Point de vue de Lucas

La bonne humeur me suit depuis qu'elle m'a téléphoné. C'est bête mais ça m'a donné un coup de boost pour la suite. Cependant, elle ne m'a plus donné signe de vie depuis et un mauvais pressentiment me taraude. S'il s'était passé quelque chose, je présume qu'elle m'aurait contacté.

Ma rééducation se passe bien et je pourrai bientôt marcher avec des béquilles. J'ai vraiment hâte de me déplacer sur mes deux jambes. Pour l'instant, le fauteuil roulant est devenu mon meilleur ami mais je ne m'en plains pas quand je vois d'où je viens. Franck aussi va beaucoup mieux et fait beaucoup de progrès mais mon petit doigt me dit que le retour de Gabriella n'y est pas pour rien. Elle n'est pas encore revenue à temps plein et a toujours des blocages par rapport à l'endroit où elle s'est faite agressée mais elle progresse petit à petit. J'ai enfin eu l'occasion de la rencontrer il y a quelques jours, il était temps.

J'étais en peine séance avec le kiné quand quelqu'un a frappé à la porte, ce qui est étonnant vu qu'ici, tout le monde rentre et sort comme dans un moulin. Une jeune femme est entrée et nous a salué. Elle était petite avec de longs cheveux châtain.

«Flash-back

- Bonjour, je suis Gabriella, nous dit-elle avec un grand sourire. Vous devez être Allan, le nouveau kiné? demanda-t-elle en se tournant vers mon compagnon.

- Effectivement, ravi de vous rencontrer, lui répondit-il en lui serrant la main. Et je vous présente Lucas.

- Bonjour Lucas. Je suis navrée d'avoir manqué votre arrivée, j'étais censée vous accueillir mais j'ai eu un contre-temps.

- Bonjour. Ne vous en faites pas, on s'est bien occupé de moi.

- Je sais qu'on ne se connaît pas mais ça vous dérange si on se tutoie? J'ai horreur du vouvoiement.

Elle me plait déjà. Je commence à comprendre pourquoi elle est tant appréciée ici.

- Avec plaisir, je n'aime pas ça non plus, lui répondis-je en souriant.

- Ça ne me dérange pas du tout, répondit Allan en même temps.

- Génial. Écoutez, vu les commères du centre, vous avez probablement entendu parler de ce qu'il s'est passé avec votre prédécesseur, dit-elle en nous regardant, je ne rentrerai donc pas dans les détails. Sachez cependant que je vais faire tout mon possible pour récupérer tout le travail que j'ai manqué. Mon horaire a temporairement été réduit à quelques heures par jour mais n'hésitez pas à venir me trouver si vous avez besoin d'aide, pour quoi que ce soit. D'accord?

- Entendu, répondit Allan.

- Merci Gabriella et bon retour, lui répondis-je.

Elle me regarde avec un sourire hésitant puis s'en va en nous saluant.

Fin du Flash-back»

Elle vient nous voir tous les matins depuis et reste de plus en plus longtemps au centre, pour le plus grand plaisir des résidents. Ils sont pourtant encore sur leurs gardes, attendant le moment où elle reprendra les séances de l'après-midi. En effet, en dehors de la tournée du matin, elle reste murée dans son bureau. Je sais que les résidents s'y rendent pour la voir mais ça s'arrête là.

Nous sommes rassemblés dans la salle commune comme tous les après-midi. Julien mène la discussion sous la bonne humeur de tout le monde quand notre attention est attirée vers la porte de la salle. Curieux de savoir qui arrive, il se retourne et un large sourire se forme sur son visage. Gabriella est arrivée et est partie s'installer discrètement aux côtés de Franck, sous le regard bienveillant de Julien qui continue comme si de rien n'était. La séance se termine, suivie d'une belle mêlée, tous les plus anciens voulant parler avec la jeune femme. Pour ma part, je préfère me tenir un peu à l'écart avec les autres, ne la connaissant pas assez pour participer à ce joyeux brouhaha. Je me contente de l'observer de loin. Elle lance de fréquents coups d'œil du côté des salles et Franck n'a visiblement pas loupé son manège parce que je vois qu'il lui parle et qu'elle acquiesce à sa proposition. Quelques secondes plus tard, ils se dirigent vers le couloir bientôt suivis par les autres. Étant de nature curieuse, je me dirige dans la même direction afin de découvrir leur destination. Gabriella est arrêtée devant la salle qui vient d'être rénovée, une expression de peur sur le visage. Encouragée par les autres, elle y entre, rapidement rejointe par Franck et Julien. Je ne sais pas ce qu'il se passe mais peu de temps après, elle en ressort le sourire aux lèvres et une nouvelle détermination dans le regard.

Après ça, une tension que je n'avais pas l'impression de ressentir a disparu chez toutes les personnes présentes. C'était un cap à passer apparemment. J'aimerais tellement que ça s'arrange aussi pour Audrey. Je regarde mon portable mais toujours aucune nouvelle. Mon instinct me dit de l'appeler, qu'elle a besoin de moi. Je roule donc jusque ma chambre pour être plus à mon aise et compose son numéro. À ma grande déception, je tombe sur son répondeur et malgré mon aversion pour ces machines, je lui laisse un message très court:

«Audrey, c'est Lucas. Je viens un peu aux nouvelles. Je commence à m'inquiéter pour toi. Rappelle-moi quand tu auras ce message, peu importe le moment.»

Que peut-elle faire? Avec qui? Épuisé par ma journée, je fais un dernier effort pour me mettre sur mon lit à la force de mes bras. Bien installé, je laisse mes pensées vagabonder en regardant par la fenêtre. Le temps est à l'orage: le ciel est gris foncé presque noir et les nuages avancent vite, signe d'un vent fort. La pluie ne tarde pas à se mêler à cette danse macabre n'améliorant en rien mon pressentiment. Mon portable sonne en même temps qu'un éclair jaillit du ciel ce qui me fait sursauter. Ne faisant pas attention à l'appelant je décroche immédiatement dans l'espoir que ce soit Audrey mais je suis vite déçu en entendant une voix masculine.

- Bonjour, je souhaiterais parler à Lucas Simons.

- C'est moi-même. Qui êtes-vous?

- Je m'appelle Olivier. Je suis un ami d'Audrey.

- Elle va bien? Pourquoi ce n'est pas elle qui m'appelle? Elle n'a rien tenté de stupide au moins? demandais-je paniqué.

- Ne vous inquiétez pas, elle va bien. Du moins aussi bien qu'elle le peut. Elle n'est pas capable de parler au téléphone pour l'instant et m'a demandé de vous appeler.

- Pourquoi? Que se passe-t-il?

- Elle traverse quelques jours un peu difficile. Elle s'est séparée de son compagnon et elle a un peu de mal à s'en remettre.

- Je sentais que quelque chose n'allait pas. Vous êtes l'ami qui l'a recueillie la dernière fois je présume?

- Effectivement, c'est moi. Rassurez-vous elle est en sécurité ici, je veille sur elle avec un autre de nos amis.

- Qu'est-ce que je peux faire? lui demandais-je légèrement rassuré.

- Je dirais être présent pour elle même si c'est par écrit, ça lui ferait le plus grand bien. Vous êtes la seule personne dont elle parle et qui parvienne à lui redonner le sourire.

- Très bien, je lui écrirai dès que nous aurons raccroché. Je lui envoie à l'hôpital?

- Non, elle n'ira pas cette semaine. Je vais vous donner mon adresse, de toute façon, elle va vivre ici quelques temps.

- Ok, je prends de quoi noter.

Après avoir écrit ses coordonnées, je raccroche, inquiet. J'ai besoin de la voir mais comment m'y prendre? Une idée me vient. J'appuie sur le bouton d'appel. Quelques minutes plus tard, Rose arrive.

- Oui Lucas?

- J'ai besoin de parler à Gabriella, c'est urgent. Elle est encore là?

- Je ne sais pas, je vais voir. Je reviens.

L'impatience me gagne et je commence à trouver le temps long quand Rose réapparaît.

- Elle est rentrée chez elle mais comme c'était urgent, je l'ai contactée sur son portable. Elle m'a donné l'autorisation de te donner son numéro. Tu n'as plus qu'à la contacter, me dit-elle en me tendant un bout de papier.

- Merci, je te revaudrai ça.

- Avec plaisir Lucas.

Elle est à peine partie que j'appelle la jeune femme.

- Allo?

- Gabriella? C'est Lucas.

- Oui Rose m'a prévenue, me dit-elle d'une voix fatiguée. Elle m'a dit que c'était urgent.

- C'est un peu compliqué mais tu m'as dit que si j'avais besoin d'aide je pouvais toujours te le demander.

- C'est vrai. Explique-moi, je verrai ce que je peux faire.

- Tu es sûre que ça va?

- Oui quelques ennuis personnels mais ça ira. Je t'écoute.

Je lui décris la situation et lui expose mon idée. Je croise les doigts pour que ce soit possible.

- Ça doit être faisable. Je dois en parler à mon compagnon, il aura peut-être une idée. Je te rappelle après.

- Merci pour tout.

- Je n'ai pas encore la solution, me dit-elle rieuse.

- Je sais mais tu es là c'est déjà beaucoup.

Pourvu que ça fonctionne. Autant me reposer un peu, si ça se fait, j'aurai besoin de force et d'avoir l'esprit clair.

La sonnerie de mon téléphone me fait sursauter. J'espère que c'est Gabriella. Anxieux, je décroche.

- Allo?

- C'est Gabriella. Écoute, ça n'a pas été facile mais nous avons peut-être une solution.

- Je suis toute ouïe.

- Un ami de Logan possède une camionnette et est libre ce soir. Il propose de t'emmener là-bas et de te ramener au centre après. Il faut par contre avoir l'accord de Julien parce que c'est une situation plutôt inédite.

- Merci, je lui demande tout de suite. Il pourrait être là dans combien de temps?

- Je dirais une demi-heure.

- Très bien, je m'arrange avec Julien et je t'envoie un texto pour confirmer.

- Ok, j'attends de tes nouvelles.

- Merci Gabriella.

- Avec plaisir.

L'appel est à peine terminé que j'appelle de nouveau Rose. Elle va se dire que je sonne souvent ces temps-ci mais je m'en moque.

- Et bien Lucas, tu nous aimes tant que ça? me dit-elle en riant.

- Je vous adore tu le sais bien, lui dis-je en lui faisant un clin d'œil. Est-ce que tu peux demander à Julien de venir, s'il te plaît?

- Laisse-moi deviner, c'est urgent?

- Tu as tout compris ma belle.

- Ça tombe bien, il est dans le couloir. J'y vais tout de suite.

Deux minutes plus tard, il arrive, intrigué.

- Alors de quoi veux-tu me parler de si urgent?

- J'ai une faveur à te demander. J'ai une amie qui va très mal, elle a déjà failli se suicider il y a quelques jours et là, elle ne veut pas répondre au téléphone.

- Quelle est cette faveur?

- J'aimerais aller jusque là, elle a besoin de moi. Au moins pour quelques heures et après je rentre directement ici.

- Et comment tu comptes y aller?

- Je me suis renseigné auprès de Gabriella, un ami de son compagnon peut venir me chercher en camionnette et me ramener. Elle n'attend que ton feu vert.

- C'est un cas exceptionnel j'en conviens. Si ce n'était pas avec un ami de Gaby, je ne t'aurais pas laissé y aller mais vu l'urgence, je te donne l'autorisation, à condition que tu fasses très attention et que tu reviennes avant minuit. Je préviendrai l'équipe de nuit.

- Merci, je te revaudrai ça.

Il s'en va me laissant l'opportunité d'envoyer le texto à Gabriella. La nervosité me gagne, j'ai besoin de la voir et de me rassurer mais comment réagira-t-elle?

Comme promis, une demi-heure plus tard, la camionnette était là. Le temps d'embarquer grâce à l'aide de Trevor, et nous étions en chemin pour l'appartement de l'ami d'Audrey. Dans une demi-heure je serai chez toi ma belle.

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Vous êtes gâtés... Pour terminer le week-end, le chapitre suivant.

Qu'en pensez-vous? Le retour de Gabriella dans l'action, l'idée tout à fait inédite de Lucas...

J'attends vos réactions ;-)

Chapitre corrigé le 10/10/18