Aube
3 mai 2045
Chère personne,
Je m'appelle Aube. Aube Dagslys. À prononcer « Dasslis ». Ça vient du Danois, ça veut dire « Lumière du jour ». Oui, on peut dire que mes parents ont un humour... Douteux.
Ça peut paraître un peu bizarre d'écrire une lettre comme ça, sans destinataire, mais pour moi ça a du sens. Je n'ai aucune difficulté à me faire des amis, mon humour, ma bonne humeur et mon ouverture d'esprit attirent les gens. Mais écrire dans le vide en espérant que la lettre trouve quelqu'un, c'est différent. Beaucoup de mes camarades me ressemblent, vivent dans le même contexte que moi, plutôt favorisé, dans les tours de la grande ville, dans des familles traditionnelles. Et là, j'espère que quelqu'un de vraiment différent trouvera ma lettre.
C'est une idée de Maman. Il y a un peu plus de vingt-deux ans, elle se sentait extrêmement seule au lycée, alors elle a décidé de confier ses sentiments au vent pour que le hasard, ou la Providence peut-être, lui trouve un ami.
Et ça a marché ! Wilfred, mon tonton de cœur, a trouvé la lettre. Ça faisait au moins deux jours qu'elle errait dans le ciel, il l'a récupérée pour ne pas laisser un papier traîner, il l'a ouverte par curiosité. Et il a décidé de répondre. Plusieurs fois, il nous a expliqué que, sans cette lettre, sans la possibilité de s'échapper, de découvrir une autre vie, de trouver une amie, il n'aurait probablement pas survécu au collège.
Ils se sont sauvés l'un l'autre, et c'est le plus beau duo d'amis que j'ai jamais vu ! Ils ont tellement en commun, et tellement de différences, ils s'entendent si bien, c'est magnifique. Ils ont énormément de délires, de blagues qui n'appartiennent qu'à eux, et Papa et moi sommes souvent perplexes. Mais ça fait partie d'eux, et nous les aimons aussi pour ça.
Mes parents se sont rencontrés à l'université, en deuxième année. Après un an de prépa, Maman a tout lâché et est venue « s'enterrer dans une licence perdue », d'après ses propres mots. Là, il n'y avait que des gens un peu atypiques, avec des centres d'intérêt différents, et qui ne jugeaient personne. Elle est très vite devenue amie avec la vingtaine d'étudiants de la promo, et notamment Alexjander (le j se prononce i), mon père. Et avec Cam, dont elle est encore très proche. Cam, iel a deux ans de moins que mes parents, deux ans accumulés en sautant le CP et la sixième. Autant dire qu'iel comprenait très bien le problème d'être « l'intello » de la classe.
Quand Maman parle de cette période, on peut voir les étoiles briller dans ses yeux, et je ne peux m'empêcher de les admirer, ses yeux verts si purs.
Je ne connais pas vraiment tous les problèmes qui ont torturé Maman, Cam, Wilfred, et même Papa, qui a dû quitter définitivement son Danemark natal à seize ans, et venir en France. Il a mis longtemps à comprendre, et encore plus à s'intégrer.
Je n'ai que douze ans. Je l'ai dit, j'ai des amis. Je ne suis pas dans les premières de classes, je ne l'ai jamais été, mais je ne suis pas dernière non plus. Moyenne. J'ai les yeux vairons, un vert et l'autre bleu, et ça fascine les gens. J'ai hérité du roux-brun de ma mère. On n'arrête pas de me dire que je suis jolie, mais je pense que c'est surtout grâce à mon sourire. Je souris tout le temps, même quand je pleure j'essaie de sourire. Parce que je crois, au fond de moi, qu'un sourire, s'il est partagé, peut changer le monde.
Je suis curieuse, rêveuse, et j'ai volé à mon père la capacité d'avoir les idées les plus farfelues.
De mon « oncle », j'ai appris à aimer qui je suis quoi qu'il arrive, et à ne pas porter d'attention aux méchancetés des autres. Bien faire et laisser dire. Il l'a appris à la dure, harcelé au collège pour son orientation... Mais il s'est relevé
De Cam, je tiens l'obsession pour la musique, l'envie de jouer. Iel m'a appris la guitare, et parfois, j'écris des chansons. C'est compliqué, parfois, de retrouver les mots pour dire ce que je ressens, ce que je veux faire passer, alors je mélange les langues. Français, Anglais, Danois... C'est plus facile. Et dans les commentaires de mes vidéos YouTube, où je poste mes chansons, beaucoup ont dit que ça donnait une dimension extraordinaire.
Je sais que cette lettre ne trouvera probablement pas de destinataire, mais... C'est important pour moi de l'écrire. C'est comme une tradition, que je veux conserver. Ce n'est pas aussi habituel que la musique, c'est un peu sortir de ma zone de confort, mais c'est... Amusant. En quelque sorte. J'aime tester de nouvelles choses.
Et puis, t'écrire, cher·e inconnu·e, ça me permet de penser à autre chose que les disputes entre mes amies Alizée et Marguerite. Je n'arrête pas d'essayer de les concilier, mais... Ça ne marche pas. En plus, elles ne se détestent pas, c'est ça le truc, elles tiennent énormément l'une à l'autre. Et elles sont incapables de se parler sans se disputer. C'est insupportable, surtout qu'elles envoient des signaux complètement contradictoires, à la fois elles détestent se disputer, et surtout dire du mal à l'autre, et à la fois, elles adorent cette rivalité. Ça n'a aucun sens ! J'essaye de tempérer parce que je tiens beaucoup aux deux, mais je suis un peu à court d'idées... Lecteur·ice, si tu as des idées, n'hésite pas à me répondre !
Désolée de t'embêter avec ça, tu n'en as sans doute rien à faire, et tu dois avoir tes propres problèmes... Même si on les cache, tout le monde a des problèmes, à des échelles différentes, qui nous blessent ou pas. J'aime beaucoup aider, et écouter, alors si tu veux te confier à une inconnue (je sais que c'est plus facile parfois), je serai toujours là.
C'est amusant d'écrire ainsi... Je crois que j'ai dis ce que j'avais besoin de partager au vent... Merci de m'avoir lue,
Aube Dagslys
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