Chapitre 32 - Le noir


Point de vue de Lucas

Je joue distraitement avec mes plaques d'identification. Plus exactement avec une certaine étoile. Que fait-elle à cette heure-ci? Avec qui? Rien que de l'imaginer avec quelqu'un d'autre me fait ressentir une pointe dans la poitrine. C'est idiot, je ne devrais pas mais je n'en peux rien. Je suis à des milliers de kilomètres depuis un sacré bout de temps. La chaleur me tape sur le système et me fait divaguer.

- Hey Simons, encore en train de rêver? me crie Nicolas en riant. Reprends-toi mon vieux. C'est dangereux d'être distrait, tu le sais aussi bien que moi.

- Ouais, je sais. Cette chaleur me tape sur les nerfs et c'est la seule façon de me calmer.

- Tu penses à elle n'est-ce pas?

- À qui?

- À ma grand-mère, me répondit-il en levant les yeux au ciel. À Audrey évidemment.

- Je ne vois pas de quoi tu parles, niais-je assez mal.

- Ben voyons. Tu tritures ce pendentif comme si ta vie en dépendait. Et ça t'arrive de plus en plus.

- Et alors?

- Alors? Admets que tu en pinces pour elle et gravement. Ça nous fera des vacances. Tu bougonnes sans arrêt depuis qu'on est parti.

- Elle me manque t'es content?

- Non mais c'est un début, me dit-il en souriant. C'est l'heure de l'entraînement. Tu pourras te défouler un peu.

- Encore? Pff c'est pas humain.

- Tu l'as voulu, tu l'as eu mon pote. Si tu voulais rester tranquillement à la maison, il ne fallait pas choisir l'armée.

- C'est ça. Ose me dire que tu as très envie d'y aller.

- Ce serait un mensonge donc non. Mais au moins on s'occupe. C'est trop calme pour l'instant.

- T'as raison. C'est à se demander ce qu'on fout là, grommelais-je ce qui fit rire mon ami.

- Tu vois? Tu recommences, me dit-il en riant.

Je passe devant lui et lui fais une petite tape derrière la tête au passage. Il en rit de plus belle. La température avoisine les 30°C aujourd'hui. Ce qui ne nous poserait pas de problèmes en temps normal, nous accable avec notre équipement. Cet après-midi, nous avons droit à un exercice de tir. Je me débrouille pas trop mal dans cette discipline mais essayer de viser avec de la sueur qui vous tombe dans les yeux n'a rien de drôle. Nous n'avons pas de cible comme chez nous. Nous nous débrouillons avec les moyens du bord. Tout fait l'affaire: des canettes, des bouteilles... Nous faisons également des exercices en conditions réelles dans une maison abandonnée non loin du camp.

Jusqu'à présent, la mission est assez calme. Nous surveillons le périmètre et aidons les habitants lorsque le besoin s'en fait sentir. Un observateur pourrait se demander la raison de notre présence mais toute personne entraînée se rendrait compte qu'une tension règne partout autour de nous. L'attente commence à nous mettre sur les dents. Les gars deviennent nerveux. La distance et l'inquiétude pour ceux qui sont loin font partie intégrante de notre humeur. La seule solution que nous avons trouvée est de les appeler régulièrement. Enfin quand je dis nous, je parle des autres. Je n'ai pas encore osé franchir le cap avec Audrey. La contacter serait montrer qu'elle compte un peu trop pour moi et je ne suis pas prêt. Même si je ne veux pas trop me l'avouer, elle me manque tous les jours, à chaque instant. Un vide a remplacé une partie de moi quand je suis parti mais je me refuse à l'analyser. Ce n'est pas le moment. Notre travail requiert toute mon attention.

- Pourquoi tu ne l'appelles pas? intervient Benoît.

- Je n'en vois pas l'utilité.

Je ne sais pas qui j'essaie de convaincre mais apparemment personne ne va dans mon sens.

- Arrête un peu. Ça te bouffe de ne pas avoir de ses nouvelles.

- Mais non, tu dis n'importe quoi, répondis-je avec un peu trop de véhémence.

- Il a raison et ça empiète sur ta concentration, me dit Nicolas qui se joint à la conversation. Qu'est-ce qui t'empêche de la contacter? T'as peur d'une fille?

- Lâchez-moi deux secondes ok? Je n'ai pas peur. C'est juste que...

- Que quoi? Je te connais, tu as peur de la place qu'elle commence à prendre dans ta vie. Et tu te dis que si tu ne l'appelles pas, elle sera moins importante pour toi.

Nicolas me sidère. Il me connaît plus que ce que je croyais de prime abord.

- Tu veux que je te dise? Tu te fourres le doigt dans l'œil mon pote. Ça te ronge tellement que tu en cauchemardes. N'oublie pas que tout ce sait ici, me dit-il devant mon air ahuri. On a tous remarqué à quel point tu dors mal. Tu te tournes de tous les côtés et tu prononces même son nom par moment. Alors arrête de te voiler la face. Tu l'as dans la peau et ce n'est pas la distance que tu essaies de mettre entre vous qui changera ça. Au contraire. Alors maintenant fais-moi plaisir. Mets ton égo de côté et appelle-la. Tu nous rendras service.

Cette intervention m'a estomaqué et m'a donné de quoi réfléchir. Je peux l'appeler ne serait-ce qu'une fois. Ça ne m'engagerait à rien et ça me rassurerait un peu. Après tout pourquoi pas. Je m'éloigne du groupe et je rejoins la tente de communication.

- Tu sais me mettre en contact avec Audrey Vincent?

- Je suis à toi dans deux minutes, j'ai un truc à terminer d'abord.

- Ok. Je peux attendre ici?

- Fais comme chez toi.

Je ne sais pas si j'espère qu'elle soit là ou non. Si elle est absente, je pourrai toujours me dire que j'ai essayé. Ce serait déjà pas mal.

- Voilà j'ai fini, tu peux t'installer.

- Merci, lui répondis-je.

La nervosité me gagne. Répondra-t-elle ou pas? Trois sonneries retentissent. Au moment où je pensais que c'était fini, elle a décroché.

- Salut Lucas, me dit-elle en riant.

Je la vois se retourner sur quelqu'un et lui dire quelque chose tout bas avant de lui donner une tape sur l'épaule. C'est quelqu'un que je ne connais pas. Ça ne me plaît absolument pas.

- Salut ma belle, lui répondis-je cependant. Comment ça va?

C'est d'un banal affligeant. Si elle ne me voyait pas, je me serais probablement donner des claques.

- Mieux maintenant que tu appelles.

- J'ai l'impression qu'on s'amuse bien chez vous. C'était qui?

- De qui tu parles? me demanda-t-elle.

- Le gars avec lequel tu viens de discuter...

- Oh Jacques? C'est un ami, rien de plus, me dit-elle en riant. Pourquoi serais-tu jaloux?

- Non pas du tout.

- Tu n'as aucune raison de l'être. Il est gay.

Qu'est-ce que je peux être con! Je dois avoir l'air gêné parce qu'elle éclate de rire et je ne peux m'empêcher de la suivre.

- J'aime t'entendre rire ma belle, ça fait du bien. Tu devrais le faire plus souvent.

- Je m'y efforce. Comment ça se passe là-bas? me demanda-t-elle, inquiète tout à coup.

- C'est calme pour l'instant mais la chaleur est dure à supporter.

- Tu me manques Lucas.

Mon regard suit sa main. Elle joue avec le pendentif que je lui ai offert sur un coup de tête.

- Toi aussi.

Ça je peux lui avouer. À près tout, c'est l'entière vérité.

- J'ai hâte que tu rentres.

- Et comment vont tes séances de sport? demandais-je pour changer de sujet.

- Elles avancent petit à petit mais je m'amuse beaucoup. Je vais mieux Lucas. Vraiment mieux. Les autres m'aident énormément.

La culpabilité apparaît sans rien demander. J'aurais dû être là pour l'aider. Moi et pas les autres.

- C'est bien. Je suis content pour toi.

- Lucas... Je n'irai vraiment mieux que quand tu seras revenu. Ils ne sont pas toi.

- Le temps est écoulé, je dois te laisser ma belle. Prends soin de toi d'accord?

- Ok. Merci d'avoir appelé. Prends soin de toi aussi.

Elle met un terme à la communication après m'avoir envoyer un baiser avec sa main. Je suis lâche. Je refuse de penser plus loin, de me projeter ou de savoir que quelqu'un compte sur moi en-dehors de mes frères d'armes. Pourquoi les choses sont plus difficiles qu'au début de notre relation? Qu'est-ce qui a bien pu changer en moi pour que ça dérive à ce point?

Un autre soldat rentre dans la tente. Je lui laisse ma place, encore retourné par l'élan de jalousie que j'ai ressenti tout à l'heure. Si je veux vraiment être honnête, ça m'a remué de la voir, de l'entendre rire. J'adore ce son. Je ne suis même pas sûr de l'avoir déjà entendu avant, du moins avec autant de spontanéité. Elle a vraiment l'air plus heureuse et j'ai du mal à avaler que je n'y sois pour rien. J'en ai marre de penser tout et son contraire. Je devrais décider une bonne fois pour toute de la direction que doivent prendre mes sentiments. Où je ne veux pas faire partie de sa vie ou je le veux. Les deux ne sont pas compatibles.

- Hey Simons, on est convoqué chez le Capitaine, me crie Nico.

- Ouais j'arrive.

Les gars m'attendent tous avec un sourire en coin. Ils se sont probablement rendus compte que je sortais de la tente de communication. Pas de chance pour eux, ils n'auront aucun détail.

- Repos soldat, nous dit le Capitaine en arrivant à notre hauteur. Je viens de recevoir des ordres de mission. Nous devons embarquer dans une heure pour rejoindre le centre du pays. L'hélicoptère est prêt. L'équipe est déjà en train de le charger.

- Nous partons combien de temps?

- Deux jours. Trois tout au plus. Vous aurez les instructions pendant le vol. Je ne vous retiens pas. Rendez-vous dans une heure tapante.

- Bien mon Capitaine, répondons-nous en même temps.

Il s'en va de la tente presque en courant nous laissant seuls.

- Et bien, il faut se bouger les gars, repris Nicolas. Enfin un peu d'action.

- Il était temps, répondit Benoît.

Nous allons tous prendre nos sacs. Au moment de partir, j'hésite mais je prends finalement le porte-clés qu'Audrey m'a offert. Il me servira de porte-bonheur. L'heure suivante passe très vite. Nous sommes tous attachés dans l'alouette, attendant les ordres. Le pilote décolle rapidement. L'excitation se fait sentir. Nous avons hâte d'arriver à destination. En chemin, le Capitaine nous explique en quoi consistera nos tâches. Le bruit des pales nous oblige à nous concentrer sur ce qu'il nous dit.

Des turbulences se font sentir. De plus en plus. Le pilote sait ce qu'il fait mais ça ne nous empêche pas d'être nerveux. Notre supérieur continue à nous parler. Nous l'entendons nettement mieux maintenant que le silence s'est installé. Attendez une minute, le silence? Je regarde les autres pour voir s'ils ont remarqué quelque chose. Nous nous regardons tous. Le Capitaine va se renseigner auprès du pilote et reviens paniqué.

- Les pales ne répondent plus. Nous allons devoir procéder à un atterrissage d'urgence. Le pilote va tout faire pour qu'il y ai le moins de dégâts possibles.

- Que devons-nous faire mon Capitaine? demande un gars à ma gauche.

- Cramponnez-vous et si vous êtes croyants, priez!

L'hélicoptère descend de plus en plus vite. Nous retenons nos respirations. L'adrénaline fuse dans nos veines. La peur aussi. Nous avons beau être soldats, nous faisons partie de l'Armée de Terre. Nous ne sommes pas préparés à ce genre de péripéties. Ça ne peut pas se terminer comme ça. Je lui ai promis de revenir. J'ai confiance dans notre pilote mais la terreur de perdre la vie ici et maintenant prend le dessus. Pour la première fois, je ferme les yeux et prie de toutes mes forces en tenant mon porte-clés. Audrey. Je revois son visage, son regard. Je l'entends me déclarer son amour. C'est ma dernière pensée avant le choc. L'impact est violent, trop pour un atterrissage normal. Les vitres explosent, la carlingue fait un bruit atroce. Je ne ressens plus rien. C'est le noir complet. L'inconscience...

------------------------------

Que va-t-il advenir de Lucas? Serait-ce la fin pour lui?

J'ai essayé de vous mettre le chapitre le plus rapidement possible au vu de mon horaire un peu chargé.

Qu'en pensez-vous? Lucas va s'en sortir? Attendiez-vous une telle suite?

Prenez vos plumes les amis :-)

Chapitre corrigé le 11/10/18

Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top