Nager, Nager, Nager.
Une troupe d'une dizaine de poissons soldat inquiet et épuisé.

Quelques-uns disparaissaient je ne sais où. Je voyais leurs cadavres fantôme englouti sous les abîmes verdâtres des courants torrentiels.

Peu à peu, je parvenais à distinguer le passage d'un flot à un autre, car cette fois-ci la couleur de l'eau prenait une apparence rosée, couleur corail.

Subsisté dans mon esprit rêveur de nombreuses interrogations :

- Demoiselle, où allons-nous précisément ?

- Trêve de bavardages, vous n'avez qu'à me suivre, vous avez confiance ?

- Oui mais comment pouvez-vous...

C'est là que le rêve prenait tout son sens, dès que le réveil impose la réflexion que le poisson ne pouvait pas avoir.

Ma logique d'humain éveillé me permet aujourd'hui de vous dire : elle avait toute sa mémoire intacte.

Je dois ne pas omettre de vous parler de ma santé à ce moment-là, j'ai la certitude que l'effondrement mental de tous mes repères extérieurs et d'une partie de ma mémoire lors de la noyade à permis à mon être de guérir.

À mon réveil, j'avais perdu mon identité, l'unique chose qui demeurait tangible pour moi, même si c'est dérisoire, ce fut ce rêve qui me raccrochait à mon enfance.

Il m'a donné envie de me connaitre réellement.

- Alors vous aviez oublié jusqu'à votre prénom ?

- Oui, c'est curieux le cerveau humain. Aujourd'hui je sais comme vous que ma mémoire reste défectueuse par cet accident. Irréversible.

- Stanislas, c'est un joli prénom.

- Margareth le trouvait joli aussi.

Elle était belle comme une révolte, elle portait sur le visage une douceur maternelle qui me faisait sourire sans cesse.

C'est déconcertant, elle et vous, avez le même prénom. Elle et vous, avez le même métier.

- Vous voulez dire qu'elle était aide-soignante !

- Non, elle était infirmière. Tout juste âgé de seize ans. Margareth a pris soin de moi pendant la guerre.

- Vous l'aimiez ?

- Je l'aimerais toujours. Comme vous me faites penser à elle !

- Racontez-moi. Je veux tous savoir.