Chapitre 11


Désolée pour le retard, je suis actuellement en période d'examens :/, je publie donc toutes les deux semaines en attendant la fin de ceux-ci (promis il n'y en a plus pour longtemps).

C'est un chapitre sur un même événement mais en deux parties ;). La partie suivante arrivera dans 2 semaines ;)


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Thea Mareschal

La queue pour entrer dans la boîte de nuit s'étendait sur plusieurs dizaines de mètres, allant jusqu'à dépasser le coin de la rue dans laquelle se dressait l'Ent'Rave. Le néon violet portait fièrement le nom de l'enseigne, faisant clignoter successivement ses lettres typographiées. Je soupirai en remontant la file d'attente, perchée sur des talons aiguilles avec lesquels j'étais sûre et certaine de ne pas pouvoir finir la soirée.


Camille était à mon bras, ou j'étais au bras de Camille, tout dépendait du point de vue. Bien que ce dernier devait majoritairement s'accorder sur le fait que c'était Camille qui se pavanait avec moi au bout de sa laisse. Ou de son bras. Le point de vue on avait dit.


Après notre violente altercation la veille, on avait pu discuter et mettre les choses à plat. Oui, c'était rapide, Camille était vite redescendu quand il s'était rappelé que nous devions nous rendre au concert organisé par Andréanna ensemble. Je n'avais pas oublié son attitude. Avais-je pardonné ? Peut-être. Je suis du genre rancunier, mais une petite voix dans ma tête ne cessait de me chuchoter que j'avais mes torts quant à cet épisode avec Gabriel. Seulement, je n'arrivais pas à mettre le doigt précisément dessus.


Parce que tu as aimé ça.


Ah, oui. Je pouvais compter sur ma conscience beaucoup trop narquoise dans son implacable honnêteté pour me rappeler toutes ces choses désagréables que je souhaitais oublier pour mon propre bien.


C'était pourtant loin d'être désagréable, susurra-t-elle à nouveau.


Et c'était un frisson d'appréhension et d'attente à la fois qui me parcourut. Camille, en tant que parfait gentleman, enleva son veston pour le passer autour de mes épaules, prenant mon frémissement pour un coup de froid. Le gris de sa veste tranchait mal avec l'argenté métallisé et scintillant de ma robe. J'avais voulu cette dernière simple, et noire. Mais Andréanna, reine incontestée de cet événement m'avait jeté un regard plein de désolation avant de choisir la pièce que je portais aujourd'hui.


Une pièce que Léah m'avait offerte. Elle disait qu'elle irait bien avec la couleur de mes cheveux. De nos cheveux.


J'étais perdue dans mes souvenirs, et ne remarquai qu'on avait enfin remonté la queue que parce que Camille s'était arrêté. Il serra discrètement ma main posée sur son bras pour me ramener pleinement sur terre.


L'entrée du club était à l'image de son nom : tape à l'œil. Et tape aux oreilles. Un bruit de dubstep assourdissant s'élevait de l'entrée, et si je n'avais pas su que ce dernier allait s'éteindre pour laisser place à un concert de rock, jamais je n'aurais mis les pieds là dedans.


Le regard du videur toisa Camille, glissa sur moi et revint sur mon compagnon, légèrement étonné. Il finit par s'arrêter sur moi, interrogateur. Je savais ce qu'il se demandait, pourquoi étais-je aux côtés d'un mec comme ça ? Peut-être que dans sa tête, cette question était formulée de manière plus vulgaire. Mais moi je savais.


Mon cavalier sourit avec une arrogance qui ne lui allait pas, et passa son bras au travers de mon dos pour que sa main vienne se poser sur ma hanche. Je me retins de rouler des yeux devant cette démonstration de possessivité. Mais visiblement elle fonctionna, parce que le videur s'était renfrogné.


-Je suis invité par l'organisatrice de cette soirée.


-Votre nom ?


-Camille Forrester.


Il fit mine de chercher dans la liste qu'il tenait à la main, mais sa réponse vint beaucoup trop rapidement pour sonner juste :


-Désolé, vous n'êtes pas sur la liste, il va falloir faire la queue comme tout le monde.


Ah ! Voilà ce qu'on récoltait à jouer le mâle. Je me retins néanmoins de sourire à la répartie du videur. La règle numéro un voulait de toujours se les mettre dans la poche, pas à dos. Je m'avançai légèrement et me penchai vers le sorteur.


-Excusez-moi, pourriez-vous essayer avec mon nom ?


Il hocha la tête.


-Mareschal.


-Et votre prénom ?


Je sentis plus que ne vit Camille s'apprêter à protester et eut juste le temps de lui écraser légèrement le pied afin qu'il n'empire pas la situation.


-Thea, rajoutais-je, Thea Mareschal.


Il regarda à nouveau dans ses papiers, sérieusement cette fois-ci.


-C'est bon, vous pouvez passer. Le deuxième étage vous est entièrement accessible.


Je le remerciai d'un sourire et laissai un Camille boudeur m'entrainer à sa suite. Au passage, il fusilla de ses yeux noirs le videur tandis que ce dernier me fit un clin d'œil complice. Je ne pouvais pas vraiment le blâmer de s'être comporté comme ça, c'était sa manière de se défendre contre les gosses pourris gâtés qui le regardaient d'un air dédaigneux.


À vrai dire, j'avais honte du comportement de mon compagnon. Mais que lui arrivait-il ? Ce n'était pas la personne que j'avais rencontrée deux ans plus tôt. Comme un flash aveuglant, la scène d'hier me revint. Percutante.


Ça non plus, ce n'était pas lui.


Et pourtant c'était bien lui.


Je me crispai légèrement. Et si cela se reproduisait ? Serais-je capable de m'en sortir comme je l'ai fait hier ? Et lui, jusqu'où irait-il dans son accès de folie ? Mais non, il ne recommencera pas. Ce n'était pas lui.


Camille me broya brusquement la main à mesure que nous montions l'escalier vers le coin «V.I.P. ». Je levai les yeux pour tomber droit dans le bleu de Gabriel, et ce malgré la pénombre.


Et pourtant c'était bien lui.

***

Je n'étais pas au bout de mes peines. Derrière Gabriel, qui était assis en face d'Arthur, se tenait, ou plutôt se vautrait une Béatrice outrageante dans sa jupe moulante qui plaçait le terme « mini » à un tout autre niveau. Elle était à quatre pattes sur une banquette et avançait dangereusement vers Lorenzo...qui ne lui prêtait aucune attention. La scène en devenait risible. Et nulle trace d'Andy dont le stressomètre devait avoir atteint son paroxysme à mesure que le moment fatidique approchait.


Je me précipitai sur Arthur, laissant Camille en plan, et le tirai vers le bar le plus éloigné du deuxième étage.


-J'ai besoin d'un verre !


-Wow tout doux, tu viens d'arriver.


-Je ne survivrai pas à ce cauchemar autrement.


-Tu qualifies de cauchemar le concert organisé par Andy ?


-Plutôt le fait de retrouver Enzo, Camille et Gabriel dans la même pièce avec moi au milieu.


Le barman m'adressa un signe de tête pour prendre ma commande. Flûte, je n'avais pas prêté attention à la carte. Une tirade de Léah me revint en mémoire.


-Trois shots d'un alcool finissant par « A », comme dans « Thea ».


Je grimaçai légèrement.


-Sauf Vodka. Vodka ne finit pas par « A » de toute façon.


Le serveur éclata de rire avant de prendre les 3 shots demandés et de les remplir.


-Bien alors ça sera Tequila !


Les verres arrivèrent sous mes yeux, et je m'empressai de les engloutir. L'alcool brûla ma gorge et mon oesophage sur son passage pour finir par irradier une douce chaleur dans mon estomac.


-Et pour vous monsieur ?


-Je suppose que vous n'avez rien qui finit par « Ur » comme « Arthur » ?


-En alcool ? Rien du tout monsieur, s'excusa le barman.


Je laissai échapper un rire, je doute qu'un alcool qui finit par « ur » existe tout court.


-Oh mais, lançais-je, normalement vous devriez avoir reçu des « Blanche de Namur » pour ce soir, non ?


-J'en ai en effet, une Blanche de Namur monsieur ?


-Parfait !


-Comment savais-tu pour les Blanche de Namur ? me demanda Arthur alors que nous nous dirigions vers mon enfer.


-Andy raffole de ces bières-là, il était impensable qu'elle organise un événement sans en proposer.


-Andy aime la bière ?


-Qui l'eût cru ! Elle a plus l'air d'une fille à champagne-cocktail n'est-ce pas ?


Il se contenta de hocher la tête et d'éviter un groupe de personnes qui, visiblement, étaient déjà bien entamées. Elles avaient du s'embrumer l'esprit avant d'entrer dans la boîte.


-Et toi ?


-Tu l'as vu non ? Je suis adepte de tout ce qui finit par « A ».


-Dit elle, en sirotant son Gin-tonic, se moqua-t-il.


-Le Gin-tonic finit par « A », fis-je de mauvaise foi.


Nous approchâmes du coin de l'espace V.I.P. où nos compagnons – si je pouvais appeler ce beau monde comme ça – avaient élu domicile pour la soirée. Arthur me jeta un regard en biais.


-Prête pour ta soirée de l'enfer ?


-L'enfer, c'est moi qui le soulève.


Et c'était les shots qui parlaient.


-Thea ! me lança Camille, assis aux côtés de Lorenzo. Tu me fais les présentations ?


Ils s'étaient regardés comme des gargouilles inanimées jusqu'à présent ? Béatrice exceptée. Cette dernière minaudait toujours auprès de ce qui fut mon meilleur ami, la cuisse posée sur ses genoux révélait son sous-vêtement qui ne laissait aucun doute sur la manière dont elle prévoyait de finir la soirée. Cela risquait de s'avérer plus compliqué que prévu. J'apportais peut-être l'enfer, mais il semblait que ce dernier traversait une période d'ère glaciaire.


Heureusement, Arthur me sauva. Il tendit la main, et servit son sourire de dix-mille volts à mon compagnon.


-Je suis Arthur, le colocataire d'Andy et Thea.


Camille prit la main tendue en murmurant qu'on était ensemble. Si je n'avais pas mieux connu Gabriel, j'aurais juré qu'il s'était crispé. Arthur répéta son manège auprès d'Enzo et de Bérénice.


Mon compagnon se tourna vers Gabriel.


-On s'est déjà rencontré, mais au vu des circonstances, nous n'avons pas vraiment eu l'occasion de faire les présentations.


Gabe fit ce sourire qui n'annonçait rien de bon pour moi.


-Gabriel. Je suis un ami d'enfance de la princesse. Oh, je suis aussi son dernier colocataire. Un vrai régal au quotidien.


Il eut l'audace de me faire un clin d'œil.


Hier, j'avais volontairement omis ce détail à mon cher et tendre afin de vite enterrer le conflit. Ou plutôt, de ne pas l'alimenter. Gabriel venait de jeter l'équivalent d'un hectolitre d'huile sur les braises toutes chaudes de notre dispute, j'étais aux anges. Quelle ironie pour la porteuse de la géhenne ! Il allait falloir que ma moi aux trois shots dans le nez et celle paniquée discutent des déclarations à faire la prochaine fois. Je ne pouvais pas être moins raccord que ce soir.


Je m'avançai pour me placer derrière Camille, glissai mes bras en travers de son torse.


-Ne t'en fait pas Gabe, je suis encore plus qu'un régal au quotidien pour lui.


Le visage de mon petit ami s'illumina, heureux que je le défende. Il prit l'une de mes mains pour embrasser ma paume en regardant l'homme qui lui faisait face.


-Personne n'a idée à quel point.


Je croyais que je venais juste d'éviter une guerre civile. Rassurer Camille était une victoire nécessaire. Cependant, si je pouvais renvoyer l'ascenseur à Gabriel en même temps, la victoire prenait le doux gout sucré de la jubilation.


Je venais juste de me glisser sur la banquette aux côtés de mon compagnon pour siroter mon Gin-tonic tranquillement quand Andy déboula.


Je devais avoir surestimé le niveau maximal de son stressomètre. À l'instant, le mercure devait avoir fait exploser le verre fragile de son instrument, car elle était au bord de la crise de panique et déjà en hyperventilation.


-Oh non, ils ne sont toujours pas montés sur scène. Gémit-elle par à-coups.


Je me précipitai vers elle et posai mes mains sur ses épaules.


-Doucement, Andy, tout va bien. Respire avec moi.


J'adoptai une respiration profonde pour qu'elle calme son rythme cardiaque.


Après quelques minutes, elle reprit une respiration normale. Je la dirigeai vers la balustrade pour lui montrer ce qu'elle avait fait.


-Regarde, la salle est pleine, les barmans croulent sous les commandes, les gens dansent et s'amusent, le groupe ne tardera pas à monter sur scène. Les artistes se font toujours un peu attendre. Tout est parfait.


Elle poussa un profond soupir, signe de résignation.


-Ce n'est pas parfait, mais ça a l'air de bien se dérouler.


-Si tu es si inquiète pour le groupe, va voir ce qu'ils font, mais je suis certaine que d'ici quelques instants ils seront là.


-Ils sont bons au moins ? glissa Enzo.


-Ils ne seront jamais assez bons pour toi, rétorqua Andy.


-Ne t'en fait pas Andy, Enzo est trop occupé avec miss ventouse.


Cette dernière se décolla enfin du cou de mon ami dans un bruit de succion écoeurant.


-Tu envies juste ma place Thea.


Tout en elle respirait le cliché de mauvais gout. Dans quoi avait-elle grandi pour considérer ça comme une fin en soi ? Cette fois, elle eut quand même la décence de ne pas se tromper de prénom.


-J'en crève de jalousie, raillais-je.


Andy eut la bonne idée de m'emmener vers la fosse du club en prétendant qu'elle voulait voir ce que faisait le groupe pour tarder autant. Dans les escaliers, malgré son angoisse, elle trouva le temps et l'énergie de me rabrouer.


-Pourquoi provoques-tu Béatrice à chaque fois que vous vous croisez ?


-Techniquement, ce n'est que la deuxième fois !


-Thea !


-Comment fais-tu pour la supporter ? Elle a l'air de...d'aimer et de chérir cette situation alors que personne ne se soucie d'elle. Je ne comprends même pas pourquoi Enzo lui prête un tant soit peu d'attention, elle est tout ce qu'il exècre. Une personne mérite toujours mieux que ça.


-Enzo est...Enzo. Depuis Léah, je le trouve changé, comme s'il cherchait quelqu'un qui lui ressemblait.


-Béatrice ne ressemble en rien à Léah ! m'écriais-je.


-C'est une garce. Fais comme moi et ignore-la.


Et sur ce point, je ne pouvais pas la contredire, j'étais la première à me plaindre du comportement de ma sœur.


Nous avions pratiquement traversé la fosse afin d'atteindre le fond de la salle et les coulisses du bâtiment quand la dubstep assourdissante se tut et que les lumières se tamisèrent un peu plus. Le silence, uniquement perturbé par les doux chuchotements impatients régnait en prince dans l'attente des premiers riffs de guitare.


Des bruits de pas résonnèrent dans la salle, légèrement surplombés par le bruit de hauts talons. J'entendis clairement un soupir dans le micro. Les chuchotements se turent, couronnant le silence.


Le chant féminin s'éleva de concert avec la guitare, détrônant aussitôt l'accalmie ; faisant vibrer les murs de leur puissance et emplissant de leur âme le vide dans nos cœurs.


La voix était brute, pure dans les aigus, éraillée dans les graves. Puissante et électrisante. Les guitares saturées et la batterie acérée donnaient un arrangement agressif et plein d'énergie.

Les paroles, bien que répétitives, s'inscrivaient en lettres de feu sous notre peau.


Je comprenais mieux pourquoi Andy avait fait fit de toute fioriture sur la décoration, essayant de rapprocher le plus possible l'intérieur de la boîte de nuit d'un vieux garage que squatteraient des amis pour répéter. On m'avait envoyée dans les années 70.


Nos yeux se croisèrent. Le soulagement dans les siens, l'admiration dans les miens.


Des cris approbateurs et pleins d'entrains'élevèrent dans la salle. Eux aussi avaient compris.


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A dans deux semaines, avec un changement de point de vue inédit à la clé !

Je vous fais des bisous,


Clara

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