•8•
Draco était allongé sur son lit, regardant fixement le plafond blanc immaculé. Ça lui arrivait souvent, mais depuis le début de toute cette histoire, c'était devenu journalier. Il restait comme ça, étendu et pensif, parfois pendant des heures.
Il y avait trois semaines, des bruits contre la fenêtre s'étaient fait entendre, et il s'était ridiculement précipité pour l'ouvrir. La chouette blanche de son mystérieux correspondant était alors venue se poser doucement sur son bras, frottant sa tête contre sa joue quand il l'avait approché de lui.
Depuis l'arrivée de potter et de son animal à plumes, tout le monde s'était brusquement prit d'affection pour les harfang des neiges.. Il y en avait plein, à présent.
Il avait décroché délicatement le parchemin des pattes de l'animal, qui s'était magiquement agrandi quand il l'avait déroulé.
Il n'y avait répondu qu'après plusieurs jours, furieux. Et depuis, rien. Juste un petit mot avec écrit
"Je comprends. Excuse moi pour cette erreur. Oublions ça, d'accord? Je suis vraiment désolé."
Sauf qu'oublier, c'était facile à dire...
Draco s'assit en tailleurs sur son lit, hésitant, les yeux fixés sur son bureau.
Je me fais du mal, ça sert à rien. Ça ne marchera pas.
Il finit par céder, etse leva pour ouvrir un tiroir et y prendre son journal. Il y récupéra la longue, longue lettre en soupirant et alla s'affaler sur son lit pour commencer à lire. Encore une fois.
Son regard glissa aussitôt sur le papier, retraçant avidement les courbes des longues lettres d'encre bleue.
Ce que tu dis sur la solitude, par contre, je m'en suis rendu compte moi aussi. Je n'ai jamais vraiment eu l'impression que ses amis étaient proches de lui.
Malfoy grimaça.
En effet, pas vraiment, non...
Il ferait cette fameuse tête, avec son sourcil relevé, d'un air de dire « Qu'est-ce donc que cette chiure de moustique qui s'est crue permise de m'adresser la parole ? »
À cet instant, il ne put s'empêcher de regarder brièvement dans le miroir sur la porte de son armoire, comme les fois précédentes. Il faisait une tête de ce genre quand on lui parlait? Il haussa un sourcil et prit l'air ennuyé.
Mh. Tout compte fait, ce n'est pas totalement impossible.
Tu sais, pour ce qui est de Harry, je ne pense pas qu'il déteste Malefoy à ce point. Plus maintenant.
Draco poursuivit sa lecture, tendu. Il avait beau avoir lu ces mots à plusieurs reprises, son cœur ratait un battement de surprise à chaque fois. Il n'arrivait pas à croire ça. Il avait tout fait pour qu'il le haïsse, en parfait emmerdeur... Les mots défilèrent devant ses yeux et il devint fébrile.
Ça pourrait même faire remonter ce qu'il a oublié.
Le blond se mordit le joue.
Oh, oui, mon cher. C'est exactement ce que je veux...
Mais tu n'est surement pas Malfoy, alors bon.
Il eut un petit rire cynique. Le karma était sadique.
Et voilà, il arrivait au moment de la lettre qu'il n'arrivait toujours pas à avaler.
Il...pleurait. Il pleurait vraiment, de vraies larmes, sincères. Elles roulaient et dessinaient comme plein de ruisseaux de tristesse sur sa peau pâle. Il ne portait pas son masque.
Draco ferma les yeux, essayant désespérément de se souvenir, de faire éclaircir ce bout de brouillard dans le coin de sa tête. Si seulement, si seulement il pouvait se souvenir...
Il avait essayé d'effacer la marque des ténèbres sur son bras, qui était couvert de sang.
Draco ne bougeait pas d'un cil, tentant de se concentrer. Il mordit son poing de frustration. Il ne se rappelait de rien ! Il n'y arrivait pas! Il se souvenait de ce moment, mais seul.....Personne ne l'avait jamais surpris, il en avait été si certain jusqu'à cette lettre.
Je ne crois que ce que je vois. Je ne crois que ce que je vois. Je ne crois que ce que je vois....
Et la rage que j'ai vu dans ces yeux... Ce n'était pas la rage habituelle qu'Harry pouvait y voir quand il l'énervait.
C'était une rage contre lui même, et.....un profond désespoir.
C'est ça. Du désespoir.
Draco avait l'air complètement perdu, impuissant. Abandonné et seul au monde, écrasé par un poids invisible.
Une larme tomba sur la joue pâle de Draco, à l'instant où le premier souvenir explosa dans son crâne, lui coupant le souffle et le laissant les yeux grands ouverts.
Puis une deuxième tomba. Et une troisième. Le papier se tâcha de goutes salées, faisant baver l'encre séchée.
Il pleurait, pour la troisième fois de sa vie. La première fois, son père l'avait giflé pour la première fois. Il avait quatres ans... Les souvenirs affluaient dans sa tête, sans qu'il n'ait la force de les repousser dans leurs boîtes, la scène face à potter s'entremêlant à des vestiges de son enfance.
Comment un regard si....Malfolien pouvait exister sur ce visage sillonné de larmes? Le pire c'est que même comme ça il restait parfait.
Un rire émergea des sanglots. Il passait son temps à soigner son apparence, il en était parfaitement conscient, et le seul moment où il n'en avait rien eu à battre, pendant le seul moment, les seules minutes de sa vie où il se fichait de paraître parfait, un Gryffondor le pensait. Quelle ironie….
D'autant plus parfait que ça le rendait étrangement....humain. Il n'était plus seulement l'héritier Malfoy. Malgré le masque.
Le blond se recroquevilla sur le lit, le drap entremêlé avec ses jambes. Les larmes passaient encore et encore sur le chemin des précédentes. Ça n'était ni de la joie, ni de la tristesse....Peut être de tout. Il se vidait, ne sachant comment gérer le tsunami dans sa tête après tant de temps à dresser des cloisons et des barrages pour contenir, ne rien montrer.
Il avait levé sa baguette pour se défendre, mais Harry avait été plus rapide et avait eu le temps de lancer un sort d'Oubliette sans que que Draco ne puisse le contrer, tant il était affaibli. Il s'était évanoui, et Harry l'avait soigné, avant de l'emmener à l'infirmerie sous sa cape d'invisibilité.
Harry Potter. Sauveur du monde sorcier. Encore une fois.
Tu n'a pas pu t'en empêcher. Un sort interdit, dans les couloirs de l'école, braver les règles, encore.
En sauver encore un. Encore une vie à tes pieds de héros.
Je crois qu'il a comme de la compassion et de l'empathie pour lui. Il sait bien qu'il n'est pas comme Lucius.
Il ne peut pas s'empêcher de se mettre à sa place. Draco se foutrait de sa gueule si il apprenait ça, et il lui reprocherait de vouloir encore jouer le rôle du héros de service pour être encore plus populaire. Mais bon, il sait de toute façon que c'est faux.
Oh, pour être populaire, non...c'était juste sa foutue nature.
Petit con valeureux.
Mais c'est ce qu'il aurait dit. Avait-il toujours été si prévisible?
Je me demande souvent ce qu'il se serait passé si Harry avait serré la main de Malefoy, à la rentrée de première année. Pas toi ? Est-ce que la vie entre nos maisons serait différente, tu penses ?
Draco serra son coussin dans ses bras, les yeux rouges, et posa son menton dessus.
C'est vrai, Draco se demandait souvent ce qui se serait passé. Ça aurait été tellement..... Différent. Depuis sa première année cette question le narguait, dans un coin de sa tête. Tout le temps. Ça aurait pu être pris pour de l'obsession.
Il n'avait pas compris, à l'époque, comment on avait pu refuser l'amitié d'un Malfoy. Pourquoi on pouvait préférer ce rouquin de Weasmoche.
Mais maintenant, ah, maintenant ! Je comprends.
Il a peur de s'attacher encore à des gens pour les voir mourir. C'est l'Après Guerre. Tout le monde garde des séquelles. Mais lui plus encore, parce qu'il se sent responsable. De la mort de ses proches, de celle de ceux qui se sont battus pour sa cause, de ceux qui se sont sacrifiés pour lui permettre de réussir. Ou de ceux qu'il n'a pas pu sauver, qui n'avaient rien demandé et qui on été des "dégâts collatéraux" de la part de Voldemort pour le retrouver, lui, le fameux "survivant".
Draco essuya son nez sur sa manche. Il s'était toujours douté que Potter était affecté par toute ces morts, comment ne pas l'être. Mais jamais à ce point, jamais à cette ampleur.
Il a vu son premier amour mourir pendant la coupe de feu.
Draco eut un faible rictus. Ils n'étaient décidément pas si différents que ça. Si il avait su...
Oh, si j'avais avait su, quoi? Je n'aurais rien fait du tout, je le sais très bien.
Toute sa vie était basée sur ce but ultime. Tuer Voldemort.
Je crois que le pire, avec cette dernière action, c'est qu'il n'en a tiré aucune joie. Il a juste éprouvé un énorme vide. Toute sa vie, tout devait se finir par ça. Et là, ça y est, tout se termine, en une fraction de seconde. Et après ? Et maintenant, on fait quoi ?
Draco ferma les yeux brièvement, une moue de dégoût résigné à ses lèvres.
C'est ça. Toute leur vie tournait autour de quelque chose qui les dépasse, pour lequel on ne leur laisse même pas le temps de réfléchir à quel choix eux auraient fait si ils en avaient eu la possibilité. Et après, on les lâchait dans la vie sans filet, avec juste un "oh bah coup de bol, t'es pas mort ! Maintenant démerde toi." pour tout support.
Tu sais, je ne t'ai jamais vu à poudlard, et pourtant j'ai l'impression de te connaître... Enfin surement que je t'ai déjà vu, surtout si tu es si proche de Draco, mais..... Laisse tomber, on s'en fout.
Lui aussi avait cette impression. Étrange, il ne faisait pas vraiment attention aux autres élèves, à l'école...mais quelqu'un de si proche de potter était difficilement ratable, pas vrai ? Un visage s'imposa à son esprit.
Non, évidemment que non. Sûrement Pas. Pas question.
Dans tout les cas ce n'était pas Weasmoche, ni hermionne, il les aurait reconnu dès leurs premiers mots sur le papier. Trop transparents. Quelqu'un proche de Harry....
Stop.
Draco s'empêcha de penser à ça pour la énième fois.
Il ne voulait pas savoir, ça briserait le charme. Et son ami anonyme ne devait pas savoir qui il était non plus. Il le connaissait si bien, tout à la fois sans le connaître...
Si ils venaient à apprendre qui est l'autre , ça gâcherait tout. Et Draco ne voulait pas encore tout gâcher.
Jamais il n'avait été capable de révéler ne serai-ce que le dixième de ce qu'il avait échangé dans ces lettres. Si un jour quelqu'un lui avait dit qu'il reviendrait presque accro à une correspondance par lettres anonymes, il lui aurait envoyé un stupefix avant de le parquer à St mangouste, section psychiatrie.
Et pourtant...
Il replia soigneusement la lettre et quitta son lit pour aller s'assoir à son bureau. Il n'arriverait pas à dormir. Pas tant que ses doigts le brûlaient comme ça.
Quand il referma enfin son pot d'encre, quelques brouillons raturés autour de lui, il ferma les yeux et soupira. Ses joues étaient à nouveau humide, mais lui était plus calme.
Il n'avait pas la foi de se relire, et il savait qu'il n'aurait pas le courage de l'envoyer si il le faisait.
Alors Draco enchanta son parchemin, pour qu'il parte se fondre loin dans la nuit, ses rimes et son insomnie avec lui.
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Coucou ! Pour les anciens, ça doit accumuler les différences avec la première version, pas vrai ? Encore un grand, grand merci à TaeryRaven pour son aide précieuse 💙💙
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