La journée est enfin finie. En tout cas pour lui. Dans son costume rouge et blanc, son énorme barbe fausse ainsi qu'un coussin remplissant sa bedaine, il en peut plus de ce boulot. Il n'a qu'une seule envie : rentrer et se doucher. Il entre dans sa cabine, celle du « Père-Noël », afin de se changer et de mettre ses habits de tous les jours. Adieu foutu costume, bonjour le jean délavé et son pull gris. Bien que basique, il préfère ça plutôt que l'extravagante tenue de travail qu'on lui avait imposé. Bon en même temps, il s'était attendu à ça. Mais pas à devoir subir autant d'enfants leur racontant à quel point ils avaient été sages ni d'écouter la longue liste de cadeaux qu'ils souhaitaient. Lui qui pensait que l'esprit de Noël avait disparu, maintenant il peut dire haut et fort que c'est faux.

Les pauvres parents... Ça va devoir leur coûter une blinde d'acheter tout ça ! Je suis bien content de ne pas en avoir.

Il regarde ses collègues de travail arriver et déverser sur la table des dizaines de lettres. C'était comme ça tous les jours. Au cas où le Père-Noël aurait oublié leurs nombreuses demandes, les enfants lui écrivaient pour dire la même chose. Toutes avaient une écriture enfantine. Toutes, sauf une.

Deux possibilités s'offrent à lui. Un parent qui a préféré d'écrire à la place de leurs enfants sur l'enveloppe, ou bien l'enfant sait très bien imiter l'écriture des grands. Pour en avoir le cœur net, il attrape la lettre et l'ouvre une fois tout le monde sorti. Il ne veut pas le faire devant les autres, car ça allait sembler suspect vu que normalement il ne faisait pas attention à ce genre de détail.

Il s'installe sur le fauteuil qui lui est destiné quand il est déguisé et déplie le papier. Il commence alors à lire.

« Cher Père-Noël,

Je ne suis pas là pour te demander des cadeaux et des jouets en tout genre. Je n'ai plus vraiment l'âge à ça, j'ai quand même quatorze ans, et le cœur n'y est pas non plus.

A vrai dire je ne sais même pas pourquoi je fais ça. Sûrement pour vider mes pensées sur un bout de papier. Mais à qui dois-je m'adresser ? Père-Noël ? Dieu ? Une quelconque entité supérieure ? Je n'en sais rien. Je ne crois plus en grand-chose de toute façon... Et puis, je sais très bien que personne ne me répondra à cette lettre. D'autant plus que je n'ai pas mis mon adresse pour un retour hasardeux me disant que le Père-Noël me donnera ce que je veux pour les fêtes avec un ridicule puzzle en papier à reproduire. Car il n'a pas ce que je veux.

Ce que je veux ? C'est que mon grand-père revienne. Il est mort au moins d'Avril, un jour avant mon anniversaire. Et cette année ce sera le premier Noël sans lui... Je n'ai pas envie de faire cette fête. Comme je peux être joyeuse avec cette absence qui nous pèse et nous pèsera pour toujours ?

J'ai écrit cette lettre, mais j'espère sincèrement que personne ne la lira. Car elle me rira sûrement au nez ou n'aura rien à faire du malheur qui m'accable.

Enfin bref...

Qui que tu sois, jette ma lettre et oublie-moi.
Cordialement,

Anaïs »

Il ne sait pas trop quoi en penser de cette lecture. Mais ce qu'il en ressent, c'est quelque chose d'assez fort. De la compassion ? Est-il ému ? Ou bien est-ce de la pitié ? Il n'en sait trop rien et ça l'agace. Mais dans un autre sens, ça le tourmente.

Il passe sa main sur son visage jusqu'à ses cheveux qu'il ramène en arrière. Quoi qu'il en soit, il ne peut rien y faire, comme l'a écrit cette fille. C'est sûrement ça qu'il l'énerve le plus. A quoi ça lui avait servi d'écrire cette lettre si elle ne veut pas d'aide venant des autres ? Foutue gamine !

Il sort rapidement du cabanon et se dirige vers la sortie du centre commercial. Le vent glacial lui fouette le visage, et il regrette de ne pas avoir pris d'écharpe. Il soupire, et lève son regard vers le ciel. Même s'il ne peut rien y faire, ses pensées vont vers elle. Que va devenir cette gamine, en fin de compte ? C'est dur de se dire qu'elle vivra un Noël dans le deuil.

Une étoile filante passe rapidement sous ses yeux, et un sourire apparaît sur son visage. Comme si ça répond à sa question. Cette brève luminosité lui a redonné le sourire, elle redonnera sûrement l'espoir à cette petite.

L'esprit plus tranquille, il ignore le froid et rentre enfin chez lui, toujours avec un petite sourire.

Ecrit par CookieEcrivaine