« Nightmare,
Cet adieu est celui que je n'ai pas la force de te faire. Je t'aime, je t'aime trop pour te dire au revoir.

Je ne pourrais jamais, ô grand jamais te regarder dans les orbites, ces orbites où j'ai tant aimé me perdre pendant les plus belles années de ma vie, pour te dire ces quelques mots qui seraient une insulte à nos années de vie commune.

Je t'aime, n'en doute jamais. Tu as été la lumière de ma vie, le phare qui m'a montré la voie pour renaître, moi qui n'était qu'un parmi les autres. Un imbécile, un érudit ? Non. Je n'étais qu'un rien, du néant. Ma vie n'a commencé qu'avec toi à mes côtés.

Un lamia de pharmacie, un bout de viande pour des scientifiques peu scrupuleux qui ne voyaient en moi qu'un médicament avec des crocs un peu trop longs par moment, hehe... Un bêta qui n'a jamais su rester à sa place, après tout ça ne s'est jamais vu, un bêta qui se bat contre plusieurs alphas dans le but de promouvoir le rang des omégas.

J'ai presque cru pouvoir faire changer les mentalités tu sais ? Ou au moins les faire évoluer, que plus aucun oméga ne soit considéré comme une poche d'œuf à remplir. Tu te souviens j'en suis sûr des débuts de Dust. Ses peurs, ses craintes, ses aprioris sur nous et ce refuge.

Les choses ont bien changé, oserais-je y croire ? Il n'y a qu'à voir la relation entre Dream et Cross. Un alpha qui a tenté de prendre Dust à Horror, un oméga et son mâle. Mais ce n'est pas encore le point à faire. Revenons-en au couple qui nous intéresse. Après il faut dire que Cross n'est pas le plus intelligent des soigneurs ; s'enfermer avec Dream jusqu'à que ce dernier ai passé ses chaleurs, non sur lui on remerciera la retenue de Dream, afin qu'il ne blesse et fécondé point notre oméga adoré.

Je devrais avoir du respect pour Cross, sa force de caractère, son courage. Mais je ne peux m'empêcher d'avoir trouvé cette solution positivement stupide et hautement risquée. Tu m'excuseras auprès de lui et des enfants qu'il a eu avec son compagnon.

Leur petite Lux va énormément me manquer, cette gamine est si mignonne.  Après Cross a eu un excellent mentor il faut dire. Geno. Un soigneur à qui le refuge doit tout, un gérant qui sût concilier les problèmes de tous pour que chacun coexiste avec l'autre, pour que deux espèces qui se haïssaient à cause des divers trafics, des rapts, braconnage, marchés noirs et autres encore que je ne connais et ne veux jamais connaître.  Lui qui s'est battu contre un monde encore nouveau, destiné aux affaires familiales malgré une santé plus que précaire, il a dû essuyer bien des échecs pour en arriver là où il est maintenant. Pourtant, de mon point de vue, sa relation avec Reaper n'en sera jamais une. 

Reaper est sa moitié d'âme, son tout. Ne l'en laisse jamais douter. Ils sont fait pour se retrouver même si l'alpha devait me retrouver dans son sommeil trop lourd.  Dis-lui.  Dis-lui que ce ne fut pas un échec. Reaper ne sera jamais un échec à sa cause, le lamia l'aime et je sais qu'il se bat chaque heure de chaque jour pour le revoir. Et quand Reaper se réveillera, pourras-tu lui dire que je lui pardonne ? J'aurai dû lui dire il y a tant d'années mais la fierté et l'orgueil m'ont poussé à me taire. Je ne lui en veux pas ou peut-être devrais-tu lui présenter mes excuses ?

Comme tu dois le savoir, je me suis servi de lui. J'ai honte en le couchant sur le papier, je regrette beaucoup. Je me suis servi de lui, moi qui ne voulais déjà plus vivre malgré toute l'entraide que vous m'apportiez. C'est honteux je le sais, c'est sale, dégoûtant mais déjà ce jour-là je ne voulais que Reaper m'injecte son venin pour trépasser, que de sa morsure je succombe pour ne plus être un poids.  Ô je sais ce que tu penseras en lisant cela, et ce que tu dis même en ce moment précis. 

« Mais Killer tu n'as jamais été un poids ! Je t'aime. »

De ton amour, je n'ai jamais douté au même titre que tu ne devras jamais douté de celui que j'emporte à ton égard dans ma mort. Tu es la personne que j'aime le plus au monde, au-delà de ma propre personne tu t'en doutes très certainement au sol poussiéreux que tu foules, ma lettre en main.  Je t'aime. Je t'aime. Je t'aime.  Mais je sais tout aussi bien que je te tue à feu lent et je t'aime trop pour t'entraîner à ma suite. Dans ma déchéance tu ne dois me suivre.

Ce n'est guère ta faute mais j'ai fait une rechute. Tu avais mis tant d'années à me sortir de mon enfer personnel, tant d'années à me faire accepter pourtant si peu.  Et me revoilà contre ta volonté, la queue si décharnée que les écailles qu'elle sème chaque jour pourraient former un doux tapis, mes os sont creusés par la faim. Mais c'est une famine que je m'applique de ma seule volonté. Je suis tellement désolé Nightmare. Mais j'ai perdu l'appétit ou alors ne l'aurai-je jamais vraiment eu ?

A l'identique que lorsque tu m'as sauvé de ce fétide laboratoire, je n'arrive plus à manger.  La simple vue de la nourriture me dégoûte, me provoquant une nausée qui me fait rendre ce que je n'ai point manger. Boire m'est redevenu étranger, mâcher, déglutir, avaler, tous ces verbes si familiers qu'on n'y fait plus attention en les exécutant. Pourtant chacun me coûtent, chaque action que je fais en ce sens me révulse. Il est revenu le temps des intra osseuses malheureusement, ce temps que nous pensions révolu mon amour.

Je sais, j'en suis conscient, c'est injuste. Je suis injuste. Je te reprends tout. Notre bonheur enfin établi, nos querelles au petit matin, nos œufs que j'ai porté et chéri chaque jour de ma rémission. Nos enfants que j'aime tant.  Parle-leur.  Puisqu'il faut que je vous quitte, que seule la nuit m'attend, puisque je m'en vais trop vite, trop longtemps. Dis-leur avec ces mots d'enfant, mens-leur tendrement. Parle-leur de ce voyage, de ce monde après les nuages, de ce jardin en couleurs.

Trouve les mots pour ne pas qu'ils pleurent ; parle-leur de cet ange qui m'a porté jusqu'aux étoiles, de ma maison dans le ciel.  Raconte-leur combien je les aime, combien je vous aime. Mon amour et nos promesses vous accompagne, dis leur que je suis près d'eux, que je suis dans le vent ; puisqu'il faudra qu'ils comprennent doucement. Quel que soit le temps que ça prendra, apprends leur que la vie est belle. 

Je vous aime, les enfants, toi, Nightmare. Je vous aime trop pour vous abîmer en restant à vos côtés. Loin je vais peut-être mais je resterai à jamais en vous. Je serais toujours en vos âmes. Sachez aussi que je n'ai pas eu mal. Je suis mort sans douleur, je n'ai pas eu le temps de sentir la douce étreinte de la mort que je m'étais déjà endormi.  Je suis parti avec le sourire aux dents, sans regret aucun.

Tu m'as apporté l'amour Nightmare, ne le regrette jamais. Tu as été bien plus qu'un soigneur, tu es mon âme sœur Nightmare. Je t'aime et t'aimerais toujours.  Après tout, peut-être n'est-ce pas un adieu mais un simple au revoir ? 

Killer. » 

Quatre années avaient passés depuis la mort de Killer, ce stupide lamia bêta qui avait jugé que sa mort empêcherait Nightmare de sombrer dans une lente descente aux enfers. Avait-il pensé que perdre son âme sœur allait soigner son soigneur ? Imbécile idée qui, pourtant, n'empêcha pas ce jour sinistre Nightmare de prendre dans ses bras les jumeaux aux écailles disparates pour les bercer tendrement, ces mêmes petits monstres qui réclamaient leur deuxième papa toute la nuit durant, puis le lendemain, le surlendemain et ainsi de suite.

Le père ne put qu'essuyer à nouveau ses larmes, lettre en main, cette main portant l'anneau qu'il n'avait jamais osé proposé au défunt qui avait pris son âme en otage. Le soigneur réajusta ses rondes lunettes sur son nez inexistant pour regarder jouer les deux lamias jumeaux qui avaient bien grandis. Qui auraient pu soupçonner un lien d'âme sœur entre les deux ? Pourtant, ce fils rouge était bien présent, solide comme jamais alors que les deux garnements jouaient à même l'herbe humide de la rosée, s'enroulant pour être toujours plus enlacés.

De vrais miroirs.

L'un avait des écailles d'un rose tendre, dont la comparaison s'amusait à être sucrée, des os tout aussi nacrés que la plus belle des perles, une unique pupille du même bleu azur que celui de Nightmare alors que la seconde était recouverte d'une fine couche de corruption, rendant le petit à moitié aveugle. Il était aussi pourvu de six petites excroissances dans le dos, reliquats de ses tentacules devenues poussières après s'être enterré dans le sable trop longtemps.

Le second avait les écailles d'un splendide dégradé turquoise, légèrement plus foncées à l'extrémité de la queue ainsi qu'à l'ouverture d'où sortait ses appendices génitaux. Si les os de son frère et compagnon étaient blancs, les siens étaient aussi noirs que le charbon avec de petites marques linéaires sous ses pupilles aveugles de leur rose pupille. Contrairement à son jumeau adoré, il ne comporté que la moitié de ses excroissances, c'est à dire trois pour exactitude.

Deux petits alphas aux noms respectifs de Natch pour ceux aux écailles roses et Usiko pour ceux aux reflets bleu. Deux prénoms à la même signification. La nuit, celle même amour où reposait le bêta qui veillait sur eux depuis l'au-delà.

Nightmare soupira une nouvelle fois avant de sursauter, faisant un bond dans son siège quand son lamia le mordit pour le ramener à la réalité. Dieu que le soigneur détestait cette mauvaise habitude de son nouveau protégé.

Nightmare : Ink, pour la millième fois de la journée, je t'ai déjà dit de ne pas me mordre pour communiquer, soupira-t-il en massant la nouvelle marque qui, comme les précédentes, mettrait des jours à partir. Tu as faim ? Soif ? Besoin que je te borde ? grogna-t-il de mauvaise humeur avant de voir les larmes naissantes aux orbites de l'oméga muet de naissance. Excuse-moi Inky, je ne voulais pas être méchant. J'étais perdu dans mes pensées, je suis trop nostalgique je pense... Tu voulais quelque chose en particulier ?

Le petit oméga aux écailles multicolores lui tendit une petite boîte pour toute réponse. Un petit coffret renfermant un unique présent qui pourtant va bouleverser la vie du frêle jeune couple. Car à l'intérieur du cadeau se trouvait un petit test de grossesse.

Un test positif.