Chapitre 21 - Partie 2


J'entendis une porte s'ouvrir. J'en avais conclu qu'elle était dans mon dos, n'ayant rien d'autre que l'unique fenêtre de la pièce en visuel. Je ne bougeais pas, cela m'était de toute façon difficile, vautrée par terre et attachée à une chaise en bois.


Je perçus des pas trainants résonner autour de moi. Une main se saisit brusquement du dossier de ma chaise de malheur et me fit sursauter tandis qu'une autre attrapa l'assise de siège. On nous redressa – la chaise et moi- et mon ravisseur se présenta enfin devant moi.


Dimitri Sullivan me regardait d'un air soucieux de ses traits juvéniles.


-Excuse-moi de t'avoir fait attendre, mais je devais réunir un certain nombre de conditions pour que tu sois plus à même de m'écouter.


Ma conscience avait envie de lui rétorquer que ligotée comme je l'étais, il m'était difficile de ne pas écouter, mais mes besoins primaires prirent le dessus pour cette fois.


-De l'eau, lançais-je péniblement.


Il me présenta une bouteille d'eau scellée qu'il ouvrit devant moi, probablement pour me prouver qu'il n'avait rien ajouté de douteux dedans. Dans tous les cas, c'était le cadet de mes soucis. J'épanchai avidement ma soif, faisant malencontreusement couler énormément d'eau sur moi.


-Bien, maintenant que tu t'es désaltérée, on va aller te laver, je ne sais pas ce que tu as foutu, mais tu empestes.


J'avais envie de me rebeller, de saisir ma chance, mais je sentis une aiguille transpercer la peau fine de mon cou.


-ça, c'est pour m'assurer que tu ne tentes pas de me fausser compagnie entre temps.


Ma tête tourna, j'avais envie de vomir. Ensuite, plus rien. Mes muscles étaient las, trop détendus pour que cela soit naturel. Mon esprit tournait au ralenti tandis que je n'éprouvais aucun besoin de bouger le moindre petit doigt alors que j'avais un furieux désir de battre des records de marathon quelques minutes auparavant.


Les cordages se délièrent sous les mains de Dimitri et il m'emmena à travers la pièce. Cette dernière possédait en réalité un escalier menant à un étage dont la vue m'était inaccessible jusqu'à présent.


Nous montâmes lentement les marches, car il m'était difficile de lever les jambes et de me déplacer dans l'espace. Je ne cessais de buter sur les bords des marches, récoltant au passage toute une nouvelle série d'hématomes.


Nous traversâmes un couloir étroit ainsi qu'une petite chambre avant de parvenir à une sale d'eau tout aussi minuscule. En passant, le lit m'avait fait les yeux doux, car je rêvais de m'y plonger et d'y reposer mon corps fatigué.


Mon kidnappeur me poussa dans la douche, et trébuchant sur son rebord, je partis m'écrouler contre la paroi en face. Je me contentai de rester là, assise dans le bac à eau et de regarder Sullivan, les yeux dans le vague.


Je ne prêtais pas attention à ses mouvements, aussi le jet d'eau s'écoulant brusquement de mon crâne me surprit. Dimitri dirigeait le pommeau de douche sur tout mon corps. Le jet était si fort qu'il aurait pu être comparé à celui d'un Karcher, et l'eau était froide, cruellement glacée.


Mon ravisseur n'avait pas pris la peine de me déshabiller, me laissant dans mes vêtements souillés pour me laver. Je ne savais pas si je devais m'en plaindre ou laisser parler ma pudeur et m'en satisfaire. De toute façon, j'étais beaucoup trop terrorisée pour réagir d'une quelconque façon. Du Shampoing –ou du savon, je ne savais trop de quoi il s'agissait- s'écrasa sur mes cheveux, et des doigts anguleux et secs vinrent me frotter la tête et les parties de mon corps nu. J'avais l'impression d'être considérée comme un chien qui puait trop et qu'on avait envie de vite désodoriser sans trop se donner de mal.


Dimitri me rinça et me sortit de la douche. Je grelotais et supposais qu'une serviette de bain rugueuse, mais réconfortante m'attendait, mais il n'en fût rien. On prenait quand même la peine d'essuyer un chien, que ça soit par amour ou pour éviter qu'il ne goutte partout, mais on l'essuyait. Apparemment, je méritais moins qu'un chien.


Il me poussa sans ménagement dans la chambre, je n'avais plus aucun appui et mes mouvements étaient encore plus incertains qu'un poulain nouveau né. Sans attendre une quelconque autorisation, je m'affalai sur le rebord du lit, ne savant trop à quoi m'attendre. Ma bouche était pâteuse, mais je réussis néanmoins à articuler faiblement la question qui me taraudait depuis que j'avais atterri dans cette maison insalubre.


-Que veux-tu ?


Ma voix ressemblait plus à un râle qu'à autre chose, mais Dimitri, qui fouillait dans la garde-robe de la pièce me comprit et, une fois n'est pas coutume, daigna me répondre.


-Déshabille-toi.


Nous y étions. Je n'avais aucune envie de me mettre à poil devant lui. Un scénario d'agression sexuelle tourna en sépia à l'intérieur de mon crâne et de la bile me monta dans la bouche. J'étais pétrifiée, incapable de faire le moindre mouvement, la drogue aidant à mon immobilité. Quelque part, j'avais envie de m'exécuter, uniquement parce que je craignais sa réaction en cas d'une quelconque désobéissance.


Un morceau de tissu m'atterrit sur les genoux. Il était blanc, et la matière m'était agréable au toucher.


-Enfile ça, m'assena mon ravisseur sans une once de compassion.


Il semblait à la fois tendu et impatient. Il attendait quelque chose de moi, mais je n'avais aucune idée de quoi il aurait pu s'agir. Il avait parlé de conditions à réunir, cependant, une fois encore, j'étais complètement laissée dans le flou. En revanche, je n'éprouvais aucun désir à creuser pour voir ce qu'il en était réellement. Je n'avais qu'une seule envie, et elle, au vu des circonstances, elle me semblait d'une logique implacable autant qu'elle me paraissait illusoire : je voulais rentrer chez moi.


Je m'exécutais avec lenteur, bataillant comme je le pouvais avec mon jean trempé qui me collait aussi bien qu'une seconde peau sans qu'un seul instant mon ravisseur ne vienne m'aider ou ne témoigne d'une quelconque perte de patience. Il attendait devant la porte qui menait au couloir, le regard fixé sur moi, mais observant le vide.


Un instant, j'avisai la fenêtre. Avec Sullivan qui ne paraissait pas me porter plus d'attention que nécessaire, j'avais une chance de l'ouvrir avant qu'il ne m'atteigne, et de rouler par dessus l'appui de fenêtre. Je n'étais qu'au premier étage, je m'en sortirais sans trop de dégâts. L'engourdissement dans mes membres me rappela que mes réflexes étaient loin d'être dans leur état normal. Et après, où irais-je avec une jambe ou une clavicule cassée ? Je parcourrais une centaine de mètres au mieux avant qu'il ne me rattrape. Un nouveau coup d'œil dehors finit de me convaincre que c'était une mauvaise idée. Il n'y avait rien d'autre qu'une usine désaffectée aux alentours.


Je finis d'enfiler la robe que Dimitri m'avait jetée au moment où je me résignai pour de bon. J'étais coincée ici.


C'est également cet instant que mon ravisseur choisit pour me porter toute l'attention dont il était capable. Quand je croisai mon reflet dans le miroir en pied poussiéreux de la chambre, je compris. Cette robe ressemblait énormément à celle que portait ma sœur ce jour-là.


***

Je restais pantoise alors que les larmes montèrent à ses yeux. À travers le miroir, je l'observai discrètement renifler discrètement ainsi que s'essuyer rapidement les yeux de sa manche. Je restais plantée là, devant cette vitre sale. Au prix d'un douloureux effort, bataillant avec les calmants administrés, j'esquissai un mouvement du bras vers le miroir. J'avais envie de le toucher, de la toucher. Mais au moment où mes doigts allaient effleurer mon double réfléchi, la main rugueuse de mon ravisseur se saisit abruptement de mon biceps.


Je voulus protester avant de me souvenir dans quelle situation je me trouvais et à quel point mon opinion n'avait aucunement voix au chapitre. Je laissai Sullivan me reconduire dans la pièce carrelée. Il appuya sur mes épaules pour me forcer à me rasseoir sur la chaise encore humide de mon urine et s'évertua à m'enserrer encore plus fort les membres aux accoudoirs et aux pieds de la chaise. Les cordages mordirent sans une once de pitié ma chair abimée, rouvrant certaines plaies.


J'entendis plus que ne vis mon ravisseur se diriger vers l'entrée de la pièce. Il rapporta un sac à dos duquel il sortit mon téléphone portable. Le fameux objet qui m'avait valu de me retrouver dans cette position en premier lieu. Il était éteint, Dimitri le ralluma sous mes yeux et répondis à mon exclamation de surprise quand je l'observai déverrouiller ma vie privée sans me consulter au préalable.


-J'ai piraté ton téléphone, tu te souviens ? D'ailleurs ce n'était pas entièrement bête cette idée de nouveau téléphone...si tu n'avais pas pris celui-ci avec toi lorsque tu t'es rendue auprès de la police.


Une vague de désespoir et d'accablement me submergea à la suite de cette annonce. Ce que nous avions été cons ! Si nous avions, si j'avais été plus vigilante, peut-être que je ne me serais pas retrouvée dans cette situation.


-Je te trouve bien loquace pour une fois.


-Et tu vas l'être aussi. Vois-tu, tu es portée disparue depuis quarante-deux heures déjà, et tu reçois énormément d'appels de tes amis ainsi que de ta famille. Même ta mère a été mise au courant, c'est pour dire. Alors avant qu'on ne réussisse à localiser ton portable par géolocalisation, je vais te demander d'appeler l'un de tes proches pour leur assurer que tout va bien, et que tu avais besoin de prendre un peu de recul.


Il sortit un étui contenant un couteau de son sac à dos et appuya la lame d'acier contre ma gorge.


-C'est pour m'assurer que tu ne racontes pas de bêtises compromettantes. Je n'hésiterai pas, cela serait dommage, mais après tout, c'est toi qui as ta vie entre tes mains. Alors, qui appelle-t-on ? Ta chère maman ? Ou ton lâche de père peut-être ?


Mon cerveau réfléchit à toute vitesse, malgré les menaces de mon interlocuteur, je tenais probablement mon unique chance de signaler quelque chose qui n'allait pas. Je devais faire durer cet appel le plus longtemps possible.


-Gabriel, décidais-je finalement. Appelle Gabriel.


Il haussa les épaules, ne s'attendant pas à ce que je prononce ce prénom, mais il ne protesta pas et composa son numéro avant de pousser sur la touche haut-parleur du petit appareil afin d'entendre toute notre conversation, il appuya un peu plus le couteau contre ma gorge pour me rappeler de ne pas raconter de conneries.


-Thea ? Où es-tu ? On te cherche partout ! La police a lancé un avis de recherche. Comment vas-tu ? Mais merde qu'est-ce qui te prend de disparaître sans donner de nouvelles comme cela ?


Je n'avais pas prévu que Dimitri mette mon téléphone sur haut-parleur. Je devais faire plus attention à ce que je m'apprêtais à dire, ne pas me trahir.


-Tout va bien. Je vais bien. Écoute, je...j'avais besoin d'être seule, de prendre du recul.


-Et tu pars t'isoler sans prévenir personne ? Même un simple SMS ? Thea ton téléphone était éteint ! Où est ton nouveau portable d'ailleurs...c'est ton ancien numéro. Et dis-moi où tu es.


-Je l'ai perdu. Sur nous, je devais prendre du recul pour penser à nous.


J'hésitai un instant, Sullivan me lança un regard menaçant et agacé, il voulait que je coupe court à cette conversation, elle commençait à devenir beaucoup trop longue pour lui.


-Je suis dans notre ville natale. Tout va bien mon amour, ne t'inquiète pas.


-Depuis quand tu ...


Je hochai la tête pour indiquer à Dimitri qu'il pouvait raccrocher, coupant sa réponse. Heureusement que Dimitri n'avait pas voulu entendre la réponse de mon interlocuteur, j'aurai eu énormément de difficulté à rendre ça crédible auprès de Sullivan. Mais je n'étais pas pour autant tirée d'affaire, car le regard qu'il me lança n'avait pas l'air satisfait du tout.


-Pourquoi lui as-tu dit que tu étais dans notre ville natale ? vociféra-t-il.


-Je ne sais pas, je devais lui donner un lieu et c'est le premier qui m'a traversé l'esprit !


-Mais où irais-tu à part chez ta mère là bas hein ?!


-Dans un hôtel...j'en sais rien Dimitri ! C'est toi qui a voulu que j'appelle quelqu'un pour rassurer tout le monde ! Ce n'est pas de ma faute si je n'ai eu que trente secondes pour préparer mon excuse avec un couteau posé sur ma gorge !


Il expira longuement, reprenant son calme. Il se permit même un léger sourire quand il s'adressa à nouveau à moi.


-Mon amour ? Je ne savais pas que votre relation avait évolué dans ce sens-là.


-C'est très récent.


Il haussa les épaules et lança mon téléphone de toutes ses forces sur le sol. Mon cellulaire explosa en plusieurs morceaux sous l'impact, me privant définitivement de tout moyen de communication avec mes proches.


-Bien, maintenant que j'ai la garantie que nous resterons seuls le temps qu'il faudra...où en étions-nous ?


-Pourquoi m'avoir enlevée Dimitri ? Que cherches-tu à faire ?


-Je te l'ai déjà dit, je veux rétablir la vérité, ou du moins, une partie de celle-ci.


-De quoi parles-tu ?


-Tu ne me croiras pas si je me contente de te le dire, il faut que je te le prouve.


-Que dois-tu me prouver ? Réponds-moi !


Il n'accéda pas à ma demande, mais son regard s'adoucit et il posa sa main sur ma joue.


-Tu lui ressembles tellement.


****

Heyy, alors à votre avis, qu'est-ce qu'a en tête Dimitri?

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