J'aurai aimé que tout soit simple
Les mains tremblantes et frêles,elle tira sur la poignée du tiroir.Ce tiroir si important à ses yeux.Ce tiroir qui représentait ce qu'elle avait de plus précieux au monde.
Elle savait déjà ce qu'il y avait dedans,une lettre qui lui était destinée.Une lettre qu'elle avait lu des centaines de fois.Elle en connaissait tout les mots,toutes les tournures.Et,à chaque fois,elle lisait la lettre quand elle était désespérée.Quand elle ne voulait plus vivre,elle la lisait pour se redonner du courage.
Cette lettre écrite il y a maintenant plus de vingt ans.Plus de vingt ans quand l'expédiant avait encore la capacité d'écrire.Aujourd'hui,il ne le pouvait plus.La femme déplia alors cette lettre comme on déplie une missive du roi.Avec délicatesse et respect.Elle récita ensuite à voix haute ce qu'elle connaissait par cœur.Ce que ses yeux éteins ne lui permettaient plus de lire.
Joséphine,
Comme j'aurai aime t'écrire plus tôt.Avant ce terrible événement.Sache avant tout que ce que j'appose sur cette lettre est une décision mûrement réfléchi et qui ne souffrira d'aucun retour.
Tu sais combien je t'aime autant que je sais combien tu m'aime.Un amour sans faille depuis bientôt six mois.Mais tu savais et tu sais combien je trouvais absurde de cacher notre relation.Nous avions trente ans,nous n'étions plus des enfants.Je me rappelle de tes lunettes.Malgré toutes les tentatives,tu avais gardé ces grands verres.
Ce n'est qu'au bout du quatrième mois de notre relation que j'ai appris ton triste destin.Il fallait que tes yeux ne voient plus.Tu étais vouée à devenir aveugle.
J'ai voulu être là pour te soutenir.Je l'ai été.J'ai été là lors de ton opération pour tes yeux,lorsqu'il a fallu annoncer à ta famille que l'opération n'avait rien changé et que tu deviendrais tout de même aveugle,lors de l'enterrement de ton frère...J'ai été là à chaque épreuve,Si bien qu'à un moment j'ai cru que c'était moi qui attirait les malheurs.
Mais non,car la décision que je prend aujourd'hui le fera assumer et,je. l'espère,ne te portera pas malheureux.Si ce n'est déjà fait,assied toi et ne poursuit ta lecture après.Est-tu prête,bien,je me jette à l'eau.
Je veux t'épouser,Josephine,je veux que nous vivions notre amour au grand jour.
Je t'attendrais samedi à la terrasse du port pour parler de cela,
Avec toute mon affection,
Bastien
La lecture de la femme lui fit monter les larmes aux yeux.Elle se souvenait sans peine de ce rendez-vous.Bastien avait fait sa demande dans les règles en se mettant à genoux et lui passant un bague autour du doigt.C'était il y a vingt ans,l'année de leur trente ans.
Le mariage avait été superbe.Heureusement pour le couple,l'aveuglement de Joséphine ne s'était totalement fait qu'un an après leur mariage,leur laissant un peu de temps.
Quand Josephine fut aveugle,rien ne changea.Ni les rires,ni les boutades,ni leur amour.Ce fut le destin qui le brisa.Il voulu que Bastien tombe malade deux ans après leur mariage.Cela ne s'était fait qu'en quelques instants.Le temps qu'ils arrivent à l'hôpital,le coeur de l'homme avait cessé de battre.
Josephine avait été dévasté.Elle avait tout quitté."Même aveugle,avait-elle dit,rien ne m'empêchera de vivre!".Elle était partie loin,n'emportant avec elle que cette lettre.Elle avait été furieuse.Pourquoi le destin était-il si injuste?Elle n'en su rien,n'ayant plus que ses larmes pour pleurer.
Aujourd'hui,à cinquante ans,elle ne regrettait pas le moins du monde son mariage avec Bastien,réalisant qu'élément combien il est dur d'aimer un mort.
Bạn đang đọc truyện trên: AzTruyen.Top