l'écriture

10.11.24/11.11.24


Salut David,
Tu sais, décider de t'écrire des lettres, ce n'était pas un hasard. C'était simplement le signe que j'étais enfin prêt·e à rentrer à la maison. Chez moi, dans ma tête, sur les mots et au travers ma prose. Je n'ai pas commencé de nulle part. Ç'a été le déclic pour enfin commencer à sortir de mes tripes la boule toute nouée qui a grandi en moi pendant ces quatorze mois où je n'ai presque pas touché au stylo ou au clavier pour extérioriser. Merci, David.

Tu sais, l'écriture et moi, ça a toujours été une évidence. Avec la danse, c'est la seule chose qui a toujours été une constante dans mon existence, du plus loin que je me souvienne. Je danse depuis que je sais mettre un pied devant l'autre, et j'ai commencé à écrire avant même de former les mots. J'ai écrit des centaines, peut-être même des milliers de poèmes, je découvrais à peine les phrases et les subtilités de la langue et rien n'avait vraiment de sens. Un beau fouillis source d'éclats de rires inarrêtables lorsqu'au détour d'un égarement je retrouve ces textes. Dès mes six, peut-être sept ans, j'ai commencé à inventer mes récits, à les illustrer, à imaginer des histoires de plus en plus longues et des univers de plus en plus définis, nets. Je traçais les contours de l'imaginaire timidement, observant des millions d'idées fuser à la seconde comme une pluie d'étoiles filantes ou de météorites.

Puis j'ai petit à petit découvert tout un monde, un monde plus grand, plus adulte, de nouvelles possibilités, remodeler l'existant et trouver un nouveau sens, partager un peu de son univers avec le reste de celui-ci. Les poèmes continuaient de me suivre comme un murmure, toujours présents en arrière-plan. C'est peut-être grâce à eux que mon adolescence a été adoucie, que l'amorphe et la solitude ont été plus supportables avant que j'arrive à en faire des ami·es fidèles.

Une prof m'a dégoûté·e des mots, portant le coup fatal et marquant le début de cette foutue période de quatorze mois. Elle n'en est pas la principale responsable, mais son rôle était grand. Je me suis simplement laissé·e emporter, je n'ai pas vraiment cherché à résister. C'était trop. J'ai trop peu d'énergie pour ce genre de trucs. C'était sans doute par facilité. C'est la petite goutte qui m'a définitivement convaincu·e de presque tout mettre sur pause. Foutu bac de mes deux.

Mais l'écriture, j'en ai découvert les zones d'ombres en tentant d'aller fouiller sous ses plis factices. Après que ce que je croyais être une histoire d'amour se soit explosé en un million de petits morceaux, les acouphènes m'ont coupé du murmure attirant des mots. C'est quand même con. C'est le seul moyen que j'ai de vraiment extérioriser mes émotions, et je n'ai pas pu le faire alors même que c'était une des périodes les plus intensément tumultueuses de ma vie. Ouvrir les yeux petit à petit sur tout ce qui n'allait pas n'a pas été simple. Il y a encore plein de choses dont je n'ai pas connaissance, mais le cap a fini par être passé : je ne suis même plus surpris·e de rien.

Je me suis raccroché quelques temps au dicton l'amour rend aveugle sans trop savoir ce qui m'empêchait de m'y fondre complètement, ce qui m'y dérangeait, mais maintenant je sais : ce n'est pas l'amour qui rend aveugle, c'est le mensonge.

Je suis en colère que mon seul moyen de me raccrocher à moi-même m'ait été enlevé par la violence de l'impact. Tu es ma tentative de l'apprivoiser de nouveau. Désolé·e de t'utiliser à des fins égoïstes, David. Tu mérites sûrement mieux que les lettres désordonnées d'un·e fantôme un peu paumé·e, mais j'essaie de trouver un repère. J'espère que tu ne m'en voudras pas. Tu n'es pas obligé de les lire, de toute façon.

Merci David.


quelqu'un·e

PS : je me demande si tu as déjà vu Starmania, étant donné que le personnage de Ziggy a été inspiré par Ziggy Stardust, et qu'il était fan de toi. Cette question me hante. Mais bon, tu pourras jamais me répondre. C'est plus possible.

Tu vois, cette tendance à tout rationnaliser qui revient sans cesse ? Je peux même pas écrire sur la partie de délire dans ma tête sans chercher à gâcher la fantaisie en rameutant l'inéluctable réalité. Je ne suis même pas foutu·e de faire semblant de parler à un vieux copain ne serait-ce que quelques instants. Je ne suis pas très drôle, David. C'est pas quelque chose qui fait vraiment partie de moi. Mais je vais essayer de lâcher prise, promis. C'est quelque chose que je n'ai jamais réussi à faire concernant mes pensées, concernant le monde qui grouille sous mon crâne. Je ne suis même pas sûr·e de savoir comment faire. Ne voudrais-tu pas me donner quelques pistes, David ?

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