-Tristan,attends moi!

Anatole courait aussi vite que ses petites jambes le lui permettaient.Devant lui,son grand frère se moquait de sa lenteur tout en continuant de le semer.

-Tristan!

Le petit Anatole suppliait presque son frère pour qu'il s'arrête.Il avait tellement de chose à lui dire!Ça faisait deux mois que les deux frères ne s'étaient pas vu.Mais Anatole devait surtout montrer à Tristan les lettres.Ces lettres là.

-Tristan!pleurnicha encore le petit garçon.

-Arrêter de pleurer,soupira son grand frère en s'arrêtant.

Anatole fondit alors sur son grand frère,nouant ses petits bras autour du torse de Tristan.Surpris,l'aîné se laissa pourtant faire,enlaçant lui-même son cadet.Il posa ensuite ses mains sur les épaules de son petit frère et se mit à sa hauteur.

Les petits yeux larmoyants d'Anatole émurent légèrement Tristan.

L'aîné savait en effet combien il avait dû être dur pour l'enfant d'à peine six ans de vivre en ce moment seul avec leurs parents.Tristan commençait presque à regretter d'être partit en internat,abandonnant son frère au milieu de son père et de sa mère furieux.Trop petit,Anatole ne comprenait pas pourquoi.

Pourquoi papa et maman se criaient dessus?

Chaque fois,il venait chercher du réconfort près de son grand frère,ne supportant pas de voir ses parents se disputer.Mais Tristan,du haut de ses quinze ans,avait compris.Il était question de sa mère.Il paraît qu'elle était enceinte,mais son père était persuadé de ne pas être celui de l'enfant qu'elle portait.Sa mère soutenait que l'enfant était de lui et ces débats menaient aux cris le plus souvent.

Et Tristan avait lâchement fuit.Il avait préféré le calme de l'internat en abandonnant son petit frère aux cris de son père,aux larmes de sa mère.Cela,il se le reprochait.Anatole avait dû vivre deux mois comme ça,sans comprendre.Sans comprendre que le divorce était proche.

Tristan l'avait compris.

Son amie Karine lui avait raconté les incessantes batailles entre ses parents pour savoir qui allait avoir la garde de sa soeur et elle.Et Tadjou,son meilleur ami,lui avait expliqué le divorce de trois des soeurs de son père.A chaque fois,c'était la même chose.Des cris,des pleurs.Un des deux parents rentrait tard et quand l'un arrivait,l'autre disparaissait subitement.Ça finissait toujours en divorce.

Tristan avait remarqué ces symptômes chez ses parents.Il savait que bientôt,Karine,Tadjou et lui pourraient parler de divorces en parfaite connaissance de cause.Et cela rendait le garçon terriblement triste.Il n'imaginait pas ses parents autrement qu'ensemble.

À chaque fois qu'il pensait à un sentiment heureux et familial,le regret prenait par de lui.Pourtant,ce n'était pas encore totalement fini.Mais l'espoir commençait déjà à le quitter.

Alors les larmes d'Anatole lui rappelaient que l'internat,c'était fini.

-Ana,qu'est-ce que tu veux?

De sa poche,le petit garçon extirpa lentement deux feuilles.Toutes deux soigneusement pliées.Tristan s'inquiéta un peu.

-Tu vas m'expliquer ou tu as trouvé ça.

Devant son grand frère,Anatole se balançait d'un pied sur l'autre en réfléchissant si il devait ou non se confier à Tristan.

-Ana!

-Maman elle voulait pas que papa lise ça et papa voulait pas que maman lise ce qu'il écrit.Alors j'ai imprimé le mail de maman et j'ai piqué la lettre à papa.

-Mais en encore?

-Tu peux me les lire?termina Anatole en tendant les papiers à son frère.

-Te les...Attends!On ne prends pas des lettres comme ça!

-T'as pas envie de savoir ce qui est écrit?

Bien sûr que si.Tristan mourrait d'envie de savoir ce que contenait ces lettres.Seulement,il avait peur.Qu'allait-il trouver?

Mais il attrapa les lettres.Au point où il en était...Il déplia soigneusement la lettre adressée à sa mère.

Florence,

Je n'en peux plus d'attendre.Et puis,pourquoi soutenir à ton époux que cet enfant est le sien,tu sais comme moi que c'est le mien.Prends vite une décision et viens me rejoindre.Envoyez des mails de L'Espagne à la France coûte cher.

Tu me manques,

Sacha

Tristan cligna des yeux.Savait-il encore bien lire?Non,ce n'était pas ça.Le mail était une illusion d'optique.Oui,une illusion d'optique.C'était entièrement faux.Totalement.

Alors pourquoi.

Pourquoi se sentait-il trahi?Désappointé?Sur le point de tout lâcher?De fondre en larmes?

Pourquoi une ronce enserrait-elle son coeur,le blessant?Sa respiration accélérait?Son sang bouillait?

Pourquoi détestait-il soudain l'Espagne?L'enfant que portait sa mère lui était insupportable?Cette lettre le brûlait?

Pourquoi avait-il si mal?

Peut-on être trahi par sa propre mère?

Oui.

Sa mère...sa mère...Sa mère si gentille,douce et attentionnée.Passionnée par tout ce qu'elle entreprenait.Serait-elle tombée sous le charme d'un autre.C'était impossible...

Pourquoi tout son être criait à une explication alors qu'il savait que l'explication se trouvait entre ses mains.

Sa mère l'avait trahi.Elle leur avait planté un couteau.Elle partirait en Espagne rejoindre celui qu'elle aimait.Pourquoi s'encombrer de deux enfants?Quelle idiotie...

Voyant son grand frère les yeux dans le vide,Anatole s'inquiétait.Il était rare que Tristan montre autre chose que malice,rire et ennui.

-Titi,demanda le cadet,ça va?

-Oui,souffla Tristan,la voix enrouée.Donne-moi l'autre lettre,celle que papa a écrite.

-Tu me lira après?

Tristan ne répondit pas,se contentant de prendre la deuxième lettre.

Madame la Juge,

La lettre que je vous adresse est une suite aux précédentes.Pour le divorce,je souhaite ne pas avoir la garde de mes enfants.Tous en eux me rappelle ma femme.Autant leurs caractères que leurs physiques.Et avait deux enfants à charge et être seul,non merci.Je...

Étant donné que leur père était entrain de l'écrire,elle n'était pas achevé.Pourtant,Tristan se sentit de nouveau sur le point de ne plus réussir à respirer correctement.Il tourna vite le dos à son petit frère,essayant de se contrôler.

Il ne pouvait pas pleurer devant Anatole.Il ne pouvait pas lui montrer son désarroi.C'était son rôle de grand frère de le protéger.

Inspire.

Ainsi,sa mère trompait son père Et voulait partir en Espagne.Quant à son père,il voulait divorce mais il ne voulait pas d'eux.C'était l'Espagne où...famille d'accueil.

Expire.

Hors de question de partir.Il ne voulait pas s'en aller.Cette soudaine nouvelle lui fit si mal.Autant le divorce qu'il savait pourtant imminent que la trahison de sa mère.

Inspire.

Pourquoi leur faisaient-ils ça?Et les sentiments et envies de leurs fils dans tous ça?Ses parents s'en moquaient,leurs impressions passaient apparement avant.

Expire.

Son père qui riait en tenant la main de sa mère,sa mère le serrant contre elle lui et Anatole.Tout éclata.Tout s'envola.

Inspire.

Ces souvenirs furent remplacer par son mère riait avec un autre homme,son père seul contre la trahison de sa mère.Son frère et lui,abandonné de tout amour parental.

Expire.

Ne pas pleurer.Prendre les choses en mains.Ne pas laisser les adultes irresponsables sacrifier leur enfance sur les autels de l'adultère et de la trahison.S'occuper d'Anatole.

Tristan se retourna.Les larmes couleraient plus tard.

-Ces lettres ne sont pas importantes, Anatole.On appelle "Tate"?

-Oui!!!

Tristan sourit faiblement et chercha "Marraine" dans son répertoire.Agathe Monpassain.Sa marraine,la seule sur qui il pouvait à présent compter.Une femme qui avait toujours été là pour lui et le serait toujours.Une femme qui savait gérer les situations pareilles,une avocate.Elle les aiderait,ça ne faisait aucun doute.

Tandis que le bruit sourd de l'appel raisonnait,Tristan observait Anatole.Tout content à l'idée d'appeler "Tate",le petit riait,la malice se reflétait dans ses yeux.Tristan voulait que cet éclat reste dans sa yeux que jamais il ne les quittent.Il ne laisserait pas son frère sombrer dans la tristesse,il le sauverait.

-Allo Agathe?On a besoin de toi.

-Titi?Que ce passe-t-il pour que tu prenne ce ton?Tu es où?J'arrive!

A ce moment là,Tristan sut qu'ils avaient trouver une échappatoire,Agathe ne les laisserait pas tomber.Il veillerait sur son frère.Anatole ne perdrait pas son sourire à cause des idioties de leurs parents.Jamais.