Chapitre 30 - Deux mois plus tard


Point de vue de Lucas

Comment je vais pouvoir lui annoncer? Comment lui dire quelque chose que j'ai du mal à digérer moi-même? La nouvelle est tombée il y a deux jours et je n'ai toujours pas trouvé la force de lui en parler. Notre unité est mutée au Liban pour aider le gouvernement à restaurer son autorité effective dans la région. Nous en avons pour plusieurs mois loin d'ici.

Tout était redevenu comme avant. J'étais enfin parvenu à regagner sa confiance et voilà que mon départ est annoncé. Mon envie d'aller au front n'a pas diminué, au contraire. Mais je ne peux pas nier l'existence d'Audrey. C'est hors de question de toute manière. J'ai eu beaucoup de difficultés pour la reconquérir et voir tout réduit à néant par mon départ m'horrifie au plus haut point.

Nous partons dans une petite semaine. Il ne me reste plus qu'à en profiter un maximum. Dieu seul sait ce qu'il va advenir de notre relation encore si fragile. Cependant, j'espère de tout cœur pouvoir la retrouver à mon retour car je reviendrai, je m'en fais la promesse.

Je ne peux plus reculer l'échéance, je dois lui dire. Plus j'attends et plus nous perdons du temps.

«On peut se voir ce soir? Dois te parler truc important.»

«Rien de grave j'espère. Passe chez Olivier, je t'attends.»

«Tout dépend du point de vue. À tout de suite.»

Je prends ma moto et pars sans attendre. J'ai retrouvé mes capacités complètes ce qui me permet de me déplacer beaucoup plus facilement. Ne plus dépendre de personne me soulage. Malgré l'heure tardive, la circulation est encore trop présente à mon goût et mon deux roues doit éviter beaucoup d'obstacles. Plus j'approche et plus mon stress est présent. Une boule s'est logée dans mon estomac et grossit de minute en minute. Mon emplacement habituel est libre pour mon plus grand plaisir. Je n'ai pas assez de patience aujourd'hui pour trouver une place de parking. Ça y est, je ne peux plus reculer. Je monte les étages et me retrouve devant leur porte. Quelques secondes après avoir frappé, cette dernière s'ouvre. À croire qu'Audrey se tenait juste à côté. Elle est rayonnante malgré une petite lueur inquiète présente dans son regard. Je la prends rapidement dans mes bras et la serre le plus possible. Mon nez dans ses cheveux, je respire son odeur qui me calme automatiquement. C'est dingue l'effet qu'elle me fait.

- Bonjour à toi aussi. Mais laisse-moi respirer un peu s'il te plaît, rit-elle. Tu m'étouffes.

- Désolé, dis-je ne desserrant mon étreinte. Tu m'as manqué ma belle.

- Toi aussi. Rentre, on sera mieux à l'intérieur pour discuter.

Je la suis et me débarrasse de ma veste avant de la rejoindre sur le canapé.

- Oli n'est pas là?

- Il fait la nuit. Pourquoi? Tu devais le voir aussi?

- Non, simple curiosité.

J'ai besoin de temps pour me lancer et elle semble l'avoir compris puisqu'elle me propose à boire, ce que j'accepte bien volontiers. Ma gorge est nouée. J'ai du mal à parler, les sons ne veulent pas passer.

Elle me tend un verre d'eau que je bois d'un coup, espérant que ça m'aide mais ça ne fait rien du tout à mon grand désarroi.

- Ces deux derniers mois ont été pour le moins intenses mais je ne regrette absolument pas tous les efforts que j'ai dû faire.

- C'est vrai que tu m'as un peu épatée. Tu es plutôt tenace quand tu t'y mets. Mes collègues se posaient même des questions au vu du nombre de bouquets de fleurs que j'ai reçu au bureau, rit-elle. Pour quelqu'un qui ne se trouve pas romantique, je trouve que tu as beaucoup d'imagination. Les fleurs, les restaurants, les cinémas... aussi étonnant que cela puisse paraître, ces deux derniers mois ont été les plus beaux de mon existence grâce à toi. Pas les plus faciles certes. Mais tu m'as énormément aidée à me reconstruire.

- Je n'étais pas le seul. Tu as un bon groupe d'amis derrière toi: Olivier, Geoffrey, Lucas, Auriane. Sans oublier ta chipie, souriais-je en pensant à ce petit bout de femme.

- J'ai beaucoup de chance. Et si tu arrêtais de tourner autour du pot, continua-t-elle après quelques secondes. Je ne vois pas où tu veux en venir Lucas. De quoi voulais-tu me parler? me demanda-t-elle doucement.

- C'est difficile à dire...

- C'est si grave que ça? me demanda-t-elle inquiète.

- Tout dépend du point de vue...

- Vas-y ou je vais finir par me faire des idées plus fausses les unes que les autres.

Je regarde les gouttes glisser sur le verre en espérant y trouver le courage de parler.

- Il n'y a pas trente-six manières de te l'annoncer. Tu sais que je suis soldat et que je peux être appelé n'importe quand?

- Tu reprends du service...

Ce n'est pas une question. C'est ce que j'aime chez elle, il ne faut pas lui expliquer longtemps pour qu'elle comprenne les choses.

- Oui. Mon unité est mutée au Liban. On part dans une semaine, lâchais-je.

Je la vois accuser le coup. Elle ferme les yeux, déglutit. Elle tente de garder son calme et de donner le change mais ses poings se serrent convulsivement.

- On se doutait que ça arriverait, me dit-elle les larmes aux yeux. Combien de temps?

- Plusieurs mois, on n'en sait pas plus.

Elle hoquète de surprise, ne s'attendant probablement à une durée aussi longue.

- On pourra garder contact pendant ce temps? me demanda-t-elle en essayant de rester stoïque.

- Seule la famille et les conjoints sont autorisés à prendre contact avec nous.

- Et je ne suis ni l'une ni l'autre, comprit-elle.

- Je suis désolé. Je vais essayer de voir avec mon Capitaine s'il est possible d'arranger ça.

- Merci, dit-elle en effaçant une larme qui s'était échappée. C'est ce que tu attendais depuis longtemps.

- Oui, depuis mon retour anticipé pour être franc.

- Et qu'est-ce que ça entraîne pour nous?

- Pour nous?

Je suis un lâche je sais mais j'essaie de gagner un peu de temps. Je n'ai aucune idée de ce que je peux répondre.

- Oui. Il y a un nous maintenant, je me trompe?

- Tu ne te trompes pas. Je ne sais juste pas quoi te répondre. On va essayé de profiter de tous les moments possibles jusqu'à mon départ, dis-je contrit.

- Tu me vois comme une occupation en somme? C'est ça?

- Quoi? Non, bien sûr que non! Tu es ce qui se rapproche le plus d'une famille pour moi.

- Une famille? Après tout ce que tu as fait pour regagner ma confiance, tu oses reléguer notre relation à un lien filiale? me demanda-t-elle choquée.

- Je ne sais pas comment définir notre relation, m'énervais-je. On n'en est qu'au début. Je tiens à toi, beaucoup.

- Tu tiens beaucoup à moi... je crois que je devrai me contenter de ça. Après tout c'est déjà mieux que de simples connaissances non? me dit-elle amère.

- Ne réagis pas comme ça. Tu es la personne à laquelle je tiens le plus. Je suis incapable de te donner davantage pour l'instant. Ne me le demande pas, la suppliais-je.

- Que va-t-il arriver alors qu'on va être séparé pendant des mois? Je ne serai toujours qu'une amie pour toi?

- Je n'en sais rien. Si j'avais les réponses, ce serait plus simple mais je ne les ai pas, soupirais-je.

- Très bien, souffla-t-elle. Je savais dans quoi je m'engageais et que tu pouvais être appelé à tout moment. Je m'excuse de m'être emportée. C'est juste que mes sentiments pour toi sont de plus en plus forts et me dire que je ne vais pas te voir pendant si longtemps est dur à encaisser.

Les larmes coulent sans discontinuer. Je la prends dans mes bras, ému au-delà des mots. Cette femme me touche comme personne ne l'a fait avant elle. Je me sens bien dans ses bras et notre séparation me prend par les tripes. Je ne suis pas prêt à la laisser et pourtant j'y suis obligé. J'ai choisi l'armée et elle le sait. Nous le savons tous les deux. Mon besoin de servir est encore trop présent pour la faire passer avant.

- Si nous sommes faits pour être ensemble - et je ne doute pas que ce soit le cas - alors nous nous retrouverons à mon retour. Je te le promets, murmurais-je à son oreille.

Elle acquiesce sans pour autant prendre la parole. Elle se rapproche de moi et ne bouge plus, comme si elle voulait faire partie de moi. Dans un sens, c'est déjà le cas. Audrey m'a marqué au fer rouge sans que je ne m'en rende compte.

- Donc c'est quoi le plan maintenant? me demanda-t-elle après avoir repris contenance.

- Je dois être à la caserne tous les jours, week-end compris afin de préparer le départ. Je peux venir passer les soirées avec toi.

- Normalement, j'ai mes séances de sport mais je peux m'arranger pour les sauter cette semaine. Je ne veux pas perdre le peu de temps que j'aurai avec toi.

- Moi non plus. Tu vas me manquer ma belle. Plus que ce que tu peux t'imaginer.

Il est déjà l'heure de partir et pourtant ce n'est pas l'envie qui me manque de rester et de profiter de ses bras.

- Je dois y aller ma chérie. Je vais aller voir le Capitaine pour lui demander. Je te tiens au courant.

- Très bien. Va te reposer. Les mois qui arrivent ne vont pas être de tout repos, me dit-elle avec un petit sourire triste.

- Tu as raison. Bonne nuit ma belle.

Je l'embrasse pour lui dire au revoir. Un baiser doux et tendre qui transmet tout ce que je ne veux pas avouer. Je remonte sur ma moto et rentre à la caserne, le cœur gros. Le Capitaine doit encore être là, je cours donc jusqu'à son bureau.

- Entrez... Bonsoir soldat Simons.

- Bonsoir mon Capitaine, lui répondis-je au garde à vous.

- Repos soldat. Que puis-je faire pour vous?

- J'ai un petit service à vous demander.

- C'est en rapport avec votre départ?

- Oui mon Capitaine.

- Je vous écoute Simons.

- J'aimerais ajouter quelqu'un sur la liste des personnes autorisées à me contacter. Je sais que normalement seuls les familles et les conjoints peuvent le faire. Mais j'aimerais vraiment qu'Audrey Vincent le puisse également.

- Vous n'avez pas de famille si mes souvenirs sont bons et pas de conjoint non plus. C'est bien ça?

- C'est exact mon Capitaine.

- Et nous pouvons être sûr de cette madame Vincent? Qu'y a-t-il entre vous? Enfin, si ce n'est pas indiscret évidemment.

- Elle représente ce que j'ai de plus cher mon Capitaine. Elle saura être discrète et garder le secret. Je m'en porte garant.

- Très bien. Considérez que c'est fait. Vous donnerez ses coordonnées à mon secrétaire.

- Merci mon Capitaine.

- Avez-vous besoin d'autre chose?

- Non. Tout est en ordre.

- Très bien. Je ne vous retiens pas dans ce cas. J'ai encore beaucoup de choses à régler avant le départ.

- Bonne soirée mon Capitaine, le saluais-je

- Bonne soirée Simons.

Le bureau du secrétaire se trouvant à côté, j'y vais sans plus attendre afin de régler les derniers détails. Je suis heureux de pouvoir garder le contact avec elle. Cela rendra peut-être notre séparation moins douloureuse.

Cette journée m'a épuisé. Mes émotions sont plus fortes que jamais et la souffrance que j'éprouve en pensant à Audrey me broie de l'intérieur. Oui elle compte pour moi, bien plus que n'importe qui jusqu'à présent. De là à mettre des mots dessus... Je n'ai jamais été confronté à ça. Les situations dangereuses n'ont aucun secret pour moi. Je les contrôle, du moins je sais ce que je dois faire, je suis sûr de mes réflexes. Mais là, c'est comme plongé dans le vide sans avoir rien préparer avant et ça me fout une trouille bleue! Ces quelques mois me permettront peut-être de savoir où j'en suis.

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Un petit saut dans le temps pour faire un peu avancer l'histoire... Lucas a su se faire pardonner mais la situation tourne dans une direction qu'il n'attendait pas si tôt. D'un côté, il a enfin ce qu'il veut depuis qu'il a été blessé: il peut retourner sur le front. Mais d'un autre, il doit laisser sa belle alors que leur relation se remet doucement...

Que va-t-il se passer pour lui, pour Audrey? Comment cela va-t-il tourner? L'amour a distance est difficile même lorsqu'il est profond alors avec une relation naissante?

A vos plumes :-)

Chapitre corrigé le 11/10/18

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