Chapitre 8

« Don't you realize you shot this family a world of pain ? »

***

Je me réveillai en sursaut, juste après que Nathanael m'ait enflammé, dans mes rêves. Je transpirais comme victime d'une forte fièvre et je ne savais pas réellement si c'était dû à la chaleur ou à la frayeur, celle que je venais de m'infliger à moi-même inconsciemment. 

Je sortis du lit géant, positionné au milieu de la chambre, et pris le chemin de la salle de bain, après m'être emparée de mon portable. Le couloir était envahi d'une odeur alléchante. Moi qui avait perdu l'appétit depuis des années, j'étais prête à avaler tout ce que l'on me donnait à cet instant - mis à part la viande évidemment. J'entendis une voix féminine au loin et les rires d'un enfant... Tout en m'aspergeant d'eau, j'essayai de savoir si je devais les rejoindre ou si je devais plutôt me faire petite pour le moment. Je croisai rapidement mon reflet et restai à me contempler avec horreur. J'étais encore plus laide que d'habitude et j'avais presque honte de devoir me présenter à la femme de mon père ainsi. Alors je tentai en quelques minutes de me rendre un petit peu plus présentable, du moins un peu plus réveillée. 

Je me dirigeai finalement vers le salon mais arrivée à la fin du couloir, je constatai que la femme de mon père, dans une longue robe typique du pays, s'affairait dans la cuisine, pendant que Jery, assis au comptoir, était concentré à décortiquer des légumes. Aucune trace de mon père... La femme brune, à la peau foncé, posa ses yeux sombres, en amande, sur moi. Et comme pour contredire ou effacer les mots de mon père - "elle n'est pas dans ses meilleurs jours", elle m'adressa un grand sourire, identique à celui de son dernier fils. J'étais aussi forte pour faire semblant alors je lui souris en retour. Elle s'essuya promptement les mains et vint me faire une accolade, me laissant interdite. 

- Comment tu vas ? Me demanda-t-elle, l'air intéressée. 

- Je vais bien et toi ?

- Et bien, je suis contente de t'avoir parmi nous !

- Moi aussi. Dis-je honnêtement. Merci de me recevoir. 

- Me remercies pas, c'est tout à fait normal. 

Quand je regardai cette femme brune, à la peau foncée, et aux formes rondes, et que je la comparai à ma mère, je n'y voyais aucune ressemblance. Et heureusement d'ailleurs, car ça aurait été étrange qu'il prenne une copie de ma mère... Mais je n'arrivais pas bien à comprendre pourquoi c'était elle qu'il avait choisis, il l'aimait je ne disais pas le contraire mais comment l'avait-il rencontré ? Et lui qui aimait les femmes travailleuses que faisait-il avec une femme qui n'avait que pour seule occupation ses enfants et son potager ? En clair, Soa était tout le contraire que ce que mon père semblait aimer.

- Kenneth m'a dit que tu étais végétarienne, alors j'ai tout prévu ! M'annonça-t-elle presque avec fierté.

- Il ne fallait pas, c'est gentil. Tu as besoin d'aide ? 

- Non, non pas ce soir ! Repose-toi... Ton père et Judd sont dans le jardin, si tu veux. 

Je n'étais pas d'humeur à insister, et encore moins d'humeur à discuter avec ma belle-mère donc je passai par le salon, la baie-vitrée et tombai sur la terrasse, qui faisait face à une vaste pelouse. Sur la gauche, une piscine enterrée,  reflétait les lumières de la terrasse et sur la droite, je trouvai en effet mon père et Judd, autour d'une table en bois. 

- Joyce, papa m'apprend des gros mots en anglais, tu veux bien m'en dire ? M'appela-t-il.

Je levai les yeux au ciel, face au sourire gamin des deux. Je les rejoignis et pris place aux côtés de mon père. 

- J'aimerais bien voir la tête de Soa si elle savait ça ! Soulevai-je.

- Tu diras rien hein ? Me supplia Judd. 

- Rien à condition que tu les emploies pas devant moi. 

- Juré !

Mon portable se mit à sonner et je m'empressai de le sortir, me demandant quel fou pouvait m'appeler alors que la communication coûtait très cher. J'eus ma réponse et n'en fût pas étonnée lorsque je vis le nom de mon frère sur mon écran. Si je ne lui répondais pas, j'étais fichue et si je lui répondais je l'étais quand même. Je m'éloignai de la table et décrochai, remarquant en même temps qu'il était bientôt 20h. J'avais dormis plus de 7h et ça c'était un exploit. 

« Nathan ? » Débutai-je. 

« Joyce, je viens de me réveiller et j'ai pensé à toi. » 

« Ah oui, il n'est que 11h là bas... » Marmonnai-je.

« Tu vas bien ? » Me demanda-t-il avec un ton normal.

Il plaisantait ? A peine m'étais-je posé la question que je connaissais la réponse. Il ne plaisantait pas et il était bien là le problème. J'avais l'honneur de parler au frère aimable. Et ma rancune allait très vite retomber... 

« Ça peut aller. Toi ça va ? »

« Non, tu me manques. Et ça m'énerve que tu sois partis. » Se râcla-t-il la gorge. « Reviens s'il te plaît. »

« Je vais seulement rester deux semaines, Nate. Et puis tu ne m'as plus dans tes pieds ainsi... »

« Ouais mais tu ne comprends pas... » Souffla-t-il. 

« Je comprends pas quoi ? » Avançai-je d'une voix douce. 

Il me faisait de la peine parce qu'il semblait tout aussi perdu que moi dans cette affaire ; qu'il ne comprenait pas non plus son comportement et je voulais l'aider. Mes parents ne faisaient peut-être rien mais c'était mon frère, je lui devais bien cela. Mes motivations n'étaient pas que personnelles, il souffrait. Ça devait prendre fin !

« Tu ne peux pas être avec lui ! Tu pouvais pas partir aussi loin... Et... Et... » Il s'arrêta de parler et laissa échapper des gémissements de douleur.

« Nate ? » Réclamai-je inquiète. 

Aucune réponse. 

« Nate ? Qu'est-ce qu'il y a ? »

Un bruit sourd résonna et plus rien. Il avait raccroché et me laissait inquiète à des milliers de kilomètres. J'avais peur qu'il se fasse du mal car je savais qu'il en était capable... Lui aussi avait des cicatrices. J'essayai de le rappeler mais bien sûr il ne répondit pas. Je composai alors, sans réfléchir le téléphone de la maison et attendis, pendant que mon cœur battait au même rythme que les tonalités. Quand la voix pénible de la messagerie résonna, je raccrochai. Nathanael finirait par me joindre. Mais encore une fois la colère avait été de courte durée. Je me faisais du soucis pour lui bien qu'il fût l'être le plus méchant que je connaisse... 

Abandonnant, je retrouvai mon père et Judd, toujours dans la même discussion. Ils m'y firent participer, avide d'en apprendre plus et je participai avec un sourire trompeur, mais la tête pleine. En fait même à kilomètres, Nathanael arrivait à me déranger. Quelle que soit la manière, il y arrivait. La distance n'était pas un problème pour lui et le pouvoir qu'il avait sur moi. Et je redoutai un peu qu'il me fasse regretter chaque jour que j'allais passer à Madagascar, à l'instant même mais aussi à mon retour. Je n'échappais pas à ma vie après tout. 

Une bonne dizaine plus tard, Soa nous convia à table. Le semblant d'appétit n'était plus là, mon estomac était redevenu à son état normal : tordu de frustration. Mais je décidai tout de même, ou j'y étais presque obligée aussi, de me joindre au dîner familial. Jery, qui avait l'air d'être le petit garçon parfait au service de sa mère, avait dressé les couverts sur la table de dehors. Ma proposition d'aider avait encore été refusée par la femme de la maison, mais cette fois-ci avec autorité. Elle semblait prendre mal le fait que je veuille l'aider, je ne comprenais pas très bien étant donné que ma mère, elle, se plaignait au contraire que je ne l'aidais pas assez. 

- Joyce ! M'interpella mon père.

Je levai les yeux de mon assiette pour croiser ceux de toute la deuxième famille Lewis. Mon père me dévisageait, les sourcils fronçés, et Soa souriait, comme si elle faisait face à un enfant. Et je compris, je compris tout son comportement. Mon père avait sûrement dû lui dire ce que je traversais  et elle devait estimer que j'étais " fragile ", qu'il ne fallait pas trop m'en demander car j'étais fatiguée. Je ne voyais que cette explication pour justifier le comportement laxiste qu'elle avait à mon égard. Je me faisais peut-être des idées, peut-être que j'étais paranoïaque, mais j'avais appris que tant de gentillesse n'était jamais sans raisons cachées. Les gens ne vivaient qu'au rythme de leurs mensonges. 

- Excusez-moi, vous me parliez ? Balbutiai-je.

- Soa te demandait si ça se passait bien au lycée. M'expliqua mon père, tout en s'emparant de mon assiette sans me demander. 

Je répondis vaguement, assurant que ça se passait bien. Et elle enchaîna les questions, aborda le sujet des cours, de mon avenir, puis ensuite de mes amis - qu'elle pensait que j'avais, de Caleb sur qui je ne dis pas grand chose. Jery qui ne pouvait s'empêcher d'intervenir avait redoublé les questions de sa mère, auxquelles quelques rires et haussements d'épaules m'avaient permis d'échapper. Après une demie-heure, j'étais encore en train de répartir les aliments dans mon assiette pour faire croire que j'avais mangé, quand mon père accepta que je quitte la table pour aller dormir. Je débarassai plusieurs trucs sous l'oeil mauvais de Soamiary puis partis m'enfermer dans ma chambre. Je savais que je n'avais pas la meilleure attitude mais je n'étais pas encore habituée à tout ceci... A cette perfection, bien trop brillante. 

J'attrapai mon pc et me laissai tomber sur le lit. Je me connectai sur l'un des réseaux sociaux les plus fréquentés au monde et sourit bêtement en voyant que j'avais un message de Caleb et un de Preston. Le premier garçon me demandait de lui envoyer un message dès que je lisais ceci, le deuxième me souhaitait de bonnes vacances et un bon rétablissement. Les deux derniers mots m'interpellèrent. Nathanael avait dû raconter je-ne-sais quelle bêtise à mon propos, après que son meilleur ami m'ait vu inerte sur le sol. Je vivais au beau milieu de menteurs, et même mon père qui, m'avait semblé clair depuis le début, me cachait des choses. Je pouvais cautionner le fait qu'il ait des secrets avec ma mère mais je ne cautionnais pas le fait d'être la seule ignorante dans cette histoire et surtout le fait qu'ils continuent à garder des choses qui avaient l'air assez importantes. Si mon père voulait que je prenne le temps de réfléchir une fois qu'il m'aurait tout dit, alors ça voulait dire que ce n'était pas sans importance.

Après avoir répondu aux deux messages, je partis prendre une douche, soignai mes blessures comme me l'avait conseillé mon père et me dépêchai de me coucher, cette fois dans des habits courts car je crevais de chaud. Peut-être que pour une fois ma nuit ne serait pas faite de cauchemars mais de rêves... 

***

Une légère voix planait dans la pièce et me tira avec douceur de mes songes. Elle chantait une mélodie agréable mais hésitante et étouffée. Et curieuse, j'ouvris les yeux pour découvrir quel était le propriétaire de cette voix et surtout qui était la personne qui venait de me réveiller, alors que je n'avais pas aussi bien dormis depuis longtemps. Je n'avais pas eu la chance de rêver, mais au moins aucun cauchemars n'étaient venus me réveiller en sursaut. 

Je me redressai et vis Judd, assis sur le tapis, à ma droite. Assis en tailleur, il était occupé avec une carte géographique et s'amusait à chantonner, tout en suivant des traits sur le papier avec son index. J'avais oublié comme les enfants pouvaient s'amuser avec un rien. Il s'arrêta quand il remarqua que j'étais réveillée, il se leva alors et plongea à mes côtés.  Il avait aujourd'hui attaché ses longs cheveux en un chignon et je le trouvais encore plus adorable ainsi. Il attrapa mon portable sur la table de chevet et me le donna, avec un sourire. J'en profitai pour regarder l'heure : 10:40.

- C'est ton amoureux ? Demanda Judd, en regardant mon fond d'écran. Il s'appelle comment ?

- Caleb ! 

- Il est gentil ? 

- Aussi gentil que toi. Souris-je.

- C'est pas génial alors ! Grimaça-t-il. Bon, papa m'a dit que je pouvais te faire visiter les alentours ce matin et je meurs d'ennui ici. Alors tu veux bien ?

Ses yeux s'agrandirent en même temps que son sourire et bien que j'hésitai pendant un moment, je finis par accepter. Après tout, je n'avais rien de mieux à faire maintenant que j'étais réveillée et sortir me ferait aussi le plus grand bien. Sans chercher à en savoir plus, il quitta ma chambre à toute vitesse. J'aurais aimé avoir une relation aussi simple avec Nathanael, mais non, il avait fallut que je tombe sur le grand frère le plus compliqué qui existe. Et le plus étrange c'était que même si j'en avais la possibilité, je ne le changerai pour rien au monde. J'avais appris à l'aimer ainsi.

Après mes piteuses réflexions je me décidai à me préparer, sans oublier d'arranger mes cheveux qui après tant d'heures de sommeil ne ressemblaient plus qu'à un tas emmelé. Je fis finalement vite et rejoignis Judd, accroupis dans le salon, près de la baie vitrée, en train de jouer avec un insecte. C'était marrant de constater que la télévision se trouvait à quelques mètres et qu'au lieu de se poser sans réflechir devant un dessin animé, il avait préferé rester dans ma chambre jusqu'à mon réveil et maintenant jouer avec la nature. C'était bête mais tout semblait différent dans ce pays, les habitants semblaient plus épanouis, plus conscients de ce qui les entouraient, et moins abrutis par la société.

Mon demi-frère m'empoigna et me guida vers la porte d'entrée, puis ensuite dehors, là où la chaleur était très dure à supporter. Nous remontâmes la pente pour arriver sur le chemin principal et il m'emmena sur la gauche, soit vers l'étendu d'eau dont le pays était entouré.

- Mais attends, où sont les autres ? Demandai-je en me rappelant n'avoir vu ni entendu personne dans la maison. 

- Ils sont partis chez le médecin tôt ce matin et aussi faire des courses. Me dit-il enfin.

- Et on laisse la maison ouverte comme ça ? Je veux dire, on peut pas partir comme ça, si ?

- Les ouvriers sont là ! S'exclama-t-il en pointant un doigt vers les serres.

Je tournai la tête vers l'endroit designé pour y voir un groupe de personnes qui faisaient des allers-retours, chacun occupés à des tâches différentes. Je ne les voyais pas précisément mais je pouvais dire qu'ils étaient une bonne dizaine. Mon père devait avoir énormément confiance en chacun d'entre eux pour leur laisser l'accès libre à la maison.

Judd se mit à courir devant moi, à chanter à tue-tête en français et à faire des petits pas de danse. Il était vêtu d'un débardeur blanc qui lui descendait jusqu'aux milieux de ses cuisses, sur son bermuda noir. Le tout ajouté à sa petite taille, c'était amusant à voir ! En étant juste lui-même, il arrivait à me rendre à l'aise, à me partager une part de sa jovialité, de son innocence. Premier réveil à Madagascar et je me sentais déjà bien.

***

Après m'avoir emmenée sur le bord du canal, Judd m'avait emmené vers le début de la ville qui se trouvait plus haut, encore plus loin que le mini-aéoroport où nous avions atterris hier. Il avait même pris le temps de m'expliquer certaines choses que mon père lui avait lui-même appris ou qu'il avait appris à l'école. Des choses comme le fait que les villes de Madagascar n'étaient pas très grandes et que donc, le reste du pays était composé de champs, de forêts, de terrains vagues, et surtout de bidons-villes. Il m'avait ensuite conseillé de ne jamais aller trop loin toute seule car les gens pauvres ne faisaient pas très confiance aux étrangers... Je ne savais pas si c'était dû à sa maladresse enfantine et sa naïveté mais la manière dont il avait dit ça m'avait quelque peu dérangé. Une fois dans une partie de la ville, il m'avait montré quelques lieux banales puis affaiblie par la chaleur, je l'avais supplié de rentrer.

Quand nous entrâmes dans la maison, nous fûmes accueillis par les rires de Jery qui provenaient du jardin mais mon père et Soa étaient absents. Et dans le salon, se trouvait une personne qui m'était totalement inconnu. Elle nous faisait dos et était accoudée au bar de la cuisine, occupée. C'était un homme qui devait être à peine plus grand que moi de taille ; il avait des cheveux sombres et bouclés qui formaient une touffe désordonnée au dessus de sa tête. 

Judd, qui se dirigeait vers la baie vitrée, se tourna vers lui et le salua dans leur langue. Puis il pointa vers moi et je le maudis un tout petit peu, moi qui préférait être vue par le moins de monde possible. L'inconnu se retourna alors, me regarda avec des grands yeux marrons et j'eus à peine le temps de voir son visage, qu'il me tourna le dos et s'en alla à toute vitesse. Je ne savais pas que j'étais aussi effrayante... Enfin il n'avait pas eu l'air d'avoir peur mais il me méprisait plutôt, considérant sans doute que je n'avais pas ma place ici.

Judd était déjà parti rejoindre son frère, alors j'étais là toute seule dans le salon à ne pas vraiment comprendre ce qu'il venait de se passer. Des voix élevées attirèrent mon attention au bout de quelques secondes, je décidai de les suivre. Je commençai à partir en direction du couloir sur la gauche. Je passai devant la chambre, en désordre, de Jery et continuai mon chemin jusqu'à ce que j'entende la voix de mon père résonner derrière une des nombreuses portes. Il avait l'air d'être en colère mais malheureusement, encore, il parlait français donc impossible pour moi de comprendre. 

Mon père sortit soudainement de la chambre, les traits tirés par la colère. Il détacha la montre de son poignet, comme si elle était devenue trop serrée tout à coup. Quand il leva les yeux sur moi, une lueur de panique traversa ses yeux. 

- Qu'est-ce qu'il y a ? Me quémanda-t-il avec dureté.

- Euh rien... Balbutiai-je. Je voulais seulement te voir.

- Bon, je vais aux serres moi...

Je me contentai d'acquiescer pendant qu'il passait à mes côtés. A cet instant, il me faisait peur et me rappelait vaguement le comportement de Nathanael. Et comme pour confirmer cette idée, il se retourna vers moi, le visage adouçi : 

- C'était bien avec Judd ? 

- Oui, on a fait le tour, c'était cool... 

- D'accord. Cet après-midi, j'ai du boulot en ville mais demain, on sort ok ? 

- Ça me va... 

Il me sourit mais d'un sourire singulier et s'en alla sans un mot de plus. Dans le calme apaisant de cet environnement désert, retentirent les pleurs de Soa, toujours restée dans la chambre. Je fis un pas vers la porte puis m'arrêtai, assaillie par des flash-backs violents. Nathanael qui, après m'avoir fait du mal, me laissait seule, en pleurs et affichait un joli masque de frère adorable devant les autres. Je me faisais peut-être des idées mais mon père semblait agir de la même manière. Je tournai la te^te vers le couloir, qu'il venait tout juste d'emprunter. Je n'avais rien à perdre alors je toquai à la porte et entrai immédiatement Soamiary était assie au bord du lit, habillée  d'une longue robe bleue et blanche. 

- Oh Joyce...

Elle se leva et essuya ses joues avec son index, le plus vite possible. 

- Excuse-moi... Souffla-t-elle, abandonnant finalement.

- Tu vas bien ? 

-Oui, j'ai... le moral un peu bas mais ça va ! Tu voulais quelque chose ? Ton père vient tout juste de partir.

- Je l'ai vu mais je voulais voir si tu allais bien, toi.

- Je vais bien ! Judd ne t'a pas trop embêté ce matin ? 

- Non, il est adorable. Souris-je. Vous étiez chez le médecin pour Jery ? 

Je me doutais que c'était pour elle mais c'était une manière d'introduire le sujet et de voir si elle allait me mentir. 

- C'était pour moi, j'ai quelques problèmes et puis ton père t'a récupéré ce qu'il faut pour ta main... 

- Ah ! Glissai-je en baissant la tête. De graves problèmes ? 

- Non, t'en fais pas. Ta main te fait toujours mal ? 

Je souris en constatant que nous essayons toutes les deux d'échapper au sujet qui nous concernait tout en tirant la conversation vers l'autre, pour en apprendre plus. Comme deux personnes qui avaient d'importants problèmes qui voulaient le cacher... par obligation, par honte, par déni. Si ses problèmes n'étaient pas grave elle me les aurait dit. Je jetai un regard désintéressé sur ma main bandée.

- C'est supportable.

Je m'attendais à ce qu'elle aborde le sujet de Nathanael pourtant elle se tût et opta plutôt pour un regard compatissant. Ensuite elle m'indiqua de sortir et nous partîmes toutes les deux dans le jardin. Ses larmes avaient disparu pour laisser revenir des yeux brillants de malice. Je vivais autour de gens qui jouaient parfaitement bien la comédie c'était impressionnant.

- Maman, tu viens te baigner ? L'appela Jery.

- Non, pas maintenant.

- Tu dis toujours ça ! Pleurnicha-t-il.

Mon portable se mit à sonner, plus loin. Je le cherchai du regard et me souvins que je l'avais laissé sur la table du salon. Je courus presque le chercher, à la fois envieuse de parler à Nathan et à Caleb. Et l'heureux élu fût mon frère. Je décrochai et me dirigeai vers "ma" chambre. Il était douze heures ici et donc trois heures du matin pour lui, il devait être aussi victime d’insomnie que moi.

« Hey Joy ! » Me salua-t-il apparemment de bonne humeur.

« Salut... Tu ne dors pas toi ? »

« Oh non, j'étais avec Preston et j'arrive pas à dormir. »

« Et donc tu m'appelles pour moins t'ennuyer ? »

« C'est un peu ça ouais... Je suis... Désolé pour hier, j'étais en colère. Je voulais pas me disputer avec toi... »

« On ne s'est pas disputé. » Relevai-je. « Je m'inquiétais juste pour toi. »

« Et moi pour toi. Comment ça se passe avec Kenneth ? »

« Ca va, tout se passe bien. »

« Promets moi de ne pas trop lui faire confiance. »

« Pourquoi ? »

Il souffla. « Joy, tu me promets ? »

« Pourquoi ? » Répétai-je têtue.

« Je voudrais pas que tu sois déçue, il n'est pas comme tu l'imagines. »

« C'est pas grave, je suis habituée. »

Un long silence s'en suivit. Je remarquai avec étonnement que mon coeur s'était mis à battre plus vite, cette peur m'habitait toujours au fond malgré les kilomètres. C'était ainsi il suffisait que j'entende sa voix, que je sente son odeur, que je le vois arriver pour que l'effroi s'empare de tout mon être. C'était tant puissant que c'en était incontrôlable, j'avais beau tout essayé de faire pour me calmer je n'y arrivais jamais. Car c'était comme ça, Nathan avait pris contrôle sur moi par la peur, digne d'un grand tyran allemand.

« Pourquoi tu n'as pas voulu que je vienne ? » Marmonna-t-il triste.

« Je voulais juste passer du temps avec papa. »

Ce n'était pas le moment d'être dure avec lui, car à cet instant je parlais au Nathanael "innocent", à la victime de son propre comportement. A celui qui était tout autant perdu que moi, dépassé par la situation. 

« Bon, vous avez fait quoi avec Preston ? »

« Il est parti prendre son rendez-vous pour un autre tatouage, en début de soirée, puis on était à une fête mais on a foutu le feu au jardin donc on s'est barré. »

Mon cœur se serra au timbre de sa voix, il était plus enjoué... Ça s'entendait qu'il parlait d'une chose qui le passionnait, mais le problème était que cette chose était bien trop dangereuse. On ne parlait pas ici d'addiction au sport, à la musique ou encore au sexe mais au feu. Quelque chose qui pouvait nous coûter notre vie à tous, la sienne comme celle des autres tout autour. J'aurais davantage préféré qu'il s'intéresse à la danse, qu'il passe plus de temps dans sa salle de danse qu'à brûler des objets ou me brûler moi.

« Et t'es pas fatigué après tout ça ? »

Il déclina.

« Maman va bien ? »

« Elle n'est pas souvent là, elle est avec son copain. » Rétorqua-t-il avec mépris.

« Son copain ? »

« Ouais c'est ce qu'elle m'a dit. »

Ou elle n'avait trouvé que cette excuse pour échapper à sa présence... Je me sentais un peu honteuse de l'avoir laissé à présent. Mais d'avoir laissé qui ? Nathanael ? Ou ma mère ? Je ne savais pas, mais j'avais l'impression que dans cette situation catastrophique j'étais leur pilier à tous deux. Ils semblaient s'accrocher à moi, tandis que moi j'aspirais à la vie de mon père. C'était horrible à voir ainsi mais c'était la vérité. Je ne voulais plus de la vie que l'on menait... 

« J'ai entendu dire que tu n'étais plus avec Caleb ?! » Reprit-il.

« Quoi ? Comment ? »

« Un ami était à sa fête la dernière fois, vous vous êtes disputé et t'es restée seule depuis au lycée... Alors ? »

« Alors je suis toujours avec lui, enfin pas vraiment. Mais on est pas séparés. »

« Si il te fait souffrir, n'hésites pas à le rejeter. »

Pourquoi cela ne marchait-il pas avec toi, cher frère ? Quand tu me faisais souffrir, j'avais beau te repousser mais tu ne voulais pas arrêter. 

« Oui, t'inquiètes. Mais pour le moment c'est bon, ça se passe. »

« Hey toi... » Salua-t-il quelqu'un, la voix camouflée.

J'entendis des bruits désagréables de baisers échangés et des gloussements. Finalement il ne s'ennuyait pas tant que ça, sans moi. J'imaginais la même fille que nous avions vu sur les photos avec mon père et ça me dégoûtait un peu plus encore.

« Bon, je vais devoir te laisser. »

« J'entends ça, passe une bonne nuit. » Lâchai-je avec sarcasme.

Ça m'agaçait un peu qu'il m'ait effectivement appelé parce qu'il s'ennuyait et une fois que sa pute arrivait, il raccrochait comme si je passais après elle. Ça m'agaçait car il avait fait l'effort de m’appeler et que j'aurais voulu parler un peu plus longtemps avec lui, profiter du gentil Nathanael qui s'était fait très absent depuis des semaines. 

« J'y compte bien. » Rigola-t-il.

Je croyais qu'il allait raccrocher mais il ajouta : 

« Et tu diras à ton tendre papa de ne plus mettre un seul pied dans ma chambre. » 

Bip, ligne coupée.

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Un chapitre encore plat, j'espère que vous m'excuserez une fois de plus. Mais je veux vraiment poser l'ambiance, prendre le temps de placer la situation etc... Puis je ne vois pas ce qui aurait pu se passer ça aurait fait trop précipité. Judd est assez présent et le sera tout au long, la relation entre Soa et le père est ambiguë, le personnage mystère a fait son apparition, Joyce manque à Nathanael ? Ou pure comédie pour qu'elle revienne ? Y'a pas d'actions, mais je pense que certaines informations pourront en faire avancer quelques uns sur les hypothèses qu'ils ont déjà ! Surtout qu'il y a des lecteurs qui se rapprochent de plus en plus de la vérité ahah. Je vous donne seulement le conseil de bien faire attention à ce que se disent Nat et Joy. :) J'espère que ça vous a plu, dites moi tout. Bye !

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