Chapitre 33 - Partie 1
Gabriel Delange
Thea devait sortir de l'hopital aujourd'hui, mais je n'avais pas pu aller la chercher. J'avais déjà trop délaissé mes études ces derniers mois, et j'avais pris énormément de retard dans mes plus grosses matières. Je ne pouvais plus me permettre de laisser mes classeurs s'accumuler sans que je ne les ouvre. Malheureusement, pendant toute sa convalescence à l'hopital, il m'était impossible de rester concentré devant mes cours. Mon esprit était loin à sa recherche alors que mes yeux vides fixaient les lettres se mélanger, pendant que mes dessins d'anatomie prenaient la forme des traits grossiers de Dimitri Sullivan. Aujourd'hui n'avait pas été une journée plus fructueuse.
Je poussai la porte de la cuisine de notre duplex, et restai figé dans l'embrasure de l'entrée. Elle était là, assise sur l'appui de fenêtre, une jambe repliée de façon à ce que l'un de ses bras repose sur son genou. Emitouflée dans un long pull en mohair gris, et ses longs doigts fins enserrant mollement une tasse d'où s'échappait un fumet aux odeurs de café, elle observait la pluie. Perdue dans sa contemplation, elle ne m'avait pas entendu, m'octroyant tout le loisir de l'observer. Ses cheveux blonds, qui avaient recommencés à pousser, étaient humides et négligemment attachés en une queue de cheval mi-haute.
Oh, j'avais également eu l'occasion de la considérer avec toute l'attention dont j'étais capable lorsqu'elle était allongée dans son lit d'hopital. Mais la comparaison entre ces deux Thea ne souffrait d'aucune similitude. Si elle me paraissait comme le fantôme d'elle-même, allongée dans ses draps blancs à la forte odeur de dettol et de mort, c'était bien à ma lionne que je faisais désormais face. Son calme apparent ne m'y trompait pas. Ses doigts piannotaient machinalement sur son mug tandis que son autre main était posée sur son ventre, effleurant parfois l'endroit où je pouvais deviner que se trouvait sa cicatrice. Elle se préparait, car elle avait une revanche à prendre sur la vie.
J'eus envie de l'attrapper au creux de mes bras, de ne plus jamais la lâcher de peur que cette image ne s'évapore avec la fumée de son café. D'y voir, à la place, la silhouette cadavérique, ayant le bip répétitif de son electrocardiogramme pour seule preuve que son coeur battait toujours.
Et je cru mourir à nouveau. J'avais l'impression de courir après mes chimères, et que ces dernières allaient se volatiliser après m'avoir offert un dernier moment de quiétude. Je m'étais approché en silence, mais je ne voulais plus faire un pas de plus. Je ne voulais pas me réveiller. Et si c'était le Dimitri de mes cauchemars qui tournait son visage vers moi, me fixant de ses horribles yeux noirs?
J'avais peur, peur de ce que j'allais découvrir lorsque son attention se porterait sur moi. Les larmes humidifièrent mes yeux tandis que je perdais le contrôle de mes mouvements et me cognai sur l'un des tabourets du bar.
Le bruit la fit se tourner vivement vers sa source, descendant à demi de son perchoir, alerte. J'avais éclaté sa bulle de tranquilité. Mon coeur fit néanmoins un bond dans ma poitrine. Pas de yeux noirs, pas de teint blafard. Deux prunelles vertes perlés rehaussées par des joues rosies par son brevage brûlant me sondaient avec intrigue.
Elle se rassit calmement et posa sa tasse sur le bois de l'appui de fenêtre. Je n'osais plus faire un pas, je ne voulais plus rien briser. Elle était là, vraiment là, juste devant moi. J'étais désormais au milieu de la savane, ma lionne me faisait face, méfiante. Elle me jugeait, me jaugeait afin de voir quelle stratégie elle allait adopter face à moi. Allait-elle encore prendre la fuite? Je ne voulais pas la voir disparaitre à nouveau. Je ne le supporterais pas. Je ne le supporterais plus. Elle pouvait m'attaquer, me haïr, m'ignorer, mais par pitié, je ne pouvais pas la voir s'évaporer.
Elle fît la seule chose à laquelle je ne m'attendais pas. Après une éternité, toujours en silence, elle m'ouvrit simplement les bras. Un barrage céda, et le flot des sentiments contenus, espérés et crains se déversa en moi. Je m'y précipitai, la rejoignant en deux grandes enjambées et je me laissai tomber dans ses bras. Mes larmes mouillèrent son pull alors que j'enfouissais ma tête dans sa nuque, humant son odeur, puis dans sa poitrine, recherchant le réconfort. Elle m'enserra de ses membres frêles et joua gentiment avec mes cheveux.
Elle ne me demanda rien, pas une seule explication sur le pourquoi ou le comment. Elle m'offrait juste son réconfort, sa protection. Et malgré l'ironie de la situation, et mon envie première de l'embrasser moi-même pour ne plus jamais qu'elle ne m'échappe, j'eus la certitude que c'était elle qui ne me lâcherait jamais.
******
Moment tendresse!
Je suis désolée pour ce long délai, le chapitre était prêt depuis un moment mais je ne trouve plus le temps d'écrire en ce moment...je dois trouver un moyen pour le réintégrer dans ma routine!!!
En attendant, promis, vous aurez la suite la semaine prochaine :)
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top