Chapitre 23
Thea Mareschal
Dimitri m'avait à nouveau laissée seule pendant quelques heures. J'avais froid dans la robe que Sullivan m'avait donnée, ma peau était couverte de chaire de poule, et chose intrigante, je m'ennuyais. C'était probablement la dernière chose qui pouvait m'arriver, attachée à une chaise dans une maison délabrée, terrorisée par le meurtrier de ma grande sœur. Il n'en était pas moins que ligotée des heures durant sans aucun contact avec personne avait de quoi épuiser ma patience et mon stock d'adrénaline.
J'essayais pour la quatrième fois de compter le nombre de grains de poussière qui dansaient au travers du rayon de soleil, me forçant cette fois-ci à ne pas perdre le compte, quand la porte d'entrée s'ouvrit à nouveau dans mon dos ; je supposais qu'il s'agissait de Dimitri.
Il trainait quelque chose de relativement lourd derrière lui, le raclement de l'objet sur le sol m'était difficilement supportable.
Il me dépassa, et installa la chaise qu'il tirait en face de moi avant de s'y asseoir. Il se défit de son sac à dos noué sur ses épaules et frotta ses mains que je jugeais moites sur son pantalon noir.
— Il m'a fallu du temps avant de pouvoir tout réunir. Et certaines choses étaient largement au-dessus de mes moyens, ça n'a pas été facile de tout voler sans me faire prendre. Mais que veux-tu, il faut ce qu'il faut.
J'étais fatiguée qu'il me parle comme si j'avais parfaitement conscience de quoi il en retournait.
— Mais de quoi parles-tu ?
— Tu verras en temps voulu, bien plus tôt que tu ne le crois.
— Pourquoi suis-je ici ?
— Parce que je veux te montrer que ce n'est pas moi qui ai tué Léah.
La crise d'angoisse menaçait, aussi je m'emportai devant les inepties qu'il venait de prononcer.
— Tu étais chez moi, prostré près de son cadavre, et tu tenais le couteau qui a découpé ma sœur.
Je crachais mon venin, et par là toute la rancœur qui ressurgissait du coin sombre où elle s'était tapie toutes ces années.
— Tu sors je ne sais comment de l'hôpital où le juge t'avait placé alors que tu méritais de pourrir derrière les barreaux, et au lieu de disparaître des radars comme tu aurais dû après ce que tu as fait, tu m'as traquée, tu as violé mon intimité. Tu m'as kidnappée, laissée deux jours entiers attachée à une putain de chaise en bois, me privant par là de ma dignité. Et après tout ça, tu oses t'asseoir en face de moi comme si nous étions de vieux amis et me dire le plus calmement possible que tu n'as pas tué ma sœur ?!
J'avais hurlé ces derniers mots de toutes mes forces, ma voix montant dans les aigus. Mon self-control se craquelait dangereusement, menaçant de voler en éclat pour laisser s'écouler les flux de ma colère et de ma peur.
— Mais ne comprends-tu pas ? On t'a menti ! On n'a pris en compte que les apparences sans jamais chercher la vérité. J'étais le suspect idéal, et pour cette raison j'étais coupable.
Il soupira, et d'un coup de pied, jeta sa chaise en arrière. Elle partit s'écraser sur le carrelage dans un bruit fracassant.
— Je le savais, tu as été formatée dans cette illusion. Je n'ai pas le choix, à toi comme à moi, je dois montrer que je n'ai pas pu tuer Léah.
— Et comment veux-tu me prouver ce que tu avances ? Quelle est ta version des faits ? Que s'est-il passé pour toi ?
Je venais d'accepter de revivre cet après-midi cauchemardesque et de remettre en question tout ce que je croyais savoir des événements. Ma conscience me chuchotait craintivement que c'était une mauvaise idée, mais dans les circonstances actuelles, je n'avais pas vraiment le choix. Aux dernières nouvelles, c'était moi qui avais été enlevée et qui étais ligotée.
— Je ne me souviens plus de cet après-midi-là. C'est comme si cela avait été effacé de ma mémoire. Je me souviens juste m'être réveillé dans le hall d'entrée de ta maison, ta sœur était là. Son corps était encore chaud et après ça, je, j'ai perdu les pédales. Je ne me souviens de rien d'autre, je te le jure.
Il s'anima soudainement, il avait l'air excité, impatient de m'annoncer la suite.
— Mais je sais comment me prouver que ce n'est pas moi, et pour ça, j'ai besoin de toi. Tu es même l'élément central de ma démonstration !
— De quoi parles-tu, Dimitri ?
Il glissa sa main dans mes cheveux et je frissonnai de dégout.
— Tes cheveux sont un peu plus longs que les siens à ce moment-là.
Il retourna à son sac à dos et en sortit une paire de ciseaux spécialisés pour la coiffure.
— Heureusement, il est plus rapide de les raccourcir plutôt que de les faire pousser. Enfin, les extensions pourraient être une solution, mais ça manquerait de naturel, ne crois-tu pas ?
— Que vas-tu faire ?
— Te couper les cheveux, pour commencer. Ils doivent tomber juste avant ta chute de rein, les couper de six ou sept centimètres suffira.
Il s'agenouilla derrière moi pour mettre son annonce à exécution. Il prenait son temps, me coupait méticuleusement chacune de mes mèches.
— Vois-tu, tout doit être parfait, rien ne doit être laissé au hasard.
— Et en quoi me couper les cheveux va-t-il me prouver que tu n'es pas le meurtrier de ma sœur ?
— Je te l'ai dit, tout doit être parfait. Je veux reconstituer le plus fidèlement possible les circonstances de ce jour-là.
Il avait fini de me couper les cheveux, et il poussa des pieds les mèches au sol afin de les mettre sur le côté.
— Je ne me souviens pas de grand-chose, alors on va tâtonner tous les deux, mais j'ai confiance, nous y arriverons.
Il farfouilla à nouveau dans son sac à dos, je me demandais s'il allait en sortir du maquillage ou un balai pour ses conditions à la con. Il me laissait volontairement dans le flou, et ma conscience n'était pas certaine que ça allait nous plaire.
Ce qu'il sortit de son bagage sans fond me ramena immédiatement dans l'horreur de la réalité. Un couteau. Un Santoku pour être plus précise, la lame avec laquelle on avait tailladé les veines de Léah avant de lui trancher l'aorte.
Mon dos et ma poitrine se couvrirent de sueur, la terreur me glaça le dos. Mon ravisseur transpirait également de son côté. Je ne pouvais dire si c'était d'excitation ou d'appréhension. Mon cœur cognait furieusement contre ma poitrine, l'adrénaline déferla une nouvelle fois dans mes membres, m'incitant à prendre mes jambes à mon cou. Je me débattais sur ma chaise, ignorant la douleur à mes poignets et à mes chevilles.
— Nous allons reproduire ce qui s'est passé ce jour-là. La voilà, ma démonstration.
Je me sentais extrêmement faible, de plus en plus absente. Des taches noires dansèrent devant mes yeux et c'est avec soulagement que je me laissai sombrer dans les bras rassurants de l'inconscience.
*****
J'espère que ce chapitre vous a plu!
Alors, comment réagissez-vous face à la volonté de Dimitri de reproduire le meurtre de Léah sur Thea?
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