Chapitre 35 - Délivrance
Point de vue de Lucas
- Lucas...
- Audrey?
- Tu dois te lever. Suis-moi.
- Mais pour aller où? demandais-je confus.
- Rejoins-moi c'est important Lucas. Tu dois faire vite.
Je ne comprends rien. Pourquoi je dois la suivre? Et que fait-elle ici?
- Lucas! me cria-t-elle un peu plus brusquement. Dépêche-toi. Il n'y a pas une minute à perdre.
Le sentiment d'urgence se fait sentir dans sa voix. Peu importe la raison, je dois la suivre. Elle va trop vite je n'y parviens pas. Elle disparaît. Je me retourne dans tous les sens mais je ne la vois nulle part. Je commence à paniquer... J'ouvre les yeux, complètement perdu. Où est-ce que je suis? Et c'était quoi ce rêve étrange?
Je reprends peu à peu conscience de mon environnement. C'est une scène de désolation qui s'offre à moi. Tout me revient: le silence des pales, le crash de l'hélicoptère, l'inconscience, le noir. Un amas de ferraille m'entoure. Il ne reste plus rien. Je vois les autres autour de moi mais impossible de savoir s'ils sont vivants. Mon harnais m'empêche de bouger. Heureusement pour moi, j'ai toujours mon équipement. J'extrais mon couteau et coupe ce qui peut l'être pour me dégager. Une fois libre, je me lève mais retombe directement assis. Ma jambe gauche n'a pas été épargnée dans la chute. Il y a une énorme plaie au niveau de la cuisse. Un examen sommaire m'apprend qu'elle est superficielle. J'ai perdu pas mal de sang ce qui explique mon manque de force. Je me relève malgré la douleur et essaie de mettre tout mon poids du côté droit. Par où commencer? Il me faut quelques secondes pour sortir de mon hébétude. Les paroles d'Audrey me reviennent comme un avertissement. Je dois me dépêcher. Je vais vérifier l'état des autres. Ils sont inconscients mais vivants. Enfin, presque tous. Le pilote et le copilote n'ont pas survécu.
Je sors pour me repérer et trouver un endroit où amener mes compagnons. Nous sommes dans les montagnes, entourés de rochers. Trouver un endroit suffisamment plat va être compliqué mais je n'ai pas de temps à perdre. Je sors d'abord ceux qui sont faciles d'accès et les traîne le plus loin possible de l'appareil. J'ai de moins en moins de force mais l'adrénaline qui court dans mes veines et l'urgence me font tenir bon. Ils ne sont plus que deux. Je m'attelle à délivrer le Capitaine qui est coincé en-dessous d'une pièce de l'hélico. J'ai de plus en plus de mal. Un liquide coule le long de mon visage. Je l'essuie pour m'apercevoir que c'est du sang. Une blessure a dû se rouvrir sous l'effort. Tout à coup, des mains viennent m'aider dans ma tâche. Je sursaute surpris. Je dois être plus fatigué que ce que je croyais. Je n'ai rien entendu.
- Hey, me dit une voix que je suis heureux d'entendre. Laisse-moi t'aider.
- Content de te voir vieux, dis-je soulagé. Comment tu te sens?
- J'ai pas mal morflé mais je suis en vie. C'est tout ce qui compte, me dit Nicolas. Il reste encore quatre hommes si j'ai bonne mémoire.
- Le Capitaine est ici et Hugo est là-bas. Ils sont tous les deux coincés.
- Et les pilotes?
Je le regarde en faisant non de la tête. Il accuse le coup. C'est dur de perdre quelqu'un de son unité mais nous devons penser à ceux qui restent. Il se reprend autant qu'il le peut et commence à m'aider.
- On ira plus vite à deux. Tu as déjà fait du bon boulot.
Ça nous prend encore une bonne heure pour sortir tout le monde. Nous ne pouvions pas laisser les corps de nos camarades dans l'épave. Ils méritent d'être enterrés chez eux auprès de leur famille.
- Tu as trouvé la radio? me demanda-t-il.
- HS. Reste plus qu'à espérer qu'ils nous retrouvent grâce au GPS.
- À ton avis, on est ici depuis longtemps?
- Difficile à dire, mais je dirais au moins 12 heures, lui répondis-je. On a été inconscient un bout de temps!
- Tu sens cette odeur?
- Ouais et c'est pas bon. Du kérosène. On doit les mettre plus loin, ça va exploser.
Nous nous mettons à l'œuvre le plus rapidement possible. Nous en sommes au dernier quand une explosion retentit, nous expulsant dix mètres plus loin. Je suis complètement sonné. Un visage apparaît dans ma tête: Audrey, mon ange-gardien. Je comprends mieux cette urgence maintenant. Ce qu'il restait du crash part en fumée sous nos yeux. Les flammes me fascinent. Leur danse est envoûtante et je me perds dans leur contemplation pendant quelques instants.
- Putain! On a eu chaud! me dit Nicolas me sortant de ma torpeur. T'es ok?
- Ouais. On va dire ça.
- Il faut qu'on soigne nos blessures, du moins les plus importantes pour éviter les risques d'infection. Trouve tout ce que tu peux. Je vais voir l'étendue des dégâts chez les autres.
Ma gorge est sèche, trop pour mon bien. Je prend ma gourde qui a miraculeusement échappé au choc. Elle est encore pleine. Je bois un peu d'eau. Ce liquide ne m'a jamais semblé meilleur mais il faut l'économiser un maximum. Nous ne savons pas combien de temps nous allons être coincés ici.
J'ai récupéré le plus de trousses de secours que j'ai pu tandis que Nico commençait déjà à en soigner certains. Le soleil commençait à se coucher quand nous avons terminé. Si certaines blessures étaient plus graves, la plupart étaient superficielles heureusement. Les gars se sont réveillés au fur et à mesure à l'exception de Hugo et du Capitaine, plus sérieusement touchés. Nous leur avons mis une couverture de survie pour essayer de maintenir leur chaleur, le froid commençant à faire son apparition. J'espère qu'ils sont parvenus à prendre notre position avant que tout n'explose.
D'eux d'entre nous sont allés sécuriser le périmètre tandis que Nico et moi faisons le guet. Il ne faut pas oublier que nous en sommes en territoire hostile, autant être prudent. En bougeant, mes plaques d'identification se sont dévoilées, amenant avec elles ma demi-étoile. Elle est indemne Dieu merci. Ça me fait penser immédiatement au porte-clés qu'Audrey m'a offert. Je le cherche partout mais sans succès. Merde! J'ai dû le perdre dans le choc. Je n'en ai pas besoin pour penser à elle mais voir sa photo m'aurait aidé à tenir bon. J'en fais part à Nico qui se marre.
- Il me semblait que tu n'étais pas accro à cette fille? me dit-il en riant.
- Ah ah t'es hilarant comme mec. C'est juste un porte-bonheur.
- D'après ce que tu m'as raconté, c'est quand même son visage que ton subconscient a utilisé pour te réveiller. Ce n'est pas pour rien.
- N'importe quoi! Je tiens beaucoup à elle, c'est tout.
- Qu'est-ce qu'il te faut pour ouvrir les yeux bon sang? Tu l'aimes point.
- Les sentiments n'ont jamais été mon truc, dis-je en haussant les épaules.
- T'as surtout la trouille de t'accrocher à quelqu'un. T'as peur qu'elle t'abandonne comme tous les autres. Mais à vivre constamment dans la peur, on en oublie de vivre mon pote. En plus, qui te dit qu'elle va te laisser tomber?
- J'en sais rien, dis-je dans un murmure.
La nuit est tombée mais nous préférons ne pas faire de feu. Notre position serait beaucoup trop voyante. De toute façon, les secours ne viendront qu'en plein jour. Nous nous couvrons du mieux que nous pouvons au vu des circonstances. Les plus valides s'occupent des deux soldats inconscients tandis que les autres se contentent de parler entre eux à voix basse. Les heures défilent mais ont un goût d'éternité pour nous.
En-dehors de la surveillance, je ne fais que penser à Audrey, ma belle. Encore incapable de dire les trois mots qu'elle attend sûrement, il est inutile de me voiler la face. Je suis amoureux d'elle malgré tout ce que j'ai fait pour que ça n'arrive pas. Elle est parvenue à détruire toutes les barrières que j'ai mises entre nous. Sans être là. C'est grâce à elle si je suis en vie.
Tom et Thierry ont pris notre place. Je peux enfin fermer les yeux quelques minutes, ma main serrant mon étoile et le visage de ma chérie flottant dans mon esprit.
Un bruit. Léger. J'ouvre les yeux sans bouger et observe les environs. Nico est déjà sur ses gardes, la main sur son fusil d'assaut. Le soleil se lève nous donnant juste assez de lumière. Le soulagement s'empare de nous quand les secours apparaissent. Ils nous ont retrouvé.
- Vous êtes pas faciles à trouver les gars, nous dit l'un d'entre eux.
- On a oublié de vous envoyer le carton d'invitation, répondit Nicolas. Heureux de vous voir.
- Nous aussi. Des pertes?
- Les pilotes. Et le Capitaine et Hugo sont toujours inconscients. Pour les autres, plus de peur que de mal.
Il se tourne alors vers les soldats qui l'accompagnent en leur demandant de s'occuper en priorité du Capitaine et de Hugo.
- Qu'est-ce qu'il s'est passé?
- Aucune idée. D'un coup les pales se sont arrêtées. Ils ont essayé de poser l'hélico mais sans succès.
- Où est l'engin?
- Quand j'ai repris conscience, Lucas avait déjà sorti pratiquement tout le monde. On venait de sortir les derniers quand on a senti une odeur de kérosène. On a juste eu le temps d'éloigner tout le monde avant que ça n'explose.
- Bon travail les gars. Notre hélico se trouve de l'autre côté. Vous pensez pouvoir marcher encore un peu?
- Ça devrait le faire. Les corps des pilotes sont là, lui dis-je en montrant l'endroit où nous les avions déposés.
- On s'en occupe. Merci de les avoir sortis de là.
Après nous avoir donner des rations de survie et soigner les blessures les plus urgentes, ils ont ouvert la voie pour rejoindre l'autre côté de la montagne. Mes forces me lâchaient petit à petit mais nous avions appris à aller au-delà de la douleur, au-delà de tout. Nous n'étions plus portés que par la volonté d'arriver en sécurité et surtout de revoir les nôtres. Nous approchions de notre but quand Thierry s'est approché de moi.
- Lucas?
- Mmm?
- Je crois que c'est à toi, me dit-il en me tendant quelque chose.
Je n'arrive pas à y croire. Mon porte-clés. Mon cœur s'est serré à la vue de cet objet pourtant si banal mais dont la signification est si lourde de sens. Tout me ramène à elle.
- Où l'as-tu trouvé? lui demandais-je en essayant de cacher mes émotions.
- Il était près de moi à mon réveil. Tu as dû le perdre quand tu m'as bougé.
- Merci vieux, lui dis-je en lui faisant une tape sur l'épaule.
- C'est plutôt à nous de te remercier. Sans toi, on serait dans l'hélico...
Pas besoin d'explications supplémentaires. L'image des flammes et des cendres parlent pour lui. Nous continuons dans le silence, mettant notre énergie dans chaque pas que nous faisons.
Deux heures plus tard, les pales tournent et je ne peux m'empêcher de repenser au vol qui nous a conduit dans ces montagnes. La peur du crash s'empare de moi et je me crispe. Des sueurs froides parcourent mon corps. Des gouttes de transpiration coulent le long de mon visage. Ce n'est pas le moment de craquer. Il faut tenir encore un peu.
L'équipe de soins nous prend en charge et nous amène à l'infirmerie. Ils soignent nos blessures mais le coup que j'ai eu à la tête et la perte de sang les inquiète un peu. Ils préfèrent me garder un peu en observation mais je ne peux plus tenir, il faut que j'entende sa voix.
- Il faut d'abord que je téléphone. Vous ferez ce que vous voudrez après.
- Très bien mais vas-y doucement. Prends ces béquilles, me dit-il en me les tendant.
J'utilise mes dernières forces pour me rendre dans la tente de communication. Personne ne pose de questions. Au contraire, les personnes présentes, conscientes de ce que nous venons d'endurer, s'empressent de répondre à ma demande.
Une sonnerie, deux sonneries...
- Allo?
Sa voix, enfin. Les larmes, traîtresses, coulent sans que je ne puisse les retenir.
- Audrey...
----------------------------
Voilà les p'tits loups. J'ai décidé de mettre fin à ce suspens... Enfin des nouvelles de notre Lucas. Plus de peur que de mal.
Que pensez-vous pour la suite? Des idées, des envies? Dites-moi tout.
Chapitre corrigé le 11/10/18
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top