Chapitre 24 - Effondrement - partie 1
Point de vue d'Olivier
Je savais qu'elle ne mangerait pas. C'était couru d'avance. C'est pour ça que j'avais téléphoné à Geoffrey pour le mettre au courant. Cependant je ne m'attendais pas à ce qu'elle vomisse les quelques bouchées qu'il lui a faites avaler. Je crois que lui non plus. Il m'a appelé paniqué après l'avoir raccompagnée à son bureau. Après le récit du repas, il m'a expliqué qu'il voulait l'emmener voir un médecin au service des urgences mais qu'elle avait refusé. C'est Audrey tout craché. Elle préfère mettre la tête dans le sable en montrant au monde que tout va bien. Il m'a quand même dit qu'elle avait l'air effrayé. Et franchement qui ne le serait pas? Cette fille va finir par me rendre dingue.
Je suis arrivé plus tôt au travail. Enfin, disons que j'ai accouru dès que mon ami m'a appelé. Si elle croit s'en sortir comme ça, elle se met le doigt dans l'œil. Actuellement devant sa porte, j'essaie de me calmer avant de lui faire face. Après quelques minutes, je frappe et rentre directement. Je la trouve la tête sur le bureau, appuyée sur ses bras. Ça pourrait me faire sourire si je n'étais pas aussi angoissé par son état. Elle n'a pas l'air de m'avoir entendu, je présume qu'elle dort. Je m'approche doucement et lui passe ma main sur ses cheveux.
- Debout la belle au bois dormant, lui murmurais-je.
Pas de réaction. Je réitère mon geste jusqu'à ce qu'elle commence à remuer.
- Olivier?
- Oui ma belle, c'est moi.
Elle ouvre les yeux, complètement perdue.
- Mais, pourquoi je dors au bureau? Pourquoi tu es ici?
- Tu devais être épuisée après ce midi. Geoffrey m'a appelé, il était paniqué. Et me voilà, dis-je en haussant les épaules.
- Je me rappelle mais tu n'aurais pas dû te déplacer pour si peu. Je vais...
- Je t'arrête tout de suite. Si tu veux me dire que tu vas bien, ça ne sert à rien. Pourquoi tu n'as pas voulu aller aux urgences?
- Ça devait être une simple indigestion. Je ne vais pas les embêter pour ça. Il y a des cas beaucoup plus graves que moi.
- Ce n'est pas une indigestion Audrey. Ça fait des semaines voir des mois que tu traînes ces symptômes et ils empirent.
Elle hausse les épaules comme si ce n'était pas grave.
- Tu ne veux pas te faire soigner? Tant pis, mais fais-le au moins pour nous.
- Je t'ai dit que je n'ai rien.
J'ai l'impression d'être un disque rayé depuis ce matin. Je lui ai déjà tenu le même discours mais apparemment ça n'a pas suffi. Exaspéré, je commence à faire les cent pas devant elle. Comment lui faire entendre raison? Elle est têtue mais moi aussi. Je n'aime pas ça mais il ne me reste qu'une solution: la forcer.
- Cette fois-ci, ça suffit. Tu prends tes affaires et tu viens avec moi.
- Où? me demanda-t-elle méfiante.
- Je connais un médecin au service des urgences. On va aller le voir pour recevoir l'avis d'un professionnel.
- Non Olivier, je ne peux pas. J'ai encore du travail.
- Si ce n'est que ça, j'arrive.
Je sors du bureau et vais prévenir ses collègues qu'elle doit s'absenter cet après-midi. S'ils se demandent pourquoi ce brusque départ, ils ne me posent aucune question. De retour chez Audrey, je prends sa veste et son sac et la force à se lever.
- Voilà, tes collègues sont au courant de ton absence pour l'après-midi. Tu n'as plus d'excuses.
- Mais enfin Oli...
- C'est un enlèvement, tu n'as pas ton mot à dire.
Elle se tait, résignée. Nous nous dirigeons donc vers le service des urgences. J'ai pris le soin de vérifier avant si Pierre était présent. Je peux donc la conduire vers lui. C'est un bon médecin, respectueux de ses patients et d'une empathie rare. Il saura comment prendre Audrey. J'ai une confiance aveugle en lui. Il est justement dans le couloir quand nous arrivons. Je laisse Audrey sur le côté, lui intimant de ne pas bouger avant d'aller lui parler.
- Salut Pierre, comment vas-tu?
- Oh salut Olivier. Ça va merci. Que fais-tu ici? Tu n'es pas censé travailler à cette heure.
- J'ai un petit truc à te demander. Mon ami ici présente, dis-je en la désignant, a été malade ce midi. Si ça n'avait été que ce midi, je ne me serais pas inquiété mais il se trouve qu'elle ne mange presque plus et que la moindre nourriture lui donne la nausée.
- Ça dure depuis combien de temps?
- Des semaines voir des mois et ça empire. Seulement elle est têtue et ne veux voir personne. Je l'ai pour ainsi dire kidnappée pour venir. Tu pourrais l'ausculter?
- Oui bien sûr. Tu me présentes?
Je fais signe à mon amie de venir. Elle arrive toute gênée mais même le rose qui colore ses joues ne peut enlever la pâleur de son visage.
- Audrey, je te présente le docteur Henry. Pierre je te présente Audrey Vincent.
- Bonjour mademoiselle Vincent.
- Bonjour docteur.
- Olivier m'a un peu parlé de vous. Il a eu raison de vous obliger à venir. Si vous êtes d'accord, je vais parler un peu avec vous de votre situation. Ensuite, je vous examinerai.
- Ai-je vraiment le choix?
- En fait, oui. Mais au vu de votre état de santé, je me vois dans l'obligation d'insister.
- Très bien. Je vous suis.
Soulagé, voilà mon sentiment actuel. Elle a enfin accepté de se faire aider. Il ne faut cependant pas crier victoire trop vite. Elle peut toujours jouer les têtues et ne pas se soigner plus tard. Enfin, un premier cap vient d'être franchi. Elle se tourne vers moi et me regarde.
- Tu veux bien venir avec moi? me demande-t-elle doucement.
- Je préviens que j'arriverai un peu en retard et j'arrive. Je ne te laisserai pas seule, ne t'inquiète pas.
Je lui embrasse la joue pour l'encourager et préviens le poste des gardes de mon retard. Je m'empresse de les suivre avant de les perdre de vue. Ils viennent juste de rentrer dans une pièce quand j'arrive à leur hauteur. Je les suis à l'intérieur du bureau de mon ami et m'empresse de fermer la porte.
- Asseyez-vous, nous dit Pierre.
- Olivier m'a raconté en quelques mots vos problèmes mais j'aimerais entendre votre version.
- Il n'y a
- Audrey, s'il te plaît. On en a déjà parlé, lui dis-je en lui lançant un regard noir.
- Très bien, soupire-t-elle. Il y a quelques mois d'ici, j'ai commencé à perdre l'appétit. Au début, c'était juste un repas par-ci par-là. Ça a vite évolué. Je ne mangeais plus qu'un seul repas par jour. Et encore, je ne supportais pas tout. Je me faisais un petit truc léger. Ça a duré quelques semaines puis j'ai été prise de nausée rien qu'à l'idée de manger. La moindre bouchée que je mettais en bouche me donnait envie de vomir.
- Et maintenant? lui demande le docteur.
- Maintenant? La seule nourriture que je peux avaler sont des fruits le matin.
- Vous ne mangez rien d'autre?
Je la vois hésiter en me regardant, comme si elle n'osait pas répondre devant moi.
- Non, murmure-t-elle.
Je n'en crois pas mes oreilles. Aujourd'hui n'était donc pas une exception! Ça fait des jours qu'elle subit ça et qu'elle ne me dit rien.
- Pourquoi avez-vous été malade ce midi?
- J'ai mangé quelques bouchées de pâtes et mon estomac ne l'a pas supporté.
- Vous aviez envie de manger à ce moment-là?
- ...
- Je l'y ai un petit peu forcée. Voyant qu'elle ne mangeait presque plus rien, je lui ai ordonné de manger ce midi. Je savais pertinemment qu'elle ne m'écouterait pas. J'ai donc demandé à un ami commun de manger avec elle.
- Je vois. Ton intention partait d'un bon sentiment mais je présume que ce qu'elle a avalé était trop lourd pour son organisme, me dit Pierre. Qu'avez-vous mangé?
- Pour me faire plaisir, Geoffrey m'a pris des spaghetti bolognaise. C'est mon plat préféré.
- C'est effectivement un peu lourd au vu de votre alimentation actuelle. Avez-vous des problèmes actuellement? Quelque chose qui pourrait vous stresser? Je ne vous demande pas de rentrer dans les détails mais j'aimerais connaître toutes les données.
- Et bien, je... j'ai eu des ennuis avec mon compagnon. Enfin j'en ai encore.
- Vous vivez toujours avec lui?
- J'ai emménagé avec Olivier il y a quelques semaines.
Il me regarde en haussant un sourcil. Il sait pertinemment que je suis gay et que mon appartement est tout petit.
- Ne t'inquiète pas, elle est au courant. Je la considère comme ma petite sœur, lui expliquais-je.
- J'aimerais vous ausculter maintenant. Désirez-vous qu'Olivier sorte?
- Non, je préfèrerais qu'il reste en fait, lui répondit-elle en me regardant.
- Comme vous voulez.
Audrey n'a pas lâché ma main durant l'examen. Elle est stressée et je n'en mène pas large. Elle doit avoir peur de ce que le docteur va découvrir, ce qui l'a probablement empêchée de venir consulter plus vite.
- Vous pouvez vous rhabillez mademoiselle Vincent, dit-il en regagnant son bureau.
Il attend que nous le rejoignons pour recommencer à parler.
- Votre tension est trop basse et votre pouls un peu trop lent. Je crois avoir une explication pour vos problèmes Audrey. J'aimerais cependant pousser mes investigations un peu plus afin de m'en assurer.
- Comment?
- Déjà, je veux que vous fassiez une prise de sang à jeun. Les résultats de cette dernière m'éclaireront normalement. Si ce n'est pas le cas, j'aviserai.
- Je peux faire la prise de sang ici à l'hôpital?
- Oui, vous verrez avec la secrétaire à quel moment vous pouvez venir. J'ai encore une ou deux petites questions.
- Je vous écoute.
- Point de vue fatigue, comment ça se passe? Dormez-vous assez?
C'est marrant qu'il pose la question, je me pose justement la même au vu des cernes qui soulignent ses yeux.
- Je ne dors pas beaucoup. Je me réveille très souvent vers 2-3h00 du matin et je ne parviens pas à me rendormir malgré ma fatigue. Je suis constamment épuisée.
- Avez-vous de la fièvre?
- Non.
- Avez-vous été malade récemment?
- À part ce midi vous voulez dire? demande-t-elle avec une pointe d'humour. Non, pas vraiment. De toute façon, je n'avais pas le temps d'être malade. Entre mon travail ici et celui que j'avais à la maison pour m'occuper de mon compagnon et de ma fille, je n'avais pas une minute. Alors être malade... ça ne rentrait pas dans mes plans.
Nous la regardons abasourdis. Comment a-t-elle pu se négliger à ce point? Je ne me rendais pas vraiment compte de ce qu'elle avait vécu. Je n'en éprouve que plus d'admiration face au courage qu'il lui a fallu pendant cette période.
- Je crois avoir tout ce dont j'ai besoin.
- Tu vas quand même lui donner quelque chose?
- Évidemment, je ne vais pas la laisser comme ça. Vous allez
Il commençait son explication quand Audrey s'effondre comme un château de carte. Il contourne rapidement son bureau pour venir près d'elle.
- Elle a perdu connaissance, me dit-il. C'était à prévoir avec sa tension.
Il prend son téléphone et appelle l'accueil pour qu'on amène un brancard de toute urgence. Je suis tellement choqué que je suis tétanisé.
- Olivier réveille-toi. Ce n'est pas le moment.
Ce rappel à l'ordre me suffit à me faire revenir dans le monde réel. Les infirmiers ont installé Audrey et partent en direction des urgences. Je me dépêche de les suivre, ne sachant pas quoi faire d'autre.
- Qu'est-ce qu'elle a? demandais-je à Pierre une fois arrivés à destination.
- Elle est épuisée. Son corps ne suit plus, me dit-il tout en s'activant à ses côtés.
Ils s'occupent d'elle pendant un temps qui me paraît interminable.
- Audrey, vous m'entendez?
- Qu'est-ce qu'il se passe?
- Elle se réveille, me dit l'infirmier.
Je m'approche d'elle, les infirmiers me laissant faire. J'attrape sa main que je serre le plus possible sans lui faire mal.
- Audrey, ma belle. Tout va bien, lui dis-je quand je vois la panique dans son regard.
- Je suis où?
- Aux urgences. Tu t'es évanouie.
- Quoi? Mais pourquoi?
- Vous êtes épuisée mademoiselle Vincent. Votre corps vous dit qu'il est temps de prendre soin de vous, lui dit gentiment Pierre. Mais on en reparlera plus tard. On va vous emmené dans une chambre. Il va falloir vous hospitaliser quelques jours.
- J'ai juste perdu connaissance. Je peux rentrer chez moi.
- Pas tant qu'on n'en saura pas plus. Vous allez nous laisser vous chouchouter un peu le temps de vous remettre sur pieds.
Là-dessus, il sort de la pièce nous laissant seuls.
- J'arrive ma puce, lui dis-je en l'embrassant sur le front.
Je cours pour rattraper le docteur.
- Qu'est-ce que tu soupçonnes? Dis-le moi, je vais devenir dingue, le suppliais-je.
- Je devrais d'abord lui en parler tu ne crois pas? Et puis je ne suis sûr de rien.
- C'est ma sœur. Je t'en supplie, ne me laisse pas dans le noir, dis-je alors qu'une larme coule sur ma joue.
- Très bien. Les troubles alimentaires, la fatigue, l'insomnie... je pencherais pour une dépression. Elle fait de son mieux pour qu'on ne voit rien mais elle a dû supporter beaucoup de choses. Beaucoup trop. Toutes les émotions négatives qu'elle a retenu pour elle se répercutent sur sa santé. Son corps a tiré le système d'alarme mais elle n'a pas su le voir. Je dois en parler avec un collègue psychologue.
- Et la prise de sang c'est pourquoi?
- Voir jusqu'où le mal s'est installé.
- Qu'est-ce que je peux faire? dis-je complètement dépassé.
- Continue à être là pour elle. Comporte-toi en frère et ne la laisse pas tomber. Si c'est bien une dépression, elle va avoir besoin de toi pour remonter la pente.
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Un petit chapitre concocté spécialement pour vous ce dimanche. Je ne pouvais pas vous laisser sans au moins une piste...
Je sais que Lucas n'est pas encore très présent mais ils doivent régler des problèmes chacun de leur côté pour pouvoir avancer ensemble après.
J'attends vos réactions avec impatience mes amis.
Chapitre corrigé le 11/10/18
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