Chapitre 36 - Retrouvailles - partie 1


Point de vue d'Audrey

- Allo?

- Audrey...

- Lucas? Oh mon Dieu, tu vas bien? lui demandais-je alors que les larmes de joie dévalent mes joues.

- Oui ma belle, me répondit-il dans un sanglot. Tu me manques.

- Toi aussi mon cœur, si tu savais...

Je me pétrifie quand je me rends compte du surnom que j'ai utilisé. C'est la première fois que je l'appelle par autre chose que son prénom. Croisons les doigts pour qu'il ne le prenne pas mal.

- Tu es blessé?

- Oui mais rien de grave. Ce n'est pas comme la dernière fois.

Nous restons silencieux pendant quelques instants, le temps de retrouver nos esprits.

- Je suis contente que tu sois en vie et que tu m'aies appelée. Tu n'étais pas obligé.

- Si je l'étais. C'est grâce à toi que j'ai tenu. Ton porte-clés ne m'a pas quitté... Heu Audrey, j'ai compris pas mal de choses aussi. Mais je ne peux pas en parler comme ça.

- D'accord. J'attendrai ton retour dans ce cas.

- Prends soin de toi d'accord?

- Toi aussi. Sois prudent ok?

- Ouais promis. Et Audrey?

- Oui?

- Je suis toujours ton plus?

- Plus que jamais, lui répondis-je un sourire naissant à travers mes larmes.

- Merci...

La communication est coupée mais je suis tellement soulagée. Même s'il ne revient pas tout de suite, je sais qu'il est en vie et ça me suffit. Ma joie est tellement grande que je commence à danser comme une folle et que l'envie de le crier au monde entier fait son apparition. Heureusement pour moi, Olivier fait la nuit. Je suis donc seule. Je m'empresse de l'appeler pour lui donner la bonne nouvelle. Il est vraiment heureux et le soulagement s'entend dans sa voix. C'est vrai que les derniers jours n'ont pas été de tout repos pour lui. Me supporter n'a pas été simple, loin de là.

C'est comme si un poids énorme était parti de mes épaules. Il faut que je sorte prendre l'air. Emmitouflée dans ma veste, mon sac en main, je me dirige vers le parc près de la maison. Je respire à pleins poumons, faisant rentrer l'air qui m'a tant manqué dernièrement. Une renaissance. C'est exactement ça. Je me balade le long de l'étang et m'installe sur un banc pour profiter du paysage.

Il m'a dit avoir compris certaines choses. Ma curiosité se réveille mais je dois de toute façon attendre son retour pour en savoir plus. Mon cœur s'est serré de bonheur en entendant sa question. Mon plus. Évidemment qu'il l'est encore. Je dirais qu'il l'est même plus qu'avant. L'idée de trouver quelqu'un d'autre m'a déjà traversé l'esprit. Ce serait tellement plus simple et peut-être que je souffrirais moins avec quelqu'un qui ne jouerait pas avec mes sentiments et qui ne me rendrait pas chèvre à tout moment. L'avoir cru mort a changé la donne. Rien que l'idée de devoir l'oublier me donne la nausée. Un poignard s'enfonce dans mon cœur et dans mon âme rien que d'y songer. Qu'est-ce que nous sommes au juste? Âmes sœurs? Aucune idée mais je ne pourrais pas vivre sans lui. Le remplacer? Hors de question. Même s'il trouve quelqu'un d'autre. Même si ça doit me faire un mal de chien. Lui vivant, peu importe où il se trouve et avec qui, il sera toujours ma pièce manquante.

Je me rends bien compte que je parle uniquement pour moi. Cette épreuve aura au moins eu le mérite de mettre mes sentiments au clair. Les siens où en sont-ils? Une petite bulle d'espoir grimpe tout doucement. J'espère simplement ne pas espérer pour rien. Il n'a pas été très précis dans ses explications. Se pourrait-il...?

Deux mois plus tard.

Des semaines que j'attends ce moment et que toutes les idées les plus farfelues sont passées dans ma tête. L'espoir, le doute... la peur? L'amour est venu englober le reste et me rappeler le bonheur que Lucas m'apporte. Du moins quand il n'a pas décidé de faire sa tête de mule et de partir en courant dans l'autre sens.

Je devrais lui être reconnaissante. Il m'a permis de me remettre en question et de trouver la motivation nécessaire pour me reconstruire. J'ai travaillé d'arrache-pied tous ces longs mois d'absence. Pas pour lui. Pour moi. Avec l'aide de mes amis, j'ai repris confiance en moi. Lucas est parti en laissant derrière lui une petite chose effrayée et perdue. Il va retrouver une femme, une mère, sûre d'elle.

Son avion descend sur la piste. Il est resté là-bas après le crash. Nous avons beaucoup échangé par mail et via Skype. Ce n'est pas la même chose que de nous voir en vrai mais ça nous a au moins permis de communiquer.

Et si la femme que je suis devenue ne lui plaît pas? Il n'y a pas que l'intérieur qui a changé. Mes cheveux ont poussé et arrivent à ma taille. J'ai changé de style vestimentaire. Je n'ai pas voulu perdre de poids autrement que par le sport. C'est une étape que je n'ai pas encore envie de franchir. Pour l'instant mes kilos en trop me conviennent. J'ai fini par m'accepter comme je suis. Il n'y a que l'enveloppe qui s'est améliorée.

Les soldats sortent de la carlingue, leur équipement sur le dos. Les femmes autour de moi courent en pleurant rejoindre leur compagnon tandis que je reste où je suis. Olivier est derrière moi, éternel soutien. Ma main serre fort la sienne et l'émotion me gagne. Il apparaît enfin. Plus bronzé et fatigué qu'à son départ. Mais vivant. Il regarde partout, survole tout le monde. Son regard croise le mien et un sourire éblouissant naît sur ses lèvres. Il se met en marche dans notre direction pour courir deux minutes après. Mes jambes se mettent en route toutes seules et sans que je comprenne ce qu'il m'arrive je suis dans ses bras, la tête contre son torse en train de pleurer. Il me serre comme si sa vie en dépendait et dépose sa tête sur la mienne. Aucun mot n'est échangé. Notre étreinte rythmée par mes sanglots. Après quelques minutes, je l'entends de très loin et si discrètement que j'ai d'abord cru rêver.

- Ma chérie...

L'émotion fait vibrer sa voix d'une manière encore inconnue pour moi. Je ne relève pourtant pas les yeux de peur de briser ce moment. L'intensité de notre lien s'est encore accrue avec la distance au lieu de diminuer comme je l'avais craint. Pour la première fois depuis notre rencontre, je sais que je suis à ma place ici, dans ses bras.

Nous nous séparons non sans mal. Nos yeux s'accrochent et tellement de choses sont dites sans un mot. Ses paroles me reviennent en mémoire. Nous devons parler mais pas là, pas maintenant.

- Je dois aller chercher mes affaires, me dit-il doucement. Tu bouges pas hein?

J'acquiesce n'ayant aucune envie de partir sans lui. Il s'en va en courant tandis qu'Olivier me rejoint.

- C'était intense! me dit-il encore ébahi par nos retrouvailles.

- C'est le moins qu'on puisse dire, murmurais-je.

- Il est au courant?

- Non.

Pas besoin de lui demander de quoi il parle. Il n'y a qu'une seule chose que j'ai gardé secrète. La surprise sera totale.

Il s'approche de nous et salue mon ami comme il se doit. Nous pouvons enfin partir d'ici. Le trajet n'est pas très long mais nous mettons quand même trois quarts d'heure pour arriver à destination.

- Où on est? Ce n'est pas le chemin de votre appartement, me dit-il un peu perdu.

- Tu verras. Petite surprise, dit Oli tout en conduisant.

Je me retiens de rire. Il va bientôt découvrir mon dernier secret. Nous arrivons et mon ami se gare à sa place.

- Suis-nous.

Lucas ne se fait pas prier et reste coi devant la maison qui nous fait face.

- Qu'est-ce que c'est?

- Une maison, lui dis-je en riant.

- Ça je le vois bien merci. Mais on fait quoi ici? demanda-t-il de plus en plus sceptique.

- Tu verras bien.

Nous rentrons tous les trois après avoir déverrouiller la porte. Olivier nous quitte et monte les escaliers. Je me rends devant la porte à ma droite. Je l'ouvre et fais signe à mon compagnon de rentrer.

- Bienvenue chez moi, lui dis-je en lui offrant un beau sourire.

- Chez toi? me demanda-t-il perplexe. Vous n'habitez plus ensemble?

- Je vais tout t'expliquer mais d'abord tu vas t'asseoir et boire quelque chose. Tu dois être vanné.

- Le retour a été épuisant. Merci.

La cuisine est ouverte sur le reste de l'appartement ce qui me permet de l'observer. Il prend place dans le canapé du salon et regarde partout autour de lui.

- L'appartement était trop petit pour nous deux, commençais-je à lui expliquer tout en le servant. Je voulais déménager pour lui laisser l'opportunité de faire sa vie mais il n'a pas voulu. On a donc décidé de chercher un lieu qui pourrait convenir aux deux tout en restant ensemble. Quand on a vu la maison, ça a été le coup de foudre. Il a son appartement en haut et j'ai le mien au rez-de-chaussée. Du coup, je peux recevoir dignement ma fille et profiter enfin d'elle une semaine sur deux.

- C'est génial comme idée. Tout le monde garde son intimité tout en restant l'un près de l'autre.

- Exactement.

- Pourquoi tu ne m'en as pas parlé?

- Je voulais te faire la surprise.

- C'est réussi, me dit-il un sourire aux lèvres. Pourquoi tu es si loin? Viens prêt de moi.

Il tapote la place à ses côtés et je me dépêche de le rejoindre. Après avoir déposé son verre sur la table il s'empare du mien et fait de même. Avant que je ne puisse rajouter le moindre mot, il prend mon visage dans ses mains et me regarde intensément. Son regard se pose sur ma bouche. Ma respiration saccade. Il se rapproche de plus en plus. Mes yeux se ferment pour profiter un maximum de sa proximité. Son souffle me chatouille tandis qu'une chaleur se répand dans mon corps. Nos lèvres se touchent, d'abord timides, un effleurement. Sa douceur me fait gémir. J'attends ça depuis tellement longtemps. Le baiser se fait plus appuyé. Nos respirations s'affolent. Il demande l'accès à ma bouche que je lui accorde immédiatement. C'est tellement intense que j'en oublie tout ce qui n'est pas lui. Nous sommes collés l'un à l'autre, ne laissant aucun espace entre nous. Mon cœur s'emballe mais il se recule tout d'un coup et vient coller nos fronts. Il a du mal à reprendre son souffle tout comme moi. Il me prend dans ses bras dans lesquels je viens me blottir sans poser de questions.

- J'aimerais qu'on parle avant de faire quoique ce soit de plus, me murmure-t-il.

- Qui te dit qu'il y aura plus? lui demandais-je mutine.

- Oh crois-moi, on n'en restera pas là, me dit-il un sourire dans la voix. Mais j'aimerais d'abord mettre les choses au point. Ça fait trop longtemps que nous devons le faire.

- Tu as raison, lui répondis-je dans un soupir.

- Déjà, je manque à tous mes devoirs...

Je le regarde sans comprendre où il veut en venir.

- Tu es magnifique Audrey. Il n'y a pas d'autres mots. Tu m'as plu dès notre rencontre mais là, tu m'as subjugué.

J'en reste coite et mes joues rosissent sous le compliment. Celle-là, je ne m'y attendais pas du tout. Moi qui avait peur qu'il n'apprécie pas le changement...

- Euh... merci.

- Je n'ai été qu'un sombre crétin mais pour ma défense, j'étais complètement perdu avant de partir. Quand j'étais enfant, je m'attachais facilement. Puis je suis passé de foyer d'accueil en foyer d'accueil. C'était un déchirement à chaque fois. Je m'attachais aux membres de la famille et elles me laissaient tomber les unes après les autres. J'ai décidé de ne plus jamais laisser personne m'atteindre. Jusqu'à toi. Tu as su briser les murs que j'avais mis des années à construire. Je me suis rapproché de plus en plus de toi et j'ai pris peur. J'ai choisi la seule arme que j'avais pour me défendre: le déni. Je n'aurais pas dû agir comme ça. Je m'en suis rendu compte quand j'étais là-bas. Quand j'ai cru ne jamais te revoir. Je t'ai blessée alors que ton seul crime était de tenir à moi. Pourras-tu me pardonner? me demanda-t-il peu sûr de lui.

- Tu m'aurais posé la question quand tu es parti, je ne suis pas sûre que je t'aurais répondu par l'affirmative. Même si la plus grande partie de moi était dévastée par ton départ, l'autre t'en voulait de jouer avec moi comme tu l'as fait.

- Et maintenant?

- J'ai pensé sérieusement à trouver quelqu'un d'autre, je ne vais pas te le cacher. Mais c'était juste hors de question. Tu fais partie de moi mais je ne l'ai compris que lorsque j'ai craint pour ta vie. J'aurais pu vivre sans t'avoir à mes côtés. Ça aurait été difficile mais pas impossible. Mais vivre dans un monde dans lequel tu n'existes pas... c'était au-dessus de mes forces. Ces quelques mois passés loin de toi m'ont permis de prendre du recul. Pour répondre à ta question, il n'y a rien à pardonner. Nous devons tous faire face à nos démons à un moment donné de notre vie. Cet éloignement nous a été bénéfique à tous les deux. J'avais mes propres plaies à soigner avant de pouvoir t'aider avec les tiennes.

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Chapitre publié avec un peu de retard. J'ai dû préparer un entretien d'embauche et un test en anglais donc je n'ai pas eu trop le temps d'écrire.

Enfin la première partie des retrouvailles. Sont-elles à votre goût?

Ca commence à sentir la fin... snif.

Chapitre corrigé le 11/10/18

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