Et elle a fait appel à toi ?

— Tu lui réponds pas, à ce qu'elle prétend. Tu l'ignores depuis des mois, Louis. Elle semblait... effrayée.

J'aimerais continuer mon mensonge. Le rendre plus fort, mais c'est peine perdue. Louis doute de moi.

— Pourquoi me mens-tu, connard ?

J'en perds la voix. Louis m'a grillé.

Je n'ai pas le temps de répondre. Un coup atterrit dans ma mâchoire. Je réprime un grognement et serre les dents.

— T'a touché Jules.

Je comprends à la seconde qu'il a vu notre baiser. Je me redresse en opinant du chef.

— Oui, Louis.

Cette réponse me vaut un nouveau coup. Cette fois-ci plus douloureux. Par instinct, je lève mon bras pour me protéger d'une future attaque.

— T'as couché avec elle ?

Au point où j'en suis, autant dire la vérité ! J'ai un maigre espoir qu'il nous comprenne. Qu'il comprenne nos sentiments.

— Oui, mais tu dois savoir que...

Ma phrase est coupée par un nouveau coup-de-poing. Il est suivi d'une insulte. Je lui rends son coup dans l'estomac. Il se penche en avant, grognant de douleur.

— Je ne ferais pas de mal à ta sœur, aie confiance en moi, Louis. Tu me connais.

Louis éclate d'un rire gras.

— Non, je te connais plus, siffle-t-il en approchant sa main de la poche arrière de son jean. Tu m'as trahi, mec. Tu te tapes ma putain de sœur dans mon dos !

Sur mes gardes, mes mains se lèvent dans les airs. Il a toujours une arme sur lui. La folie l'a gagné. Je le lis dans ses yeux. La colère est maîtresse.

— Fais pas de conneries, Louis. On doit en parler au calme.

La main de Louis disparaît dans son dos, avec une lenteur calculée. Il joue avec moi. Il tente de m'effrayer et ça marche. Je ne désire pas crever aujourd'hui. Pas à cent mètres de Jules.

— C'est juste du cul, hein ? s'enquière-t-il furieux. T'as pas trouvé d'autres salopes, alors t'as pris la plus facile.

Non. Bien sûr que non. Plus le choix. Je dois à tout pris lui dire la vérité sur mes sentiments. Il sera sûrement rassuré.

— Tu penses vraiment ça de moi ? Non, Jules est différente des autres femmes. Elle... elle ne m'a pas changé. Mais je tiens beaucoup à elle.

Louis ramène sa main le long de son flanc. Entre ses doigts, son arme fétiche. Un pistolet chargé et prêt à me trouer la cervelle. Je me vois déjà ivre mort au sol, baignant dans mon propre sang.

Je chasse cette pensée et attends la réponse de Louis.

— Tu l'aimes pas. Dis-le, Léxandre. Tu ne peux pas l'aimer. Pas elle. Tu vas tout foutre en l'air pour cette connasse.

Sa sœur, bordel. Pour sa sœur ! Il ne s'agit pas de la première femme venue !

Je me suis trompé. Je pensais qu'il accepterait notre relation. Mais finalement, tout ce qui l'intéresse est d'éloigner Jules de ses trafics. Il s'en fout d'elle, comme pour Rachel. Comme pour les personnes qui se mettent en travers de son chemin.

— J'en sais rien, avoué-je. Je ne sais pas si je l'aime... Mais, ça y ressemble. Louis, écoute-moi. Je garderai nos secrets. Mais laisse Jules choisir sa vie.

— Te choisir, hein. Non, putain de merde ! Je le savais ! Je le sentais en vous voyant. Tu vas niquer tous nos plans, juste pour la sauter.

Les doigts de Louis se crispent autour de son arme. Je serre mes poings, remontant mes pupilles sur son visage. Je lui tiens tête. Et visiblement ça ne lui plaît pas. Tout comme ma relation avec sa petite sœur. Bien sûr, je le comprends. C'est sa sœur. En plus de ses secrets, il est supposé la protéger. Mais je suis son ami, il me connaît très bien. Il sait que je prendrais soin d'elle.

— Je ne nique rien, Louis, répliqué-je. Tu sais que j'ai besoin de fric.

Mes muscles se contractent. La tension forme une boule à mon estomac. Je suis sur le qui-vive. La peur qu'il me tire dessus est omniprésente.

— Je sais. Mais Jules finira par tout découvrir. Tu le sais mieux que moi. Putain ​​​​​​​! Tu sais quoi ? Je te donne une chance. Une seule. Parce que le braquage de la banque est dans deux jours. Sans toi, tout est foutu et crois-moi, que tu le regretteras si on échoue.

Louis prend son temps. Il me fait mariner avec son futur marché. Ça sent mauvais pour moi. Pour Jules.

— Je t'écoute.

— Tu romps avec elle. Sinon tu peux dire au revoir à l'argent et ta mère sera très heureuse de la visite de Stéphane. Oh et si ça ne te suffit pas, Jules aura une très belle place dans la prochaine vente. Je te laisserai vivre assez longtemps pour te vois leurs vies devenir un véritable cauchemar.

Je vais dégueuler. Il serait capable de s'en prendre à ma mère et à sa sœur.

— Tu... tu ne ferais pas ça, bafouillé-je étonné. Tu sais quels monstres achètent les femmes. C'est ta sœur.

Ces données ne l'atteignent pas. Il hoche une épaule nonchalamment. Sa main se relève avec lenteur. Pour me faire rentrer dans le crâne ses menaces, il braque son arme à mon front. Je déglutis. La pression et la peur me terrassent. Jamais je n'ai autant douté de mon ami. Je l'imagine capable de me tirer dessus pour stopper mon libre arbitre, pris sans son consentement.

L'index de Louis se crispe sur la détente. Je plisse les paupières en grimaçant. La tension est à son comble.

— Tu sais de quoi je suis capable, Lex, siffle-t-il entre ses dents. Alors les choses vont reprendre leurs cours. On va le faire, ce putain de braquage. On a pas bossé pendant des mois pour rien. T'as compris ? Et après je te règle ton compte.

Louis ne me laisse pas le choix. Ses mots sont très clairs. Il va me le faire payer. Mais plus tard. Car il a autant besoin que moi d'argent. Le temps que je lui sois utile, il ne me fera rien. Cependant, il s'en prendra à ma mère et à Jules. Autant éviter ça. Je ne mettrais jamais en danger leur vie.

Pourtant, je pourrais les mettre en sécurité. Loin d'ici, loin de Louis. J'assisterai comme prévu au braquage et prendrai ma part. Puis, bye, bye Léxandre Moreno. Je ne me laisserai pas buter sans rien dire.

Tout ça parce que j'ai une relation avec Jules. C'en est pathétique, enrageant. Sa sœur est libre. Oui. Mais pas de sortir avec moi. Pas de s'approcher de sa vie, de ses secrets.

Putain, je me hais. Moi qui voulais porter mes couilles et défendre ma relation avec Jules. Je me soumets en deux minutes chrono. Je ris doucement à ma connerie et à mon manque de courage. L'argent et la vie des deux femmes sont plus importants pour l'instant. J'aviserai une fois le fric en possession de ma mère.

— Léxandre ! hurle une voix féminine.

Jules. Je l'entends courir jusqu'à nous. J'ouvre les paupières et croise les prunelles de Louis. Ce dernier ne cache pas son arme, bien au contraire. Il vise toujours entre mes sourcils en souriant.

Des doigts se referment autour de mon poignet droit. Je suis tiré un peu en arrière.

— Louis ! Oh bordel !

Jules tente à plusieurs reprises de m'écarter. Sa force laisse à désirer. Je me contracte et ne bouge plus. Louis observe sa petite sœur. Il semble encore plus énervé. Voir qu'elle me protège contre lui, doit lui être insupportable.

— Louis, lâche cette arme, supplie-t-elle en se mettant entre nous deux.

D'un coup, je la tire sur le côté. La savoir en danger hérisse mes poils. Elle étouffe un cri de peur et s'agrippe à mon bras. Ses ongles entrent dans ma chair. Je la pousse de plus belle derrière moi, sous l'air moqueur de son frère.

— Vous êtes pathétiques, lance-t-il en baissant son arme. Allez, suis-moi, Lex.

Jules resserre la pression de ses doigts. Je hoche le menton en signe d'accord. Un pas dans sa direction, ma petite-amie me retient de plus belle. Je me retourne, la mâchoire serrée. Son visage est fermé. Elle me dévisage, agacée. Elle a bien compris ce qui se trame.

— Tu ne peux pas t'en aller, souffle-t-elle en levant sa main vers ma joue.

Elle examine la zone en grinçant des dents.

— Tu saignes, constate-t-elle.

Derrière moi, j'entends Louis perdre son calme. Il me demande de le suivre, cette fois-ci plus agressivement.

— Quelqu'un te ramènera chez toi.

Je n'ajoute rien et me défais de son emprise. Jules est estomaquée par ma conduite. Sa bouche s'entrouvre à plusieurs reprises et elle bafouille des mots à l'intention de son grand frère. Quand je me retourne, j'aperçois ce dernier marcher jusqu'à son véhicule. J'aurais bien le temps de lui expliquer. Mais c'est risqué. Louis n'est pas sourd.

— Louis ! s'écrit-elle en me dépassant. Tu ne peux pas contrôler ma vie. Je suis adulte. Ma relation avec Léxandre ne te regarde pas.

Il ne l'écoute pas, s'engouffrant au volant de sa voiture.

— Jules, rejoins la fête, dis-je le plus bas possible.

La jeune femme se retourne vivement et en colère. Elle me lance un regard d'incompréhension.

— Pas si tu pars.

J'observe la voiture immobile de Louis, à cinquante mètres de nous. Il attend que je le suive. Mes yeux retombent sur Jules. Elle s'approche de moi et dépose ses mains sur mon torse. Je me dégage à nouveau de son toucher.

— Il sait qu'on sort ensemble. Il nous a vus nous embrasser.

— Et alors ? On s'en fout, putain. Qu'est-ce qu'il fout là, d'ailleurs ? Pourquoi doit-il ruiner ce qu'on construit ?

Pour ses trafics, pour l'argent. Mais je n'ose pas lui avouer.

Je ne réponds pas. Mes pas me portent à ma voiture. Je pénètre dedans et remarque que Jules me suit de près. Elle se dirige vers la portière passagère. Pense-t-elle vraiment m'accompagner ?

Je ferme immédiatement mon véhicule. Jules tente d'entrer. La portière reste fermée et ses sourcils se froncent. Je l'entends m'implorer d'ouvrir et tenter encore et encore d'entrer.

Mes doigts glissent les clés dans le trou et je mets le contact. Le moteur démarre, grondant. Jules s'écarte. Je l'ignore du mieux que je peux et quitte le parking.

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