24 Avril 2023,

Cher inconnu / Chère inconnue / Cher·e inconnu·e,

Je ne sais pas qui tu es, ni comment tu te genres, alors je mets les trois, pour ne pas blesser.

Je ne sais pas comment tu as trouvé cette lettre non plus, d'ailleurs. Si tu décides de répondre, j'espère que tu me le diras, un jour.

J'écris cette lettre à la brise en espérant qu'elle sera découverte par quelqu'un, quelqu'un qui accepterait de lire ces quelques lignes maladroites que je couche sur le papier pour oublier que je suis seule.

Je m'appelle Harmonie. C'est un joli nom, mais je ne le porte pas bien. Je n'harmonise rien du tout. Je n'ai rien à mettre en ordre et en accords, sauf peut-être mes sentiments. C'est pour ça que je les notes partout où je peux, que j'ai décidé de tout mettre dans une lettre. En espérant faire une belle rencontre au gré du vent.

J'ai dix-huit ans. Au lycée, je n'ai aucun ami, aucun bon camarade. Et c'est compliqué, de voir que les autres ne m'aiment pas juste parce que j'ai des facilités en cours. J'apprends et je retiens facilement, et j'aime travailler. Ce qui me conduit souvent en tête de classe, et les autres sont jaloux, je le ressens presque. J'interprète toutes leurs émotions assez facilement, je remarque des petits détails que personne ne voit, j'entends le moindre mot. J'ai l'impression que l'on se met à crier dès que l'on hausse un peu le ton, d'ailleurs, c'est très désagréable. Et l'empathie qui va avec n'est pas vraiment facile à vivre.

Je pense souvent à tout ça, à toute ma solitude, toute ma différence, toute ma peur. Surtout quand il pleut à torrents sur la ville en-dessous de moi, comme aujourd'hui. Ces jours-là, je me blottis contre la fenêtre, avec un plaid et un chocolat chaud, et j'attend que l'orage passe, tant dehors que dans ma tête, que mes pensées en pagaille se calment avec la pluie.

Les immenses gratte-ciels tout autour de moi donnent une étrange sensation... Comme une cage qui voudrait se libérer. Je ne sais pas d'où tu viens, lecteur, lectrice, lecteur·ice, je ne sais pas si tu peux voir aussi bien que moi toutes ces tours vers les nuages. J'habite dans l'une d'elles, presque au sommet. Quand j'étais petite, je trouvais ça génial, on était au-dessus de beaucoup, on pouvait voir énormément de choses. Maintenant... Je trouve que ce n'est qu'une distance de plus avec les autres, et parfois, j'ai eu envie de franchir la rambarde. Pas pour mourir, pas forcément. Mais pour savoir ce que ça fait. Une ou deux fois, j'y pensais en me disant que la solitude était trop lourde. Personne ne me parle, sauf les profs, et... Je sais que ça convient pour certains, mais moi, c'est loin d'être assez.

Non, là, ça va. Je vais mieux qu'au moment où j'ai pensé à ça pour mourir, pas pour sauter. Je suis toujours seule, j'ai toujours besoin d'amis, mais je supporte l'école.

Et j'écris.

Des pages et des pages.

Mes pensées, des poèmes, des fanfics, des romans, des nouvelles, des réflexions semi-philosophiques, semi-poétiques, des théories. Tout ce qui me passe par la tête, je m'en débarrasse sur le papier, ou presque. Les feuilles sont mes amies, mais j'aimerais un cœur qui puisse répondre... Aucune chance avec cette lettre, la seule.

J'attendrai toujours une réponse, au fond de moi, comme un naufragé qui lance une bouteille à la mer, mais je sais qu'il n'y a aucune chance que quelqu'un trouve ce bout de papier où j'enroule mes idées.

La pluie commence à se calmer. Et je n'ai presque plus d'encre dans ma cartouche. Je vais y aller. C'est apaisant d'écrire ainsi...

Merci d'avoir lu jusqu'ici et j'espère à bientôt,

Harmonie Starlight