Chapitre 9
Je vous l'avais promis...le voici. Je n'en dit pas plus...bonne lecture :)
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Thea Mareschal
Je frappais d'un rythme effréné dans le sac de sable qui pendait lourdement du plafond. Mes coups pleuvaient dans des bruits sourds et les crissements métalliques des vieilles attaches du punching-ball témoignaient péniblement de la force dont je faisais preuve. Poing, poing, deux coups de pied fouettés, les poings encore. Je reculai d'un bond en voyant le sac de sable revenir dangereusement vers moi avant de lui envoyer un coup de genou sauté. J'étais en nage et ma respiration était difficile depuis un moment déjà. Mais je n'en avais cure.
Je posai mon front dégoulinant contre le cuir abimé et poisseux du sac d'entrainement. Trop de questions, aucune réponse et cerise sur le gâteau, mes certitudes sur Léah s'effondraient. D'un geste rageur, j'envoyai un nouveau crochet dans le punching-ball qui cette fois, accusa le coup sans broncher.
Un sifflement admiratif me fît me retourner comme une bête apeurée, mon cœur s'emballant encore plus loin dans son rythme irrégulier.
-Qui aurait cru que la princesse était en fait une lionne ?
Gabriel était adossé sur une corde du ring, ses vêtements de sport humides et les fines perles de transpirations qui séchaient sur sa peau témoignaient de son entrainement juste terminé.
J'essayai de rassembler ma colère, mais ne trouvai qu'une grande lassitude due à ma dépense d'énergie.
-Tu m'as déjà dit ça un jour.
J'avais tenté d'employer un ton détaché, mais ma respiration haletante ne rendit pas l'effet escompté, et un sourire ironique tira les traits de son visage. Il alla chercher des gants de frappe qu'il enfila.
-Et bien, disons que ton comportement n'était pas vraiment approprié à ton titre.
-Tu sais que je n'ai jamais adhéré à toutes ces conneries.
Il haussa les épaules tout en se plaçant au centre du ring, et me fit signe de le rejoindre. Un sourire carnassier déforma mes traits fatigués. Je terminai de boire et le rejoignis. Il m'offrait exactement ce que je voulais. Un défouloir.
Je me plantai devant lui, mon pied droit en retrait par rapport à mon autre jambe, les genoux légèrement fléchis, mes mains vierges de tout gant devant mon visage. Aujourd'hui, j'avais besoin de sentir la douleur à travers mes bras lorsque je frappais.
-Comment m'as-tu trouvée ?
Son bras gauche décrivit un arc de cercle vers ma pommette, mais son geste manquait cruellement de conviction. Je me baissai sans aucun effort et parti dans un assaut fulgurant.
-Lorenzo m'a avoué votre petit secret : des cours de boxe. Il m'a demandé de passer voir si tu t'y trouvais. Pour le timing, et bien tu restes d'une prévisibilité affligeante, se moqua-t-il.
Il fit à nouveau décrire à son bras un arc de cercle vers moi. Plus rapide cette fois. J'évitai à nouveau son geste avant de repartir à la charge. Il avait raison pour son dernier point, après tout ce temps, mes heures d'entrainement coïncidaient toujours aux heures auxquelles on retrouvait Enzo et Léah au stade. C'était ma façon d'oublier ce qu'on avait perdu. C'était ma façon d'essayer d'oublier Léah. Léah.
« Je suis leur confidente, leur amante ». Les mots de Béatrice me sautèrent à la figure.
Avec un saut léger, je changeai mes appuis et lançai ma jambe gauche tendue droit dans le gant. Nous chancelâmes légèrement tous les deux sous l'impact.
-Et votre chaudasse ?
Il parut légèrement surpris.
-Notre ? Ah ! Tu veux sûrement parler de Béatrice.
Je ne savais pas si je devais m'offusquer du fait qu'il n'essayait même pas de la défendre devant mon insulte et du manque visible de considération qu'il entretenait à son égard ou m'en réjouir. Après tout, Enzo m'avait avoué que Léah avait tenu le même rôle. Tout en frappant mes poings dans les gants de Gabriel, je l'observais à la dérobée espérant que son corps me donne une quelconque information. Son corps était détendu bien que je ne devais pas m'y tromper : il était prêt, en alerte et il suivait chacun de mes mouvements sans se laisser surprendre. Mais je décelais quelque chose de plus dans ses yeux. De l'intérêt ? Pour Béatrice ? Non. C'était autre chose. C'était de la curiosité qui animait doucement ses yeux bleus. Envers moi. Il interrompit mon essai d'analyse.
-Qu'est-ce qu'il y a avec Béatrice ?
-Je... ne pensais pas...que vous émettriez...un quelconque intérêt...pour elle.
Je recommençai à haleter dangereusement sous l'effort. Je venais d'enchainer quarante-cinq minutes d'entrainement échauffement non compris, et je me retrouvais encore à enchainer les coups à grand rythme. Je voulais lui en mettre plein la vue.
Ta fierté te perdra.
Son sourire mêlant arrogance et ironie réapparut alors que ses yeux se parèrent d'une lueur rieuse dénuée de toute chaleur. Il arborait un visage dur...tout en paraissant toujours blasé. Je ne sais pas comment il arrivait à mêler des émotions fortes avec un flegme non feint. Cela m'agaçait.
-Ce que les autres pensent d'elle ne m'intéresse pas. Mais pour ma part, je n'éprouve plus rien pour elle.
- Pourtant tu as couché avec elle !
Je n'avais pas pu laisser le ton accusateur m'échapper alors que la fin de ma phrase s'étranglait dans ma gorge qui me brûlait, succombant à l'effort que je fournissais.
-Oui.
Aucune intonation particulière dans sa réponse. J'en fus abasourdie. Mais tout bien réfléchi, cela ne devait pas m'étonner plus que ça.
Alors pourquoi tu ne t'en fiches pas ?
Tais-toi.
Je savais pourquoi. À cause de Léah.
-Pourquoi ? Tu es jalouse ?
Mon pied fusa, emporté par la colère, il se dirigeait dangereusement vers la gorge de Gabriel.
Merde. Merde et merde.
Il ne pratiquait pas de sport de combat, pas à ma connaissance. Jusqu'à présent je m'étais contentée de taper mes poings dans les pattes d'ours qu'il tenait à hauteur de sa poitrine. D'accord je frappais fort, bien plus que nécessaire, mais ce n'est pas comme s'il avait du mal à encaisser mes coups. Mais ça, c'était différent.
Il pivota rapidement sur le côté, m'offrant son flanc gauche et leva le bras droit. Mon pied alla s'écraser sur son avant-bras. J'étais pieds nus. Le choc se répercuta dans toute ma jambe dans une onde de choc électrique. Il allait avoir un énorme hématome.
Il se retourna vers moi alors que ma jambe revenait sagement sous moi. J'étais toujours en garde.
-Une véritable lionne, souffla-t-il amusé.
Ma culpabilité s'envola. La colère se réinstalla au creux de mon estomac, conquérante.
-As-tu couché avec Léah ?
J'avais baissé mes bras, mes mains me lançaient, la douleur pulsant et se diffusant le long de mes bras, jusqu'à mes épaules. Il s'avança vers moi et passa sa main coiffée de la patte d'ours dans mes cheveux, dérangeant les petites mèches coincés dans ma tresse attachée en queue de cheval.
-Pourquoi me poses-tu cette question ?
Il était sur la défensive, ne sachant que trop répondre. Était-ce parce que c'était vrai ?
-Parce que votre trainée qui, si j'en crois ses dires et le non-démenti d'Enzo, passe tour à tour entre vous m'a dit qu'elle était ma remplaçante.
Il me tourna le dos se débarrassa de ses gants d'entrainement et s'en alla d'un pas nonchalant vers les vestiaires.
-Tu es irremplaçable princesse sourit-il en se tournant à demi vers moi.
-Ne m'appelle pas comme ça ! Lançais-je un peu trop agressive. Elle m'a prise pour Léah, crus-je bon d'ajouter avant de trottiner pour le rejoindre.
Il soupira en se pinçant l'arrête du nez.
-Elle s'est autoproclamée remplaçante quand il n'y avait rien à remplacer. Ne fais pas attention à elle.
-Mais tu as couché avec elle !
-Oui. Le sexe est un passe temps passionnant et un très bon moyen de détente.
-Je ne parle pas de Béatrice, je parle de Léah.
-Non.
-Non quoi ?
-Non je n'ai pas couché avec ta sœur.
-Mais ce que m'a dit cette...fille -je me retins de justesse de l'insulter à nouveau- est vrai, sur ce que Léah faisait avec vous ?
-Avec les autres. Cela ne se passait pas comme avec Béatrice aujourd'hui.
-Mais ?
-Oui.
-Oui quoi ?
-Oui tu as très bien compris s'impatienta-t-il.
-Mais pas toi ?
-Non.
-Pourquoi ?
-Je n'ai pas à me justifier Théa.
-Mais tu en avais envie n'est-ce pas ? Tout le monde en avait envie.
Et je regrettai immédiatement d'avoir dit ça. Qu'est-ce qu'on disait déjà ? Ah, oui. Compte sept fois les minions dans ta tête avant de parler.
Un sourire dur serra sa mâchoire, et avant que je n'eus le temps d'esquisser quoi que ce soit, il me plaqua brusquement contre le mur de béton. Ses grains irréguliers éraflaient les parties de mon dos que ma brassière laissait nue.
-Doucement ma lionne, susurra-t-il à mon oreille, et son souffle chaud me fît frissonner d'appréhension. Je suis disposé à répondre à un certain nombre de tes questions afin de t'aider à comprendre et je ferai même des efforts pour qu'il soit moins difficile pour toi de me supporter dans l'appartement. Mais fais attention à ce que tu affirmes et de ce dont tu nous accuses. Tu es encore loin de la vérité.
-Vérité que vous vous efforcez à me...
Je ne terminai pas ma réplique. Les doigts de son bras qui ne me retenait pas venaient de doucement effleurer mon ventre.
Un nouveau frisson, beaucoup plus violent que le premier me submergea. De dégout et de peur ? Non.
De plaisir. Soupira ma conscience.
La ferme.
Ses lèvres se refermèrent lentement sur mon lobe d'oreille alors que ses dents l'égratignèrent légèrement.
-Je pourrai finir par croire que tu es jalouse. Si tu es si contrariée que ça à l'idée que je n'ai pas partagé le lit de Léah, je peux y remédier avec toi.
Son touché m'électrisait et j'étais incapable de faire quoi que ce soit. Une part de moi avait peur.
Mais une seule petite part de toi seulement.
Un raclement de gorge me ramena tout de suite les pieds sur terre.
-Théa ?
Camille.
Violemment, je repoussai Gabriel qui pour une fois, semblait beaucoup trop abasourdi pour réagir d'une façon qui aurait encore empiré la situation.
Je ne voulais pas voir l'expression que faisait Camille. Je le voulais juste lui, oublier les picotements qui parcouraient ma peau, les remplacer par sa passion à lui, me remplir de son odeur afin d'oublier celle, capitonneuse, de Gabriel. Je me jetai dans ses bras, crochetai sa nuque et m'emparai de ses lèvres.
Mais qu'est-ce qui m'avait pris ? Dès le moment où Gabriel était entré dans la salle, j'aurais dû placer plus de distance au lieu de continuellement rechercher le contact. Et qu'est-ce qui m'arrivait à me montrer si démonstrative en public avec Camille ?
Plutôt démonstrative tout court. Railla ma conscience.
Je la fis taire d'un coup de pied mental dans sa figure.
Camille rit doucement alors que ses mains soyeuses se posaient sur ma taille. Je voulus me couler un peu plus contre lui, mais il m'écarta.
-Si j'avais su que la boxe te mettait dans cet état j'aurais dû venir faire du sparring avec toi plus souvent.
Je lui adressai un faible sourire avant de le tirer vers la sortie de la salle. Je voulais fuir cette situation à tout prix. Mais alors que mon bras se tendait pour emmener Camille, il tira d'un coup sec qui me tira un gémissement de douleur pour me ramener devant lui. Il entoura ma taille de ses bras et se contenta de fixer Gabriel.
Je voulus regarder le sol, de peur de croiser son regard. Mais quelque chose m'en empêcha. Et après tout, je n'étais pas en tort. Je me risquai donc à le regarder. Je m'attendais à voir sa mâchoire tressauter sous sa colère, mais je me trompais. De l'incompréhension. C'était de l'incompréhension qu'affichaient ses yeux.
Camille finit par se lasser de ce petit jeu et finit par s'en aller, me trainant à sa suite.
***
-Qui était-ce ? Me demanda enfin Camille alors que nous étions rentrés chez lui.
-Personne.
-Et tu laisses « personne » te plaquer contre un mur et te peloter ?
Il cracha le mot « personne » avec tout le dégoût que pouvait contenir le monde.
-Il ne me pelotait pas.
Ma voix en était réduite en un murmure à peine audible. Si bien que je ne fus pas certaine que Camille l'entendit.
Il me poussa violemment la poitrine, la douleur me fit hoqueter de douleur. Je reculai sous l'impact, et lorsque mes mollets butèrent durement contre le bord du lit, je m'écroulai sur ce dernier.
Je n'eus ni le temps de reprendre mes esprits, ni le temps de protester. Il fut sur moi. Son genou écarta brusquement mes cuisses, son corps pesa sur le mien de manière à ce que je ne puisse plus esquisser le moindre mouvement. Sa main gauche enferma mes poignets au-dessus de ma tête tandis que la droite appuya sur la base ma gorge. Je pouvais respirer, difficilement, mais suffisamment. Il devait sentir mon pouls s'emballer sous sa paume alors que la panique me gagnait inexorablement. Dans sa colère, l'homme que je m'efforçais d'aimer de toutes mes forces m'apparaissait comme un dangereux inconnu.
Et je sus que cela lui plaisait, de me savoir à sa merci. Pire encore, sentir ma peur me grignoter le ventre lui insufflait un sentiment de puissance et de pouvoir qui semblait suinter de ses pores pour encore augmenter la pression qu'il exerçait sur moi.
Son halène me glaça le visage.
-J'ai été plus que patient avec toi. Je ne t'ai pas bousculée. J'ai accepté ton petit jeu à la con de « j'avance d'un pas puis recule de trois ». Je n'ai pas cherché à savoir ce qui clochait chez toi. Deux ans et demi. Et maintenant tu te laisses approcher par un « personne » ?
-Qui est-il ? martela-t-il.
-Gabriel.
Cela le surprit assez pour qu'il s'éloigne un peu de moi. Je profitai de sa surprise pour glisser ma cheville sous le pied qui se trouvait entre mes jambes. Je me débattis furieusement pour déséquilibrer son genou et le faire basculer sur le côté. Pendant que je le renversai sur le dos, je donnai involontairement un violent coup dans son entrejambe. Son juron mourut en même temps qu'il eut le souffle coupé.
Je profitai de sa paralysie pour me jeter en dehors du lit et m'éloigner de Camille. Je pris quelques instants pour ravaler ma peur, forçant mon cœur à ralentir sa course frénétique en lui imposant un rythme respiratoire exagérément lent. Quand je me sentis prête, je parlai.
-On discutera de ce qu'il vient de se passer quand tu te seras calmé.
Je m'apprêtai à passer la porte de son studio quand je le vis, ses bras croisés sur sa tête alors qu'il reprenait une respiration plus stable, évacuant la douleur. Cette image de lui, misérable, me pinça le cœur. Aussi, je me sentis obligée de rajouter :
-Je t'aime.
Tu sais bien que c'est faux.
Et sur ce coup-là, je ne pouvais pas la contredire.
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Qu'en avez-vous pensé? :)
Ce chapitre introduit une "sous-thématique" dans mon histoire...je suppose que vous avez deviné ;)
Je vous dis à la semaine prochaine pour un nouveau chapitre :)
Des bisous,
Clara
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