Chapitre 14 - Jules
Ma relation avec Léxandre évolue. Elle devient forte au fil des jours. Nos rendez sont toujours secrets. Personne de notre entourage n'est au courage. Nous profitons des moments à deux pour nous dévoiler et nous contenter. Plus le temps passe, plus cet homme accapare mes pensées. Plus je regrette que mon frère soit borné, qu'il ne pense pas à mon bonheur.
Entre deux réflexions sur ma vie, je note le dernier mot de mon bouquin. FIN. J'ai terminé. Un sentiment étrange naît au creux de ma poitrine. Je me sens vide. Que vais-je faire désormais ? Réfléchir à un nouveau ? L'envoyer et attendre la réponse. D'ailleurs à quelle maison d'édition devrais-je l'envoyer ?
Oh bordel. Léxandre. Je dois lui ai promis. Loin de ne pas tenir mes promesses, je me donne quelques jours avant de lui en parler. J'ai besoin de courage. Affronter son jugement est angoissant.
Sur le net, je vogue sur les sites de dizaines de maisons d'édition. Sur celui de Luna Éditions, que je gère, je note les critères établis par l'éditeur. Ma mise en page est bonne. Pas le titre et il me manque une fiche information.
Je me lance dedans. Je télécharge le fichier vierge créer par l'éditeur et le remplit. Prénom, nom, pseudo, adresse e-mail, je remplis tout assez vite. Jusqu'à ce que je cale les informations du manuscrit. Détails des personnages, résumé et synopsis sont demandés. Les deux premiers sont faciles. J'avais tout noté dans mon fichier infos sur l'histoire. Mais voir la demande de synopsis mine mon moral.
Ma gorge se serre. Je comprends la demande d'un synopsis. Ça sert de premier choix. S'il convient, le manuscrit passe au comité de lecture. Le synopsis est très important. Mais je ne m'en sens pas capable. Je n'ai non seulement pas le courage, mais l'envie d'en faire un. Pourtant, je tente.
Je supprime à plusieurs reprises mes phrases. Je m'impatiente, m'énerve. L'envie d'arrêter et l'envoyer à une maison d'édition moins capricieuse me prend. Mais j'insiste. Mes efforts paient. Je parviens à écrire un synopsis plus ou moins potable. Il n'est sûrement pas parfait, après tout c'est mon premier ! Mais il fera l'affaire.
Avant d'envoyer en soumission, je relis mon histoire. Je corrige des fautes passées à la trappe, modifie quelques phrases. J'aimerais attendre l'avis de Léxandre. Il pourrait me guider, me dire avec un œil objectif ce qui cloche.
Ouais, voilà, c'est mieux. Tant pis pour ma peur. J'envoie donc un message à ce dernier. Il répond en trois minutes, m'annonçant être tout ouïe.
Jules : J'ai terminé mon histoire. Tu veux la lire ? Tu me feras un retour objectif ? J'aimerais l'envoyer à Luna Éditions.
Mmec : Déjà ? Oui, dans la semaine. À part si c'est pressé et que mon sommeil t'importe peu ?
Je roule des yeux en gloussant.
Le nouveau nom de Léxandre est simple. Je supportais de moins en moins l'autre ; Grand con. Au lieu de mettre Mon mec, j'ai collé les deux mots. Louis ne devrait jamais ouvrir ma messagerie, mais on ne sait jamais. Ainsi, je pourrais brouiller les pistes. Méchant mec ou Mauvais mec sont mes deux options, s'il comprend que c'est Léxandre. Après tout, il pourrait chercher avec le numéro de téléphone. Là, je serais dans la merde.
Jules : Tu as la semaine. J'ai besoin de toi en forme. ;)
Mon sourire béat trahit mes sentiments naissants et puissants. L'incertitude et la peur me terrassent toujours. Comme si mon cerveau bloquait sur notre relation. C'est si nouveau, incroyable. Je ne me fais pas à mon changement de situation amoureuse. De en couple a célibataire, puis à nouveau en couple, peu de semaines sont passées. Je crains qu'on me voie comme une mangeuse d'hommes. Ce qui n'est pas le cas.
Et puis merde ! Jordan m'a trompée. Pourquoi devrais-je avoir honte de ma relation avec Léxandre ? J'ai été larguée comme une merde. J'ai pris de plein fouet une vérité horrible. Entre nous deux, c'est plutôt lui qui devrait fuir son reflet dans le miroir !
***
Trois jours après l'envoi à Léxandre, ce dernier m'a envoyé son avis. Le mail est plus ou moins long. Il a noté les points positifs, qui sont nombreux et les quelques soucis. Incohérences et coquilles. Finalement, son regard m'est utile ! De plus, il me redonne confiance. Il a aimé l'histoire.
Je retravaille donc les scènes et les mots, avant de m'affaler sur ma chaise. Cette journée a été longue. Les heures passées devant l'ordinateur m'ont crevée.
J'ouvre ma boîte e-mail et ouvre un nouveau mail. Je note l'adresse e-mail de la maison d'édition et me lance. Je joins le manuscrit ainsi que le fichier d'information. C'est hilarant. Demain, j'enverrai ma soumission à l'éditrice pour une présélection. Elle va rire en voyant mon nom !
De : Jules Becker ([email protected])
À : Luna Éditions (contact@lunaéditions.com)
Objet : Soumission Manuscrit – Jules Becker...
Date : 27/11/2020
Bonjour,
Je vous soumets mon manuscrit en soumission. J'ai ci-joint la fiche information.
Cordialement,
Jules Becker
C'est le mail le plus court que j'ai tapé. J'en ai bien reçu des milliers, mais je suis incapable d'écrire plus. Que dois-je mettre de plus ? Trop tard, il est envoyé. Demain, j'aurai la joie de m'envoyer un accusé de réception. Youpi !
La fin de la journée arrive. Je suis fatiguée. J'envoie un énième message de remerciement à Léxandre et lui souhaite bonne nuit. Sans même attendre sa réponse, je file sous la douche. L'eau chaude est la bienvenue. Elle me décontracte sur-le-champ.
Après la douche, je glisse sous mes draps dans un pyjama pilou-pilou. La neige pointe le bout de son nez. Dans deux jours, nous serons en décembre. J'ai hâte qu'une fine couche blanche tombe sur la ville. J'adore l'hiver. C'est ma saison préférée.
La somnolence me gagne. Mes paupières se ferment. Le silence est apaisant. Je m'endors vite, l'esprit vaguant sur Léxandre et nos baisers enflammés.
Le lendemain matin, je me lève à la hâte. Cette nouvelle journée m'angoisse. Le temps est gris, la température très basse. J'opte pour un gros pull noir et un jean bleu marine. En chaussure je mettrais des baskets simples. Pour le manteau, celui acheté l'année dernière en solde. Il est épais et couvre bien du froid.
Je petit-déjeune, réponds à Léxandre, nourrit Madeleine et part à mon travail. Comme les autres jours, je me mets à l'ouvrage sans attendre. Bien sûr, je tombe sur mon propre mail envoyé la veille. Par chance, d'autres manuscrits ont été soumis. J'envoie donc à Géromine Merle qui fera une présélection.
Mes doigts tremblent pendant un bon quart d'heure. Mon ventre est noué. J'attends à tout moment un e-mail Géromine me parlant de mon histoire.
Et au bout d'une heure, je reçois celui du boss. Mon sang se glace. Il me demande de le rejoindre dans son bureau. Bordel. J'espère que ça n'a rien avoir avec Jordan !
Est-ce que mon ex aurait balancé Léxandre ? Si c'est le cas, j'ai peur des conséquences.
Je monte jusqu'au dernier étage. L'ascenseur est rapide. Mon stress s'accumule. Devant la porte, je toque fébrilement. L'écriteau contient le prénom de l'éditeur. Émilien Weits.
Mes doigts s'entremêlent avec nervosité. La voix rauque de mon patron s'élève. Il m'invite à pénétrer dans son bureau.
Mes doigts s'enroulent autour de la poignée et la descendent. La porte s'ouvre. Je découvre l'éditeur, assis à son bureau. Ses pupilles vertes sont plongées sur son ordinateur. Il m'indique d'un geste de la main de le rejoindre. Je m'exécute.
Pendant que je traverse son bureau, je l'observe. Ses traits sont doux. Ses lèvres fines sont rosées, ses pommettes écarlates. Il pince à plusieurs reprises ses lèvres, avant de me porter attention.
Je fonds face à son regard pétillant. Il me transperce de ses deux émeraudes.
— Installez-vous, m'impose-t-il en montrant la chaise face à lui.
Une fois assise, je croise mes doigts sur mes cuisses. Mes genoux tremblotent sous la pression.
— Je vous ai convoqué pour vous annoncer une modification assez majeure dans votre travail.
Je m'étrangle, ahurie, imaginant des milliers de scénarios possibles. Va-t-il me virer ? Me changer de tâches, jugeant que j'utilise mon métier pour accéder aux soumissions ?
— Oui ?
— Je sais d'ores et déjà que cela créera du boxon durant les prochaines semaines, prévient-il avec son accent anglais prononcé. Cependant, ça nous soulagera tous.
Pourquoi tourne-t-il autour du pot ? Je ferme mes poings en soupirant. Je suis frustrée qu'il soit aussi lent.
— Je... ne vois pas de quoi vous parlez, avoué-je, la boule au ventre.
Les paupières de l'éditeur s'écarquillent. Il sourit, dévoilant des dents blanches et parfaites.
— Oh, pardonnez-moi, Madame Becker. Je parle des soumissions de manuscrits. J'ai ouvert ce matin une nouvelle adresse e-mail. Madame Merle recrutera une directrice de comité de lecture compétente pour présélectionner les manuscrits et envoyer les réponses aux auteurs.
Je suis soulagée. Cela n'a rien avoir avec Jordan ou mon manuscrit !
— Vous n'avez plus qu'à l'annoncer sur les réseaux sociaux. Le graphiste vous enverra sous peu les visuels. Ainsi, vous et madame Merle seriez allégées.
Je remue ma tête en signe de compréhension. Les iris de mon patron me sondent. Je baisse mon menton. Je suis mal à l'aise. Sa façon de me dévisager est étrange. Ai-je quelque chose sur le visage ? Des cernes trop apparents ?
— D'accord, je vais me mettre au travail.
J'entreprends de me lever. Sur pieds, je décoche un léger sourire en secouant mon menton.
— Bonne j...
— Attendez, me coupe-t-il en se levant à son tour. Si vous recevez des manuscrits, vous les enverrez à la directrice.
Il fait le tour de son bureau. Je déglutis et m'écarte de la chaise. Pourquoi a-t-il besoin de s'approcher ?
— Je le ferais, annoncé-je.
Il s'arrête, cale ses fesses contre le bord de son bureau et croise ses bras. Sa chemise bleu ciel emprisonne ses bras, dont ses muscles ressortent. Les manches sont remontées jusqu'aux coudes. Je me surprends à zieuter ses avant-bras pourvus de veines saillantes.
Pourquoi suis-je si faible face à cette vision ?
— Bonne journée, Monsieur, soufflé-je en me retournant.
Je marche jusqu'à la porte. Le regard lourd de mon patron me rend toute petite. Je le sens me mater. C'est un sentiment assez dérangeant.
— Madame Becker, m'interpelle-t-il d'une voix douce.
Je libère la poignée de porte. J'attends, de dos, qu'il continue. Le temps semble stoppé. Mon cœur bat contre ma cage thoracique.
— Vous n'êtes pas sans savoir que ces derniers mois, nous croulons sous les soumissions. Il est devenu impossible de tout gérer. Les manuscrits arrivent par dizaine chaque jour. Non pas que cela ne me réjouit pas, je ne m'attendais pas à un tel engouement pour maison d'édition.
Il marque une courte pause, avant de reprendre sur un ton léger.
— En attendant la ou le directeur du comité de lecture, qui prendra un bout de votre travail et celui de Madame Merle, j'aide cette dernière a présélectionné les manuscrits.
Un rire nerveux franchit mes lèvres. J'emprisonne l'arête de mon nez en pinçant mes lèvres. Je sais ce qu'il va dire, mais j'ai besoin de l'entendre de sa voix.
— J'espère ne pas me tromper. Mais êtes-vous bien Jules Becker, l'auteure qui nous a envoyé un manuscrit ?
Voilà, je suis démasquée. J'ai terriblement honte. J'aimerais me cacher dans un trou de souris. Fuir cette conversation qui me rend instable. Auteure. Non je ne suis pas auteure. J'écris écrit une romance, rien de plus. Si, selon les dires de Léxandre, elle tient la route, j'en doute encore.
— Heu...
J'ai du mal à parler, à dire la vérité. Le jugement d'Émilien Weits m'effraie. Il a un regard objectif, professionnel. S'il lit mon synopsis ou même le début du manuscrit, j'ai peur de passer pour une conne. Qu'il me voie comme une incapable qui fait des erreurs et n'a pas une belle plume. Je crois bien que j'ai plus peur de son avis que de celui de Léxandre.
— J'ai lorgné sur votre fiche information par curiosité.
Allez, je vais prendre mes jambes à mon cou et m'enfuir d'ici. Je n'ai pas le courage d'affronter son avis.
— C'est votre premier synopsis ?
Je me tourne à contrecœur. Mon patron attend visiblement ma réponse.
— Oui, mon tout premier.
Il sourit. Mais c'est loin d'être moqueur ou hautain. Non, c'est un sourire chaleureux. Il m'envoie de bonnes ondes, comme s'il désirait me réconforter.
— Il y a des phrases lourdes, des pléonasmes, rien de bien grave en soi. On commence tous quelque part. Le plus important est d'essayer.
Ouais, donc c'est de la merde. Cool. J'aurais préféré un mail de refus.
— D'accord, merci pour votre avis.
Toujours les bras croisés, il me désigne du menton.
— Je vous laisse la semaine pour le retravailler. Lundi prochain, le sept, votre nouveau synopsis devra dans ma boîte mail. L'histoire est intéressante. Ce serait dommage de ne pas passer la présélection pour des petites erreurs...
Je suis sur le cul. Je m'attendais à tout, sauf ça !
— D'accord, je le ferais. Mais, si l'histoire ne plaît pas, j'aurais fait ça pour rien ?
Ma question lui décroche une moue. Il lève un sourcil, interloqué. J'ai la sensation d'avoir dit une bêtise. Mais c'est vrai, aussi bien mon histoire ne lui plaira pas. Il désire peut-être même être gentil, me donner une fausse chance.
— On ne fait jamais quelque chose pour rien. Ça nous apporte des bagages. Dans votre cas, vous avez tout intérêt à relever mon défi. Comme vous l'avez dit, c'est votre premier synopsis...
Il ne termine pas sa phrase. Je vois où il veut en venir. J'approuve ses mots en silence.
— N'hésitez pas, si vous désirez de l'aide. Ma porte est grande ouverte, Madame Becker.
C'est très gentil de sa part. Je doute qu'il propose son aide à chaque auteur en difficulté avec leur synopsis !
— Merci beaucoup pour votre proposition. Je n'hésiterai pas, même si je préférais y parvenir seule. Sûrement une question d'ego.
Il hausse une épaule en chuchotant le mot sûrement. Il ajoute un clin d'œil charmeur qui me laisse de marbre. Qui ne me laisserait pas de marbre si Léxandre n'existait pas.
Je reconnais que Monsieur Weits à un certain charme. Un mélange de dandysme et de sensualité. L'aura qu'il dégage est rassurante, puissante. Je suis certaine qu'il retourne toutes les têtes !
— Nous pourrions peut-être parler de votre manuscrit un de ces quatre ? Que diriez-vous d'en parler autour d'un déjeuner ?
L'assurance de mon patron est indéniable. Tout comme le gringue qu'il me fait ! Il resplendit de joie et de sensualité. Il m'envoie des signaux, j'en suis certaine. Ses yeux pétillants, son large sourire, son corps à plusieurs mètres de moi.
Je garde la tête sur les épaules et me contente de hausser les épaules.
— Je n'en sais rien. Je vais d'abord retravailler le synopsis. Merci bien pour cette chance.
La mâchoire carrée de Monsieur Weits se crispe. Il signifie son accord d'un geste de la tête. Sans plus attendre, je quitte son bureau. Je gagne le mien, le cœur gonflé à bloc. L'opportunité que me donne mon patron est énorme. Je suis certaine que le synopsis était très merdique !
Bon, au lieu de me faire des millions de scénarios, je dois retrouver mes esprits. Mon travail m'attend. Je m'y remets de bon cœur et dans une joie démesurée.
La journée défile. Je reçois comme promis les visuels et les publie. Je suis heureuse qu'un directeur de comité soit prochainement embauché. Comme l'a bien dit le patron, mon travail sera simplifié. Cette tâche était longue. Envoyer des accusés, transférer les soumissions, répondre aux auteurs lorsque leurs manuscrits sont refusés. Tout ça n'était pas vraiment de mon ressort et Monsieur Weits le savait. C'est pourquoi il ajoutait une prime chaque mois.
Cette somme, à trois chiffres, est considérable. Désormais, elle manquera à ma paie. Tant pis, je ferais sans.
Durant les pauses, je déjeune dans mon bureau en envoyant des SMS à Léxandre. Ce dernier a fait plusieurs rues et a distribué son CV. Il cherche activement du boulot. Et bien sûr, une mauvaise idée a germé dans ma tête. Monsieur Weits cherche un directeur de comité de lecture. Peut-être que Léxandre serait compétent ? Je suis certaine qu'il apprend vite.
Je n'ose pas en parler à mon petit-ami ni proposer son nom à mon patron.
L'après-midi touche à sa fin. Plus que dix minutes avant de quitter mon bureau. Mais je crains que mon ordinateur m'empêche de partir à l'heure. Impossible de fermer l'explorateur internet. J'ai beau cliquer sur la croix en haut à droite, rien ne se passe. La page bug.
Je soupire en plaquant mon visage dans mes mains. C'est la première fois que cela arrive. Je suis perdue. Si j'éteins l'ordinateur à la source, cela causera un problème au démarrage ?
Je râle de plus belle. Jusqu'à ce que trois coups contre ma porte me stoppent. Ma tête se relève, j'invite la personne à entrer.
Il pénètre en souriant béatement. Ou bêtement, au choix. Ses iris verts me contemplent tandis qu'il traverse le bureau. Au-dessus du meuble, il plaque sa paume gauche sur le bois et penche son visage sur le sien. Son autre main me tend un bouquet de fleurs rouges.
Il porte une chemise cintrée noire et un pantalon de la même couleur. Ses cheveux sombres sont bien coiffés. Sa beauté est à couper le souffle. Une bouffée de chaleur s'insinue dans mon corps. Je serre les dents pour m'empêcher de me jeter sur lui. Mon bureau est loin d'être idéal pour des ébats enflammés.
Sa présence est étonnante. Je n'ai aucun souvenir de SMS me prévenant de sa venue.
— Merci, mais qu'est-ce que tu fais là ? l'interrogé-je en attrapant les fleurs.
J'inspire l'odeur florale. Elles sont belles et dégagent une odeur divine.
— Je t'invite au restaurant, trésor.
Je glousse comme une idiote en tenant fermement le bouquet.
— Quoi ? s'inquiète-t-il en fronçant ses sourcils. C'est nul, c'est ça ? Les petits amis ne font plus ça en deux mille vingt ?
Il est sérieux. Sa crainte se distingue sans peine. Il me ferait presque pitié. Ça se voit qu'une relation amoureuse est encore nouveau pour lui.
— Non, un petit-ami ne débarque pas au travail pour l'emmener dîner. Au mieux, il attend en bas. Tu as fait comment pour trouver mon bureau ?
Lexandre opine du chef, prenant en note mes propos.
— J'ai demandé à l'accueil. Tu viens ?
Mes yeux tombent sur mon écran. La page est toujours figée. Impossible de quitter internet.
— Tu m'attends ? J'ai un souci informatique.
De biais, je le vois contourner le bureau. Il se positionne à ma droite et se penche au-dessus de moi. Son torse frôle mon épaule. Sa main emprisonne la mienne sur la souris. Ce contact me décroche un sourire. Sa peau est douce, chaude. Je me remémore nos caresses, priants pour que de nouvelles accompagne.
Léxandre bouge la souris et me regarde de haut.
— Quel est ton souci ?
— Impossible de fermer les pages.
Incrédule, il tente. Il se confronte au problème. Son front se barre de rides. Il appuie sur plusieurs touches de mon clavier. La page change. Elle propose plusieurs options ; verrouiller, changer d'utilisateur, se déconnecter et gestionnaire de tâches. Il clique sur la dernière. Une nouvelle page s'ouvre. Elle montre les applications en route.
Internet ne répond pas.
Il sélectionne la ligne et appuie sur un bouton en bas de la fenêtre appelée fin de tâche. En arrière, internet disparaît.
Le rire chaud de Léxandre s'élève dans la pièce. Il se moque de moi et de ma stupéfaction.
— Hé ! Arrête de te moquer. J'ignorais qu'une telle chose était possible.
Il rit de plus belle en déposant un baiser sur mon front. Ce geste est doux, empli de passion. Il fait craquer mon petit cœur déjà fragilisé par cet homme.
— Madame Becker ?
Mon sang ne fait qu'un tour. Je lève mon visage vers la porte ouverte. À l'encadrement, Monsieur Weits se tient, les poings serrés. Il nous dévisage l'un après l'autre d'un œil furieux.
Merde. Je suis dans une mauvaise posture. Ramener son petit-ami sur son lieu de travail ne doit pas lui plaire. Ça va me retomber dessus, quand bien même je n'ai rien demandé.
— J-je..., commencé-je en bégayant.
— Je suis venu lui faire une surprise, me coupe Léxandre en se redressant fièrement. J'en ai profité pour l'aider avec son ordinateur freezé.
Les deux hommes se défient du regard. Leurs torses sont bombés, leurs sourcils froncés. J'assiste bel et bien à un combat de coqs. La présence de Léxandre dérange mon patron. Et inversement.
— Dégage d'ici, ordonne Monsieur Weits sur un ton surprenant.
Il le tutoie et prend une voix stricte. Les muscles de la mâchoire de Léxandre se serrent. Il opine du chef et éteint mon ordinateur.
Mes yeux les passent en revue. Un tilt se produit. Ils se connaissent. Ce n'est pas possible autrement. Mon patron a toujours un langage soutenu, correct.
La question me brûle les lèvres. J'hésite, puis me lance.
— Vous vous connaissez ?
Léxandre secoue la tête. Il attrape ma veste et me la tend. Pressé que nous quittions l'établissement, il saisit mon sac à main, les fleurs et m'aide à enfiler mon manteau. J'ai la sensation d'avoir dix ans. D'être incapable de m'habiller seule.
— Viens, trésor. Le restaurant nous attend.
Léxandre entrelace ses doigts aux miens. Cette action paraît naturelle. Or, c'est loin d'être le cas. C'est la première fois qu'il me tient ainsi en tant que petite-amie.
Sans attendre, nous traversons mon bureau sous l'attention de mon patron. Ma question reste sans réponse. Je persévérai donc. S'ils se connaissent, pourquoi le passer sous silence ?
— Bonne soirée, osé-je en dépassant mon supérieur.
— Faites attention, Madame Becker.
La voix de mon patron empire mes doutes. Elle crée des questions que je sais déjà impossibles à répondre. Que me cacherait Léxandre ? Un passé horrible ? Pourquoi est-il allé en prison avec Louis ? Ont-ils commis un ou des actes affreux que je devrais connaître pour ma sécurité ? Est-ce que Léxandre cache son jeu ?
Mon cerveau me tourmente.
Dans l'ascenseur, Léxandre est fermé. J'enroule mon bras au sien et plaque ma tête contre son épaule. Ses muscles se détendent. Savoir que sa tension diminue quand je suis dans les parages est touchant.
— Léxandre, chuchoté-je. Dis-moi la vérité.
Il est plongé dans son mutisme. Son bras s'enroule à ma taille et m'invite à quitter l'espace clos. Les portes s'ouvrent sur l'accueil. Nous traversons la pièce et atteignons le parking. Le regard de mes trois collègues me pose guère souci.
— Louis voulait que je démissionne à la mention de mon patron, insisté-je en pressant son bras. Je n'ai jamais vu Monsieur Weits tutoyer des inconnus. Alors, dis-moi tout. Vous étiez dans le même lycée ? Ça à un rapport avec votre arrestation ?
Nous arrivons au véhicule de Léxandre, bras dessus bras dessous. Léxandre tient le bouquet et mon sac à son épaule. Il ouvre le véhicule, toujours muet. Je perds patience. Je m'engouffre en pestant. Il me tend mes affaires, que je saisis en lui adressant un regard noir.
Léxandre est mal à l'aise. Il grimace en s'installant derrière son volant. Il met le contact, avant de glisser sa main sur ma cuisse.
— Léxandre, soupiré-je.
Ses yeux roulent. Il roule ses épaules et dépose sa main sur le levier de vitesse.
— On était ensemble au lycée, avoue-t-il. Il suivait les mêmes études que Louis.
Voilà ! Tout s'explique. Enfin, à peu près. Car je ne comprends toujours pas les motivations de Louis. Pourquoi vouloir que je démissionne ? Monsieur Weits et lui étaient ennemis ?
— Tu as fait quelles études ?
— J'ai commencé un Bac L que je n'ai pas terminé avec mon arrestation.
Je suis surprise par cette annonce. Je ne voyais pas Léxandre faire un Bac Littéraire.
— Tu étais bon en cours ? Que voulais-tu faire après ?
Léxandre conduit prudemment. Il m'adresse de rapides coups d'œil. Quant à moi, je tiens le bouquet des deux mains. L'odeur florale envahit l'espace.
— Ouais, j'étais plutôt bon élève. Je ne voulais pas décevoir ma mère. J'envisageais un DUT IC après le Bac. Je pensais qu'à la suite de mes études, je trouverais un boulot qui paie bien pour aider... Mais tout le contraire s'est produit.
Sa mère. C'est la première fois qu'il la mentionne. Léxandre a un passé très secret. Ses parents ne sont jamais abordés. Qu'il s'ouvre un peu sur sa vie avant la prison me rassure.
— Pourquoi ne pas reprendre tes études ? Ce n'est jamais trop tard.
— Même avec un diplôme, je ne serais jamais embauché. Je te rappelle que mes années en prison font fuir. Il y a qu'une seule inconsciente qui semble me supporter...
Il me coule un regard, un sourcil arqué. Il sous-entend que je suis idiote, que je prends des risques inconsidérés en sortant avec lui.
Il aurait bien raison. Après tout, il se livre peu. Le motif de son arrestation est mis sous silence. Léxandre est intimidant, costaud, n'a peur de rien. Son attitude est parfois rude. Mais avec moi, je constate ses efforts. Il change, se radoucit.
Exemple avec Jordan, sur le parking de la maison d'édition. Léxandre a montré son côté protecteur et violent. Il m'a défendue en usant la force.
— Pourquoi es-tu allé en prison ?
Un silence pesant s'installe. Comme je l'imaginais, je n'obtiens aucune réponse.
Sa conduite est souple. Il nous mène à un restaurant branché. Je suis contente de passer la soirée avec lui. Il m'accorde du temps, met de côté l'interdiction de mon frère. Je suis fière de ce début de relation.
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