Chapitre 28 - Prise de conscience


Point de vue de Lucas

- Bordel! criais-je en frappant la porte qui ne voulait pas se fermer.

- C'est quoi le problème cette fois Simons? me demande Nicolas.

- Cette porte a décidé de me rendre dingue. Voilà le problème.

- Tu veux que je te dise? Ce n'est pas la porte la responsable. Ni les altères lors de l'entraînement. Ni ce pauvre nouveau qui n'avait rien demandé à personne.

- Qu'est-ce que tu insinues? bougonnais-je.

- Tu es d'une humeur massacrante depuis ton retour. Ouvre les yeux par pitié. Plus personne n'ose t'aborder ou t'approcher.

- Tu as été envoyé pour me parler c'est ça? Ou tu t'es dévoué?

- J'ai pris la décision seul. Crache le morceau. Qu'est-ce qu'il t'arrive?

Il a raison. Je suis imbuvable depuis... depuis que j'ai embrassé Audrey. Je ne comprends pas ce qui m'arrive. Peut-être qu'il pourra m'aider à y voir plus clair.

- Je ne sais pas ce que j'ai. J'ai l'impression que tout part en vrille.

- Ça a un rapport avec Audrey?

- Comment t'as deviné? soupirais-je.

- C'est le seul sujet que tu ne veux pas aborder. De là à faire le lien, il n'y a qu'un pas. Y a eu quelque chose?

- Elle a été hospitalisée en urgence. Dès que je l'ai su, je me suis rendu à son chevet et là...

- Et là?

- On s'est embrassé et elle m'a demandé d'être son «plus».

- Son «plus»? Ça veut dire quoi?

- Elle, enfin, on aimerait être plus que de simples amis. Il y a un truc entre nous que je ne sais pas définir mais...

- Mais tu as flippé, me dit-il en haussant un sourcil.

- Ouais on peut dire ça. Je ne peux pas commencer une relation maintenant. Ma carrière débute seulement. Je ne suis pas prêt à y mettre un terme.

- Beaucoup de militaires ont des familles. Ce n'est pas pour ça qu'ils ont arrêté.

- Je ne veux pas lui faire subir les attentes interminables, la peur de ne pas me revoir. Elle a déjà tellement souffert, elle mérite mieux.

- Elle savait tout ça quand vous vous êtes embrassés?

- Probablement. Elle n'est pas stupide.

- Et malgré tout, elle a quand même voulu se lancer dans une relation avec toi. Je me trompe?

- Non...

- Tu lui as parlé de tes peurs et de ce que tu ressens?

- Non. Écoute, je ne sais pas moi-même ce que je ressens. Comment veux-tu que je lui en parle?

- Vous n'avez pas discuté de ce qui s'est passé à l'hôpital?

- ...

- Lucas?

- Je ne lui ai plus parlé depuis, avouais-je piteusement.

- Plus du tout?

- Ni par texto, ni par téléphone, ni par lettre. Je lui ai juste envoyé un message pour lui dire que j'étais très occupé et que j'avais besoin de temps.

- T'es sérieux? Tu es rentré depuis quoi? Deux semaines? Et tu ne l'as plus contactée?

- ...

- Je comprends mieux ton humeur mon vieux. Tu l'as dans la peau. Non ne nie pas, me dit-il voyant que je m'apprêtais à répliquer. Ça ne sert à rien. T'imagine l'état dans lequel elle doit être à l'heure qu'il est? Tu y as pensé une seule seconde? crie-t-il.

- Que veux-tu que je réponde? Quoi que je dise, je sais que j'ai tort. Mais j'y arrive pas. J'ai jamais été doué pour les sentiments et tout ce qui va avec.

- Avec tout ce que tu m'as raconté sur son histoire, comment peux-tu la laisser sans nouvelles? T'as beau ne pas être doué avec les êtres humains, je croyais que tu avais plus de jugeote que ça.

- Je sais, j'ai merdé! criais-je. Elle mérite mieux que moi et j'ai cru que si je la recontactais pas elle...

- Elle commencerait une autre vie et trouverait quelqu'un d'autre, termine-t-il à ma place.

- Oui... avouais-je.

- Je ne peux pas dire que je la connais. Mais d'après ce que tu m'en as dit, ce n'est pas le genre de femme à passer à autre chose facilement. Bon Dieu, tu as vu combien de temps elle a mis à quitter son compagnon? Tu n'y crois pas toi-même. Et si tu penses que tu ne tiens pas à elle, alors il est grand temps que tu ouvres les yeux mon vieux. Va lui parler.

- Et si elle ne veut pas?

- Elle aurait raison, me dit-il. Mais insiste. Explique-lui ce que tu viens de me dire, ce que tu ressens.

- Je ne peux pas partir comme ça. Je dois attendre que la journée se termine.

- Vas-y, je m'occupe du Capitaine. Et puis c'est une question de survie pour le groupe. Je ne donne pas cher de ta peau si tu continues sur cette voie, me dit-il en me donnant une tape sur l'épaule.

- Merci, je te revaudrai ça.

- Tu m'as sauvé la vie, on est quitte mon vieux. Arrange les choses avec elle. Tu sais quand je suis venu te voir au centre? Pour la première fois depuis que je te connais j'ai vu une étincelle de joie dans tes yeux. Ne la laisse pas s'éteindre, me dit-il avant de s'en aller.

Cette conversation m'a pas mal remué. Il m'a remis les idées en place même si je savais déjà que je déconnais. Je m'assieds, les genoux repliés contre moi. Je regarde Nico rejoindre les autres. Ils vivent un enfer à cause de ma stupidité. Et que dire de ce qu'Audrey doit ressentir? Comment je vais encore pouvoir la regarder en face après l'avoir laissée tomber comme une vieille chaussette? Je lui avais promis d'être toujours là et je n'ai pas tenu parole.

Après quelques temps de réflexion, je vais chercher mon portable dans ma chambre et envoie un message.

«Dois te parler.J'ai foiré.Laisse-moi t'expliquer.Ton «plus».Enfin j'espère»

La réponse ne tarde pas à arriver.

«Tu t'es rappelé mon existence?»

Ce n'est pas gagner. Je peux la comprendre. Il faut que je la persuade de me laisser m'expliquer.

«Je ne peux pas t'oublier.»

«Apparemment si.Je pensais représenter quelque chose pour toi.Je me trompais.»

«Tu ne te trompais pas.Donne-moi une chance de t'expliquer».

«Une chance?Tu ne m'en as pas laissé.Tu m'as rayé de ta vie pendant deux semaines.Pourquoi je devrais t'écouter maintenant?».

«Je suis un sombre crétin...Je peux passer?»

Plusieurs minutes s'écoulent pendant lesquelles je stresse. Pourvu qu'elle accepte. Dix minutes, vingt minutes, une demi-heure passe. Je me sens de plus en plus mal. J'avais presque abandonné tout espoir quand ma sonnerie retentit.

«Rendez-vous à la cafétéria de l'hôpital en fin d'après-midi.»

«J'y serai.Merci»

«Ne me fais pas regretter mon choix».

«Je te le promets».

Je me sens plus léger tout en étant stressé. C'est une sensation plutôt étrange. Malgré ce que Nicolas peut penser, je ne suis pas sûr de mes sentiments envers elle. La seule chose dont je suis certain c'est qu'elle me manque terriblement. Pas une seconde ne s'est passée sans que je ne pense à elle.

Je peux retourner avec les autres pour finir l'entraînement. Enfin, à mon niveau puisque je n'ai pas encore complètement récupéré. J'ai rendez-vous la semaine prochaine chez le médecin qui me dira si oui ou non je peux être réhabilité.

- Tu n'es pas encore parti? me demande Nicolas surpris que je les rejoigne.

- Elle m'a donné rendez-vous en fin de journée.

- Ok. Tu sais comment y aller?

- Je vais appeler un taxi. Ce sera plus simple.

- Tu as un peu tâté le terrain?

- D'après les textos qu'on vient d'échanger, ce n'est pas gagné, dis-je tristement.

- C'était à prévoir. Où est-ce que tu dois la rencontrer?

- À la cafétéria de son travail. J'imagine qu'elle préfère ne pas être seule avec moi pour le moment.

- C'est pas plus mal. La conversation va vous chambouler autant l'un que l'autre. Au moins vous serez en terrain neutre. J'espère pour toi que ça s'arrangera.

- Merci. Je m'estime déjà chanceux qu'elle veuille bien me voir. Tu t'entraînes avec moi? J'ai besoin de me défouler pour avoir les idées claires.

- J'arrive.

Contrairement au début, il ne me ménage pas et suit un rythme normal. Il me connaît assez pour savoir que plus je me donnerai plus je serai calme plus tard. La journée défile a une vitesse d'escargot. L'heure fini par approcher et la nervosité me gagne. Nicolas a été prévenir le Capitaine comme il me l'avait promis tandis que j'attends le taxi. Les autres sont en train de discuter un peu à l'écart. Il n'y a pas qu'à Audrey que je dois présenter des excuses mais je le ferai plus tard, mon chauffeur vient d'arriver. Une chose à la fois.

La cafétéria est remplie de patients venus discuter avec les visiteurs. J'observe les tables espérant la voir. Mon souhait est exaucé. Elle est assise près de la fenêtre, regardant vers l'extérieur. Malgré les cernes bien présents en-dessous de ses yeux et sa pâleur, elle reste la même. Mon cœur se serre en pensant que je suis en partie responsable de son état.

- Salut, lui dis-je une fois arrivé près d'elle.

Elle tourne la tête dans ma direction comme si je la sortais d'un rêve. L'espace d'une seconde, j'ai cru voir une lueur de joie mais je me suis peut-être trompé. Elle n'a pas l'air décidée à me répondre. Ça commence mal.

- Je peux? lui demandais-je en désignant la chaise en face d'elle.

- À moins que tu ne préfères rester debout, me répondit-elle en haussant les épaules.

- Tu as repris le travail?

- Comme si ça pouvait t'intéresser, soupire-t-elle. Mais oui, j'en avais besoin. Rester enfermée n'est pas recommandé.

- Évidemment que ça m'intéresse!

- Excuse-moi d'en douter, me dit-elle sèchement. Tu n'as pas fait grand-chose qui me prouve le contraire.

- C'est vrai. Pour ce que ça compte, je suis sincèrement désolé.

- Tu as raison, je m'en moque. Viens-en au fait Lucas. J'ai rendez-vous dans une heure et je dois encore rentrer à l'appartement.

- Un rendez-vous? me braquais-je. Avec qui?

- Tu as perdu le droit de le savoir quand tu as décidé de ne plus me répondre.

- Je ne l'ai pas volé, dis-je en regardant dehors.

- Le temps avance Lucas. Tu avais quelque chose à me dire, vas-y.

- Tu ne me faciliteras pas la tâche. Je me trompe?

- Au moins ton cerveau fonctionne encore. C'est déjà ça.

Elle est loin de la femme que j'ai laissée il y a deux semaines. Elle a perdu sa joie de vivre et est devenue amère. Ça me déboussole. Je ne sais pas pourquoi mais je m'attendais à retrouver la même Audrey.

- J'ai agi comme un crétin...

- Tu l'as déjà dit.

- J'ai pris peur ok? Tu prends de plus en plus de place dans ma vie et je ne veux pas la changer.

- Donc c'est de ma faute? C'est vrai que j'ai voulu arriver là où j'en suis aujourd'hui. Démolie. Je suis démolie Lucas. Tom a commencé le travail et tu l'as achevé.

- Bien sûr que non ce n'est pas ta faute. Je suis le seul responsable. Je suis nul en ce qui concerne les relations. J'ai toujours été seul et me lier avec quelqu'un me fout la trouille. Tu es importante pour moi Audrey.

- Drôle de manière de me le montrer tu avoueras.

- Je connais la vie des femmes de militaires: l'attente, la peur constante qu'on ne revienne pas... Je ne voulais pas t'infliger ça et je ne veux pas arrêter l'armée pour autant. Je n'y suis pas prêt, murmurais-je.

- Est-ce que je t'ai demandé quoi que ce soit? me demanda-t-elle en haussant le ton. Je sais ce que tu es Lucas. Je n'ai jamais au grand jamais voulu que tu arrêtes ce pour quoi tu es fait. J'avais conscience des mauvais côtés de ce genre de relation. Je me suis engagée en connaissance de cause. Tu n'avais pas à décider pour moi. Je n'ai même pas eu voix au chapitre.

- J'aurais dû en discuter avec toi, je l'admets. J'ai foiré.

- Et pas qu'un peu. Je croyais avoir enfin trouvé quelqu'un qui me respecterait et m'aimerait assez pour partager sa vie avec moi. Pour me faire sentir vivante. Je n'aurais pas dû me jeter tête la première dans notre relation. À croire que mon expérience avec Tom n'a servi à rien. Tu m'as au moins appris quelque chose.

- Quoi?

- Il vaut mieux être seul que de donner son cœur. Tu peux être fier de toi Lucas. J'ai bien appris la leçon. Maintenant, tu m'excuseras mais je dois partir.

- Alors c'est fini? Comme ça? demandais-je ahuri.

- À toi de me prouver que je peux te faire de nouveau confiance. Je ne ferme pas la porte. Contrairement à toi, je te laisse une chance. Mes sentiments pour toi n'ont pas changé mais tu m'as laissée tomber quand j'avais besoin de toi. Tu as rompu ta promesse et c'est dur à digérer. Mais rassure-toi, je ne t'en demanderai plus autant. J'ai été bête de croire que je pouvais m'appuyer sur toi. Il faut que je me prenne en main et que j'apprenne à ne compter que sur moi.

Je la regarde s'en aller, complètement hébété. Je commence seulement à comprendre combien je l'ai blessée.

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Chapitre publié un peu plus tard mais j'ai dû me concentrer sur la correction de "Correspondance inattendue".

Voici enfin le chapitre avec l'explication de Lucas. Notre Audrey ne se laisse plus faire et quelque chose me dit qu'il va ramer pour se rattraper.

Que pensez-vous de la prise de conscience de ce monsieur? De la réaction d'Audrey? A vos claviers, j'attends vos avis avec impatience.

Chapitre corrigé le 11/10/18

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