Chapitre 16 - Bonne ou mauvaise journée?

Point de vue de Audrey

Quelques jours sont passés depuis la visite de Lucas. J'ai repris le travail et même si j'ai du mal à garder la tête hors de l'eau, je m'y efforce. Les conversations par texto ou téléphone ne sont pas rares avec mon militaire. Au contraire, il semble savoir exactement à quel moment je suis sur le point de flancher. Tom a apparemment décidé d'arrêter de me harceler me permettant de souffler un peu et d'essayer de penser à autre chose qu'à tout ce qui se passe dans ma vie pour le moment. Olivier et Geoffrey sont quant à eux assez présents sans pour autant m'étouffer et je leur en serai éternellement reconnaissante.

Où j'en suis? Qui je suis vraiment? Toutes des questions qu'il me faudra éclaircir à l'avenir. En plus Sylvie me manque. Ma petite puce. Je m'en veux d'être partie sans elle mais comment aurais-je pu l'emmener alors que je ne sais pas moi-même ce que je vais devenir? La vérité est que j'étais beaucoup trop remontée contre Tom pour penser à elle. Je suis vraiment une mère indigne.

Assise sur un banc dans le parc de l'hôpital, je regarde des enfants jouer et rire. Depuis combien de temps n'ai-je pas vu Sylvie faire la même chose? Ils m'ont tenue à l'écart de tellement de choses. Comment ai-je fait pour ne pas m'en rendre compte et surtout ne pas réagir plus vite?

Mon téléphone sonne et même si je n'ai aucune envie de décrocher, je m'y efforce. Olivier et Geoffrey se font un sang d'encre quand je ne réponds pas, toujours effrayés à l'idée de ce que je pourrais faire. Oh bien évidemment ils ne le disent pas mais ils ne savent rien me cacher. Je décroche malgré que ce soit un numéro inconnu qui s'affiche.

- Allo?

- Audrey? C'est Mireille, la maman de Tom.

- Bonjour Mireille, je me souviens encore de toi tu sais, pas besoin de préciser, lui répondis-je en riant. En quoi puis-je t'aider?

- J'ai eu mon crétin de fils à la maison ce week-end comme d'habitude et il m'a tout expliqué.

- Ah

Je ne sais pas quoi répondre en fait. Elle me prend un peu de court, surtout en m'appelant, elle ne l'a jamais fait.

- Il n'a pas eu le choix. Il est venu avec cette femme.

- Isabelle, lui dis-je le cœur serré.

- Oui, c'est ça. Elle ne me plaît pas du tout.

- Pourtant vous êtes partis en vacances ensemble, lui dis-je pleine d'amertume.

- D'ailleurs, j'aimerais m'excuser pour ça. Tom m'avait dit que tu étais au courant et que tu n'avais pas pu te libérer. J'aurais dû me douter de quelque chose. Je les voyais souvent s'éclipser mais je pensais bêtement qu'ils avaient une discussion de travail. Comme quoi je n'ai rien appris.

- Il a osé dire que j'étais au courant? Excuse-moi mais ton fils est un enfoiré. Je n'ai appris que vous partiez qu'une ou deux heures après votre départ.

- Mon Dieu, je ne me doutais pas que c'était à ce point-là, me dit-elle effarée.

- Tu n'as jamais remarqué qu'il ne m'incluait plus jamais dans les sorties ou dans quoique ce soit d'autre?

- Je me suis simplement dit que tu étais très prise par ton travail, je n'ai pas cherché plus loin.

- Je suis secrétaire médicale pas ministre. Enfin, écoute, je vais devoir retourner travailler. Tu voulais me dire quelque chose en particulier?

Cette discussion est juste intenable, je n'en peux plus.

- Tom m'a expliqué qu'il ne parvenait pas à te joindre et je commence à comprendre pourquoi. Sylvie te réclame et voudrait te voir.

- Oh ma puce... elle me manque tellement. Elle va bien?

- Oui, elle est un peu perturbée par tout ça mais elle se porte comme un charme.

- Je ne veux pas retourner à notre appartement.

- Cela va de soi. Que dirais-tu de venir chercher ta fille chez moi?

- Ce serait génial mais je n'ai pas encore la possibilité de la loger.

- Je me posais justement la question. Où vis-tu?

- Un ami m'héberge quelques temps. Malheureusement il n'a qu'une seule chambre mais je peux lui demander si ça le dérange que j'amène Sylvie pour une nuit.

- Tiens-moi au courant, tu as mon numéro maintenant. Tu peux aussi venir dormir chez moi, je te ferai une place avec plaisir.

- C'est gentil mais je ne veux plus rien avoir à faire avec Tom et le risque de le croiser est trop grand si je viens chez toi.

- Je comprends.

- Dis à Sylvie que je l'aime très fort. On pourrait faire ça ce week-end?

- Je m'arrange avec Tom. De toute façon, il n'a pas intérêt à refuser.

- Merci Mireille, lui dis-je au bord des larmes.

- De rien ma chérie. Passe une bonne journée.

Je raccroche complètement bouleversée. Même sa mère est de mon côté visiblement. Je consulte ma montre. Il me reste encore le temps de passer jusqu'au bureau de surveillance. Je n'aurai pas pu manger finalement mais ce que je dois faire est plus important. Prenant mes affaires, je me dépêche de partir. Arrivée sur place, Olivier débarque justement pour faire une pause.

- Salut la belle, qu'est-ce que tu fais dans le coin? Attends, laisse-moi deviner... je te manquais déjà? me dit-il hilare.

- Si tu savais... lui dis-je enjôleuse. Je pense sans arrêt à toi, nuit et jour...

Nous éclatons de rire tous les deux sous l'incompréhension totale des gens qui nous entourent.

- Plus sérieusement, j'ai quelque chose à te demander.

- De quoi s'agit-il? me demande-t-il plus sérieux tout à coup.

- Ma belle-mère, enfin mon ex, m'a téléphoné pour me dire que ma fille me réclame et je dois dire qu'elle me manque énormément.

- Ne m'en dis pas plus. Tu aimerais qu'elle vienne à l'appartement?

- Tu es devin? lui dis-je en souriant. En fait, je me demandais si elle pouvait rester dormir une nuit avec moi. On dormirait dans le même lit et tu ne verrais même pas qu'elle est là.

- Tu ne dois même pas me poser la question. Elle est la bienvenue quand tu veux.

- T'es vraiment un amour, merci.

Je suis tellement contente que je l'étreins et lui embrasse la joue. Après cinq minutes de ce traitement, il se recule et m'interpelle

- Comment ça s'est passé avec la mère de Tom?

- Étonnement, très bien. Elle s'est excusée de n'avoir rien vu et a même traité son fils de crétin. Apparemment, j'ai une alliée supplémentaire.

- Quel retournement de situation. Je crois que je vais bien l'aimer, me dit-il avec un grand sourire. Comment vous vous organisez pour Sylvie?

- J'irai la chercher et la ramener chez elle. Mireille attend que je lui donne mon feu vert pour tout arranger de son côté.

- Et le feu vert, c'était moi j'imagine?

- Tu as tout compris.

- Dépêche-toi de la prévenir alors. Tu veux faire ça quand?

- Ce week-end ça irait?

- Parfait. Bon, je vais manger sinon je n'aurai pas le temps. Je te retrouve tout à l'heure.

- Bon appétit. À tout à l'heure et encore merci.

Je m'en vais plus légère. Arrivée à mon bureau, j'envoie le message à Mireille, un large sourire sur le visage. Je vais enfin revoir mon petit cœur. Mes pensées vont directement à Lucas. Que fait-il? Comment se sent-il? Même s'il le cache, je sais qu'il ne va pas bien et que son inaction le bouffe de l'intérieur. C'est un homme d'action, de terrain et être terré ainsi le tire vers le fond. Je ne me fais pas d'illusions, dès qu'il sera remis sur pieds il repartira sur le front, son équilibre en dépend. Ça me fait peur mais d'un autre côté, qui serais-je pour l'en empêcher? Je suis bien placée pour savoir qu'il est dur de trouver sa place et la sienne est à l'armée. De plus, je suis juste de passage dans sa vie, même si quelque chose se passe entre nous. Je serais l'être le plus égoïste qui soit si je lui demandais de choisir entre sa vocation et moi. Mais je ne vois pas pourquoi je m'emballe à ce sujet. Au stade où nous sommes, je ne dois même pas rentrer dans l'équation. D'ailleurs, qu'est-ce que je représente pour lui? Peut-être juste la personne à laquelle il se retient pour ne pas sombrer... tout comme il est la mienne.

Les heures de travail défilent entre rendez-vous, dossiers et coups de téléphone. L'heure de partir arrive enfin. Décidée à profiter du beau temps, je me promène dans le parc dans lequel j'étais tout à l'heure. Être restée enfermée si longtemps m'a permis de me rendre compte à quel point j'aime me promener dans la nature, respirer l'air frais, admirer la beauté des arbres et des fleurs qui m'entourent. La terre et tous ses trésors me permettent de me ressourcer et de me reconnecter avec moi-même. Mes problèmes personnels me l'avaient fait oublier. Je m'arrête dans une petite clairière, fascinée par une petite fontaine en pierre, entourée de fleurs de toutes les couleurs et de galets blancs. Je m'assieds pour admirer le spectacle qui s'offre à moi. Le vase ancien d'où l'eau jaillit n'a rien perdu de son charme malgré le temps qui passe, celui-ci laissant ça et là de la mousse et de la pierre un peu effritée. Le bruit de l'eau m'apaise et m'emporte dans un monde de rêve, loin de la vie torturée qui est la mienne.

Le silence est brisé par quelqu'un qui m'appelle. Tout d'abord perdue, je me demande qui peut bien me chercher ici. Personne ne sait où je me trouve, enfin c'est ce que je pensais jusqu'à maintenant.

- Audrey?

Non non non et non. Je ne veux pas qu'il gâche cet endroit. Je me lève d'un bon et vais à sa rencontre, voulant laisser ce lieu intact, sans ondes négatives. Arrivée à sa hauteur, bien loin de cette clairière, toute ma mauvaise humeur revient. À moins que ce soit ma lassitude je ne sais pas.

- Qu'est-ce que tu fais ici? Et puis, comment tu sais où je suis?

- Je voulais te parler mais tu ne me réponds jamais.

- Tu ne m'as toujours pas dit comment tu as fait pour me retrouver.

- ...

- Tom, réponds-moi avant que je ne pète un câble.

- Tu te rappelles que nous avions laisser notre localisation sur nos portables au cas où un problème se présentait... me demande-t-il gêné.

- Tu n'as pas oser me pister avec le GPS quand même?

- C'était la seule solution. Personne ne savait où tu étais

- Pour la simple et bonne raison que je ne voulais pas qu'on vienne m'embêter.

Il a le bon goût de paraître contrit tandis que mon agacement augmente de plus en plus.

- Tu me veux quoi exactement?

- Je veux que tu me laisses une chance.

- Ah non, n'y pense même pas. En plus, je sais de source sûre que tu es toujours avec Isabelle. Ne compte pas sur moi pour reprendre la vie commune. C'est hors de question.

- Je n'ai pas la même confiance en elle qu'en toi. Je me rends compte que ce que nous avions avant était précieux.

- Tu as utilisé le bon terme «était», au passé. Tu m'as blessée, humiliée, oubliée! Comment peux-tu t'imaginer une seule seconde que je vais te laisser revenir dans ma vie?

- Je t'en prie. Je ferai tout pour me faire pardonner.

- Tu n'as pas l'air de comprendre que je suis passée à autre chose.

- Sylvie serait tellement heureuse de nous revoir tous les deux ensemble.

Je n'y crois pas! Il ose se servir de Sylvie pour me récupérer. Mon agacement se transforme peu à peu en colère. Mon instinct maternel prend le dessus et j'ai envie de sortir les griffes.

- Tu es un beau salaud. Tu te rends compte que tu veux utiliser une gamine de cinq ans, notre fille, pour me récupérer? Tu es pathétique.

- Je ferai tout pour que tu reviennes.

- Et bien je te souhaite bien du plaisir parce que tu te battras tout seul. Je commence seulement à me relever. Je ne vais sûrement pas te laisser gâcher les efforts que j'ai fait jusqu'à présent pour reprendre ma vie en main.

- Je pourrais t'interdire de voir Sylvie...

- De mieux en mieux, dis-je avant de rire. Tu peux toujours essayer tu n'y arriveras pas. En plus si tu crois que je vais m'incliner face à ton chantage, c'est que tu me connais bien mal.

- Je n'ai pas dit mon dernier mot, me crache-t-il, furieux.

- Retourne auprès d'Isabelle, vous ne valez pas mieux l'un que l'autre.

Sur ce, je le laisse planté là en plein milieu du parc, totalement abasourdie par ce type. Mais qu'est-ce que j'ai pu lui trouver?

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Audrey reprend du poil de la bête mais Tom revient... Il rêve beaucoup je crois.

A vos claviers, j'attends vos réactions avec impatience.

Chapitre corrigé le 10/10/18.

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